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17 novembre 2021

Sofiane

 Je me souviens de Sofiane et de sa console Nintendo Nes. Sofiane avait deux ans de moins que moi et m’imitait en tout. Il vivait dans l’immeuble voisin du notre. Il buvait du Cherry Coke parce que je buvais du Cherry Coke et ajoutait du ketchup à ses pâtes parce que j’ajoutais du ketchup à mes pâtes - des années plus tard, Louis, m’expliqua avec effroi combien ceci lui apparaît dégoûtant.

Avec Sofiane nous jouions chez lui à Mario Bros. Dans une pièce qui n’était pas sa chambre, au fond du couloir, à droite, sombre et tapissée. Après avoir vaincu le premier boss, un garçon-champignon nous gratifiait d’un thank you ! or, en ce temps, nous ne disposions pas du moindre rudiment d’anglais 

(en CM1 je lisais le petit Nicolas et ce mot, rudiment,
pour parler de l’anglais 
était associé au bon élève de la classe 
qui se prévalait, lui aussi, de rudiments 
et ceux-là valaient à peu près les miens
il parlait le rudiment
comme moi) 

        Moi, devant faire honneur autant à mon aînesse qu’à mon magistère, et qu’importe que le prix en fut la duperie, dît à Sofiane que nous allions obtenir, prochainement, comme récompense de nos habiletés, un tank - puisque c'était à la fois le mot le plus proche dans notre langue et l'objet le plus excitant dont nous pouvions rêver. Le père de Sofiane nous indiqua, un jour, gâchant le charme des mythes - les adultes s’obstinent par nature à gâcher la légende et ne lèguent de mondes que tristes, inhabitables et pollués de réalité - que ce petit bonhomme champignon nous remerciait en anglais ce qui, assurément, quoi que trouvant l’urbanité nécessaire à la vie collective, se trouve beaucoup moins utile qu’un tank. Surtout pour combattre Bowser, un dragon harceleur de princesse, et sa clique de plantes carnivores et de chaussons sur pattes aux sourcils froncés.

        Le père de Sofiane était tourneur-fraiseur et je ne comprenais pas bien ce que le mot fraiseur représentait. Il travaillait à l’usine et c’était dur ceci je l’avais compris, à cause de son air las lorsque lui-même en parlait. Tourneur-fraiseur et je ne pouvais m’empêcher d’imaginer, au milieu du bruit des machines, un coin de bois, de ronces où parmi les angles métalliques, poussaient je ne sais quels fruits doux, sucrés, tendres et juteux. Je voyais aussi, lorsqu’il entrait dans les détails plus techniques, parce que je l’interrogeais, les étincelles flamboyantes crachées par la vitesse contenue dans le mot-profession de tourneur. Enfant, ma curiosité, trait général des enfants je crois, se contenait mal, malgré la sévérité de ma mère et son envie, toujours, que nous paraissions bien, c’est-à-dire nous taisions, ne réclamant rien, disant toujours non. Je n’ai guère perdu, sincère curiosité, le goût des questions indiscrètes, prétend-on, profondes selon moi. 
        La patrie imaginaire me plaisait bien et la réalité m’indifférait beaucoup, je racontais à Sofiane que le monde intérieur, le mien, se trouvait être un pays véritable dans lequel d’autres moi que moi vivaient et qui n’étaient pas moi, ces autres moi, vraiment. Je pouvais moi me rendre dans moi et, pour donner le change au dehors, aux adultes, surtout eux redoutant par trop les disparitions d’enfant, me substituer un alter venu de mes confins intérieurs. Ces autres moi, de même apparence extérieure mais possédée d’une autre âme, tenaient en des fonctions assez basiques, SINGE, sorte de bouffon ne vivant que pour la farce et la gaudriole, NINJA, habité par la violence qui me permettait, de rosser qui me déplaisait et d’autres dont j’ai gardé souvenir moins marquant.
       
     Un jour, après une partie de billes disputée où nous ne savions trancher vraiment qui de Sofiane et moi fut le vainqueur, Sofiane joua de sa connaissance de mon secret et menaça de révéler ma terre d’exil à ses parents et aux miens ce que je le suppliai de ne pas faire. Trop paniqué je ne pensai pas à convoquer l’argument moral, m'indignant de sa félonie d'un je te faisais confiance cinglant, comment oses-tu. Je le suppliai donc non parce qu’ainsi, trahi, mes parents m’interdiraient l’accès à ce pays seul précieux mais parce que mes parents, trahissant la vérité - spécialité, nous l'avons déjà constaté, des adultes -  abolirait ce pays en lui et, par extension, pour moi. Eglise ne tenant que par et à sa foi. 

 

 

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7 avril 2020

Je me souviens - tentative d’épuisement d’un lieu synaptique.

je me souviens du cours d’EPS, en 4ème2. Le choix d’Alexis porté sur moi ; son équipe constituée de filles malhabiles - et ne se sentant guère légitimes pour choisir. Le prof, connu pour sa violence physique, l’air toujours sale comme si l’activité intense du sport avait laissé à son visage une couche indélébile de transpiration.


Le prof refuse mon intégration supposant, parce que j’étais petit et que je portais des lunettes, que j’affaiblirais encore plus cette équipe déjà nulle. Alexis qui dit « mais il est fort » très en vain. Il avait un nom arabe que j’oublie et une voix très grave et très lasse. Nous jouions sur le terrain de bitume de toutes les cours de récréation et ses cages de hand ball où personne n’a jamais joué au hand. A passy, le collège où je mutais après, nous avions aussi des terrains en herbe. De foot et de rugby. Comment les entretenaient-ils ?

Finalement l’équipe avec Grégory et Arnaud. Grégory, philippin par qui j’appris l’existence de ce pays. Il courrait d’une façon curieuse ou donnait cette impression à cause du mouvement désordonné de ses cheveux très lisses et fins comme souvent possèdent les asiatiques. L’évocation dans l’actualité des Philipines m’évoque toujours Gregory. Duarte ou Paquito toujours font signe vers lui.

Alexis était très beau ; sa beauté ne me parvenait que dérivée ; répercutée par le plaisir qu’avaient les filles à le regarder. Un jour, Gregory ou Clyde, je ne sais plus, s’étonnait du nombre de ses amours. Arnaud dit « because he has blue eyes ». Il a dit « blue eyes » pour le reste de la formule je ne suis pas sûr.
Les parties commencèrent ; j’ai marqué souvent. Cyril, nous regardait sur le côté son match fini et célébrait avec moi mes buts ; Cyril était super fort au foot ; rapide, technique, précis. Son impulsivité le menait régulièrement à des actes de violence. Julien M. en fit l’expérience malheureuse. Cyril était le plus petit de la classe et le plus frêle. De Julien, je ne me souviens que de peu ; il portait des lunettes et les oreilles très décollées ; tant que pour s’épargner à l’avenir et pour toute la vie les moqueries des cruautés d’enfant - et celles plus cruelles et muettes des adultes à venir - recourut à la chirurgie esthétique. Laissant apercevoir, entre l’oreille et le crâne une matière lisse et brillante comme du chewing-gum qui fut l’objet de moqueries. J’ignore le sort de Julien et de cette sorte de silicone. Faut-il renouveler l’opération à intervalles réguliers, la mixture s’use-elle et fait-elle reprendre, progressivement, son ampleur à la honte et à l’humiliation ? Je pense à mes dents, appareil d’orthodentie portée trois ans, avec douleur mensuelle à chaque serrement des bagues. Aujourd’hui mes dents se trouvent désordre, parfois on me dit, c’est charmant ; de ce c’est charmant qui s’oppose au beau. En serait une forme, non pas contrariée mais rivale et complexe. On ne souhaite pas toujours dénouer l’écheveau ; à raison.


Passements de jambe, puis grand pont ou crochet intérieur. Frappe du droit, je n’ai pas de pied gauche ; ni de façon générale de corps gauche. Je n’existe que dans l’anté-sinistre. La partie gauche de mon corps ; je la sens comme endolorie toujours ; sorte de fantôme ou d’ombre incorporés. Si du pied droit je puis faire un nombre incalculable de jongles dès lors que mon pied gauche est sollicité la balle roule, morte et déçue. Il en va de même pour tout, sauf, je crois pour l’amour ; je sais faire l’amour de la main gauche aussi bien que de la droite ; ou la maladresse de celle-là rend le plaisir original ; intense mais autrement. Cervantès, après avoir perdu sur je ne sais quel raffiot dans je ne sais plus quelle guerre (l’invincible armada?) sa main gauche écrivait : c’est pour la gloire de la droite. Plus tragiquement ambitieux. Mon cas.


L’équipe d’Alexis, je crois que j’ai marqué 5 buts contre elle, battu de justesse Mohammed, écorché mes genoux en taclant brutalement sur la terre rapeuse. Je m’en foutais. En 5ème, parmi le collège de bourgeois où j’étais et où je prétendais être plus riche qu’eux, j’avais dit à mes camarades, malgré l’aspect hésitant de ma dentition, que je n’avais pas besoin d’appareil ; que mes dents se replaceraient d’elles-mêmes ; tant j’étais certain que mes parents, jamais, n’auraient les moyens d’un orthodentiste. Il s’en était trouvé une, dans le 20ème c’était je crois, Dr colla, à 9000 francs au lieu des 16 000 à Suresnes. Sans cette excuse la supercherie aurait été visible.


La balle piquée au dessus d’un gardien sorti trop prestement ; encore un but.

2 juin 2020

Atelier d'écriture - le vol bas des oiseaux.

Atelier d'écriture : Une mère ou un père ayant perdu son fils ou sa fille à la guerre se retrouve devant un étang. Raconter, ses pensées sans évoquer la mort de lea disparue. Après on applique ça de façon flexible, on est pas à l'académie française. Donc si on veut évoquer directement lea disparue, si on veut que ça se passe ailleurs que devant un étang rien ne l'empêche. De prime abord c'est difficile mais en pratique non puisqu'il s'agit d'explorer des sentiments et il y a une sorte de "mise en empathie" avec ce personnage fictif assez troublant.

  

Depuis qu’il s’était installé à Oxford il avait l’habitude des pelouses rases comme des greens. Il marche au milieu des herbes drues, il se penche et ramasse une longue tige ; une tige de ces fleurs qui ressemblent à des marguerites rétrécies et vénéneuses. A peine, toxiques. Donnent une idée de l’ennui plus que de la mort. Comme une journée à Oxford.

Il enfonce la tige dans sa bouche et la mâchonne. Il a arrêté de chiquer à la naissance de son enfant. Sur le vaisselier du salon il garde, comme un trophée, cette bête plus dure à vaincre qu’un puma, la petite boite en étain d’où il a tiré le dernier morceau de tabac. 

Il marche dans ces herbes douloureuses où se mélangent la végétation aquatique et les plantes de terre. 

Sous le bras il tient le journal daté de la semaine dernière. C’est fini. La nouvelle ne lui procure aucun plaisir. L’armée de sa majesté a triomphé, ça s’affiche en une du Daily Mail. Les petits personnages des photographies lui donnent de la colère. Ils sont vivants. Eux. Il a dit à son épouse qu’il allait pécher. Lorsqu’elle l’a vu partir sans sa canne à pêche elle a compris. Lui a demandé s’il voulait quelque chose. Pour casser la croûte sur le chemin. Le poisson parfois ça met du temps à mordre. Tu n’as besoin de rien ?
Il a roulé longtemps, sans savoir où aller. La voiture, comme une jument aimante, connaissait le chemin et elle le guida d’elle-même. Il revenait dans ce lieu tant connu.

Il s’étend dans l’herbe et ferme les yeux. Il sourit puis sursaute, une lourde branche a fait trembler la surface morte de l’étang.
Il imagine - ça lui rappelle le bruit des ricochets, la première pierre qui meurt, souvent, tombe à pic. Comme par un abîme irrésistible. Puis le rire qui emplit toute la ville lorsque la pierre, pas forcément la plus plate, pas la plue douée pour ce jeu, rebondit une fois, deux fois, traverse l’étang et meurt de l’autre côté et s’enfonce dans la vase.
Comme le but de la montée de Sheffield Utd. On n’y croyait pas. La balle a roulé très lentement puis a franchi la ligne de justesse, lentement, comme si elle s’enfonçait dans la vase.

Il aimerait dormir mais il ne peut pas. Il ne dort plus depuis un moment.
Il lit et relit la une du journal qui réjouit tout le monde. Il aurait pu se réjouir, il avait servi, en son temps, dans la RAF. Il en gardait de précieuses photos et surtout, dans un petit écrin, héritage qui ne servira plus à personne, sa Territorial Force War Medal. 

Sa femme avait pleuré. Il voulait être fort, se montrer comme l’homme qui dit ça ira, on va surmonter ça. Puis il s’était rendu compte que ça n’avait aucun sens. Que ça ne se surmonterait pas. Alors il a pleuré avec elle. Jamais ils ne furent aussi proches. Sauf à la naissance du gamin.

Ils dirent peu. 

Chacun savait que la joie les avait quittés tous les deux pour toujours. 

Ils se soutiendraient, comme deux vieux chênes que la tempête croyait avoir abattu se soutiennent mutuellement au moment de la chute. Leurs branchages s’entremêlent et la douleur les confond, indistincts.
Il se met debout, reste à la même place. Il n’a pas faim. Déchire le sandwich en tous petits morceaux qu’il jette dans l’eau comme des pierres blanches et flottantes. Indécises entre rebondir et couler. Hésitantes, comme lui, dans cet entre-deux vies.

Une semaine, il relit la Une. Une semaine que c’était fini et pour eux tout commençait. La vraie douleur, les obus lancinants, obsédés, indigestes.

Il siffle entre ses doigts, il a toujours été doué pour siffler mais jamais pour l’enseigner. Il cherche la canne à pêche et commence à marmonner des paroles incompréhensibles.
Tu vois, le fil. Tu le balances. Il faut attendre. Sois léger. Plus tard ça. A la mouche même moi je sais pas. Papy lui…Puis il imite le bruit d’un poisson qu’on ferre. Claque de la bouche. Une belle prise.

 

Il ne boit plus. Il a hésité à recommencer aujourd’hui.

Après l’annonce de la victoire il a été au pub commander tout ce qu’il y avait à la carte. Le fils du patron lui a dit. T’es sûr mon vieux. Il a dit oui, tout ce qu’il y a à la carte. Alors on a déposé des verres sur le comptoir, des verres de toutes les formes c’était comme des fleurs. Des chrysanthèmes. Il a sorti le porte-feuille, tout neuf. Un cadeau. Du vrai cuir. Il l’avait reçu en même temps que sa montre bracelet. Le fils du patron a dit attends il a crié Papa. Ils se sont regardés avec cet air d’évidence. De ceux qui au bord de l’étang péchaient et jeter des pierres rebondissantes. Le gamin a dit, c’est pour nous. Si tu as un problème tu dis. On est là. Il a bu. Il a bu. bu. il a très bu. Il a vomi sur le comptoir au moment de la mauresque. Il savait pas ce que c’était. Un client a hurlé que c’était dégueulasse que quand on savait pas boire on restait chez sa mère. Le fils du patron a dit ça non, ça non. Le client croyait que c’était pour le vieux dégueulasse il a dit, ouais, dégage le mon brave. Il a dit ça non, ça non, le gamin. Il avait les larmes aux yeux. Il s’est approché du client. Rouge, un gaillard comme ça, les larmes aux yeux. Là le client il a compris. Il a vu la mort face à lui. Il a eu peur. Il s’est pissé dessus. Il a dit, c’est pas dégueulasse ça, le fils du patron il a dit c’est pas dégueulasse ça. Sans rire. Il a dit. Il a bredouillé, le client. Le vieux essayait de se lever, dire c’est pas grave ou on sait pas. Il remuait quoi. 

On l’a posé sur une chaise dans l’arrière-salle, puis on a composé le numéro de sa femme. Elle a dit, je ne peux pas. Il a attendu. On le rafraichissait. On tenait à lui. C’était quelqu’un ce vieillard étique. Qui avait arrêté de chiquer, qui gardait sa Territorial Force War Medal précieusement, sans se vanter. Jamais sévère, hein. Pas un taiseux hein, boute-en-train même. Alors le voir dépéri comme ça…c’était la moindre des choses. Un honneur le patron il disait, un honneur ouais.

Près de l’étang en repensant à tout ça il n’avait pas honte. Ca l’étonnait. La honte. A quoi bon la honte.. Ouais…je faisais ce que je pouvais. Il imaginait le sifflement de pendant la guerre avant que l’obus ne tombe, les batailles aériennes, le vol bas des Stuka de l’autre côté de la manche. Tous ces jeunes gens fauchés sans comprendre ce qui leur arrivait et ceux qui comprenaient trop bien dans leur agonie. Il se disait qu’il n’avait pas fait la peau à assez de boches. Il n’arrivait pas à ressentir de colère. Tout était morne chez lui. On avait éteint la lumière.

Il se relève, ce n’est pas difficile, son vieux corps est toujours robuste. Il va retrouver son épouse. Pousse la barrière du cottage et franchit la porte principale. Elle a laissé un mot sur le vaisselier, à côté de la boite en étain. Je vais à l’étang.

27 juillet 2020

Chez les fachos.

Ce texte aura son jumeau samedi prochain.

Je suis invité à l’anniversaire d’un ami d’extrême droite très extrême. Je me rendrai à cette sauterie de bavards qui toujours racontent qu’ils ne peuvent plus rien dire. 
Je ne sais pas encore ni le visage ni le foulard que je porterai ; si je mets du mascara et du crayon dois-je allonger le regard ou le clore pour manifester, dès avant, mon opposition de principe à tout ce qui pourra être dit ? 
 
A rien, bien entendu, je ne souscrirai, pour autant je ne chercherai aucune dispute (Je me demande si C. se trouvait là par hasard - je doute qu’elle n’accepta jamais pareille invitation - exprimerait-elle son refus devant l’abjection ? Claquerait-elle la porte ? C’est une attitude très mâle, sûrement de rester, d’endurer, parce que je suis du côté de la force, pas des poules mouillées)
 
Aussi, dès lors que je suis là, on me verra dans ma plus exquise sociabilité ; fuyant la dispute, inclinant sagement la tête, protestant mollement. 
Face à une foule unie aucun argument ne perce, il suffit de se retourner vers son camarade de droite, vers sa camarade d’extrême droite pour avoir raison. 
 
Mais que ferai-je ? Je ne puis jamais m’empêcher de complaire et pour ceci me glisse, avec aisance, dans les schèmes et les représentations des gens ; je comprends toujours pourquoi c’est à dire à quelles conditions telle lecture du monde se propose. J’aimerais ne pas apporter à leurs délires mortifères une simple pointe de nuance mais n’y opposer qu’un silence poli qui, dirait tout à la fois, mon mépris et que moi je ne peux plus rien dire.
 
Je les imagine déjà dans la brasserie s’imaginer à Poitiers…
Ah, et le plus haut destin pour eux c'est Barberousse au milieu de la croisade, noyé.
; voilà leur rêve et leur grand sort ; noyés dans un étang ; indignes de la moindre profondeur - mais pour ces nains les étangs ont la profondeur des abîmes et la vase le goût des fleurs. 
 
Le plus tragique de leur affaire c’est que ce sont tous des ratés selon leur propre signalétique. Certains connaissent des gloires mais jamais celles qu’ils se voudraient. 
F. est professeur à l’université où il enseigne la géopolitique, Y. a fondé le magazine l’incorrect, A est écrivain et en vit presque, E. est journaliste.
Tous voudraient se tenir à hauteur de Maurras pour l’intelligence et de Barrès pour le style. On les trouve environ au deuxième bouton de BHL.
 
P., cependant, pour qui j’ai beaucoup d’affection se tient en lisière, dans les parages, il ne fait aucun doute qu’il appartient à leur genre, mais avec je ne sais quoi qu’il travestit et truque ; il provoque et prend à contre-courant. C’est lui qui me dit de R., écrivain et journaliste de merde, il faut le dire, que certains escrocs littéraires réussissent (Beigbeder) et que d’autres (R.) échouent. 
 
P., est obèse et il en parle, P. ne baise pas et il en parle. P. se chasse de l’humanité en se révélant ainsi, très humain. P. se moque de lui et se prend à la fois au sérieux. Il a quelque chose de tragique, celui des suicidés en suspens qui, furent sauvés un jour, et ne périront plus jamais de la sorte.
 
J'aime aussi beaucoup H. qui s'appelle en réalité G. qui porte en lui une lumière qu'il ne sait pas et que je n'évoque jamais avec lui. Le triste, je crois, c'est que ces gens lui font porter une sorte d'abat-jour. Il a du talent. P. aussi. Ce sont les seuls.

 

27 septembre 2020

Et ma haine est immense.

Vendredi, l’ophtalmologue a procédé a tout un tas de mesures de ma vision, s’est intéressée à l’état de ma cornée, à la qualité de ma correction. Puis m’a été remis le résultat de ces examens. Des feuilles imprimées, en couleur, incompréhensibles et belles. Images, chiffres, mot, langage non-vu, non dit.

 

Corrigée ma vue s’établit à 7/10, 14/20 (et je me demande ce que signifie une vue de 20/20, une vue avec la légion d’honneur et les félicitations du jury)

 

 

En rentrant, les documents, je les ai rangés avec d’autres documents de nature semblable, ces papiers qui vous objectivent, vous identifient et vous assignent. Le test, aux grands yeux ronds, affirmant mon absence totale de MST tout en indiquant « douleur à la miction » parce que j’avais précisé combien c’était douloureux de pisser ; le compte-rendu établi à l’hôpital Bichat suite à mon agression indiquant « trois agrafes posées » (puis retirées, à Tours, par une infirmière) et « non admission ». Donnant à ma blessure et mon état une sorte d’évaluation, un 7/10 de la non-douleur.

 

 

Foule documentaire, scrutatrice. Foule critique, mesurant, comparant. Salle bondée nous archive et nous dédouble. Quel formulaire ma bouche ? Quel imprimé mes yeux ? Quelle ligne mon ventre, ma merde, mes couilles ? Où mes douleurs ? Dans le niveau de TSH inquiétant ?

 

 

Il y a l’ordonnance pour mon traitement et ce mot, affection longue durée, qui précède l’énumération des médicaments ; ce mot qui dit : pour la vie ou presque. Qui dit, pour longtemps. Tu vas pas t’en sortir tout de suite.

Mais ça dit, aussi, ALD, ça dit, ce sera gratuit, t’en fais pas mon petit gars, la France c’est toujours la France, le CNR et la Sécurité Sociale. 

 

Et de porter ALD sur mon ordonnance me distingue des autres malades, d’une certaine catégorie de malades, de tous ceux pour qui être malade caractérise un état ponctuel, et passager. Les ordonnances de ce type de malade comportent, en quelque sorte, l’anéantissement du mal qui les habite. A côté de chacun de ces outils chimiques est indiquée une durée. La durée maximale de la maladie.

 

Je me trouve ordonné ALD, myope, TSH élevée normale. J’imagine, alors, un graphe énorme où nous tous, postillons, petits cratères nous inscrivons. 

 

J’ai retrouvé, dans cette paperasse objective, mon acte de naissance. Je l’ignorais mais l’acte de naissance au-delà d’indiquer lieu, date, heure, parents etc rapporte la profession des parents. 

 

 

maman profession : femme de ménage

papa profession : agent de sécurité

 

 

alors en lisant

j’ai senti tout ce qu’il y avait d’immigré, de pauvre, d’indésirable en moi et plus loin que moi dans mes parents, grands-parents, dans ce grand silence d’où l’on vient, nos origines muettes, la coupure avec notre histoire, le silence de leurs hontes, le silence de leurs peurs.

 

 

 

Je pense à la vie de mon grand-père dont il ne parlait pas. En France, vivant dans les bidonvilles, avant la libération de 1962. La misère, le travail acharné. Le silence. En 1962, il est rentré en Algé-Rien. Comme il ne disait pas.

 

agent de sécurité & femme de ménage

 

 

 

 

les métiers, les derniers des derniers, ceux que font les arabes et les noir·es (et aujourd’hui les bengali·es et les philippin·es et toujours les arabes et toujours les noir·es, réparti·es selon leur genre) les métiers dont les français ne veulent plus. On dit, non, ce n’est plus pour nous. 

 

 

Ecrivant, ici, à propos de cet acte de naissance des larmes montent, les mêmes larmes que lisant, découvrant, l’acte de naissance.

 

Des larmes de colère qui, plus jeune, étaient des larmes de honte, honte lorsqu’il fallait dire, devant mes amis bourgeois, le métier de mes parents, honte non de le révéler, honte pire, honte d’avoir honte et de le taire, de changer femme de ménage par femme au foyer, de changer agent de sécurité par je ne sais quoi DRH ou ingénieur informaticien. 

 

A ce moment je pense au racisme de l'extrême centre, j’y pense avec haine. Une haine imprécise, incertaine mais juste. Baldwin, dans l’homme qui meurt, fait éprouver au narrateur la haine irrévocable, indiscutable du noir contre les blancs. Cette haine, exactement. Cette haine qui doit aussi être la sienne, celle de Baldwin, et que nous avons en partage. 

Cette haine, exactement celle-là. Quand. Je lis à l’encre noire « femme de ménage » quand je lis « agent de sécurité » sur le fond blanc de mon acte de naissance. La haine, cette haine inexprimée toute la vie cette honte bue tout ça monte, impuissant. 

Je lis,

les derniers des derniers

en-dessous il n’y a rien

(ou les prostituées, les toxicomanes, les SDF) 

et avec

je le sais aussi

il y avait le préfixe

sales arabes

qui fonctionne aussi comme suffixe

 

 

je lis

je sais bien ce que je lis

tout ce qu’il y a dans ces mots -

qu’on ne sait pas - ce qu’ils signifient

au-delà de ce qu’ils statuent

je repense à maman

qui faisait le ménage dans des hôtels je crois

ou à la poste peut-être

enceinte de moi

me trimbalant moi et la honte

et la haine qui grandissaient

en moi maman

et tombant, vomissant

qu’on renvoie 

de son poste de femme de ménage

il y avait

femme de ménage

sale arabe femme de ménage

sale arabe femme de ménage au chômage

derrière ce mot là

de femme de ménage je lis ceci

 

 

Et tout ceci.

 

Rien.

Un document de plus

m’objective

me raconte

Ecrit sur l’ordinateur

on ne lui trouvera même pas

la sueur des pleurs. 

Voilà. 

 

 

 

 

(et je me souviens ce voisin qui avait dit à ma mère retourne dans ton pays et je crois qu’il est mort peu après en tombant dans les escaliers et je ne sais pas si je l’avais souhaité très fort et si Allah en quoi je croyais alors m’avait exaucé je ne sais pas mais je continue à souhaiter très fort ces choses là)

 

 

 

 

$$$$

 

 

 

 

Tirerais-je si je devais un jour tirer ? Tirerais-je sans remords ? Oui, j’en suis sûr. Et ma crainte ce n’est pas tuer ou pas tuer, c’est me préserver du plaisir que je risque d’y prendre. C’est me refuser la jouissance de ce qui ne peut être qu’un devoir de dernier recours. 

Tirer :

 

 

Il y a des pardons qu’il faut avoir le courage de refuser. 

 

 

 

et je pense à ceux qui croient qui disent que ça pleurniche les gens les autres que femme de ménage oui agent de sécurité certes c’est mieux que rien mieux que crever de faim ou quoi oui bien sûr mais ça ne change rien ça ne change rien celleux qui pourtant n'occupent pas ces postes je pense à ma belle-mère encore qui disait ça quand sa femme de ménage la lâchait pour je ne sais quels motifs j'en image dix tous raisonnables qui disait pourtant elle travaille c'est bien et bien non récure tes chiottes avec ton époux ma soeur 

 

 

 

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20 février 2020

Roman 1 : MDPH

  Lorsque le papier lui arriva par la poste il ressentit un grand soulagement. L’angoisse, qu’elle que soit la réponse, cesserait. Il avait sollicité la MDPH pour obtenir une évaluation de son état psychique et, si celui-ci entraînait une « restriction durable à l’emploi », l’obtention de l’allocation adulte handicapé d’un montant de 900 euros, augmentée, à Paris, de 180 euros versés par le CSVAP. Ce qui lui permettrait de quitter la précarité terrible où il s’enfonçait depuis quelques années, devant vivre de rapines dans le supermarché du boulevard de Rochechouart, du RSA et de quelques combines maladroites et inquiétantes. Il n’avait pas le goût de la frugalité mais s’en accommodait sans difficulté. Il ne fumait pas mais tenait dans le revers de son manteau un paquet de sobrani, cigarettes multicolores au bout doré. Prodigalité, malgré la pauvreté. 

   La réponse, positive, le rassura. On lui ouvrait des droits jusqu’à 20 mars 2023. Trois ans. Il avait le temps, un peu d’argent, l’aspect matériel de l’existence moins angoissant. Il maintiendra une certaine quantité d’illégalisme dans son quotidien. Pourquoi s’en navrer ?

Il s’agit, au fond, de s’aménager des interstices de liberté face à un ordre économique scélérat.

Difficile à croire, ceci, que certains, par quelle étrange intériorisation du droit (et son assimilation avec le bien ; ou la crainte fictive de la matraque) se refusent à seulement imaginer le vol. Les plus riches, souvent, par l’ingénierie et la dissimulation, manquent à leurs obligations fiscales. Des juristes, des financiers, suisses ou même pas énoncent une poésie de la triche où le trust, sa plus parfaite expressionbatifole dans les eaux chaudes et généreuses des pays poivrés. 

Du côté des employés, des cadres moyens, de ce qui reste du monde ouvrier et paysan. Au niveau de ces tranches fiscales on ne triche pas ou peu. Et ces rares moments quels vertiges n'offrent-ils pas, vertige du parieur victorieux et culpabilité, aussi, de l'assassin débutant. 

Ne pas faire de vagues. Avoir honte. Leçon bien apprise. 

   Face à la procédure de surendettement qui les vise, les parents de Pierre refusent de mettre en oeuvre l'intégralité des moyens juridiques à leur disposition. Honteux, ils préfèrent se taire, ne rien demander. Ils craignent que, plus largement connue, leur situation  les humilie et les offense encore davantage. Ils redoutent les regards dans le village, ils redoutent l’officialisation administrative de la déroute financière dont ils s’estiment coupables. 

   Le père de Pierre s’est cassé la santé sur les chantiers. A la limite de l’accident de travail en permanence ; ne sollicitant jamais d’arrêt auprès du médecin, sûr que le travail paierait, sûr à cause de l’abnégation qu’intègre bien les pauvres. 

Pourtant, malgré son dos cassé, ses efforts à crever, il n’a rien. Il appartient à ceux-là dont on dit qu'ils ne sont rien. 

De la dépouille de la sécurité sociale - de ce qu'on a pas encore dépecé - il obtient quelques infiltrations pour l'aider quand la douleur le cloue sur place. Comme ce jour où, seul à la maison, voulant se déplacer vers sa voiture, la douleur le foudroya. Son téléphone...trop loin pour appeler au secours. Il dût attendre deux heures que la douleur se tasse pour se déplacer, en rampant, appeler le 15. Voilà ce qu’il a gagné.

Le misérabilisme ce serait de dire : ce sont de belles mains, des mains de travailleur, des mains de vivant. Mains abîmées, blessées. Mains exploitées et saignées. Et pour retraite le minimum vieillesse 10 838,40 € par an. Des dettes partout, des dettes de toutes les sortes, un écran 4K dans le salon qui trône ici comme une honte.

Lorsque je bossais chez UBS Cyril, le compagnon - saloperie - de Margot gagnait des fortunes. Plusieurs millions d’euros par an. Au moment de leur séparation Margot voulait une part du butin. J’entendais depuis notre bureau commun les manigances mises en oeuvre pour obtenir, sans fiscalité, le fric qui lui paraissait dû. Cyril, disposait d’avoir dans des coffres échappant à la vigiliance et aux inquiétudes de la DGFIP. Aussi, peu crédible que ce puisse paraître il faisait transiter des valises de billets par la frontière Suisse. Margot, cherchait un arrangement pour qu’on lui remette ces sommes à Guernesey. UBS se comportait comme un mauvais film.

Margot devait rencontrer Cyril dans les locaux d’UBS. Celui-ci arrivé, les hôtesses appelèrent Margot pour lui signaler l’arrivée de Cyril. L’hôtesse demande : que lui sert-on. Margot de répondre : du cyanure.
J’aimais beaucoup Margot. Pour cette phrase, là, à ce moment précis. A quoi ça tient... 

 

22 février 2020

Roman 4 : Foucault

On traite sans assez de sérieux nos lectures intellectuelles. Elles demeurent dans des pays abstraits ; on les raconte pour faire chic comme des cartes postales. Puis un jour ça nous éclate à la gueule et ces mots là, ces théorèmes et tous nous saisissent, c'est pour de vrai.
Le grand renfermement de Foucault s’est ouvert pour moi. C’est sa clinique qui me dit je te garde mon enfant. Doucement, sans tendresse, on m’expose à cette radiation normalisatrice. La rémission, ici, toujours c’est de correspondre à un humain type et on serait bien en peine de nous en fournir la définition. La demanderions nous qu’on nous dirait je ne peux pas définir ça, mais je sais les reconnaitre lorsque j’en vois. Avoir des ambitions salariales, envisager de se reproduire et posséder un appartement. Pourquoi pas une toyota hybride. Exercer son droit de vote. 

L’effet produit sur moi est exactement l’inverse. J’aimerais leur hurler à la figure qu’il faut vivre avec la maladie, vivre dans la plus sincère, violente, douce, entière extension de ce mot. Mais cesse bordel de faire de la maladies, de la maladie mentale plus encore - ou pareil, pareil pour l’handicap physique en fait - une anormalité, une difformité du dernier degré. On passe un test de normalité. Au-delà ou en deça d’une capacité à être normal  on doit subir un traitement plus ou moins violent. L’anormalité, la vraie, se loge dans cette volonté d’écraser la maladie, de la rendre la plus discrète possible, la plus adaptée à ce à quoi elle demeurera toujours inadaptée. Il faut la vivre comme une normalité alternative et non une modalité altérée ou diminuée de la vie.
Bien sûr, ce n’est pas aisé. Bien sûr des choses graves se passent dans la déraison et certains états réclament des soins et des inquiétudes légitimes mais ce n'est pas le sujet. Comment faire avec, vivre avec

Ce n’est pas une vie moins valable, ce serait mentir de dire qu’elle est facile.

Ce qui me sauve c’est de penser à Foucault, d’affronter ce qu’il appelle le processus normalisateur. Ce processus je lui fais face, il se déroule devant moi, contre moi. Dire qu’il m’assaille serait excessif ; le plus souvent il se présente en de doux atours ; doublé d’aucune menace autre que la culpabilisation latente. Tu ne fais rien, tu es un poids.

Pourtant, ce regard bleu coupant du médecin, qui me fixe jusqu’à ce que je cède ; me pèse, me censure, m’ordonne.
Nous avons tous appris à être, en apparence au moins, de bons élèves et à nous soumettre aux injonctions des autorités légitimes.

Son obstination fixe constitue à elle seule une politique de l’emploi.

Un épisode éminent traduit clairement, pour qui en douterait, ce processus de normalisation. Lorsqu’une phase maniaque commence chez moi transparait en elle une grande inquiétude. La phase maniaque, pour moi, ne contient aucun péril ; je gère. Que l’on tâte le pouls de cet excès, ouais pourquoi pas. Il s’agirait alors, seulement, de faire son travail avec un zèle excessif, peut-être, ou une empathie débordante. Voilà, inutile de chercher des histoires.

Dans son cas, et ce cas est général et institutionnel, il s’agit bien d’un processus d’écrasement, de pilonage de toute vitalité malade ou non. Un épisode dépressif s’amorce, il va être violent, la mort guette, je l’articule comme ça ; pas un jour ne passe sans que j’imagine la mer m’engloutir. J’ai une vision, je marche, je porte un pantalon aux poches profondes et je les remplis de pierres. Virginia Woolf s’est suicidée, par noyade. A cause de son livre les vagues je l’imagine engloutie par la mer. Je me rêve la même chose. Je regarde où la mer tonitrue, ce sera la côte Atlantique. Je raconte ça à l'interface psychatrique, avec moins de poésie et de continuité, je raconte. Je raconte ça et face à ces discours, ces discours qui disent en fait au secours, ces discours de la plus terrible terreur, je raconte et face à ces alarmes, elle me regarde négligemment. Tente, au mieux de me donner un médicament qui fait dormir, la quétiapine. Elle baille. La psychiatrie agit contre la vie.

Comment peut-on bosser en prenant de la quétiapine. Un mec sous hero serait plus efficace. 400 mg avant le coucher. Le sommeil devient irrésistible, le sommeil chimique, le sommeil qui engourdit et qui ne repose pas, qui appauvrit, sommeil sans rêve, sommeil exténué de l’exténué lui-même. Sommeil où l’on étouffe sans qu’aucun oxygène de secours ne puisse vous sauver.

C’est moi du côté de la vie qui l’effraie non ce penchant de mort

Elle a dit, devant la présentation de ma vie métarmphosée en splendeur. Elle dit devant la monstration de ce bonheur gigantesque. Elle dit parce que c'est trop, je me dis, elle doit être jalouse pour me regarder avec cette méfiance. Elle dit.

- HM, je vais vous prescrire du Tercian.


J’ai dit

- non, je ne prendrai pas ça

Je pense à Valentin qui en crevait à moitié. Qu’on trouvait la nuit, parfois étendu, inerte presque. Se relevant quinze heures après. Tous les jours de sa vie. Ou luttant contre le sommeil lorsque le réveil sonnait. Ayant l’air, chaque fois, de s’arracher à l’enfer, de décoller de lui la pellicule de sommeil chimique et échouant toujours ajoutant, le lendemain, nouvelle peau morte vivant sous cet amas de valentin mourant.


- C’est pour vous protéger de vous-même.

Toujours, cette phrase face à l’anormal et le pathologique..
Toujours, c’est pour moi, en ma faveur, à ma fin. Cette généreuse insistance à me sauver et particulièrement non des idées morbides mais de l’état d’excitation, jugé morbide. Comme ces universalistes qui arrachent le voile des femmes musulmanes.

Je lui dis

- vous quand vous êtes triste et pas bien il y a une raison, ça dure un instant, plus ou moins long mais le temps en la matière finit par faire son affaire.
Votre chagrin, pas question d’en nier l’intensité ou la mortalité. Tu peux en mourir toi aussi de ta douleur, hein. Vivre une crise. Mais voilà, ton chagrin c’est parce qu’on t’a trompé ou quitté ; parce que tu n’as pas eu l’augmentation que tu voulais ou que dans la rue on t’a agressé. Toi, ça a des raisons, tu sais ce contre quoi, atroce, oui atroce desfois, tu dois lutter, tu peux concentrer toute ton attention sur un phénomène précis. Ecrasant, ce phénomène, desfois et invincible c’est vrai. Mais à la fin tu sais ce qui est en cause. Les stratégies de soin, tu les appliques à un objet circonscrit, ça peut échouer c’est évident, on a pas toujours la force de vaincre ses ennemis. Mais on le connait, on peut viser. Au pire dans ton cas c’est la douleur qui exagère et qu’on ne comprend pas. 

Moi, c’est pas ça. Moi, ça m’arrive Comme du dehors, comme un sortilège. Je tourne une rue mais c’est dans mon humeur. Et je ne vois plus les choses de la même façon ; si l’état de détresse m’abandonne je ne parviens plus à comprendre le malheur antérieur et, à l’inverse, lorsque la douleur me ressaisit me devient inenvisageable ce bonheur passé.
Voilà c’est ça être fou, souffrir sans raison. C’est ici le départ entre les fous et les autres, Je suis dépourvu de raisons.

Alentour de moi, monde instable, toujours. Pour les autres, tous les 3 mois, les saisons changent. La lumière varie, la température aussi. On raccourcit les manches et les robes. Voilà. Et moi, tous les trois mois le changement me ravage. C’est d’Univers, tous les trois mois, que je change. Univers de lambeaux et de chutes de soie.


Elle ne veut que mon bien, je me demande comment elle se sent à l’intérieur d’elle, je ne puis pas rapporter ici ce que j’imagine ses pensées. Je doute même qu’elle en ait de véritables et profondes au sujet des patients. Elle applique méthodiquement et mécaniquement une procédure, une recette que face à elle se tienne une personne ou face à l’ingénieur une donnée. C’est à peu près de la même façon que ça se traite. Peut-être l'ingénieur développera de l'empathie envers un algorithme bien avant la psychiatrie. 

Céline, dit, en dix ans d’étude de médecine, on assèche lentement, sûrement ça, on te dit

c’est comme un marais

on te purge

Tu n'as pas besoin de retenir tes larmes.

Je me demande moi si après ceci on peut encore aimer ; si des émotions humaines, réelles, durables, paradoxales durent en nous ? Ou si tout devient utilitariste, mathématique. Les études de médecine enseignent aussi une sorte de psychopathie. Instituent une psychopathie indéchiffrable ; ceux qui nomment les malades sont des malades !

Elle m’a regardé, interloqué. Moi, moi je me présente comme un patient plus ou moins normal d’habitude. Elle doit se dire « il a la flemme il croit qu’il est malade il a juste la flemme ».

J’ai, on, nous avons envie d’hurler. Quelque chose doit sortir ; le cri, le cri retenu, le cri le plus raisonnable, le plus justement mesuré, et s’il s’extériorisait furieux, aurait l’air de folie pure et brute ; ce cri poussait avec son scandale et son scandale était toute sa vérité 

15 mars 2010

Moi et mon double.

Je crois que je suis multiple, ma peau est le verre du miroir qui se réfléchit elle-même, et qui se réfléchissant se dévore. Toute ma vie n'a été que résister. Résister à mes haines, à mes désirs, résister à l'obscène qui se mêle en moi, au bruit lourd de l'envie qui a asphyxié toute morale. Je serai le crime. J'en ai déjà la laideur. Vous savez. Le crime, c'est ce qu'on appelle "charme", c'est à dire l'horreur séduisante, de laquelle on ne détourne pas la tête. Il n'y a pas d'yeux plus tendres que ceux de la victime. Parce qu'elle est séduite.

J'ai abdiqué. J'ai abdiqué dix fois. J'ai vendu mes poils, mes fiertés, j'ai vendu tout ce que j'étais, pour caresser les boucles et les ventres des filles et des hommes sans regrets. Pour mélanger le parfum toux au parfum tiède ; le musc et la rosée. Je me suis fait enculer et j'ai aimé ça ; j'encule et j'aime ça. Je suce, et de sentir tressaillir un corps mâle, de voir ces cuisses douloureuses qui se tordent, d'écouter ce souffle qui du chuchotis du désir devient la tempête de la jouissance, je bande. J'avale. Parce que ça ravit les muscles puissants qui me surplombent. Qui sont des appels aux caresses. J'y perds la langue et la mémoire.
Dans les renfoncements de la nuit -à l'arrière des voitures d'occasion- je pose mes mains sur les hanches de Clément un jour, de Clémence un autre, j'y pose les mains. Je sens dans la sueur qui roule sur son dos, qui passe sur la colonne comme la sève d'un arbre qu'on éventre, de la peur. Alors, je mets du délire dans ma voix, je mets du fracas dans mes gestes pour bander plus fort. Parfois Clément pleure, parfois Clémence rit. Je m'enfonce. Dans la nuit des corps, dans l'agonie de nous.

Je lèche la chatte de Clémence. Mon alcool transparent des peaux douces.

Clément, c'est mon amant, il fait du dessin, il croque les hommes. Clément m'en veut de ne pas jouir quand il me caresse le sexe. Il m'en veut, quand dans l'ascenseur qui me mène chez lui, j'ôte sa main qui me déboutonne la faim. Avec défi il me dit "tu préfères que ce soit une fille qui te suce". Parce que je l'en empêche toujours.
Il ignore encore que ma bite n'est faite dans un métal si violent, si douloureux, qu'elle ne sait que pourfendre.

Aux gobelins, pour emmerder les cons, pour devenir l'oeuvre d'art que le crime m'autorise à être, je lui tiens la main. Vulgairement. Je lui tiens la main, comme pour dire aux passants, qu'il vient de me baiser dans les halls de leurs immeubles, dans les rues où passent leurs gosses, pour dire que tous ces endroits, tous ces murs sont pavés de nous, de nos désirs coupables, de nos vices réprouvés.

Je ne suis qu'une provocation. Qu'une insulte. Deux syllabes pas articulées. "Pédé". Je vois les bouches qui en prennent la forme. Et je viens dire aux vieux -parce que ce sont les seuls que ma lâcheté me permet de railler- s'il veut lui aussi goûter mon sexe.

Je n'attends jamais la réponse.

Je ne suis plus jamais amoureux, depuis que je suis tombé dans les abîmes du désir, depuis que je me suis abandonné.

"Tu crois que je pourris quelque part ?"

Clémence me répond que je suis une algue. "Une algue ça ne pourrit pas, ça s'attache, ça survient, ça s'enroule autour des jambes".

Et on s'en débarrasse, écoeuré.

Est-ce que je la baise, Clémence ? Est ce que quand j'ouvre la porte de sa chambre, c'est pour la baiser. Quand elle se tient cambrée contre le mur de sa colloc -encore une provocation- je la baise ?
Ou lui fais-je l'amour. Je veux faire sourdre de mes mains des fleurs, de n'être plus que le parfum qui l'enserre, et lui donne la joie. Joie violente, joie superbe. Celle qui apaise les envies qu'on partage.

Nous ne sommes que du tombeau.

Quand on se retrouve tous les trois chez Bert's on boit de la limonade de sapin "en en attendant le bois".

Mardi. On sort à quinze. A la belette qui tête. J'en bande déjà. J'en bande à l'idée de leurs larmes, j'en bande à l'idée de mes peurs.

Je n'ai jamais bandé si fort qu'alors qu'on pleurait dans mes bras.
Marianne, Emilie, Marie, Hannah, Sarah, Sonia, Hélène, Wendy, Sophie, Marion G., Francesca, Marion W, Clémence, Clément, Paul-Henri, Margo...
Vous vous en souvenez. Ma bite est pleine de larmes.

Mardi.
Je montrerai mon tatouage aux juifs errants. Je montrerai mon tatouage. Et je serai heureux.


Vivement la fin.

19 mars 2010

Turgescent

Allez quoi.
Rester le même, c'était partir la nuit, parce que j'avais trop mal à l'être, que de m'abandonner les reins sur des reins ennemis. Allez quoi.
J'ai la peau tellement épaisse, qu'aucune basse ne la sature.
Allez.
Quoi.
(Je ne pars plus la nuit en abandonnant les filles -comme toi- dans une chambre inconnue. Maintenant je suis le dernier à claquer la porte en claquant des doigts. C'est moi qui ferme les volets, qui rabats les draps sur les bouteilles vidées, j'éteins la télévision  quand je sors, pour éviter qu'on se réveille couvert d'images, qu'une autre que toi voit un plafond bercé de couleurs alors que l'amour sera parti visiter d'autres peaux, d'autres cuisses. D'autres fureurs.)

Celui qui fait la musique du jour.
Le frottis de l'aube.
Sur les replis des jupes
Du ciel.
C'est moi.
Moi.
La tulle transparente.
Où passe
La lumière
(de la lune)
Au milieu des volets
De dentelle.
Entre les restes
De nuit.
(blessée)
Dans les creux.
Des stores
De Venise
(attelle)

Alors.
J'enfante le jour
Entre mes doigts
De soie.

(Je n'ai pas changé,
Mais j'ai vieilli.
J'étais la nuit.
Qui est devenue le jour.
La nuit.
Qui redeviendra la nuit.)

Maintenant, je ne cherche plus la violence dans les nombrils bleus des filles.
Je l'ai. En moi. Fragile violence, que je couvre, mes bras sont les langes, le roulis protecteur qui berce mes dangers.

Je suis la marée, maintenant, la marée qui noit.
Et étouffe.
Et remplit.
Le poumon
Percé.

Maintenant, je ne pars plus, la nuit en faisant pleurer les clés et les filles. Je reste, et c'est moi qui pleure.
Avant.
Quand mon être s'écarquillait de douleur. Démesurément. Je partais.
Je rentrais.

Devant le miroir, je me branlais en abandonnant le corps étranger, le corps souillé que je pouvais souiller.

Je préférais ma bite.
Aux étroitesse féminines.
L'eau.
Qui coule.
Serpente.
Avale.
Ravale.
L'eau.
Qui Bégaie dans le noir.
L'eau qui vous parfume les doigts.
L'eau. Qui vous purifie l'envie.
Et putréfiée.
L'eau. Qui vous engloutit.
Avec sa couleur.
D'alcool.
Vierge.
Ses vagues
Amples.
La mer
Porte des bas.
Des robes
Et se maquille
Quand elle heurte
La poupe ; la quille.
La mer s'habille.
en rouge-marin.


Maintenant que je reste c'est moi qu'on déshabille, on m'enfonce les doigts dans la bouche.

C'est toujours une question de membres à dénombrer, de nombres à dénombrer.
C'est toujours une question.
Qu'on allonge.
Comme une fille.
Qui s'allonge
Comme un sexe.

Je suis.

Je suis.

Je suis turgescent.

10 avril 2010

Tu ne peux plus m'aimer et pourtant tu ne peux m'oublier

Et soudain
Je me
Souviens
De mes dégoûts

Tu n'as nulle part
Où venir
Dans mes bras.

Tu avais les yeux qui donnaient la lumière ;
J'aurai toujours ceux qui la dévore.

Je ne me souvenais pas
de l'ennui de toi
de tes pas
de tes mains
de gênes
où dans tes paumes
coulaient
la cacophonie
Des cacographes

Ta vie
Est une fatigue
Qui m'ensommeille.

De toi je ne me souvenais
Que
Des ellipses
de carmin
que
des paraboles
de cyan.

Je t'ai souhaitée hier
Toute la nuit, quand j'embrassais
Une bouche de cornaline
Qui bruissait
Se froissait
Comme ta peau
De capeline
Quand
D'envie
Meurtrie
Je serrais
Ses seins
Sur mon
Torse
Je voulais
L'ombre
De
Toi
Pour
Suffoquer
L'absence
de
Toi.

Je t'ai rêvée, je t'ai souhaitée, je murmurais ton prénom, comme une petite prière qu'on fait avant d'aller à la guerre. Guerre de muscles, de chair, où il pleut. C'était une femme qui était venue de ce pays où tu t'uses les jambes, et qui me mettait la mousson sur les doigts, dans les draps.

Maintenant je couche les filles dans ma chambre, et je leur dis de faire du bruit.
Ca m'empêche de jouir.
Un jour je tuerai
Tu sais
Une fille
Qui aura joui
Je mettrai
Pour la tâcher
De
Foutre
Mes mains sur son cou
Pour étouffer
Non son souffle
Mais sa voix
Qui contient
L'oxygène
Et
Elle succombera
Entre mes
Bras
Trop
Maigres.

Ô mon amour
Je ne t'aime pas.
Ô mon amour
Laisse moi te ranger
Avec les pièces
AVec la reine, le roi
Dans les échecs.

Tu m'ennuieras toujours
J'ai trop de fièvre
Pour un seul
Corps
Je te briserai encore
Demain
Je ne sais faire que ça
Ta peau de verre
Ta cape d'angelôt
Dans le matin, les cloches
Qui sonnent
L'angélus
et sont
Des
Mots
Blessés.
Je ne suis chez moi
Que dans la douleur
Et le bruit
De l'enfer
Qui monte
La plainte
Qui longe
les os
qui cassent
La soie
Déchirée
Lange
Funeste

Tu sais qui je suis ?
Quoi je suis ?

Où ?
J'habite un vertige
Tu ne peux pas y entrer
Tu as trop de colère aujourd'hui
Pour les sphynx
Les oracles
Les vandales
Tu ne peux pas entrer
Et ma solitude
suce ton ombre
Bleue
Comme Chopin.

Un lambeau de souffle
Une respiration manquée
Une aile brisée.

Je suis la Belgique, deux régions ennemies.

Je m'allonge, et je l'allonge
Je grandis
Parce que
Je
Suis
Une
Ombre
Qui s'allonge
Sous la lumière
Qui lui arrive
Ses degrés
de Chaleur
D'angles
Morts
Et Obtus
Qui déforment
Ta voix
Claire
Et aiguë

Mon amour.
Si tu me vois,
Si je te vois
Suce moi
De ta bouche orpheline
De tes larmes opalines.

SI je te croise dans les rues
D'Paris
Suce moi
Mets moi.

Avale moi.

Parce que nous ne sommes pas des mêmes réalités, nous évoluons dans des dimensions qui se croisent, se remplacent, mais ne se mélangent pas.
Tu es l'eau bleue, calme, transparente ; je suis l'huile brune, épaisse qui s'embrase sur les reins de feu.
Et-Tes-Rots-Gênent.

Tu sais.
Ton noir.
Je te l'évapore.
Comme ma vie.
Comme ton bleu
Comme tes larmes.

Et les souvenirs coulent
De la mémoire blessée
Ton souvenir s'écaille
Sèche, et fane, il remplit les bouquets
Sans odeur, les bouquets où le sang
De ton absence, déjà, a coloré les fleurs
Blanches.
Comme les joues d'une enfant qui flâne.

Je t'aime
Et tu sais
Je crois que je vais mourir
Pas tout de suite
Pas demain
Juste bientôt

Je vais me jeter sous les rails
Parce que je n'en peux plus
Que d'entendre l'existence
Qui a un bruit de machine
DE wagon, de mécanique
De rouages, de prison
Ma vie est monotone
Comme le chant du métro
Qui la broiera.

Ca fera, crac, et ça ne se giclera pas.
Mon sang est sec.

Je vais mourir.
Je vais dire une date
C'était quand ?
En mai
Le 17
Pour qu'il n'y ait plus jamais
De printemps.
De fleurs
De lilas
D'amour
Qu'il n'y ait
Que des automnes
Des journées grises
Et des pas dessus
Qui les feront craquer
Ces journées là
Seront des feuilles mortes

Pas de fleurs, pas de pleurs, pitié, juste des feuilles mortes en bouquets, en couleur, des feuilles jaunes et veinées.

Je m'en vais pour toujours.

20 avril 2010

Le persil de ta cage ; les fleurs de tes chaînes.

Et l'on a vu des pauvres
Offrir à de plus riches,
Aux particules abolies,
Une miette de chaleur
Pour tenir au ventre.
On les a vus
Avec leur enfance
D'usine ou d'acier
De contes et d'ailleurs
Déciller des grammairiens,
Nourris de manières,
Le savoir et la beauté.

Tu étais trop commun
Pour la douleur
Qui ne voulait pas
De toi.
Tu étais,
Avec tes yeux,
Absinthe éventée,
Un minéral érodé.
Tu étais,
Espérant des larmes de poison
Abreuvant la pâle verdure
De tes rameaux,
Un vent essoufflé.
Tu étais,
Sous ton coeur
Altéré,
La banalité
Cirant
Les luths
Des génies.

Tu cherchais Circé
Luttait, en vain,
Dans les eaux basses
Du jour.
Tu retournais
Les pages
D'Histoire
Tu fouillais
l'épopée
Et apprenait le grec
Sur lès bouches hellènes
Pour y trouver la voix
De l'aveugle.
Tu demandais pardon à la foule
Tu espérais d'elle qu'elle ouvre,
S'écartant,
Un chemin
Aqueux
Pour faire apparaitre
En trainée
D'écume
Ou de lumière
La route
D'Itaque ;

Tu ne connaîtras jamais
Son palais
Ses femmes
Ses enfants
Tu n'en sauras rien
Des secrets

Ni ;

Des ouvrages
Qui mettent
L'éternité à
Tisser
Les empires.

Tu as l'âme trop lourde
Le corps trop dense
Pour passer ses ports
De brouillard.

De vent

D'obscur.

(Tu n'es pas d'éther)

Ou de Troie

Tu es d'en bas.

(D'un corps Profane)

Du souffre de la boue
Et des cendres
de la terre
mugissant.

Je te ferai tourner de l'oeil
Quand tu sentiras
Mon parfum
De rue,
D'enfant,
De
Caniveau,
Avec des doigts
Jaunis
Comme des pages

Noircies

et en moi
Sur moi
Tu aurais pu
Lire
Ce que la nuit
Dit de toi
Quand dans ton lit d'écorce
Ton agonie s'image.

Mes mains prophétesses
Anéantissent ton souvenir.

Je te chasse de ma mémoire.

Je n'haïs rien.
Je suis indifférent.
Et j'agonise
La banalité
Sans émotion.

Tu étais un poncif
Au prénom long
Comme un sanglot.

Quand j'irai dans les rues hongroises
Chercher les pas du poète
Et trouver les mains des putains
Quand j'aurai sur mon ventre,
Que m'arracheront les bandits,
Des syllabes de cent ans d'âge,
Liqueur amère,
Dans une phrase,
Dive bouteille,
En une langue,
cave fraiche,
-qui dansera
Dans un feu et dans une flamme
Qui te sont inconnus-
Je chanterai des mots qui se briseront
En chants
Qui éclateront
Rapsodies
Aux mille cicatrices de profondeurs
(Tu en enviras les marques
Sur ta peau vierge de drames)
Et offrent aux yeux inquiets
Les cimeterres Ottomans
Les épices de la sublime porte
Les voyages dans les coiffes
De sultans épuisés
D'empires serges de lave.
De ce pays de brume
De nuit
D'ombre
De sortilèges
Les voix
Magyares
Jailliront,
Comme la cendre
D'Islande
Qui innonde le ciel
Et
S'y
Amoncelle
En y faisant
Tourner ses angelots
En mousselines noires
Que le ciel huant
Baise au front.
(Là-bas)
Une langue qui déliera
Ses mains
Pour y faire
Taire les poussières,
Voltiger
Les nuages et ;
Les débris qu'épuisent
Les sabots des Csikòs
Et de leurs cathédrales
Mordre le vitrail
Aux couleurs
Fatiguées

Je tiendrai Joszef dans mes mains
Comme une eau qui dort
Et qu'on ne brusque pas
Qui dort et dont on lit
L'enfance des sommeils.
Et tu croiras toujours
Que c'est un homme en fer
Quand il est de brume
Tu diras que tu l'as vu
Tenant le marteau ou l'enclume
Sur le drap rouge de l'Histoire
Tandis qu'il tenait la plume ;
Tandis que le tenait la faim
De ses vingt ans.

Je te dis adieu, déception, adieu petit prénom fortuit, adieu androgyne sans couilles.

Et de voir prendre forme cette gifle, de donner à ce geste d'écrire qui m'échappe une paume et d'y sentir pousser les doigts, aiguilles de chair, qui te piqueront. Je regrette de n'être pas malade pour qu'au bout de mes épines de peau et de cals, je t'empoisonne.

18 mai 2010

Luxure.

J'ai eu besoin de te chasser pour avoir à te réclamer. De te mettre hors d'atteinte de mon ombre, de mon sexe, et de mes doigts. De tout ce qui de moi est fleur, jardin et odeur, de t'éloigner de corps qui se brise en tige fine et parfumée, en suavité comme une femme de légende changée en roc sur la proue d'une île, et qui se brisant laisse apparaître des mondes aux contours de troubles, aux visages émaciés, où l'on se croirait dans tes temples de barbarie, où les flutes ne jouent que des marches funèbres, où l'on mène des peuples en moi, et les menant en moi les accompagne au charnier. Comme les larmes qui ne crèvent pas encore et se tiennent au rebord de la paupière sont un funambule transparent de grâce et d'hésitation, comme le condamné à mort qui attend sur les barreaux de son cachot que le verdict lui tranche la gorge, lui empoisonne le sang, lui brise la nuque ou bien lui leste de trépas les poumons, je t'attends.
J'ai besoin de te chasser pour avoir un peu mieux la cicatrice du criminel qui me part du cou, pour avoir de toi après que tu sois devenu un crime, crime majestueux, fille rose devenue blanche morte par le secours de mon être, en poussières de cristal, en brume, en souvenirs. Tu es, non la blessure que fait la balle qui s'anéantit dans le corps de l'assassiné, mais la poussière que soulève la balle, l'araignée de verre qu'elle laisse dans le miroir, la tâche brune, l'odeur de chair brûlée, le bruit du cristal qui tremble, du vent qui secoue, enfin, tu es un ensemble de choses qui se tiennent avant le sommeil, dans ce pays où tout est inconsistant, meuble, boue diamantée qui gicle sur le visage du rêveur, où tous les objets sont des mollesses, faits dans la matière du songe, avec un corps de fantôme abolissant tout désir, toute envie. Où l'on porte ses lèvres sur des monstres de vapeur, où l'on baise des souffles, où l'on aime des voix.

Tu n'es pas quelqu'un, et de ne pas être un individu, tu te confonds avec l'obsession, jusqu'à y prendre toute sa place, à remplacer dans mon lexique, mes définitions, mon dictionnaire, son mot, son terme, son évocation et sa puissance, tu y es installée comme la fièvre dans le front du pestiféré, tu as un empire de verbe, d'un verbe, qui se conjugue qui s'allonge, et où tu peux montrer tes jambes blanches, ta chair de peu, où peut tourbillonner toute ta salive, tes glaviots -tu voulais être, dans une autre vie, un homme, un bandit- qui forme dans le ciel une constellation où s'attache d'autres étoiles, planètes, cailloux, enfin cosmogonie du désespoir. Ce désespoir est parent de fortune, il en a la souplesse, le bassin tordu comme une hanse, un ventre. Il enfantera des fils terribles, aux mâchoires de fer et aux reins de pierre, et l'on appellera "malheureux" ceux que ces fils de nuées frôleront. Ils embraseront ce qu'ils toucheront, non pour en laisser des braises fumantes, mais pour voir la cendre qui leur succède. Et ce désespoir engendrera de sa bouche féconde trois-cent ombres douloureuses qui envahiront un ciel bleu devenu bas, un ciel qui plongera dans la mer pour survivre aux taches de feu qui y montent comme un lierre sur un mur abandonné.

Dans le terme d'obsession, que tu recouvres de tes boucles blondes, où tes yeux bleus y soufflent comme un vent et y changent comme un matin. Dans le terme obsession il faut comprendre ce que tu as d'ignoble, et d'ignoble que j'adore, comme ces gens que l'on fusille d'avoir vendu leur pays et où le plomb fait des belles plaies d'argent, comme Tarpeïa qui donna Rome aux Sabins et qui mourut lumineuse écrasée sous le poids de son avidité -brillante- et de leur or -baume. Tu es dans ma mémoire comme le bijou dérobé que glisse le receleur dans la poche du saint et finit par la trouer de culpabilité. Tu es plus lourde en moi que le pistolet arraché de la ceinture du maton et qui pèse tout son poids dans la cellule du prisonnier qui deviendra l'évadé. Lourde comme le sceptre que tient la main butée de l'enfant-roi, et la couronne qui lui broie le crâne. Plus lourde encore que la souillure bénie dans la bouche de l'enfant de choeur, plus lourde enfin que la pierre décrochée du ciel qui s'abime dans la mer, où plus lourde encore que Christ sur la croix coupable, croix gémissante, terrible d'akinésie, et qui voudrait libérer ce corps dont elle s'est épris, cette chair parfaite, parfumée de dieu, et aux yeux de nuit. Elle ne peut pas, la croix immobile, abandonner ce corps sublime que des mains d'ange -anges sans sexes, désirs, passions, anges comme des formes impropres à la réalité, ont gravé dans un muscle humain, ont soupiré dans une vie, comme je ne pus abandonner le tien. Et mes bras dépliés avaient cloué les tiens, comme un corps changé en monstre de pierre et qui ainsi durcit figerait tes vertus.

Il faut que tu comprennes, l'âge, l'ambition te tordent la grâce pour te rendre belle, pour te figer en formes invincibles, en sœur d'éternité. Et ce qu'il y a de grand dans ce corps neuf qui craque de partout et qui fuit des yeux jusqu'au ventre -pour répandre le jour, c'est la main de l'assassin et le tremblement de l'innocent. C'est la peur de l'un et l'envie de l'autre. La crainte de la pureté et l'espoir du vice.
Mais tu ne sais pas que les barreaux sont des roseaux de métal que ma bouche sait courber, et où s'enroule tous les espaces, toutes les mains gémissantes, tous les gestes altérés. La poésie les incline, et libère tout un jardin de criminel, des roses, coquelicots, épigées, lys, sexes, pétales, flétrissure, étamine, enfin tout ce qui jaillit à fleur d'eau, là où poussent les tiges des cellules.

J'ai besoin de te mettre hors de moi, de mon ombre, hors des rameaux que font mes cheveux si les mains froides du temps les assouplissent, hors du poison qu'exhale ma bouche, hors des victimes qui partout jettent leur fine pluie et dont j'accouche sur des lits de pierre. Je tiens dans mon ventre une comptabilité de morts, d'incertains, d'êtres aux allures terribles que le vent balance -comme le criminel étourdi sous le prêche de l'abbé, et qui ont toussé leur agonie dans mes poumons, agonie dont je sens la caresse aimable.

Il faut que tu restes à la périphérie de moi parce que je t'étranglerai, et tu rejoindrais ces tombes que j'honore de souvenirs tous les matins et où j'espère traîner des amantes, un jour, et y déposer sur l'épitaphe des rires semblables à des chrysanthèmes fanées.
La vie est bien trop grave pour être sérieuse, pour s'endeuiller et ne porter que des volutes noires, des chiffons sombres qui digèrent la lumière.

Il y a quelque chose de fantastique aux photos que je prenais de nous malgré mon manque évident de talent. Elles sont l'érotisme, la sexualité, avec son désespoir et ses joies, avec son regret et son vice, avec ses taches et ses couleurs. Elles montrent le désespoir et la violence, elles montrent ton visage qui a honte d'être abattu sous des muscles, sous des os, sous la verge de l'autre qui durcit, et que ta faim ne peut t'empêcher de serrer dans la paume ou d'embrasser avec toute la bouche. Tu as une pulsion au lieu d'un sexe qui durcit, et c'est ainsi qu'est ta queue, en forme de pulsions et d'invisibles. Tu as un sexe d'homme immatériel.
Tu as des pudeurs que tu masques sous l'appétit.
Tu es l'obsession ; tu es aussi l'avidité
J'étais le vice amputé de luxure.
Puis je t'ai trouvée.
Puis je t'ai perdue.

16 septembre 2010

Marie

Certaines choses s’achèvent sans qu’on le voit ni ne le sente. Il suffit d’un geste, parfois, pour chasser l’alizée, et vider le ciel de ses attributs de victoire. J’ai le cœur excisé, il se porte déjà ailleurs. La mode de mon corps a changé, Marie est un nouveau prénom qui y fleurit et Lucie continue de porter sa voix de mort. Elle me complète : j’en suis l’odeur, de la mort.
Dans tous les pays, les empires, les Républiques, dans tous les corps et les cerveaux de femmes, c’est la même chose paresseuse, qui m’ennuie.
Je suis déjà plus loin que ça mais personne ne peut l’observer, il faudrait plisser l’émotion jusqu’à la rendre chinoise et demain j’irai pour toujours de l’autre côté des vies, j’aurais des ivresses en chapelet, religieuses ivresses où des saintes se dénuderont, où la bouche de Marie me fera oublier les cœurs frivoles. Je parlais d’Hongrie et s’assembler dans ma tête les images de la Berbérie, j’entends des voix –le ressac de la mer- qu’est l’accent amazigh. Des proverbes qui sont des pas armés, et me bercent de leurs mélodies, je sens des feux oniriques qui crépitent et se nourrissent d’un bois de rêve, enfoncent des passions et disent « voilà la vraie forme d’une flamme, elle a le cœur d’une étoile, la chaleur d’une abysse, et la trahison d’une femme ». Là bas ce seront des montagnes kabyles et des déserts qui nous rendront fous, en pénétrant pieds nus sur le sable chaud, on laissera la raison, et on dansera pour avoir soif dans une union de damnés. Chaque respiration prendra des vapeurs de l’enfer qui se recracheront en souvenirs, avec Marie, on évoquera les souvenirs et les amours déçus, ceux là qui avaient dans le ventre des chênes pourris et des dieux païens. On pleurera de larmes de sable, on fera s’écrouler du verre de nos yeux détrempés par les oasis imaginaires. Nous n’aurons qu’à boire des souvenirs, dirons-nous, et nos rires craqueront dans le ciel pour faire naître le premier orage du Sahara et nous aurons soif ensemble, alors, blottis dans les plaies mystérieuses, ces grottes creusées par le temps, à travers nos os et ces bouches qui en nous poussent des plaintes. Les caravanes passeront comme des fantasmes, dans des habits de poils et de lait de chèvre, elles passeront, indifférentes, comme le serpent qui passe sur la roche et attend que le soleil excite son sang.
C’est trop tard, je ne sais plus jouer mais les dés et les dominos ont laissé sur les mains leurs chiffres et leurs amusements. Je suis devenu ce jeu, énorme, qui tue, rachète, saborde. Mais je ne jouerai pas, alors j’abandonne les âmes stériles, je les laisse à leurs amours souillés, aux jeux initiaux, primaires, et je retourne aux prénoms éclatants de volupté, drapés dans du lin.
Marie a le cœur vierge des blessures intelligibles, c'est-à-dire qu’on les saisit du coin de l’œil, et qu’elles s’empilent en soi, les blessures.
Prénom de sainte, corps de putain.
Marie, demain, j’ai des ongles pour toi qui te feront des ravages sur la peau, je sens toutes tes eaux et toutes tes lassitudes qui se cherchent une maison close.
Je n’ai plus que des promesses de vérité que les autres, les amours, souillent de leurs légéretés. J’aime sans gravité, bien sûr, j’aime sans une pensée, c’est déjà trop penser ses amours, j’aime sans sérieux, avec la bouche amusée de ce baiser virginal qui l’interdit. Mais j’aime pour de vrai, avec tous les élans fracassés du souvenir, tous les départs, et tout l’absolu qui me déborde des hanches.
JE PORTE UN ENFANT DANS MA GORGE ET VOUS VOUDRIEZ M’AVORTEZ ? ET CE CRIME VOUS HANTERA JUSQUE DANS VOS JOURS CLAIRS DE JOIES IL PENETRERA SANS CONSIDERATION POUR LES INTERDICTIONS MATERIELLES ET SENSUELLES PARALYSERA VOTRE DESIR FIGERA VOTRE FATIGUE
Lucie est morte, elle ne le sait pas, et demain je la verrai sur une stèle de marbre qui me dira « je ne le savais pas, mais je dormais dans ce cercueil anonyme, je dormais au milieu du bois maigre. J’avais la mort inconfortable, alors je me suis levé et je t’ai trouvée, c’est ton odeur qui m’a attirée, elle me rappelait quelque chose. Chez moi. Aujourd'hui que je veux me rendre dans ce foyer aux lumières anéanties, j'aimerais que tu m'y joignes, qu'on aille se mettre sous les yeux ma même noirceur languissante dont tu te pares quand tu veux dire je t'aime ».
cette invitation m'ecartèle.
Il y a Marie, il y a Margot, il y a les fantômes ignobles, il y a le coeur pur et les rosiers merveilleusement justes qui m'ont poussé sur le torse, il y a l'appel médian du soir, il y a, les promesses que j'ai faites, et la voix de Marie qui n'en peut plus de soupirer d'attente, de l'autre côté de la rue, au creux d'un abîme de foutre. Elle attend, que je vienne, que je sois débarassé des amours faciles qui sont des matières composites, constituées des purges d'avant.
Il y a des désespoirs qui saillent de moi et ces tombereaux de larmes qui s'échappent de mes mains.
 
Je ne peux pas supporter un amour qui se disperse, qui soit fabriqué dans des forges de vent, où le soufflet remplace le fer.
Plus jamais je ne serai sale.

24 octobre 2010

Les délires, la nuit.

Si proche, sanction et scansions, qu'on croit l'une et que la deuxième déjà dans ses rythmes de tambour

déchirent sa peau d'iguane

et d'animaux de funesterie

Il y a des bréviaires où la mythologie s'est faite une place avec le rire.

La mythologie faisait délirer les dieux.

Ils en ont voulu aux choses terrestres comme des poètes

Sur l'Olympe s'empalent cent mille dieux aux casques d'acier et aux grands reflets de manque.

Moi mon visage s'est taillé dans le crime, j'ai avancé le visage au milieu du lac et je lui ai donné ma trace.

Depuis ce pays saigne, il saigne avec de grandes enjambées, il saigne de rubans gris,bruns, le ciel s'écoule de la plaie.

Vous avez déjà agonisé un iris ?

Le trouer d'ombre.

La nuit a de grands doigts qu'elle enfonce au mil ieu des yeux clairs, des yeux dont on dit ils sont des voyageurs.

Des ongles de lumière qu'elle met aux phares des voitures.

Oh,la nuit,oh le soir, et les filles aux blasons cruels.

Au mieux des grandes rivières poussent des fleurs aux pollens mécaniques.

Je crois avoir vu,dedans, rouler des aurores.

J'ai dit "la rosée c'est la terre qui mouille après que je lui murmure à l'oreille mes obscénités".

 

 

La sanction, mais la sanction, permet de sentir le monde.

C'est de l'écrasment, de l'assaut, hue !

TOUT LE CIEL EST DECROCHE

ON DIRAIT DES FLUX ET DES REFLUX IL Y A DU SOLEIL PALE

ET SES AUREOLES DE SUEUR

ROUGE ROUGE ROUGE COMME DE LA FIEVRE ET DES MALADIES

JE CROIS QU IL Y A DE LA PESTE DANS LES INTELLIGENCES

De la peste violette comme un insomniaque, une peste qui laisse le corps toussant, râlant.

ô pauvre imbécile, le ciel ne reflète rien

rien, il y a des blocs de cendres qui tapissent

des reflets de cierge on dit "des étoiles";

ça fait sourire le bout d'une religion qui brûle.

J'ai des ciels à boire

et du temps à croquer.

Belle seconde, ton ventre cruel

Tente mes mains d'aiguilles

Cadran de lumière

ET CARCAN DEXTASE

JE POSE DANS DES CARQUOIS DE SOIE DES FLECHES DIVOIRE AUX POINTES D'HAMECONS

LES BEAUTES SONT PRISES AU PIEGE DES FLECHES INDIENNES

DES LONGS FLEUVES FLECHISSENT

LA NUIT ASSECHE LE JOUR

Nuit morcelée, falaise de charbon, le vent est un mineur.

Je suis en cours, hé.

Moi je n'ai pas la chance d'être libre, libre comme les strophes des amoureux.

Bientôt, bientôt, bientôt les grands angles montagneux

Les reins de pierre couverts d'automne, de printemps.

Tout ce pays rempli de saisons.

Bonjour, je suis génial, mais je suis paresseux.

Pourrais-je emprunter un peu de vos teints laborieux ?

De vos corps serviles je réclame l'effort

les coeurs retroussés

La plume sage et calculatrice, je veux que vous décrochiez l'horizon et les arpèges qui y vacillent encore.

Je veux emprunter de vos pas faibles et de vos jambes noueuses.

Vos mains paysannes, tannées de soleil, qui ont bu toute la peine pourront trouver des terreaux en moi.

Plantez vos ongles, j'en ferai des lierres qui grimpent sur le passé.

Il y aura des crochets sifflants et des hyènes hurlantes.

Le désert,le désert fera des pas de géant

jusqu'à la ville.

Les belles pierres d'infimes baisers.

De la roche éclatée.

Ce sont des amours, les sables loin.

oh, que j'ai d'hurlements en moi que je crois ma voix être un fauve.

Traqué par la soif, écrasé de mirages.

Mes yeux ont bu la réalité et ma bouche se fane.

 

5 novembre 2010

Mirjam La personnifiée

fais attention à toi, je suis très sérieux, mon amour porte un costume et son col est raide, droit, fier, fais attention à toi. Tous les matins, il déclare, et se regarde dans le miroir pour recoiffer ses gestes, pour ordonner ses intonations, son salaire ce sont tes larmes, celles là oui, et la suivante, et le torrent festif des autres. Je l’ai prévenu, je la préviens encore. Mirjam, s’il te plaît, c’est un miracle de supporter mon amour et d’en triompher, un trophée que l’on peut ériger comme la tête de Méduse « Il m’a aimé et j’ai survécu ». Ceux qui n’ont pas d’amour habitent dans la nuit, c’est un gant pour le crime. Ce sont des putains. Pardon Mirjam tu es une putain, c’est vrai. Tu as un visage de muette, ce que tu dis a un poids, une valeur, ce ne sont pas des breloques aux petits avantages, tes mots ont des petits pieds de danseuses et des jupons gris. Tes jambes sont deux rivières d’argent. Tes mots je les mesure dans une pipette et je les mélange dans ma tête pour fournir à ma bouche des chimies aux dards fatals. J’ai aimé Wendy, elle en est à demie-morte. Ce n’était pas ma faute. Elle avait la mort en elle, elle avait tout ce chaos formidable au creux de la bouche, ça se tenait là, c’était un ulcère ou une fleur, oui une fleur. Mes mains étaient chaudes, chaudes quand elles s’aventuraient dans son marécage : ses yeux. C’est la Hongrie mais Mirjam tu sens la Belgique, tu parles la Belgique, je vois Wendy quand tu me racontes les hommes et le désir, quand tu me racontes la bouche que tu as au ventre et ses volontés infernales. Wendy est morte dans mes bras et si je ne l’ai pas tuée je l’ai regardée mourir en riant. Elle me suppliait des yeux, son corps disparaissait dans des bans de sable dérobés sous son corps immobile. Elle me suppliait et je riais, je lui disais « suce » et elle suçait alors qu’elle se noyait. Elle est morte, tu sais ? Morte, et tous les matins je me lève un peu en avance pour me recueillir sur elle. Je lui raconte comment je vis, comment je porte son souvenir au milieu des blessures de mes vingt ans, je lui raconte que la flèche de son amour était douce. Wendy est morte, mais je ne l’ai pas tuée, elle avait la mort en elle, comme une fleur que ma main attentive et injuste a engendré en prairie. La mort était un arbre et mes attentions, mes haines, ma jeunesse en ont fait une forêt. Le cœur de Wendy, le corps de Wendy c’est Cologne. Depuis tous les matins, je pose ma tête contre un mur de pierre, et je lâche cinq larmes du poids d’une vie, cinq larme comme autant de pétales jetés au bas du cercueil, cinq larmes d'un œil ouvert comme une main. J’en ai volé des choses avec orgueil qui me trouaient les poches de leurs poids et de leurs nombres. Je n’ai jamais eu honte, jamais dit « je ne volerai plus jamais » mais j’ai été complice du cambriolage d’une existence et le remords m’enfonce en enfer. Il a répandu des sables mouvants sous moi qui me drainent, lentement. Je ne peux pas assumer le poids d’une vie. Je ne peux pas assumer la mienne, même.
27 novembre 2010

Lettres à la haine : n°1 - Mot pour Emilie D.

En moi tu remues les haines de celui qui a eu faim. Il y a tous ces  corps perdus, brisés de supplications qui prennent le mien pour amplifier des plaintes. Je ne t'écris pas ; je t'outrage. Tout ce que tu es je le maudis en des prières inventées pour le sacrilège des fortunes. Mon sang te renie dans son lent murmure qui chante des cantiques d'enfer. Le monde me semble un poème trop étroit pour deux bassins si ennemis que les nôtres. Je te hais. Je hais toi et tous ceux de ta race qui savent survivre dans leurs démesures d'insignifiants. Pour  moi. Vous êtes le meurtre. Le meurtre fier et angoissant, tapi dans les  replis des lois, agissant toujours avec le secours des autorités crânes et odieuses. Vous avez à vos crimes, mis les grandes robes des lois et des soirées.

La richesse vous marque de son sceau invincible, c'est le  péché originel du siècle que de naître riche. Il faut des baptêmes de  misère, des douches de soufre, des maquillages d'angoisse pour espérer faire tressaillir sa peau de ce crime primitif.

Mais tu  pleures, tu pleures ? tu as l'orgueil de la tristesse ! Hé ! Ne touche pas nos luxes de tes mains gantées d'argent, tu es déjà riche, laisse nous les cris, ils ont suffisamment à  faire pour nos gorges, les cris, suffisamment à faire pour nos corps  meurtris, suffisamment à faire pour occuper la place de l'espoir et de la faim dans nos chairs. Je te hais Parce que c'est le moyen que j'ai de  briser le sceptre honni des pouvoirs et des riches capricieux. Quand je te hais  c'est un milliardaire de fantasme qui meurt, son corps de carreaux  brisé des pavés d'enfant.Je te hais, de la haine de celui qui a eu  faim, la nuit, quand la tienne s'abimait de lumières exotiques. Je te hais de celui qui a eu faim quand tes yeux s'armaient d'aurores. Je te  hais de celui qui a eu faim quand ton corps joyeux riait sur des tables  pleines de gâchis. Je te hais avec la main du mendiant qui se tend plein  de peine vers tes yeux moqueurs. Dans ma haine  il y a trois quart d'orgueil et un quart de damnation que je te promets.J'ai fait des  études pour donner à ma haine une profondeur et un paysage. J'ai fait  des études pour donner à ma haine des raisons. Je n'ai pas cherché de  tempérament à l'ardeur. L'ardeur ne vaut qu'audacieuse, violente, toute  farouche de chaleur, je n'ai cherché qu'à la motiver et la faire durer.  C'est un brasier allumé sous un pont, mais le pont,vois-tu étais-là, et  il se serait mis en branle, avec des muscles de miséreux galériens, il  aurait avancé. Quoi qu'il advienne jusqu'à renverser vos fortunes et vos corps. Je te hais pour ce qui transparait du monde à travers le véhicule de ton corps. Je  te hais et je voulais te le dire. Pour que tu saches que ceux de ma  race extermineront jusqu'aux derniers de la tienne. Si vous êtes plus  forts nous sommes plus nombreux. Si vous êtes mieux armés nous serons  plus braves.Nos rangs tremblent de fatigue de n'avoir le soir que  des trous de verdure où coucher la haine mais n'oublie pas, n'oublie pas  que nos ventres sont vides, que les armées d'affamés vainquent toujours  les soldats repus. Tu seras Rome ; je serai les Huns, les Vandales, les Francs, je serai le déferlement de la faim. Nous jeunons tous les jours déjà  pour que l'appétit frustré aiguise nos colères. Fais attention le matin  aux premières formes qui se soulèvent des cendres de la nuit. Ce peut  être mon frère qui tue l'un des tiens. La lumière qui s'arrache du gris  parisien ce peut-être le muscle phosphorescent d'un impatient de la  rage. Le clapotement de la fontaine, place de la Sorbonne, méfie-t-en comme du pas d'un  de nos éclaireurs cavaliers. Nous avons des haines qui ne sont jamais rien d'autre que le nom de nos dignités et de nos fiertés .Nous avons refusé votre réel insuffisant. Refusé nos ventres gonflés de vos odeurs.Nous  avons dit, d'une voix fêlée comme la cloche d'une Eglise, notre refus de vos existences. Vous aurez beau veiller. La nuit est un complice patient. Toutes les dates des calendriers elle fera le  guet au dessus de nos gestes maladroits. Tous les crimes elle couvrira  nos fuites de ses langes de soie. Fais attention. A toi. Parce que je te hais.Que demain, ou les fêtes à venir, l'un des miens emportera l'un des tiens, jusqu'à ce que ce soit toi.Nous sommes plus nombreux, nous sommes plus courageux, nous n'avons plus peur.Je  t'enseignerai jeune fille qui vit dans le luxe et l'espace,  l'étroitesse d'un tombeau, creusé pour un, où l'on se jette à deux. Je  ne prendrai pas de place, parce que j'ai faim. Le cadavre de ton crime  gésira tout près de l'innocence du mien. Je te hais Petite.      

Tu verras la douceur meurtrière des ailes d'un utopiste quand au sortir de ton cours de russe une voix de révolution t'emportera la bouche. Tu apprends une langue dont je t'enseignerai un mot : goulag.

30 novembre 2010

Aux épouses

Pour écrire j'ai besoin de prétextes.
Ces prétextes ce sont des femmes. Des femmes haïssables,aimables, des qui ont les yeux clairs des déroutes, celles qui ont les cheveux sombres des linceuls. Je me nourris d'elles, et quand je les ai bien bues, que mon pas va tremblant répandre son ivresse sur les vallons, j'en aplatis le souvenir sur un mur et c'est soudain un paysage gai ou pittoresque. J'en aplatis les formes comme des fruits murs et j'en bois la liqueur incolore.

Mon ciel je le fore de leurs plaintes angoissées. J'ai des amours -je sais leurs noms- dont toujours je devine les larmes. Je prépare avec soin des éprouvettes pour recueillir les chagrins et fabriquer de leurs chimies inquiètes des philtres de joie. Quand je rate, que l'alliage de mes sciences et de leurs pleurs forment un liquide épais, je bois le breuvage mystéieux et je m'empoisonne. Chaque jour, un peu plus, aux lendemains des crises de filles, j'ai le coeur engourdi.

Tant de femmes. Tant de femmes qui m'ont aimé ; tant que j'ai baisées. Je baise si mal, et pourtant je vois leurs yeux émus et leurs visages bouleversés de couleur, ce sont des fleurs, oui des fleurs peintes à la hâte par l'amour.
J'ai croisé tant de femmes dont j'ai brisé les hanches top lourdes, les nez trop longs pour les faire enter par les portes étroites de la littérature. J'ai croisé tant de femmes dans des couloirs étroits, que je n'ai aimées que le temps d'une effluve lente à se perdre. Tant. Tant. Tant de lames en suspens, au premier stade de la composition d'une peine, tant de larmes attentives au premier jet criminel du chien.

D'elle j'espérais un enfant. Je me lève Elle dort. J'entends quelqu'un qui hurle. C'est moi. J'accouche. C'est un personnage. Encore. U,n personnage baigné de placenta noir comme de l'encre.
Je cherche partout des femmes, pour écrire. Faites moi écrire. Toujours écrire. Autrement je meurs. Je meurs ici.

Je ne sais pas mentir.
Toute mon écriture est ma vie. Quoi que j'en fasse, je ne décris que mes amours, mes amantes et mes haines.
Je décris tout en démesure nos transes idiotes. Je décris le voile qui tourne, et la nuit qui ronge le vêtement, je décris, le corps tout bleuï de froid et mes deux mains innocentes qui réchauffent le corps ami. Je me souviens, là, les draps aux mains de luxure qui nous entravaient les reins. Je me souviens, oui, des premiers gémissements que les miens. Ils rôtaient comme des enfants en colère. Il me rappelle la musique que faisait ma voix gorgée de rires quand nous tombions du lit. Les écorchures que laissent l'amour avec le corps quand on a dix-sept ans. Les cheveux roux de Tiffany au milieu de nos baisers comme des aurores toussantes.
Les caresses hésitantes des jours de la Toussaint.

Toute ma vie n'est qu'une quête. 
Ce sont des femmes que je rabote en muse.
Je diminue la volonté, je baisse la lumière juste assez pour que leurs visages de minéraux morts soient des statues.
Je les rentre dans des fours, leurs mains d'argile sèchent en des gestes définitifs. Il n'y a plus rien qu'à attendre que le jour les peigne.

Ma mémoire est un musée
Des amours de marbre
Se reposent sur ses dalles usées
Le temps les biseaute.

C'est bête.
J'ai tout fatigué le corps des jolies pour des caprices littéraires.
J'ai encore faim.

20 décembre 2010

Almanach 2

Je regrette de n'avoir pas connu le temps où les putains étaient des femmes
Plus habiles que le fatras d'une foule d'inconnue. Où l'on tarifait mieux l'amour
Que le sexe, dans des culottes aux chiffres béats.
Je regrette de n'avoir pas connu ces putains, aux manteaux troués
De froid, qui parlaient de passes, et de littérature, et pouvaient raconter
L'histoire d'un amant mort à la guerre, et baiser sur leurs seins
Ce qu'il reste d'un uniforme.
Je regrette de n'avoir de putains, que l'almanach si déchiré
Qu'il n'en reste que les pages en lambeaux.

Il faut une certaine noblesse pour entrer
Dans les pages de mon calendrier
Il faut s'instruire des choses de l'astrologie
Le mouvement écarlate des étoiles
Aux yeux malsains.

L'almanach sent le benzine
La Seine et le Rhône.
Ce sont mes putains qui y entrent
D'Anne à Wendy, tout l'alphabet
Calendaire.

J'en exclus, certaines, qui servent d'encre
Aux rédactions de mémoire, ce sont les plaines
De neige.

Je regrette de ne rien savoir de ce temps
Où les putains savaient la géographie
Des Corps
Célestes
Comme l'astrologue
Suce les dates
Sucrées de ses
Drames.

Je veux dire, enfin, que j'aime d'être cet ascète de l'existence :
La lâcheté vit et se déploie dans le groupe
Le courage, lui, développe son parfum
Solitaire.

Où le mac n'est rien plus que le marchand quelconque de la tendresse
Sans le masque de cire qui va au criminel.

27 juillet 2010

Aux amours mortes

De moi il ne reste rien.
Rien que des traces.
Traces affranchies
Tracées.
Comme un regret.
Oui.
Reflet qui fête
Son vide.

(Nous nous tenions là.
Avec des remords au lieu des mots.
On se disait, qu'on s'oubliera.
Mais on ne s'oubliait pas.)
On ne faisait que se perdre.
A s'enfoncer.
Loin.
Dans la nuit.
A s'enfoncer.
Loin.
Dans le bruit.
Profond.
Dans les corps.
Toi d'abord.
Moi ensuite.
A dresser des théâtres.
Des décors.
D'ombres et de peurs.
"Comme maman on serait scénographe
Comme papa on serait acteur"

Tu es la normalité.
Sténographiée.
Mon amour morte.
Et ta maman a des mains qui coulent.
Pour t'attraper.
En bas.
Mais tu n'es déjà plus là.
Mon amour morte.
Et Maman pleure.
C'est elle qui t'a appris.

J'ai du jeu dans les doigts.
J'en ai toujours eu, qui me remontait dans les paupières.
Du jeu.

J'étais Papa.
Et je gardais les cris.
Dans les gestes.
Dans les coups.
Qui bleuissent les peaux.
Fragiles.
J'ai frappé.
La peau qui t'a volé ma peau.

Je suis le traitre.
Avec son épée.
Teintée.
Du sang
Des amis.
Et quand on me demande en suffoquant
"Pourquoi ?"
Je réponds qu'il faut bien survivre.
Et pour survivre, il faut tuer
A dit le vacarme de l'Univers.

Est-ce que je te le dis ? Qu'il faut survivre ? Est-ce que je te l'ai dit, que je ne faisais tout ça, voler, violer, tuer, que pour survivre.

Je cherche des bras
qui me tiendraient chaud, pour toute la vie.
Comme ça n'existe pas.
Je tue.
Pour qu'à la crémation,
j'ai chaud.
Rien qu'un peu
De chaleur humaine
D'une amour morte qui
Brûle.

Ton corps m'a chauffé le coeur.
"Quand dans ma vie il faisait froid".
Ce n'était rien qu'un peu de peau.

Je rêve de te dépecer.
J'en arrache mon pyjama
De croire que j'ai ta peau
Déchiquetée par ma nuit.

(J'ai le souvenir de tes cuisses tendres où les caresses pleuvaient comme dans des draps de velours.
Tu n'as pas de peau, pas de chair, pas de muscle tu as.
La douceur.
Que je cherche
Qui est noyée
Dans les caresses
Indigènes)

J'en ai tué des petites filles avec des yeux en verre.
Mais en toi
Je voulais souffler ma musique.
Mais je n'avais pas vu
Tes lèvres dures.
Ta bouche close
Qui embrasse sans la langue
Qui suce avec la gorge.
Je n'avais pas vu.
Ton poumon.
Percé.
Où coulait.
Entre la plèvre.
Le liquide pleural.
Mon amour morte.
Mon mercure.
Tu fuyais de partout, et je n'avais pas assez de doigts.
Tu les occupais trop bas.
Avec tes jambes dans tous les sens.
Tu les occupais trop haut.
Il fallait recueillir la neige de tes yeux.
(La sueur de ton envie.)
Bleus.
Comme un bout d'infini.
Un air de trompette.
Ou d'ambre teinté de merveilleux.
Oui.
Où.
Prisonnière.
Etait ta joie.
(Tu n'auras jamais la main assez ferme pour briser entre tes paumes, ce morceau d'argile, de pierre transparente, où se fossilise ton bonheur. Tu le vois, et tu ne l'auras pas. C'est ton enfer pour n'être qu'un corps d'hiver. Qui aura des prénoms de garçon, qui s'en iront toujours avant que l'aube craque dans le ciel ses allumettes. Avant que le ciel enflamme ses becs de gaz qu'il allonge de tout son long. Ton enfer, ce sera de mourir seule et amoureuse.)

Tu étais.
Dans mes bras.
Quelque chose noir
De monde.
Quelque chose noir
De bruit.
Comme une ombre inquiète.
De lumière,
Tu sais, je n'ai jamais eu de larmes.
Je n'avais que mon foutre
(Pardon)
Je t'en ai mis dans la bouche, je t'en ai mis dans les doigts.
Et quelque chose noir qui grandissait en toi.
Que je voulais cacher.
Qui ne se taisait pas.
Quelque chose noir
Qui prenait une voix.
Qui devenait un cri.
(D'orgasme.)
Qui devenait un muscle.
Et un corps
Qui devenait une plaie.
quelque chose noir.
Qui voulait un prénom.
Qui en eût un.
Lily.
Quelque chose noir
Qui est devenu
Quelque chose bleu.
Wendy.

On ne savait pas.
Que le bleu de tes yeux
était le noir brisé.
(on ne savait que le blanc cassé).
Tu es mon miroir.
Et je cherche.
Dans tes éclats, qui grèvent encore mon ciel.
Qui constellent ma mer.
Je cherche.
Dans les morceaux de toi.
(Parcelles stériles)
Mon visage.
De quand j'avais peur
Moi aussi.
Sur les terres
Incultes.
De tes sens.
Ta géographie d'amour morte.
Comme une peinture.
De Van Gogh.
(natures impressionnistes)

(Tu ne seras plus jamais belle.
Parce que je ne t'aimerai plus jamais.)

Tu seras un corps.
Qui cherchera d'autres corps.
Un corps, qui se fatiguera.
Des corps.
Un corps.
Qui voudra crier.
Qui n'aura plus de souffle.
D'avoir trop voulu
Jouir.
Un corps.
Qui aura le silence
Des cors
Quand l'ours est couvert de sang.
Du sang
des chasseurs.

Et je serai pareil.
A mettre.
Sur les cuisses d'une pute importée de Lituanie, avec sa mère, avec sa soeur, avec sa fille.
A mettre.
Sur ses collants troués.
Sur sa robe souillée
(C'est déjà sa peau, sa robe)
A mettre.
Ma coke.
Entre ses lèvres.
Ma bite.
Et bander.
Et sniffer.
J'ai ça de blanc aujourd'hui.
De couleur.
Pour mettre dans ton noir
Qui brisé est devenu le bleu.
On ne pouvait pas savoir.
Mon amour morte.
Que tu ne serais que nuit
Sauvage.
Que tu deviendrais
Pâturage
Pour tristesse.

Tu ne trouveras plus jamais des doigts comme les miens.
Des doigts que la poésie a déformé.
Parce que ça n'existe plus.
Des doigts sensibles.
Ce sont des doigts d'échec.
et les usines ne produisent
Que
La
Réussite.

Je suis une difformité.
Narcisse.
Défiguré.
Qui cherche son visage.
Dans la pisse froide.
(De minuit)
Parce que Narcisse.
(Défiguré)
N'a plus tes yeux.
de noir brisé
de blanc cassé.
Pour se souvenir comment c'était.
De l'autre côté de la vie.

J'appartiens à quelque chose noir.
Je suis redevenu Jérusalem.
La double, la pleine de sang.
Et d'orgueil.
D'être le centre de la foi.
Mon nombril grouille.
De pleurs et de prières.

J'ai mis sur ton nom un peu de salive.
Pour dire adieu.
Mon amour morte
De n'être pas née.

Je t'aurais baisée une dernière fois.
Demain.
Sans conviction.
Mon amour morte.
Mais je ne bande qu'aux jolis filles.
Tu sais.
Et je ne t'aime plus.
(Alors tu n'es pas belle).

J'ai froid encore.
J'aurai froid toujours.
Jusqu'à la prochaine crémation.
J'ai les doigts
Glacés.



Mon amour morte.
Tu avais la sexualité des putains ;
Tu en as désormais la morale

19 février 2013

Artiste pénal.

Mais aujourd’hui... Artiste, quel mot ridicule, grotesque et grillagé. Artiste, je préfère mieux ivrogne, salaud, truand, je préfère trafiquant, suicidé, enfin, j’ouvre le code pénal et au hasard je jette mon âme, voilà je suis L211-1, nom d’artiste et matricule de bagnard, tout à la fois.

C’est toujours ma langue nocturne et indéchiffrable, mes hiéroglyphes pour les chouettes et les chats.

5 novembre 2013

Ta mère la pute

Je ne serai jamais comme il faut

aux ongles sans ombres

les gestes sans angles

jamais je ne serai

purgé du sauvage en moi

l’être impur de pensées de fièvre

et d’hiver

le sauvage en moi retenu par les barreaux des cils

la cage du sommeil

le rebelle en moi au parfum d’incendie

de sang de poudre et de meurtre

le rebelle aux pas de ciel

(sans bruit il marche dans la mousse

comme une pluie pure tombant sur le monde 

le monde épais, dur

sans bruit encore

évaporé, presque

comme un amour qui s’achève dans

le rêve

comme la soif désaltérée 

par l'eau du miroir)

Le sauvage sous les cils

le sauvage luttant contre le froid de la paupière

(la paupière dure comme du marbre précieux)

c'est l'oeil

l'oeil amoureux

l'oeil pareil à une rangée de loups

(et de louveteaux)

 

Mes doigts approcheront, vous prendront glacés

Vous peindront, reflets de rages

sortilèges malades

parfum au matin de toute la nuit gâchée

par des mains des paumes des grincements de nerfs

Je ne serai pas comme il faut, avec des pas droits et une voix sans

l’hésitation des je t’aime, du vertige, et des falaises coincées dans la gorge

comme d’immenses hurlements au bord de la mer

je serai moi aiguisé comme un soleil moi et mon ciel brûlé moi d'incendie moi jusqu'au bout quand la nuit déliera ses cheveux d'enfant muet

quand tombera sur le monde un cauchemar 

quand

tout autour de nous paraitra la forêt brûlée

le monde en miettes les ruines et sans faire exprès un baiser

 

J’irai parcourir les déserts intenses

le peuple des fièvres

et des images mystérieuses

j’irai par-delà l’hallucination

ô gémir s’il faut et pleurer encore

creuser le désert des chagrins

et des joies

des mordillements de lèvres 

(c’est du sang coulé de ces plaies là qu’un jour naquît le soleil)

j’irai jusqu’à buter sur la première ville et à la rencontre de la première foule

hurler la rage la haine envahir de sable de cendre toutes les habitudes

répandre sur le monde usé le feu passé

 

j'irai où l'on me ressemble

les sens interdits

les sorties de secours

les soleils navrés

l'amour en chantier

j’irai

traverser la plaine épaisse de brume

l’haleine des filles belles comme des

draps froissés

J’irai où le jour brille brûle

Où le jour sera un portrait de femme

la lumière reflétée sur des dents tremblantes

où les lèvres disent peut être et je t’aime dans la même secousse

si le jour n’est pas spasme

un bégaiement

une sorte de rôle oublié

si le jour n’est pas une galerie 

effondrée

un monstre lumineux et fier

un éclair troué cent fois par les ongles

alors le jour n’est pas

 

il faut le monde hors de lui avec un visage de damné

fou peint au plomb si tu veux peint peint des sévices des joies de tout l’infini mis en rage

 

Viens me voir quand c'est en même temps midi minuit les heures d'éclipse les prunelles brûlées ah l'amour ou l'une de ses métamorphoses mais au matin dis s'il te plaît "enfin la vie"

 

AH

REGARDEZ

(c'est un montreur de lions qui avance dans une cage un langage sauvage, un barbare au nez peint, une sorte d'Attila imberbe)

REGARDEZ

comme "aimer" est beau aujourd'hui, ensanglanté, massacré

Ah l'amour on l'a échangé contre l'adjectif

le mot doux du plaisir et sa soeur aux jambes nues

l'extase

l'extase et le plaisir 

et la nuit et les gémissements des filles

oh la cendre d'aimer

l'écume

le rien d'aimer

VOILA CE QUI RESTE MAIS ON DIRAIT QUE JE FAIS DE LA MORALE CHANGEONS DEJA DE VISAGE DE VOIX DE CORPS CHANGEONS DE SCENE ET LES YEUX CHANGES DES FILLES COMME SI C ETAIT DEJA DEMAIN

Changeons oui voulez vous

de portrait

de salles 

de classe

de musées

changeons entrons dans les dédales neufs, les premières fois

dans le reste du monde

 

6 février 2017

Ludvig van Bethoven

il y aura une suite à ces lettres
ces mots tu dis la vie ici quand
tu avances de ce pas indistinct
le même à l'école, trois ans déjà
la salle de classe la sieste Federico
Martial le nom des filles tu préfères
oublier tu palissais déjà innocent
elle a commencé tôt la honte pour
toi l'oeil des autres de tous les autres
de plus en plus monstrueux dilaté
l'oeil par toutes les années à soixante
ans tu imagines l'oeil large comme une
planète tu plantes dans le sol un bout 
de bois il te servira compas bâton
de marcheur tu avanceras dans la honte
toute la vie toute la vie c'était long
un seul jour et toute la vie tu ne sais
comment ce désert ta main sur le front
humide comment pourrait il en être autre-
-ment


il faudra bien une suite jamais achevée
sinon toi froid immobile tes yeux comme
si janvier pour l'éternité y déposait son
verglas mon dieu le mauvais goût toujours
cette incompréhension quand tu parles
la bouche mal ouverte et les larmes qui
te montent mais silencieuses et non-visibles
hachurent tes mots :::/// tu avais oublié
d'appuyer sur shift avant de conjuger
tes hachures il fait mal ce mot

cette langue tu la hantes de signes
tous renversés ébréchés tes lèvres
un vase de Soissons tu demandes
au lecteur sa fièvre sa furie pour
comprendre cette ponctuation
immolée vis avec ton époque
merde à la fin si tu ne 
sais pas ton  
youtube
n'a pas de
points virgules

Tu crois toujours ça n'a pas de sens la parole sans respiration rejetée à la ligne la grande marée chavirant le frêle esquif -tu vois je me rappelle les mots du poème classique Du Bellay par là Chassignet entre ici et celui-là tu ne le connaissais même pas je l'ai exhumé 1917 la tranchée les morts et Chassignet sorti du feu baroque un trou d'obus une tombe- tu n'entends pas le mouvement ni la corde désamarée c'est elle qu'on chante son dénouement lent comme une vie au moment de la mort plus longues secondes d'exister tu ne vois pas n'entends pas existes-tu seulement ô -encore invocation classique et notre père en latin même si tu veux ave maria pater noster allah akbar toutes les langues de la prophétie missel ou coran en caractères indéchiffrables اللهُ أَكْبَر ארמים- j'écris pour des ombres fantômes spectres issus de vous j'écris pour la marque que vous laissez dans la terre molle si vous vous promeniez en forêt deux fois déjà ici pour votre autre le signe d'un vous hypothétique 

Je me rangerai un jour peut-être aux raisons ordinaires
me lançant dans le chant très banal d'une poésie 
sans intérêt voix creuse variété française qui
écouta dans sa jeunesse -loin la jeunesse-
Ludvig van Bethoven mais non pas
Ludwig von Beethoven
son plagiaire britannique 
précisant toujours son origine
hollandaise les comptoirs de Sumatra
Tobago toutes les Antilles saupoudrées
dans sa vie le typhus l'alcool pour oublier
et ta poésie est pareille à ce Ludvig van
Bethoven elle a visité les mêmes lieux
toussa la même toux fictive
alors vraiment vraiment
je dis les mots lambeaux
je suis l'évadé véritable
des pestilences l'arraché
aux asiles aux cargos
le survivant de déportation
ma langue débrisée
témoigne de moi-même
fatras 
fatras
Et Ludwig von Beethoven
à moi seul 

25 septembre 2011

Jean Genet, tu bandes, tu bandes, mais est ce que tu aimes ?

A six heures, si j'ouvre la fenêtre c'est pour entendre le chant du matin que font tes talons bas sur le parvis du jour  A six heures si je fouille les sons de ce débarras de lumière c'est pour espérer le filet humide de ta voix. A six heures cinq, je ferme les yeux pour entendre ta foulée qui s'en va dans le rire de la rue. Je sais faire bien des pas de mon cri et toujours tu mets ta vie hors de ma course, dehors de mon chant . La laisse de ma langue est trop courte. Les mots trop corrects.

Tu vas sortir. Tu vas danser. Tu vas exister. Tu vas te montrer dans cette lumière où je n'existe pas. Où je n'apparais pas. Tu vas faire avec ton corps tout ce que mon corps à moi ne sait pas faire, ne peut pas faire de sa chair de fiction, de ses nerfs en papier. Tu vas. Regarde, tu vas. Et le vent, le vent t'ouvre la vie.

Voilà ta joie qui débute, tu mordilles ta bouche pour imiter le parjure du soleil qui au crépuscule saigne sur la ville, et tu ris en soulevant ta jupe, pensant à l'aurore qui mouille tes dessous. Tu refuses d'abîmer les belles coutures. Ô ma désirée mes gestes sont trop timides. Les enfants jouent aux billes avec ton prénom. Les filles à la marelle se disputent ta grâce.

Tu finis tes mouvements souples sous tous le logis des hêtres républicains, tous ces soldats immobiles, tous ces fanfarons d'écorce. Taillés pour te célébrer, et la liaison de leurs racines taillés en fourche, six fois, six fois pour dire deux fois les trois syllabes de ton existence.
Tu arrives devant le porche déjà, tu arrives toujours un peu en retard. Parce que les octaves de mon chant trouble ton empressement, parce que partout où tu trébuches c'est mon ombre qui s'amuse des obstacles de ton parcours, c'est mon ombre qui avale tous les pas maladroits, qui désajuste le pavé de ton rythme. Va, dans le hennissement de ma toux. Va, dans le contre-jour de ma vie. Je te rends ton enfance, ne te presse pas, elle passe si vite. Regarde, déjà tu franchis les grilles de la cour et les serres de l'âge adulte sur tes yeux d'absinthe se ferment. Gerfaut, temps qui passe. Oiseau jamais rassasié.

Qui y sait dans cette salle de craie et de cheveux blancs ce que tes yeux savent. Qui sent sous la pudeur de ta paupière cette langue de morte qui ne dit sa peur qu'en un latin craintif. Ton balbutiement dans les œillades qu'à ton cahier vert tu fais. Qui sait, qui sait ce qu'il fallut de crimes pour donner à tes yeux et puis ce jade et puis ce jaspe là. Tu ne dis rien. Et celui-là te regarde, il te fait signe, et tu tournes la tête à l'intérieur de tes songes. Comment sera demain ? Tu deviens et s'il mettait du pourpre et s'il mettait du gris ? Tu l'attends, demain c'est le seul rendez-vous où tu seras à l'heure. Tu entends les cloches tinter, et à l'intérieur de ce corps adulte tu penses à la Pâque, au chocolat et à toutes les larmes de l'enfant aux pieds écorchés. Toute la solitude du monde dans cette alarme. Tu sors.

Ils sont passés ici les amants et les tueurs. Ils ont vu tes yeux et la poésie qui venait y couper sa frange, ils ont vu l'eau trouble nettoyer les mains rouges de Jean Genet. La musique y montrait son habitude, cette autre nudité, plus crue, plus hostile. Et tu sais, tu sais, tu as déjà des rides parce que tu sais ce que les enfants ne savent pas. Tu sais la lèvre menteuse des amants, tu sais l'eau méchante dont il mouille la lèvre de l'amoureuse. Tu sais déjà ce que moi je ne sais pas. Tu sais ce qui creuse les joues, tu sais ce qui fonce le regard, ce khôl naturel.
Je garde, je garde, ce que vieillir vous prend. Je me défendrai contre les jours qui fleurissent autour de moi, je me défendrai contre les parfums, les charmes, les chants. Et je garde au cœur cette fleur fragile que le vent disperse. Ce végétal hirsute : naïveté. Mon amour je le tendrai sans fin à qui a les yeux clairs, je le tendrai à toutes les saisons, je l'offrirai les manches décousues, je le tends à qui sait tendre les lèvres. Je vous dis. Et toi aussi. Vous vieillirez sans moi. Mon âge, je vous le cède. Faites en talons, salon. Moi je garde la vie.

 

3 avril 2017

LSD

7 avril 2017

Puerta Del Sol

Léo vient de m'écrire sur facebook :
 le problème de la France c'est le nominalisme
rendant presque nul ce poème
ou au contraire
pensée
sauvegardée à elle celle justifiant
tout ceci





Je crains la disparition des poèmes de Léo                                                                                                                                                      alors je les recueille
                         dans un fichier .pages sur 
                         mon disque
                        dur
La disparition de ces poèmes
     recomposés          à               partir 
                  de bribes            déjà          existantes
rebouleversés           d'éléments neufs                ou rénovés
simplement
                terrifie ce 
                                                                                                                          que je suis
Léo sauvegarde à peine la poésie qu'il écrit
comme traitant d'une chose sans importance
aussi une façon, 
peut-être, si je dois deviner son intention
de dire que la poésie ne sera pas toute sa vie
                 les années le rongeant lui comme elle
métaphorisant  le passage                                                  des ans         
je le dis sans savoir
nous ne parlons jamais de sa poésie
ou bien avec beaucoup de gêne
comme une chose sans importance
qui compte beaucoup trop
pour moi peut-être plus
qui crains l'érosion
Rémi ou Marie-Anaïs 
recueillent aussi les pages déchirées
qui ne sont pas vraiment des pages
mais des pixels agencés selon le code informatique
qui les traite
puis              les         éparpille 
soumis au clic ennuyé 
de Léo.
je ne peux imaginer les clics de Léo
autrement qu'ennuyés, prêtant un intérêt
limité à cet enchaînement poignet-doigt-clic
malgré les conséquences
définitives de ce mouvement
mécanique
Aragon jetant dans le feu la défense de l'infini
le faisait avec une rage lyrique
celle qu'on a si éconduit
à vingt ans
cendres
Dans les poèmes de la Puerta del Sol, 
publiés je crois, à titre posthume
del Sol sonne
comme une autre façon de dire
Léo
Aragon relate l'épisode 
dans des vers terribles et beaux
vibrants comme une orgue
 je crois
et pour être sûr qu'ils vibrent comme une orgue
j'écoute [spoiler=]occata et Fugue en Ré Mineur BWV 565[/spoiler] Bach en même temps que je lis les poèmes de la Puerta del Sol et que 
j'écris ce poème sur la dissolution des poèmes d'un autre que moi
les vers d'Aragon auxquels 
je fais précisément 
références sont ceux-ci :
Alors j'ai déchiré quatre années de ma vie
De mes tremblantes mains De mes doigts noués durs
d'autres importeraient peut-être au lecteur exhaustif ; moins aux autres :
[spoiler="reste"]
A genoux traînant mes jambes les pieds nus
Ferme la fenêtre il souffle une brise coupante Les feuilles
Vont s'envoler
Assis par terre et les jambes traînant à droite
A gauche un visage perdu Lisse au moins semblait-il
De toute pensée
[/spoiler]
ici les vers importent à nouveau :
Quatre ans les feuilles de quatre ans rameutées
Pour le feu projeté les flammes tout à l'heure
Nous savons que Nancy Cunard tira du feu de nombreux feuillets, entreprise permettant désormais la publication quasi-annuelle d'une édition augmentée de la défense de l'Infini réjouissant sûrement les actionnaires de Gallimard et les lecteurs fortunés d'Aragon. 
[spoiler]
c'est chose rare de voir s'entendre la culture et la spéculation ; nous ne pouvons que nous féliciter de cette amitié née de cendres aragoniennes
[/spoiler]
ces deux groupes peuvent très bien n'en constituer qu'un seul.
Ainsi la poésie de Léo
meurt dans ce même feu
plus mou comme il le dit parfois
dont il faut les tirer du feu
lui et elle
J'ai très peur de ne pas me souvenir
des choses de ma vie
je serai vieux un jour
ou déjà
passé depuis longtemps
de mode
on dira que je suis jeune
encore
malgré tout
cet effacement
actualise
le trou de mémoire
à venir
la calvitie qui gagnera
un jour
et le souvenir et le front
les poèmes de Léo sont touchants
ils changent de forme au fur et à mesure
des versions comme soumis à
une pression jamais la même
déformant le poème ;
sans le dire il combine de vieilles choses                                                                                    
à d'autres neuves
les siennes
ce qui est une forme comme une autre de modernité ;
[spoiler]
peut-être la plus moderne
[/spoiler]
mêlant aux formes du passé
des techniques récentes et
sa vie particulière
qui par nature et nécessité
se vit hic et nunc
[spoiler]
le 
je 
se glisse
insidieux dans toutes les coupes
le graal n'y buvez pas
[/spoiler]
Je crois qu'Aragon ment 
ou exagère ce qui est
 l'une de ses caractéristiques
lorsqu'il rapporte cet événement
survenu dans une chambre d'Espagne
Et qu'au feu ne brula qu'un quasi
rien
Peut-être en va-t-il de même
de la poésie de Léo
intacte quelque part
ignoré de                tous

Il n'y a pas de rossignol chez Léo
ni d'arbres secoués par la brise du soir
Léo parle souvent du cliché qui dans sa bouche
sonne curieusement il "salive" le mot qui nous
parvient ainsi humecté
[spoiler]
de la même façon il prononce
con de la plus adorable façon qui nous fait sourire 
Marine et moi
[/spoiler]
plus surprenant le motif de l'appartement revient plus
souvent                                                                                itération que je n'interpréterai pas
que celui de la chambre                 et la solitude                                           comblée d'un coup 
                                   p       a     r                  l      '     a    m    o    u        r      
[spoiler]
ce qui est un peu cliché quoi que très vrai et il ne faut pas craindre la vérité même quand elle passa par tant d'autres avant soi.
la vérité même
[/spoiler]
C'est une poésie d'errance ponctuée de lieux
pas différente en ceci d'une grande quantité de poésie
et d'individus, rarement nommés ; eux
symboles bien davantage ; réels pourtant
au dehors du poème / dans le poème fonction du poème
ce qui se retrouve dans une poésie moins nombreuse
quoi qu'encore très conséquente.
Mais l'idée générale d'un poème n'est jamais à la fin
que la combinaison de mots formant des phrases ou des vers
arrangée sur une feuille ou une page web ce qui revient à peu près au même
on ne pourra donc reprocher à léo d'utiliser comme tout le monde
le support permettant l'écriture ni par extension
d'adopter les thèmes généraux de l'écriture poétique
[spoiler]
ces dernières phrases 
je les écris 
après une interruption 
-le ventre- 
dans la rédaction de ce quasi-poème
j'ai donc perdu la tension 
qui chez moi produit toujours le sens
je suis incapable de dire de la 
poésie de léo autre chose
que de vagues généralités
qui pourtant en moi sont 
constituées plus fines
et singulières
particules
[/spoiler]
Cette poésie bouge très lentement
celle de Léo                                                                                                           je veux dire
et le lecteur peut la comparer à la brise du soir dans les branches d'un arbre
ces rapprochements
trop insupportablement lyriques 
mais insuffisamment dénoncés
restent permis
je choisirai plutôt
l'aube sans bruit
où j'ai déjà marché
ainsi que vous tous
ce qui est encore un lyrisme
mais celui-ci d'un être véritable
        et sa vie réelle 
Mais la poésie de Léo s'éteint sous l'action de ce même Léo et 
doit être recueillie par moi
et tous ceux que cette action inquiète
peut-être que le ton dramatique du texte excède largement                                mon sentiment
ou bien non
j'ai la sincère terreur
des choses mortes
qui tombent trop brutales
dans le définitif
silence
comme la nuit finissante
la soirée consumée sans que rien
à la fin de cette fin ne bougea
sinon soi
toujours le même
pourtant
plus fatigué sinon
 
je ne décris pas ici
l'une des nombreuses possibilités de moi
abstraction inutile
c'est sur Léo sujet de sa poésie
que je discoure
 et le regret 
je pourrai dire la mélancolie
de sa poésie
régulièrement énoncés par lui
et
signifiés en les
choses finissantes
par moi rapportés dans une langue
approximativement
la sienne

La poésie de Léo n'est pas à proprement parler lyrique
Comme déjà indiqué, elle combine 
des manières modernes  
et une prosodie ancienne
lorsqu'elle est en vers, probablement influencée par la lecture
acharnée et subie des poètes renaissants et
 du    
                  v
                                                                                                                                                      e
                                                             r         
           s
   LIBRE
 
Sa prose a le rythme d'un vers régulier "Léa a les cheveux bruns, mais cela importe peu"
"Quand je pense à la vie de Léa, je vois le petit appartement, à Brest(,) qu'elle habite seule"



[spoiler]
où revient le motif de l'appartement

[/spoiler]

la poésie de Léo spatialise (ou géolocalise) souvent
les événements qu'il relate
formant un arrière-plan
sur lequel les sensations
s'impriment et se succèdent
(on trouve une
forme de narrativité
très souterraine
la lenteur n'est pas
l'absence de mouvement) 
mais Léo 
décolle sa poésie de tous les supports
et sa négligence en toutes choses
la fait mourir partout

Lorsque j'étais plus jeune
il m'est arrivé souvent de perdre
un de mes textes à cause
de ce que l'ordinateur
                                                                             PLANTAIT 
ou pire que maman
insupportée par le bruit
du ventilateur
l'éteigne brutalement

dans ma mémoire ils
sont les plus beaux
ils ont le charme
des disparus
intacts
et
absents
peut-être Léo pense-t-il ainsi 
faisant tout disparaître                                                                                      tout
et
nous réduisons à rien
son entreprise de beauté
par notre manie conservatrice
qui est aussi preuve d'amour



L'un des fichiers de mon ordinateur
porte le prénom complet de Léo
par lequel personne ne l'appelle
ou peut-être seulement l'administration
et sa directrice de mémoire
qui est une administration incarnée
ou sa mère si elle fâchée contre lui
ce qui encore est une 
forme administrative
et ce prénom sonne comme il faut
pour dire sa poésie

 

[spoiler]
je pense ici à Pound 
créant du sens par l'association
de deux groupes grammaticaux 
qui n'en possédaient pas
chacun une moitié
lorsqu'on les prenait séparément
ainsi il en va de Léo-Paul 


[/spoiler]



Les poèmes de Léo
sont des objets fragiles
sans que le terme ici
de fragilité ne concerne
l'intérieur du poème
ils sont littéralement fragiles
vivant toujours sous la menace
d'un clic ennuyé un jour
d'embarras
la poésie ce n'est pas assez sérieux
pour qu'on la conserve précieusement
dans
ce vieux coffre-fort un disque dur
je garde la poésie de Léo
sur mon ordinateur
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  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
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