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boudi's blog

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11 février 2011

Cheval blanc, crinière blonde, iris bleu

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait pu être reine, se décida à être putain, de cette condition, résidu des noblesses du jadis. Putain en tout ce qu' éprouve d’accomplissement suprême la déchéance de tapiner, un trône dans la misère, un triomphe dans le désespoir, voilà les hermines en poils bêtes, voilà les couronnes d'acier corrodé, et les châteaux du néant ! Mirjam tapine dans le noir, Mirjam tapine dans le soir, parce que la nuit, dit-elle, « comme ton ombre m’abrite» à la manière d’un porche. C’est dangereux parfois, ça mutile un cri, ça lui pose une main velue de soir, la nuit, quand elle tombe sur des furieux obstinés. Il y a ce type là à l'expression parfaite du corps, aux contorsions étrangères qui avec ses dents lui déchirait les membres et cet autre qui ruait sur son corps comme à travers la peur, qui y faufilait des luttes et des révolutions, dans son pas, dit-elle, vrombissait des usines en grève et la beauté du voyou. Ce danger dit-elle me tient mieux chaud qu’un doigt gercé de réprobation morale. Un coup de poing me va mieux au nez qu'un voile et puis la nuit dissimule les bleus, les pleurs, ce aggrave le visage d'une innocence, ou d'une idée parfois, du hasard des rayons effilés de l'ombre. La nuit ne révèle rien et suggère tout, ses suaires, son sépulcre sont des toiles à peindre de fantasmes, à mettre la couleur que l'on veut aux yeux, d'allonger les cils, de raboter le nez. Elle aime la nuit, dit-elle, parce qu'elle est douloureuse comme la poésie, inquiétante comme une rime hésitante et tremblotant au bout d'un vers. Elle me dit ça, d'aimer la nuit, de se sentir l'ultime syllabe de l'élégie, dans la nuit, au bord du vide, tout près silence, tandis qu'elle jette à la rue des regards mendiants. Plutôt que faire pitié pour récolter son aumône, elle fait envie.
Je lui ai dit que j’écrivais dans le noir « parce que je sais où sont les mots je n’ai pas besoin de les braconner à l’audace d’une bougie, d’une lampe de poche, de quelques flammèches insoucieuses de leurs fragilités, de toutes ces lueurs qui viennent les brûler comme du papier photo en plein jour» elle répond en rigolant qu’elle baise dans le noir, parce qu’elle sait où est le vice. Le reste c’est bien inutile, de se voir c’est de la déception, on est toujours déçu de ce que la lumière révèle, de ce qu’elle pille à l’imagination, de ce visage réinventé sous les doigts qui à l'aube se dessine selon la norme, le canon, le jour qui mange la peau, renfonce les joues, et modèle le fantasme en la triste usure. Le jour broie tout, se répand d'uniforme, la lumière rencontre des géométries qu'elle précise, qu'elle indique, le visage plein du scientifique, tout ce qui est obstiné, incontestable en un mot réel et insuffisant est borné au jour henissant. Elle me dit que, parfois, elle se permet de brûler une chandelle pour les poètes « moi je ne sais pas où sont les mots J’ai besoin de les voir s'incruster le visage, s'inscrire sur la bougie, se poser sur les pommettes, s'instruire de silence.».

Pour mon pleur sauvage,
Une chandelle a frémi.

Mes yeux ne battent plus. Ils se sont habitués à la paupière violette de l’insomnie, le monde je le vois à travers un prisme de sang mauve, deux cerceaux de flammes sans fauve. Je vois le monde à travers un cirque chargé de nuits, de rires et de tours. Je vois le monde comme un clown magicien qui tourne vite le sable de la vie pour en faire des diamants sales mais précieux à fiancer aux solitudes. Je le raconte à Mirjam qui s’esclaffe. Elle aime le mot « cirque » elle me dit que ça lui fait penser à des billes qui roulent en désordre multicolore sur la route les forains, que c’est très drôle de voir leurs longues processions de guirlandes ambulantes traverser les villes et partout tacher le paysage. Ce sont tous des clowns, dit-elle, ils sont tous maquillés pour cacher l’horreur de la vie. En coulisses ils se frottent avec des gants d’escrocs pour faire sauter de leurs visages tous les désespoirs qui font partie des hommes. Il faut plaire, et donc paraître, sous la peau fétide, sur la structure creusée de mitraille.
« Je fais le même métier qu’eux, en plus libre, en plus violent ».
Je ne veux pas savoir ce qui l’a faite se mettre nue pour des hommes. Ce n’était pas le désir pas plus que le vice, l’orgueil, peut-être la faim, la faim qui asservit tout, qui brise les hommes mieux que le temps. Peut-être l’époque, même. Encore insatisfaite de n’avoir pu devenir quelqu’un elle s’est résolue à être quelque chose, une reine des objets, un astre immobile au milieu des boules de plastique et des crachats cérémonieux, une fixité dans l’Univers des grouillants, des agités, des corps tendus, de toutes ces choses qui rendent vieux et bêtes. Elle était prostituée comme aristocrate, régnait sur un tertre de puanteur, décrétait ici, réglementait là, la loi dans toute sa forme, dans ce tribunal de liberté, où le jugement sonne sur le pupitre du corps dans le bruit de dix pièces de souvenir qui tonnent. "Condamné, condamné Je te rends à la liberté, je te dis d'avoir froid, d'avoir faim et d'aimer. Je te dis de parcourir à la vitesse des astres la terre, l'herbe, de grelotter contre le corps des déités malades, de vivre sous les ormes rassurants des montagnes, je te dis de te réfugier dans les mots, d'affronter le silence, je te condamne à ne jamais te rendre, à ne jamais céder, jamais abandonner, je te condamne à la dignité éternelle, à la royauté sans abdication ni tyrannie. Je te condamne à vivre sans chaînes, sans entraves, sans retenue, je te condamne à rire et pleurer, à sentir et à vivre." Et tous les jugés, horrifiés, sortent de son corps, livides, courbés. Douloureuse liberté, lourde du poids de l'âme délaissée.

Je lui admets que je ne suis venu ici que pour deux choses et avant que je ne les énonce, tout son être se fait murmure « Les femmes et l'argent ».
Je n'ai pas pu lui répondre tout de suite « Attila Joszef et le hongrois ». Je n’étais venu ici jamais que pour la poésie, la poésie aux méandres de vers et de détresse, la poésie et ses chiens d’enfer aux têtes multiples couronnées de cheveux rois, aux mâchoires de piège. Je ne suis venu ici que pour chanter d’un lange de râles et d’agonisants, pour appréhender la liberté par le cœur, pour la savoir dans un cri souverain de fête qui, ému, dirait aux chaines de faner et aux fleurs de se répartir, de se répandre incrustés de mots, d’espoirs et de volonté, de s’exhaler de la terre morte, de s’exiler de ce bagne salaud qui rassemblait ma jeunesse, élevait de sa ruine maussade la soumission, la servilité et la hiérarchie. Je suis venu ici pour laisser Paris et mes amours desséchés de ma paresse et de ma honte d'être pauvre. Etonnant de voir le pauvre vivre comme une faute sa seule vertu. Sa seule innocence.

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11 février 2011

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait

Bien sûr, que Mirjam me rend vivant, elle aurait pu être reine, se décida à être putain, de cette condition, résidu des noblesses du jadis. Putain en tout ce qu' éprouve d’accomplissement suprême dans la déchéance de tapiner, un trône dans la misère, un triomphe dans le désespoir, voilà les hermines en poils bêtes, voilà les couronnes d'acier corrodé, et les châteaux du néant ! Mirjam tapine dans le noir, Mirjam tapine dans le soir, parce que la nuit, dit-elle, « comme ton ombre m’abrite» à la manière d’un porche. C’est dangereux parfois, ça mutile un cri, ça lui pose une main velue de soir, la nuit, quand elle tombe sur des furieux obstinés. Il y a ce type là à l'expression parfaite du corps, aux contorsions étrangères qui avec ses dents lui déchirait les membres et cet autre qui ruait sur son corps comme à travers la peur, qui y faufilait des luttes et des révolutions, dans son pas, dit-elle, vrombissait des usines en grève et la beauté du voyou. Ce danger dit-elle me tient mieux chaud qu’un doigt gercé de réprobation morale. Un coup de poing me va mieux au nez qu'un voile et puis la nuit dissimule les bleus, les pleurs, ce aggrave le visage d'une innocence, ou d'une idée parfois, du hasard des rayons effilés de l'ombre. La nuit ne révèle rien et suggère tout, ses suaires, son sépulcre sont des toiles à peindre de fantasmes, à mettre la couleur que l'on veut aux yeux, d'allonger les cils, de raboter le nez. Elle aime la nuit, dit-elle, parce qu'elle est douloureuse comme la poésie, inquiétante comme une rime hésitante et tremblotant au bout d'un vers. Elle me dit ça, d'aimer la nuit, de se sentir l'ultime syllabe de l'élégie, dans la nuit, au bord du vide, tout près silence, tandis qu'elle jette à la rue des regards mendiants. Plutôt que faire pitié pour récolter son aumône, elle fait envie.  Je lui ai dit que j’écrivais dans le noir « parce que je sais où sont les mots je n’ai pas besoin de les braconner à l’audace d’une bougie, d’une lampe de poche, de quelques flammèches insoucieuses de leurs fragilités, de toutes ces lueurs qui viennent les brûler comme du papier photo en plein jour» elle répond en rigolant qu’elle baise dans le noir, parce qu’elle sait où est le vice. Le reste c’est bien inutile, de se voir c’est de la déception, on est toujours déçu de ce que la lumière révèle, de ce qu’elle pille à l’imagination, de ce visage réinventé sous les doigts qui à l'aube se dessine selon la norme, le canon, le jour qui mange la peau, renfonce les joues, et modèle le fantasme en la triste usure. Le jour broie tout, se répand d'uniforme, la lumière rencontre des géométries qu'elle précise, qu'elle indique, le visage plein du scientifique, tout ce qui est obstiné, incontestable en un mot réel et insuffisant est borné au jour henissant.  Elle me dit que, parfois, elle se permet de brûler une chandelle pour les poètes « moi je ne sais pas où sont les mots J’ai besoin de les voir s'incruster le visage, s'inscrire sur la bougie, se poser sur les pommettes, s'instruire de silence.».  Pour mon pleur sauvage, Une chandelle a frémi. Mes yeux ne battent plus. Ils se sont habitués à la paupière violette de l’insomnie, le monde je le vois à travers un prisme de sang mauve, deux cerceaux de flammes sans fauve. Je vois le monde à travers un cirque chargé de nuits, de rires et de tours. Je vois le monde comme un clown magicien qui tourne vite le sable de la vie pour en faire des diamants sales mais précieux à fiancer aux solitudes. Je le raconte à Mirjam qui s’esclaffe. Elle aime le mot « cirque » elle me dit que ça lui fait penser à des billes qui roulent en désordre multicolore sur la route les forains, que c’est très drôle de voir leurs longues processions de guirlandes ambulantes traverser les villes et partout tacher le paysage. Ce sont tous des clowns, dit-elle, ils sont tous maquillés pour cacher l’horreur de la vie. En coulisses ils se frottent avec des gants d’escrocs pour faire sauter de leurs visages tous les désespoirs qui font partie des hommes. Il faut plaire, et donc paraître, sous la peau fétide, sur la structure creusée de mitraille.  « Je fais le même métier qu’eux, en plus libre, en plus violent ».  Je ne veux pas savoir ce qui l’a faite se mettre nue pour des hommes. Ce n’était pas le désir pas plus que le vice, l’orgueil, peut-être la faim, la faim qui asservit tout, qui brise les hommes mieux que le temps. Peut-être l’époque, même. Encore insatisfaite de n’avoir pu devenir quelqu’un elle s’est résolue à être quelque chose, une reine des objets, un astre immobile au milieu des boules de plastique et des crachats cérémonieux, une fixité dans l’Univers des grouillants, des agités, des corps tendus, de toutes ces choses qui rendent vieux et bêtes. Elle était prostituée comme aristocrate, régnait sur un tertre de puanteur, décrétait ici, réglementait là, la loi dans toute sa forme, dans ce tribunal de liberté, où le jugement sonne sur le pupitre du corps dans le bruit de dix pièces de souvenir qui tonnent. "Condamné, condamné Je te rends à la liberté, je te dis d'avoir froid, d'avoir faim et d'aimer. Je te dis de parcourir à la vitesse des astres la terre, l'herbe, de grelotter contre le corps des déités malades, de vivre sous les ormes rassurants des montagnes, je te dis de te réfugier dans les mots, d'affronter le silence, je te condamne à ne jamais te rendre, à ne jamais céder, jamais abandonner, je te condamne à la dignité éternelle, à la royauté sans abdication ni tyrannie. Je te condamne à vivre sans chaînes, sans entraves, sans retenue, je te condamne à rire et pleurer, à sentir et à vivre." Et tous les jugés, horrifiés, sortent de son corps, livides, courbés. Douloureuse liberté, lourde du poids de l'âme délaissée.  Je lui admets que je ne suis venu ici que pour deux choses et avant que je ne les énonce, tout son être se fait murmure « Les femmes et l'argent ».  Je n'ai pas pu lui répondre tout de suite « Attila Joszef et le hongrois ». Je n’étais venu ici jamais que pour la poésie, la poésie aux méandres de vers et de détresse, la poésie et ses chiens d’enfer aux têtes multiples couronnées de cheveux rois, aux mâchoires de piège. Je ne suis venu ici que pour chanter d’un lange de râles et d’agonisants, pour appréhender la liberté par le cœur, pour la savoir dans un cri souverain de fête qui, ému, dirait aux chaines de faner et aux fleurs de se répartir, de se répandre incrustés de mots, d’espoirs et de volonté, de s’exhaler de la terre morte, de s’exiler de ce bagne salaud qui rassemblait ma jeunesse, élevait de sa ruine maussade la soumission, la servilité et la hiérarchie. Je suis venu ici pour laisser Paris et mes amours desséchés de ma paresse et de ma honte d'être pauvre.  Etonnant de voir le pauvre vivre comme une faute sa seule vertu. Sa seule innocence. 
10 février 2011

Aux assassinées

        Je veux être un suicidé du prestige et de l’honneur, que ma gloire tombe en poussières, incapable de survivre en dehors du corps parasité. Cette tique nourrie des sangs, des chairs, qui grattent l'orgueil sous l'âme. Je veux la gloire, colée à mon buste de gravats, de salive et de foutre, et marcher, marcher et la voir me suivre languide amoureuse, ruisselante et neuve. Je veux voir sa peau blanche et lisse comme la cruauté du bel enfant.  Je veux la gloire et lui serrer sa taille en coton parfumé, lui bander les yeux des parfums féminins noués à ma peau comme des lèvres d'amantes. Elle me prendra la main, et mes doigts déformés de poésie iront dans ses mains gardées des offenses du monde par des gants blancs, pâles. La gloire me dira « où va-t-on » je dirai « vers des pays libres et froids où grelottent la douleur et le silence». Elle croira les montagnes escarpées de Russie, leurs chemins tendus, les falaises aux parois creusés de musique et d'hiver, l’ourlet des collines de neige que suppose l’Oural curieux, elle imaginera la neige recourbée des pas du souvenir, les sabots des cosaques qui dans le ciel font monter la marche des abandonnés et des défaits.         J’attends la gloire non pour qu’elle sertisse mon front de ses brillants venimieux et que mes yeux bleuissent d’orgueil beau. J’attends la gloire pour l’entraîner avec moi dans la mort. Arriver devant les portes de la tombe, je lui dirai « passe devant, gloire, il te faut ouvrir le chemin, couper la corde aux frontières ». Naïve comme la femme séduite, ses yeux voilés de gaze embaumée, elle avancera…Oui, ce pays libre et froid se tient très loin d’ici, de l’autre côté du langage, à la froide extrémité des états -physiologiques. Je lui dirai viens, suis ma voix qui tremble et qui hésite, viens au bord du vertige sentir toutes les maladies montantes comme de la lave. Ma vie je la guide dans le libelle, je l’éduque dans l’offense, je la tords le long du tuteur en bois vénéneux et nerveux qu’elle prenne la forme parfaite des forêts maussades où le poison et la puanteur flottent en un ballet infernal et indistinct, où les mères assombrissent de leurs bouches de cendres grises les fronts saints d’enfants ceints de religion. La gloire, je l’emmène sur les terres pourrissantes de la dechéance, où tombent en morceaux ses mains de plâtres peintes en ciel, où ses seins terrassés par la faim, amaigris par l'amour donneront la nausée aux fébriles de l’ambition, qui s’ils voyaient la gloire -que je délierais- surgir aux carreaux de leurs labeurs, la chasseraient d’un cri inquiet, horrifié, l’ambition menacée de l’odeur mélangée du mal et du baptême des rites occultes. Je ferai de ma tombe un étroit appartement où mes chairs pourrissantes se mêleront si bien avec la gloire conquise, que l’on nous confondra, que les temples à sa gloire prendront un peu de mon visage immonde, de ma tête hirsute, coiffée de nuits et de la chevelure cruelle –et bouclée- du poète. J’habiterai plumes, notes, broderies, je serai dans la phrase, le sordide, et la gloire, morte, décomposée en moi, pleurera trois cris de soufre, couleur crépuscule, avant que de disperser tout à fait ce qu’il lui reste de son murmure angoissé. Au frontispice mon visage menaçant, défait, usé, mon visage abandonné de sommeil, creusé partout de sa laideur primitive.
9 février 2011

Toi.

Le silence je l'aime, il parfume, c'est le chant monotone de ta belle voix qui tonne, et qui module le sens, c'est là que se forme mes mains, celles deux qui promettent des cris à tes reins et menacent tes creux, failles puissantes, de l'extase. Parce que tu n'aimes pas, tu as peur, seulement, peur des voix en toi, celles dans ton ventre qui gémissent, qui grincent, qui se remuent, des voix qui ont des dents qui font vibrer les hommes, et trahir les filles, peur de ces voix qui te jettent dans la nuit avec à peine de chaleur pour tenir dans le jour. Je sais tes yeux où se sont faufilés des mystères couleur d'écume, au goût amer de la dispute. Je sais la solitude blême qui habille ton regard, la nuit à l'heure du sommeil et des couvre-feu moribonds. Je sais tes molles passions, je sais ton cou incliné de fatigue qui se tend vers je ne sais quoi de futur, vers je ne sais quel ordre. Toute l'organisation sociale, ton corps étroit est la société, plein de cases, de mythes, plein de peurs aussi et de renfoncements.
Je sais la tristesse qui enveloppe ton coeur comme le désespoir les yeux du poète et tes mains fines et précieuses qui font jouir les amours et pleurer les fillettes. Je sais par coeur tes courbes de Rhin, taillées en arc, pour abriter les creux,lesabsences et les bleus,les jalousies que ton pas trop noble fait mirer dans les yeux conquis, et je sais surtout, surtout que tu n'aimes pas, que tu te rassures seulement derrière des épaules calmes et larges comme le ciel aplati d'un compagnon. Le couple, ce sordide atermoiement de l'amour. Pour tes souvenirs qui se perdent dans le matin qui fait ta nuque, je saurai faire mon corps unique, rassemblé en un désir, une impatience que l'on nomme du terme vulgaire de fidélité, je mettrais dans le ruisseau mes genoux pauvres, mes mains de guenilles, à la révolte je mettrais un bâillon déchiré dans la couverture de mes romans, aux yeux je frotterai l'ombre pour qu'un peu d'aurore la traverse, et éclaire la nappe de nos dîners. Ah les yeux bleus, ce poison de mes sensibilités. J'aimerais arracher de moi un peu de cette défaite qui me fait le parfum délicat, obstiné, rassurant, qui plait tant à mes vieilles comme si léchant ma sueur elles s'imprégnaient d'encre et de littérature. N'est-ce pas que l'on ne peut pas tenir toute son existence à vivre dans l'intensité, mon corps cette forge sans repos où remue le métal brûlant.
Je t'y attends, c'est de l'autre côté du mensonge que je me tiens, dans le fracas et la danse des astres vierges.
De mes lèvres secrètes comme des parchemins
Je t'embrasse dans la nuit qui me délaisse.

9 février 2011

Je suis une hyène - Henry Miller Tropiques du Cancer

Demain, il pourrait y avoir une révolution,une peste,un tremblement de terre ; demain, il pourrait ne pas rester une seule âme vers qui tourner sa foi à la recherche de sympathie ou de secours. Il me semble que la grande calamité est déjà manifestée,e que je ne peux pas être plus véritablement seul que je ne suis en ce moment. Résolu à ne plus tenir à rien, désormais, de n'attendre plus rien, de vivre comme un animal,comme une bête de proie, comme un pirate,comme un pillard. Même si la guerre était déclarée, et si mon destin était d'y aller, j'empoignerais la baïonnette et je la plongerais, je la plongerais jusqu'à l'âme gardée, vociférante. Et si le viol était à l'ordre du jour, eh bien, je m'en abstiendrai, ce serait mon jeûn moi qui ne mange pas. Dans l'aube tranquille du jour neuf, la terre n'est elle pas toute vacillante de crime et de détresse ? est ce qu'un seul élément de la nature de l'homme a été changé, changé de façon fondamentale, vitale, par le cours incessant de l'Histoire , l'homme a été trahi par ce qu'il appelle la meilleure partie de sa nature, et c'est tout ! Aux limites extrêmes de son être spirituel, l'homme se retrouve nu comme un sauvage. Quand il trouve dieu, pour ainsi dire, il a été nettoyé ; il n'est plus qu'un squelette, plus qu'un fantasme. Il faut de nouveau creuser dans la vie afin de refaire de la chair autour d'une intention. Le verbe doit devenir chair , l'âme a soif de salut. Je veux bondir sur toute miette à laquelle mon oeil s'attaque et la dévorer.. Si vivre est la chose suprême, alors je veux vivre vivre, dussé-je devenir cannibale. Jusqu'ici j'ai mis en péril ma préciseuse carcasse pour mes amours, je me suis brûlé les membres dans ces flammes aux yeux bleus, qui m'ont fait des ravages jusqu'aux poignets, de celles-là dont les baisers malsains viennent encore rembrunir mon sommeil. J'ai essayé de préserver le peu de chair qui recouvrait mes os. Ah s'ils savaient tous ceux là, toutes celles là qui m'embrassent, qui me payent pour mon étreinte, qui m'offrent le gîte, quelques fringues pour une lettre écrite avec la rage et les pleurs de ce que mon enfance crevait de faim, ce que c'est que l'habitude d'un gamin au ventre vide qui par fierté, par orgueil n'en laissait rien voir, qui se tient bien droit dans l'appartement exigu qui courbe tout, ah s'ils s'en doutaient n'est ce pas des misères que les miennes, de l'enfance répétant les poèmes pour éviter la crevasse de l'appétit jusqu'à tout à fait la nier et le désintérêt de toutes les choses de l'avoir, du détenir, de la possession, s'ils savaient ce qu'il est inutile lorsque l'on sait lire d'avoir longtemps à manger, il suffit de se tenir droit et de n'en laisser rien voir. J'ai faim depuis que j'ai six ans, et cette faim est une alliée, cette pauvreté un rire qui effraie tous les autres, qui m'a effrayé moi aussi, on m'a tant répété que dehors, dehors, sans études, sans diplômes l'on meurt. Mais on oubliait de me dire que l'on crevait de vivre tandis que dans ces cloaques, ces salles empestées, entouré que je suis de mes indifférences de camarades répétant les mêmes mots usés au milieu de mes souvenirs troués, bariolés, ici l'on crève d'ennui. Je n'imagine pas un baiser de leurs bouches, de leurs langues, je m'en voudrais de les sentir se décomposer dans mes matières, de savoir ce que c'est que leurs silences, que le tamis de l'argent, ce péché originel sans baptême, cette souillure à l'âme qui s'étend, qui s'attache. Ma misère, ma faim sont un peu de moi, ils tressent ma mémoire et voilà la vacance que la mienne, mes silences à midi et mes reves de plus tard, vivre, au bord des désespoirs, dans les bras d'un amour aux yeux bleus comme j'en vois un que j'aime dans le rouage muet des rimes que je voile, qui n'en lira rien. L'impossibilité, quelle falaise abrupte, délicieuse, aux pentes de sucre, quel paysage fantastique, recouvert d'une mousse blême comme la cendre d'un cigare, une jungle pleine de menaces, et je laisse trainer mes acrostiches comme des sentences, et des dangers. J'en crèverai qu'elle l'apprenne. Bien sûr j'aime, mais de loin, j'aime comme l'on maudit, j'aime sans en rien voir paraître et je m'amuse de mes amours de misère quand je vais massacrer le flanc de Marie sainte au prénom ; putain à la morale. Je ris d'hurler les syllabes de cette belle que je frôle toujours et qui ne sait rien de l'agonie de mes yeux ni de l'horreur malsaine de mes nuits encombrées de vices et de terreurs. Elle dans ses sommeils doux ignore tout sûrement du puits profond que peut-être la nuit. Cent huit pouces de plis à aplanir, d'eau noire à boire. Et je vous jure, je ris, moi de cet amour que je trace avec les doigts pris dans le talc du soir et qui colle au prénom que j'embrasse comme la litanie que l'on fait au diable.
J'ai atteint les limites de l'endurance.Je suis acculé au mur, je m'y appuie- je ne peux pas battre en retraite. Historiquement je suis mort. S'il y a quelque chose au delà, ce sont tes yeux, mais je n'en veux pas, j'aime trop l'ardeur, trop la fougue, trop le désastre de mes mains et les nuits invariables, infondées, les nuits sournoises, indépendantes qui poussent sur le talus de mes cuisses. Dans tes yeux j'ai vu Dieu, vraiment, premier émoi quelque part dans janvier.  Mais il est insuffisant, dieu. Je ne suis mort que physiquement. Spirituellement, je suis vivant. Eloïse vous dira combien mon fantôme baise bien, et comme ma pensée seule lui procure mieux d'extase que l'entière réalité de ses amants coutumiers.  Moralement je suis libre. L'aube se lève sur un monde neuf. le monde que j'ai quitté -le vôtre- est un zoo. Je me couche dans une jungle dans laquelle errent des esprits maigres aux griffes acérées. Si je suis une hyène j'en suis une maigre et affamée ; je pars en chasse dans vos pensées pour engraisser l'enfant affamé que je suis demeuré.

La vie m'amuse trop pour que je la laisse tomber.

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8 février 2011

Saint-Augustin

 

Deux lèvres ont fait deux destins aux rides voisines. Et quand l'une faisait le silence l'autre inventait le murmure. De l'union des deux au lieu de la parole, se formait le baiser. Ce baiser parcouru du frisson qui se tient dans le chuchotis, ce baiser plein de l'ombre présente au silence. Ce baiser qui détache des lèvres les squames de la torpeur, ce baiser aux rigoles de larmes enfièvre le front.

Deux lèvres ont fait deux pays aux tombes bienheureuses et quand l'une faisait le chant l'autre jouait la musique. Dans les bois de la jungle se levait l'hymne et la révolte. Dans des arbres creux coulaient tes yeux de rivière et des cordes des forêts montait cette mélodie.

Deux lèvres ont fait deux matières, de l'une de brume et de l'autre de gypse pour faire du corps humain, le paysage des émois. Tes deux lèvres me sont l'étang au contour d'estampe où se désaltèrent mes envies ; où penchent dessus le vide des cils de sapins.

Deux lèvres ont fait deux rails tendus vers l'orient de ton cou.

5 février 2011

Frissonne le remords

Je ne sais vraiment qu’une rime, qui débute au baiser
Frémit de silence, et joue sur deux lèvres accordées
Tes dents, ce cri, qui mordent dans la nuit
Et jouent cette sonate,

Tous les monstres, les bêtes, les mythologies, je veux bien céder ma nuit, je veux bien dessecher le plaisir si tu m’offres un peu de ta prière. Je veux y boire, dans ces grands cris.
Littérature de la première personne, insupportable.


Et la lumière ridée joue des castagnettes
Contre mon corps endolori, coule comme une rumeur
Et gonfle sous ma paupière à la façon d’une source
Lointaine.


Ce pays lointain, te souvient-il sa gloire, et ses hommes qui couronnaient des femmes
Rue Kahina, souviens-nous, s’il te plaît ton prénom, ta cour de musique et ton drap de pierre.
Souviens toi peuple de la soumission que l’on fit à tes membres, et la laideur à laquelle l’on forçat tes femmes. Peuple, vois sous la soie, sous la pudeur de tissus les beaux cheveux d’une mère qui roulent et frissonnent dans le bruit de la mer qui avance et odore le paysage. Regarde le cou de ta voisine, tachée de blonds, de noirs, c’est la nuit qui s’y défait lente et immuable, la marque de dents que laisse la marée sur le sable frémissant de nos grèves. Je rentre tard toujours, pour l'écrire, raconter à ces pages l'outrage petit que je laissais aux flancs d'une brune aux yeux bleus. Je sors visiter ma voisine à minuit et je pars à deux heures, dans le fredonnement de l'eau qui ruisselle de sa douche où je ne la rejoins pas. Au revoir mignonne, je suis amoureux de l'étrangère mais il faut bien que la nuit se passe et se partage. Deux moments comme deux ventricules au crépuscule qui palpitent et se fendent. Salomon divise mon soir en deux parties. Yeux bleux ; encre noire.

Sommeil tu ne venais pas. Je t’attendais, je veillais. Je tenais, et il n’y avait que la nuit, la nuit dans mes nœuds, dans mes colères, la nuit engluée dans mes boucles, la nuit infernale, et je l’ai su par cœur de t’attendre sommeil qui ne venait pas apaiser mes effrois. J'aime les yeux bleus et la lueur incertaine, tremblotante, poignante pour ma panique. J'ai peur de la nuit invariable, de la nuit obstinée, butée sur mon corps, arquée sous ma nuque. Quel rire, qu'écrire dans les draps à demi-inconnus, sur cette intimité déflorée d'ennui.

Je lis Rilke. Un autre insoumis du sommeil. Un de mes frères agonisé.

 

4 février 2011

Artémis

Inspire moi les choses belles et cruelles qui pendent comme des lumières d'Opéra au bout des doigts salis des innocents. Raconte moi comme les mots vont te chercher au fond de toi avec leurs mains crochues, quand ils lèvent sur tes lèvres bosselées, des draps semblables à des drames. Inspire moi ce qui craque dans la peau quand les larmes retenues forment sous le visage un masque et un territoire où personne ne sait plus rien du visage que son immense barbarie. Raconte moi, dis moi que tes yeux ce sont deux gouttes de rosée que l'hiver a surprises en haut de tes cils et te les as offerts comme deux perles myopes d'où voir pour demain les offensés du monde. Inspire moi les mots qui débordent du crime que l'on soudoie avec des gestes pirates, et les manivelles qui se tournent avec ferveur comme des prières de charlatan et des superstitions. Raconte moi encore pourquoi tes yeux ne battent qu'avec lenteur, ce qui recouvre ton coeur plus que la peau, plus que la flanelle et le velours de tes paupières de Versailles, dis moi le souvenir qui y mordille tes sens et te fige le sang en un liquide transparent et silencieux. inspire moi, sois Lo s'il faut ou Lou si c'est trop court, mais soit celle contre ma langue là où le vocabulaire pousse comme dans un champ humide, sois la terre fertile mais jalouse qui réclame des semences de douleur pour jeter dans les cimes les écorces brunes et douloureuses de l'écrire. Sois la belle puissance qui tonne de mots comme la peau du tambour, sois avec tes yeux la nuée où s'abrite la sauvagerie des orages vibrant de peur dans les courbes rondes comme des joues du très haut tressaillis. Donne moi tes yeux que j'en fasse des mots.Toi oui, dont je sais le froissement et les mains qui dansent, et qui jouent de ces instruments d'Afrique, je t'imagine le corps facile des danseuses.

C'est que je ne suis pas un être définitif, c'est que je ne suis pas un être des stabilités et des subtilités ; des mesures, des contentements et des ruses, c'est que l'on ne bâtit rien sur moi. Ma vie dure le temps d'un fruit sucré. Je suis une parcelle infime de l'été. Je suis ce refus systématique des suggestions, cette colère perpétuelle qui s'est mise un voile islamique à la crinière cruelle.
Que je me fiche du bonheur, que je me fiche de la joie, je veux la chaleur dedans, passer tes mains sur moi et que tu sentes dedans les saisons réunies, ce mélange des quatre moments du temps qui ont fait de moi des mains de givre, et des yeux jaunes comme un foie malade ; et les mots dessechés d'été et la plaine découverte de printemps. J'ai tiré la terre aux morts, pour faire pousser des mots, et les voir luire. Ton manteau, ton hermine, voilà de quoi je les taille : de la mémoire et de l'Histoire. Dix mille ans se tiennent sur tes épaules de songe, mon infortunée, mon ignorée. Tu me rends le goût, et les sens. Mais je n'ai pas guéri de la nuit.

Ma voix d'affecté, quand je me penche au dessus-du silence, et que je fais remuer ton prénom comme une braise qui va lancer sa couleur. Tu ne le sais pas, comment pourrais-tu. J'ai mille amantes irriguées de ma solitude. Je joue des nerfs comme du violon, chatouille les cordelettes, le musicien sait faire hurler toutes les bouches, de l'écarquillée du violon à la charnue des fillettes.

Je veux que l'on dise de mes baisers qu'ils sont l'enfer, l'enfer en plus froid. C'est qu'il existe bien ce pays aux falaises abolies, aux tours monstrueuses jetant dans le noir, dans les sinuosités de l'ombre, dans ces rigoles de hasard quelque chose impossible. Comme aimer. J'ai fait tout un poème, qui est une ode, qui brûle bien entre mes doigts. Voilà ma lumière la nuit, pour supporter l'affront de son sépulcre. Voilà mon alcool pour oublier l'outrage de la femme-sommeil qui toujours se dérobe au désir abandonné ô sommeil J'ai conquis tes soeurs, bien sûr. Litanie de prénoms. Je vous oublierai.

Cette nuit, j'avais jusque deux heures, enroulé sur la bouche l'odeur mesquine de Francesca, qui avait les mêmes yeux clairs que toi, cette nuit j'avais son humeur vacillante contre mes doigts indifférents. Je l'ai déjà dit cent fois, je n'ai de virilité que mon écriture. D'ambition que mon cri.

J'aimerais te mettre aux oreilles, plus tard, de lourdes boucles en argent qui tintent comme des cloches d'Eglise pour te faire tout à fait céleste, pour qu'avec tes yeux très parfaits, très prisés, tu sois et tintement et lumière comme une messe.

3 février 2011

Aux nuits impossibles.

Il y avait longtemps que ce cœur noueux, aux artères noircies de fureurs, n’avait pas frémi d’un souvenir humain. Qu’un visage tout centré dans le réel, sans les trucages de l’alcool, sans les audaces incertaines d’un corps tendu de vilenie, n’avait pas ému ma fatigue, n’avait pas débordé ma torpeur. Si longtemps qu’il me souvient mal mes conjugaisons, le temps y a creusé des morsures clapotantes comme la pluie au pavé des visages.
 
Si longtemps que mes lèvres ne fredonnaient plus que des habitudes, jusqu’à, jusqu’à ce que toute l’infernale machinerie, émue, se dissimule et tapisse ses rires dans les rimes qui se marient à la nuit qui les fait naître. Yeux bleus, j'aime les rivières qui chantent dans vos iris. J'aime d'avoir le corps promis à une destination de l'écho de félicité. De vous chasser vous, souillures, vous étrangères, inconnues, demie-femmes, fioles et folles. J'ai un amour qui ne le sait pas, qui ne le devine pas, et qu'il est bon le sang qui chauffe avec entrain dans l'artère, et son concert qui remue. J'ai un amour de loin, que je frôle avec la voix. Toi.
 
Je suis de ces maisons indolentes, qui flottent sous les arches que sont les tropiques, qui ceinturent à trois moments du monde les routes d’aubes. Qui découpent l’eau en part scélérates pour former océan et mers.
 
J’ai passé du temps à dériver d’esquifs en esquifs répondant selon des reins féminins, les bateaux d’aventuriers remuent toujours de l’œil bleu et souverain d’une belle. Deux mains dans l’écume ont creusé l’Amérique, Collomb et son corps de matière et son odeur de musc ; Santa Maria pleine d’échardes à l’haleine ivre de rhum. L’aventure prolonge le corps des hommes et débute à l’ombre des femmes. Je dérive dans le rein fragile, sur la côte taillée en presqu’île de mes amantes. L’amour est chose unique et réunit tous les délires, toutes les ambitions, ce frémissement que c’est qu’être en une passion, en une violence. C'est aimer qui barre le souvenir du reste, et éboule sur la mémoire le miracle du présent.
 
Qui me nourrit, qui m’inspire, qui réveille la faim en moi, qui donne à la soif l’envie de puiser dans les mirages l’eau soudaine et vive, n’est ce pas la rupture entre les fictions ; la fusion dans mes nerfs des  yeux pâles et de ma colère chaste? N’est-ce pas de savoir défaire avec les doigts qu’il y a dans la voix les ronces de mes cheveux où les images dansent comme des pendus ? Qui lève en moi la douceur insoumise et chasse l'indifférente d'un baiser brisé ? Je ne peux plus toucher d'humaine matière, un temps, le temps que tout mon être convergeant d'une audace n'aura pas apaisé son cri d'aimer. Le parler sentencieux au prieuré. C'est que je t'aime toi, dans tes voiles pudiques.
 
J’ai aimé les yeux clairs de croire toujours que ceux-là m’attendent de l’autre côté de mes nuits insoutenables, où dans mon corps le crépuscule se purge et le jour se tarit. Je les ai souvent rêvés les yeux bleus et gris tendus dans la nuée, avec toute la promesse du sursis et le sommeil ne venait pas. Je ne remuais pas, et j’attendais qu’il roule dans ses doigts indifférents toutes mes usures, que sa bouche panse mes nerfs vifs, aigus comme des psaumes. Je ne peux devenir que depuis la lumière qui gronde, tumultueuse, dans le roulis capricieux du jour qui taille dans la nuit les meurtrières de l’aube. N’est-ce pas ces chemins emplis de mystères, dans le creux d’une forêt, que moi ? Où les mythes mordent la terre et la foule. N’est-ce pas moi, que le silence la nuit, d’entendre le clairon des villes un à un tituber dans l’ombre jusqu'au néant? J’ai vu le visage humain du jour se lever du tombeau du soir, vu ses guenilles et ses épines. J’ai vu le visage du jour qui ne me ressemble pas disperser les restes de la nuit dans des vêtements chinois de deuil. J'attendais que le silence en finisse de moi, qu'il achève de railler mes fragiles scansions, que son rythme de soldat taise, taise, taise le sommeil ennemi. Celui-là qui me fuit, qui se trouve un complice pour le masquer. J'ai toqué à des portes, cherché dans les sexes des filles un peu de la part du sommeil qui me revenait. J'ai trouvé l'ennui dans les bras des amantes déguisées en feu. Je crois l'avoir cédé, le sommeil, confondu avec de l'âme. Je l'ai cédé une nuit de mars, il est longtemps, j'ai oublié. Oublié sa forme, oublié sa voix, oublié ses hymnes. Je ne sais pas. Je retourne le nulle part.
 
Que ce corps fragmenté en dix corps et sept prénoms que sont les amantes se trouvent une retraite. Qui sont des remèdes à la nuit ronde, amère, que j’avale comme un cachet d'aspirine. N’en faut-il pas des anesthésies pour bander le délice d’être ? N’en faut il pas des entraves au cri, en attendant d’aimer il fallait déjà brûler. Ne m'en voulez pas. Les yeux noircis comme des craies.

31 janvier 2011

Les pleurs de vingt ans

J'attends minuit pour marier les rimeurs.
Aux petites filles cruelles.
J'attends la fermeture du corps-échoppe.
Pour braquer les virginités.
Dans les pleurs des garçons
Je fais des ablutions.
Dans le sang primordial de la fillette qu'on corrompt.
Je me baptse.
Mes promises ont des regards troubles de rouleurs.
Meely est une chienne dont deux enfants mordillent le regret.
Mélusine, ta voix est le fard de mes vies.
J'ai injecté dans la blessure faite avec les dents
Un peu de la salive de mon ventre.
Mon corps est une coque de métal.
Où l'eau pure des sources bataille.
Je suis infiltré de joie.  
Saleté de maladie !

20 janvier 2011

Mignonne allons voir si les chaînes ont fâné.

          

        Je t'écris, parce que c'est la nuit, la nuit est son manteau de soie livide qui permet toutes les audaces. Je t'écris parce que c'est le tard qui commence à gonfler mes doigts de ce liquide opaque et dangereux qu'est l'outrance.
Quand je dis j'écris il faut entendre tout ce qu'il y a de musique dans un mot, celui-là qui du tiret casse en deux, libère trois odeurs distinctes et pourtant siamoises, mêlées dans un creuset ; tombes des corps ennemis et promesse de l'alliage.
L'amour sert de ce petit récipient d'argile, il unit les matières réfractaires, et mêle deux chairs-fictions qui vibrent en un sentiment béat, imbécile comme le serment des messes, qui rend les yeux beaux et les mains grises ; les doigts crochus de la caresse retenue et les cils courbés de la joie demeurée.

Une fois je t'ai vue, et la Loire coulait, elle coulait comme un crachat sur l'offense, elle y roulait, grouillante de vagues insensibles, on aurait cru le Rhin noir buvant aux flaches sombres qui mouillent les fauves des forêts, on les dit loups ou poètes, selon s'il fait assez noir dans la vie pour ne rien distinguer que leurs yeux d'éclair remuant. Il y avait la Loire, et la ville sentait le début de l'hiver, il y volait bas quelques signes de décembre, un cantique, un chant clos et le ciel pâlissant de son éternité. Il y avait toi quelque part, qui te tenait là, dans un murmure. J'ai le souvenir de ta voix ; une part mangée de ton reflet dans mes ivresses. Je n'offre pas de miroir pour les ombres de couleur, je mire les visages beaux comme des Pomone de velours dans les bouteilles vides de l'ivresse solidaire d'un partage : voilà mon pain chrétien, c'est du verre parfumé et sa mie recourbée, extrémités coupantes des brisures, boit à mon sang ce qui lui manque de rivière.

Je ne sais rien que les rimes insensées, retroussées comme des diphtongues ou des bijoux glissant le long des berges d'un corps éclot par le minuit. Fleur pâle gémit ses parfums, ta bouche s'ouvre, on entend la senteur impatiente qui brise ses longs doigts sur la peau d'un homme, et l'haleine de son envie te peint les reins, d'un zénith.

Je ne sais rien que les tourbillons qui brunissent les peaux, comme un soleil douloureux, comme un chant de Nerval qu'on harponne du fer d'un oubli, trois dents qui chacune représentent un espace, une dimension. La première est le ciel,d'où dévalèrent les premières lueurs, s'il lui faillait un nom ignoble on la dirait aube, la seconde ce seront tes yeux, il y peine deux amours du nom d'inconsolés, le dernier enfin, c'est mon ventre froid comme du marbre, il s'invoque d'enfer et demeure sous l'épaisse voilure des pas humains. Ces trois espaces, au bout de la harpe des musiques, forment l'Univers, l'auge bête où boivent les vies. Voilà la route des chutes, se meurtrir des trois dents de l'oubli, se couper de chacun des poisons qui s'y figent

Je ne sais rien que la nuit qui fume sur le bord du jour deux cigarettes comme les aiguilles d'une horloge, que le jour rétrécit comme des ombres dans le soleil cramoisi d'un midi qui grogne.

Le crépuscule se démonte comme une mer et les vagues qui montent, dans leurs crêtes d'encre ont des regards d'hypnose.
J'ai ajouté au langage les zones érogènes
Pour que l'on ne sache de mes mots
rien que le cri
Sans pleurs.
Parfois je veux dire "je" mais rien que le mot "déchirement" jaillit, comme dans ces terres que l'on creuse des ongles pour voir jaillir l'eau claire et chantante des amours et des soifs et cette terre fatiguée de doigts ne crache rien de pureté, et vomit des glaires : pétrole noire de cette nuit, belle endormie des croûtes terrestres. C'est comme un pus qui roulerait des yeux en place de la larme précieuse et funeste de l'oeil bleu comme une Loire guérie de la foule.

Mes yeux abritent comme des dômes les souvenirs plaisants.
Cette nuit
Dans la fatigue pleine de trous, de vides et de mots, c'est ton ombre qui y demeure, à la jointure d'autres ombres, proches de la cassure qui laisse voir ses sutures. dans ce dôme de paupières, où les yeux curieux sortent de leurs orbites voir le monde, gargouilles de la pierre flexibes, aux mouvements secrets, mamie crenelée.

Lucie, c'est un prénom dans ma bouche
délicieux comme la mûre sauvage
Du souvenir dont la liqueur
Parfume mes muscles.       

16 janvier 2011

Aux endeuillés - le mépris

Je suis rendu au cynisme.

J'imaginais, moi, que les cheveux blonds qui percent

De douceur, dans la chair faible que la mienne feraient assez

De failles à la tendresse, que la cruauté toute sèche s'en émouvrait.

Il y a des algues dont on attend le parfum grimpant comme le lierre à la grève

Des sens. On entend bien, qu'elles chantent, les algues, quand l'eau se retire

De leurs pelages fibreux dans le cri incertain des marées qui écrouent

Les solitudes blêmes.

 

Oh.

La mort, frappe tout autour

De mes rires

Dans des habits de neige

La mort en décembre

Est gaie, elle porte

Aux décombres

Des jasmins, des odeurs

Des sirops d'orgeats

De l'aubépine

Des jardins

Tout entierLes tombeaux

De décembre

Ont la forme

D'une fleur-e

Innocente

Et les morts

Sont tout graves

Dans leurs peaux

De marbre.

 

La mort, attentive, quand elle ballade à ses cimes les crimes de l'hiver, veille à faire les cercueils de verre et d'odeur, ce sont de gigantesques serres où l'on éduque les miasmes discrets que l'on nommera alors fantôme.

ô la puanteur qui visite tard l'éplorée est celle du souvenir.

 

Les orphelins pleurent des langes de veuve, qui demain, seront les pétales des printemps.

En attendant ils toussent des allergies nouvelles, c'est la joie des saisons qui étouffe leurs généalogies opaques.

 

Quelle belle idée, décembre.

 

 

Ma joie semble le débris

D'une balle taillée

Dans l'éclat

Funèbre.

13 janvier 2011

Fragments

[...]Dans mes bras je la sentais changeante, muer femme, devenir cruauté, ses cheveux cassaient, subtils d’odeurs retenues, comme des fioles de saveur fendues à la moitié, elle semblait la nuit qui abrite des aubes tranquilles. Des aubes à laquelle le temps, avec le soin de l'archéologue, dépoussière la cendre qui l’entrave la lumière. Nos caresses n’abimaient que moi, gerçaient mon torse si tendre que ses doigts à peine nubile le pénétrait, de sa part elles étaient tributs de l’admiration qu’elle me vouait, salaire généreux à mes délires la nuit sur la vie, la bourgeoisie et les révoltes[...]

1 janvier 2011

Décombres

Les cendres de
Décembre
En ont fini
D'ici.

28 décembre 2010

Lettres à l'outrage.

Tu as les yeux clairs des premiers amours, et les jambes pâles et invisibles qui rappellent aux
reins combien ça brûle un corps humain sous les engelures de décembre, Paris résonne de ta
voix : ce sont tes pas qui tonnent sur le bitume anodin de la ville grise. Tu es accompagnée
dans la vie de tintements et d’éclats blancs, il y a autour d’eux, pour désormais, un peu de ma
voix qui les enroule dans un lange de musique.
Tu as les yeux clairs des grands souvenirs qui se tiennent chacun à l’une des extrémités des
ciels inquiets : tu as l’aube et la nuit qui se regardent, interdits, immobiles, et aucun des deux
ne vient compromettre l’autre. Tu as les teintes oranges du jour dans l’agonie, et le blanc
automnal de la nuit qui s’en va, piétinée par les courses de rosée.
J’ai blotti trois mots aux tons fanés qui déploient des odeurs exquises dans des formes atroces,
ce sont les fleurs malsaines, arrachées des marais de la désespérance, trois mots qui sont les
dernières vigueurs du langage, son espoir infortuné.
Souvent, dans les buées qui bougent au bout de nos clopes, je me dis, comment elle est ta voix
très fine, très légère, comment elle ferait pour traverser nos hurlements d’imbéciles révoltés.
J’ai vingt ans que je porte aussi mal qu’un cœur, c’est un habit étroit, qui me moule des
épaules de fer, mes vingt ans sont deux choses : une douleur et une audace. Mes vingt ans
sont une fureur et une clameur qui ne savent pas passer, qui attendent de torturer l’Univers,
de l’aplatir sur la table à supplices et lui faire cracher ses injustices. Tant d’injustices qui
s’y morfondent dans le ventre de l’Univers et sa gorge profonde abrite tous les maléfices
ignobles, toutes les séductions dangereuses. J’ai vingt ans que je ne vendrai qu’au diable et
s’il n’en veut pas, je les brûlerai pour qu’ils ressemblent à ses filles aux couronnes infernales.

Mon existence se résume à trois ambitions, une trinité d’impie que je célèbre à l’autel des
orgueils :
Ecrire le conte qui reflétera l’enfer dans les yeux d’un enfant, construire l’Histoire qui
indignera le moralisateur et enfin, et surtout, vivre la vie qui fera pleurer jusque mes assassins.
Je pourrais en ajouter une dernière toute renforcée d’acier présomptueux : te dérober deux
baisers ; un pour chaque lèvre.
J’aime ce qui est excessif, et j’aime ton pas quand il va mourir dans le jour, j’aime quand
l’alcool qui vient faire gémir mes veines d’éclairs nouveaux et inconnus dérobent la part de
ton sommeil qui colle au mien ainsi qu’une miette de chaleur.
Dans la nuit, quand mes transes me mettent au lieu d’une voix un hurlement j’imagine tous les
jolis cheveux blonds qui percent la croûte de la nuit, ô combien de terres stériles n’ont pas vu
d’aube plus jeune que la folie blonde et bouclée qui meurt dans ta nuque constituée de tous les
iris fragiles que comptent les mains avides de la grâce.
Je me dis :
A quoi ça sert une bouche ?
A deux choses, je réponds
Au cri puissant, au baiser
Le reste c’est de la vanité, le dialogue c’est pour les idiots, se comprendre ça se passe dans
les gestes ou dans le cri, il faut éviter tous les mots superflus, ces escroqueries de poètes qui
trompent les foules.
« N’être pas dupe, c’est être méchant »
Chantait Verlaine
Et il tirait
Sur Rimbaud
La nuit a senti
Dieu le chien
Qui claquait
Des dents

Dans un éclair
D’acier.

Demain, j’aurais les ongles noirs de poudre, avant d’avoir les yeux fardés de sang, demain je
me maquille de terreur, je pose la lourde chair du crime comme un masque pressant sur mes
muscles d’enfant.

Je me dis, tu as le pas si leste que tes bottes ne te vont pas assez bien, et ta bouche s’est taillée
dans les minéraux rares des pays qui se tiennent dans les secrets recoins de la géographie, qui
sont comme un corps inquiet, dissimulé sous des brumes –comme la nuit pour le clandestin-
et des vents aux gorges de rochers. Tu t’abrites dans tes secrets et ton rire développe une
houle de joie qui chasse les inquisiteurs de la détresse, les traqueurs infernaux des tristes
solitudes. Ceux-là que tu ne laisses pas rentrer, ni demain de les avoir trop laissées hier
s’infiltrer dans tes failles, tu te souviens des bouches vénéneuses des amoureux de Province,
tu te souviens les amoureux loin derrière la cité bariolée

Je me fatiguais de Paris moi, j’en croyais connaître tous les parvis féminins, en avoir
décompté toutes les senteurs égales d’ennui, je m’étais dit « c’est fini, Paris, tu en as tout
bu la liqueur infâmante, tout bu le vice, tout dévoré la vertu » et je me disais ça, accablé
d’abandonner cette amante qui grouille de deux millions d’indifférences. Je crois que ce
sont tes yeux qui sont blottis dans ton visage qui ont réveillé en moi le mot sans la parole, la
voix sans le langage tout ce qui sert à traverser les individualités sans passer par la virtualité
niaise des mots préconçus, des phrases préparées, usées, salies, abîmées par les bouches des
galeux. Ah. Dehors, il y a le jour qui enfle, avec lenteur, il gonfle de lumière le ciel, comme
une voile. Il se bombe, le ciel, là haut, et il vient achever les rêves rachitiques qui habitent
la forêt monstrueuse du rêve. Dedans, ce sont des pins d’ombre qui tremblent comme des
déserteurs, ils enfoncent, les pins, chacun de leurs mots aigus dans le muscle tendu du songe
qu’ils percent comme la source brise la terre infertile qui retient ses fécondités, comme le dard
de l’insecte.
Je pense à tes yeux clairs qui éteignent la nuit, qui se brisent en les sept lumières imaginant le
spectre des bleus. Voilà Klein et le reste des armées aux muscles fêlées et tous les violets qui
patientent dans ma gorge que ma peau se défasse de mon corps…
AH. Comme tu es jolie, j’en ferai des poèmes à la gouache pour ton charmant visage.
J’invoquerai les mains célestes de la nuit et j’en déformerai ses chancres, je lui prendrai à
l’astronomie ses étoiles bariolées pour me les coller au front et avoir le soir qui prolonge le
soir, attacher des ficelles de soir en une longue corde qui pendra la misère.

Je sais où te trouver
Tu sais où me perdre.       

20 décembre 2010

Almanach 2

Je regrette de n'avoir pas connu le temps où les putains étaient des femmes
Plus habiles que le fatras d'une foule d'inconnue. Où l'on tarifait mieux l'amour
Que le sexe, dans des culottes aux chiffres béats.
Je regrette de n'avoir pas connu ces putains, aux manteaux troués
De froid, qui parlaient de passes, et de littérature, et pouvaient raconter
L'histoire d'un amant mort à la guerre, et baiser sur leurs seins
Ce qu'il reste d'un uniforme.
Je regrette de n'avoir de putains, que l'almanach si déchiré
Qu'il n'en reste que les pages en lambeaux.

Il faut une certaine noblesse pour entrer
Dans les pages de mon calendrier
Il faut s'instruire des choses de l'astrologie
Le mouvement écarlate des étoiles
Aux yeux malsains.

L'almanach sent le benzine
La Seine et le Rhône.
Ce sont mes putains qui y entrent
D'Anne à Wendy, tout l'alphabet
Calendaire.

J'en exclus, certaines, qui servent d'encre
Aux rédactions de mémoire, ce sont les plaines
De neige.

Je regrette de ne rien savoir de ce temps
Où les putains savaient la géographie
Des Corps
Célestes
Comme l'astrologue
Suce les dates
Sucrées de ses
Drames.

Je veux dire, enfin, que j'aime d'être cet ascète de l'existence :
La lâcheté vit et se déploie dans le groupe
Le courage, lui, développe son parfum
Solitaire.

Où le mac n'est rien plus que le marchand quelconque de la tendresse
Sans le masque de cire qui va au criminel.

8 décembre 2010

Les almanachs

Je connais des femmes qui ne connaissent pas d’hommes. Qui sont irriguées, disent les astres, par des solitudes viriles. Des solitudes aux  mains de musc, le matin. Qui, aux premières aurores, disparaissent comme des étoiles perdues dans un jour naïf. Je connais des femmes qui ont faim par tant de bouche que l’écume ruisselle de leurs ventres, je connais des femmes qui psalmodient des prénoms d’hommes entre deux pendaisons à leurs nerfs, de plaisirs. Je sais des femmes aux yeux mesquins, où ont dormi des corps de nuit et de meurtre, qui se sont couchés là, expirant des crimes dans les creux du sommeil, qui ont mis des boues dans les fioles de la bonté que la rosée transpire.
Je sais, des marins, qui viennent percer les mers et les putains aux baisers malsains. Je sais des marins, qui ont vidé les océans des maladies qui verdissaient le ciel.
Ils sont venus, et ils ont dit « nous avons écrasé de nos torses fiers, gonflés de rhum et de grippe les sacrilèges du ciel, cueilli des touffes d’enfer rayonnantes et baiser les fronts charmants des princesses infernales ».
J’ai su les femmes aux chants émus qui ratissaient les villes de leurs gestes en cherchant sur le rire d’un enfant, le visage d’un amour. J’ai su des femmes qui avaient les yeux gorgés de batailles, tant de batailles qui avaient bu toutes les joies, que leurs rires fondaient en des sucreries de sable.
J’ai vu leurs cris tremblants dans le jour comme un soleil d’hiver leur sortir du corps et tomber en une grêle de lumière. J’ai vu ces femmes aux corps vains, qu’elles exigeaient d’un marbre musical, se fendre les muscles et dire entre elle « Je suis la Vénus de Milo, et mon âme est brisée ». J’ai vu des hommes qui au soir, laissaient trainer un chant de vigueur sur les grèves des gorges, et des cantiques monter des brèches de l’enfer, vu les pauvres gavés de misère et d’humiliation, arrondir leurs bouches en des cris souillés de huit-mille soumissions.
Vu des filles aux yeux bleus infiltrer l’espoir dans le cœur de ceux qui ne croyaient plus, des filles aux yeux bleus qui se déshabillaient en chemin. Ces filles devenaient légères du poids d’une éducation qu’on excise, d’une retenue qu’on digère, légères de l’air chaud de l’excès qui chassait l’air froid des tendresses.
Il me souvient Hannah et son journal de misère « il faut écrire pour ne pas disparaître », il me souvient de Marie qui mourait pleine d’horreur, couverte de vengeance, dans mes bras.
J’ai vu, des pays où la mer glisse et roule des cigarettes grises comme une âme.
J’ai vu mes haines s’arracher d’un poème, tout surpris d’avoir accouché d’un monstre aux yeux de vin. Vu des villes qui n’existaient, et visité des corps qui n’existent plus. J’ai parcouru les géographies du sensible, j’ai eu soif sur la peau de désert de F., j’ai eu froid dans les yeux de décembre de Wendy, j’ai pleuré dans le mensonge que mâchait Marion, j’ai ri de ceux-là qui pliaient Margot comme du papier journal et j’ai joui dans les mains étroites d’H, ses seins ronds comme des yeux et ses hanches sans audace.
J’ai vu tout ce qui se cache derrière la vitre du jour, vu les hommes qui aiment d’autres hommes se parfumer de secret en se dérobant aux ongles du jour, senti leurs haleines mortes de hontes vieilles. Vu, mon corps aux sueurs féminines d’avoir déshonoré toute la nuit les filles de Foi. J’ai su que l’école usait la vertu mieux que les femmes quand le murmure de la nuit, remuait les secondes comme de la terre fébrile.
J’ai vu, les sots poser sur d’autres sots des trophées gorgés de pouvoir et vu des femmes défaire leurs corsets trop serrés pour donner au mal le droit de respirer, vu leurs ventres radieux s’exposer aux brûlures de doigts avides. J’ai connu des femmes qui n’avaient plus que des ciels pour toit, des ciels vidés de dieu, où se perdaient les échos des plaintes et des souhaits, ils montaient comme des fontaines avant de redescendre, inertes et usés, résonnant aux sols comme la défaite.
Dans le ventre d’une mère il y a neuf mois de désespoir qui iront piller l’enfance. J’ai vu tant de choses dans mes nuits d’orgueil, au milieu des reins des pouilleuses, mettant au bagne les galantes et m’inclinant le corps entier aux veines de porcelaine.
Il y a des cheveux blonds, au matin, qui percent de l’angoisse, raclent d’une voix de tuberculeux, et viennent exciter mes humeurs, ils se baladent en longs fils de lin pleuvent des musiques polychromes sur mon torse blanchi d’aube. Je les entends qui secouent des personnages d’imaginaires aux pointes de cordelettes souples comme des doigts d’enfant. Il y a des cheveux blonds qui promènent dans mes matins des marionnettes de songe, rembourrés de cauchemar.
J’ai vu la mer glacée se retirer des pays chauds et envahir les terres moisies de la mort. Vu la mer glacée couvrir les sonnets arides de Boileau qui a bu tout sec les océans et sa bouche réclamait encore des ivresses.
Vu, l’aigle de Meaux planter ses serres dans l’Histoire et Napoléon le mettre dans une cage de fer qu’on appelait concordat.
Vu, tous les bavardages de l’Histoire qui suit le temps en se moquant de lui dans le son des trompettes de victoire et lui dire, entre deux baisers de princes réconciliés, « Le temps est à l’Histoire, ce que le langage est à la littérature : son esclave ».
L’Histoire en liesse couvre de pétales de neige, de fleurs de sel et de myrrhe des fils innocents. Elle ceint les fronts de baisers merveilleux, et ils dansent, les fils innocents, ils dansent étourdis de liesse.
Tandis que l’almanach déchire ses pages aux prénoms multiples. Les amours durent un jour.

 

30 novembre 2010

Aux épouses

Pour écrire j'ai besoin de prétextes.
Ces prétextes ce sont des femmes. Des femmes haïssables,aimables, des qui ont les yeux clairs des déroutes, celles qui ont les cheveux sombres des linceuls. Je me nourris d'elles, et quand je les ai bien bues, que mon pas va tremblant répandre son ivresse sur les vallons, j'en aplatis le souvenir sur un mur et c'est soudain un paysage gai ou pittoresque. J'en aplatis les formes comme des fruits murs et j'en bois la liqueur incolore.

Mon ciel je le fore de leurs plaintes angoissées. J'ai des amours -je sais leurs noms- dont toujours je devine les larmes. Je prépare avec soin des éprouvettes pour recueillir les chagrins et fabriquer de leurs chimies inquiètes des philtres de joie. Quand je rate, que l'alliage de mes sciences et de leurs pleurs forment un liquide épais, je bois le breuvage mystéieux et je m'empoisonne. Chaque jour, un peu plus, aux lendemains des crises de filles, j'ai le coeur engourdi.

Tant de femmes. Tant de femmes qui m'ont aimé ; tant que j'ai baisées. Je baise si mal, et pourtant je vois leurs yeux émus et leurs visages bouleversés de couleur, ce sont des fleurs, oui des fleurs peintes à la hâte par l'amour.
J'ai croisé tant de femmes dont j'ai brisé les hanches top lourdes, les nez trop longs pour les faire enter par les portes étroites de la littérature. J'ai croisé tant de femmes dans des couloirs étroits, que je n'ai aimées que le temps d'une effluve lente à se perdre. Tant. Tant. Tant de lames en suspens, au premier stade de la composition d'une peine, tant de larmes attentives au premier jet criminel du chien.

D'elle j'espérais un enfant. Je me lève Elle dort. J'entends quelqu'un qui hurle. C'est moi. J'accouche. C'est un personnage. Encore. U,n personnage baigné de placenta noir comme de l'encre.
Je cherche partout des femmes, pour écrire. Faites moi écrire. Toujours écrire. Autrement je meurs. Je meurs ici.

Je ne sais pas mentir.
Toute mon écriture est ma vie. Quoi que j'en fasse, je ne décris que mes amours, mes amantes et mes haines.
Je décris tout en démesure nos transes idiotes. Je décris le voile qui tourne, et la nuit qui ronge le vêtement, je décris, le corps tout bleuï de froid et mes deux mains innocentes qui réchauffent le corps ami. Je me souviens, là, les draps aux mains de luxure qui nous entravaient les reins. Je me souviens, oui, des premiers gémissements que les miens. Ils rôtaient comme des enfants en colère. Il me rappelle la musique que faisait ma voix gorgée de rires quand nous tombions du lit. Les écorchures que laissent l'amour avec le corps quand on a dix-sept ans. Les cheveux roux de Tiffany au milieu de nos baisers comme des aurores toussantes.
Les caresses hésitantes des jours de la Toussaint.

Toute ma vie n'est qu'une quête. 
Ce sont des femmes que je rabote en muse.
Je diminue la volonté, je baisse la lumière juste assez pour que leurs visages de minéraux morts soient des statues.
Je les rentre dans des fours, leurs mains d'argile sèchent en des gestes définitifs. Il n'y a plus rien qu'à attendre que le jour les peigne.

Ma mémoire est un musée
Des amours de marbre
Se reposent sur ses dalles usées
Le temps les biseaute.

C'est bête.
J'ai tout fatigué le corps des jolies pour des caprices littéraires.
J'ai encore faim.

27 novembre 2010

Lettres à la haine : n°1 - Mot pour Emilie D.

En moi tu remues les haines de celui qui a eu faim. Il y a tous ces  corps perdus, brisés de supplications qui prennent le mien pour amplifier des plaintes. Je ne t'écris pas ; je t'outrage. Tout ce que tu es je le maudis en des prières inventées pour le sacrilège des fortunes. Mon sang te renie dans son lent murmure qui chante des cantiques d'enfer. Le monde me semble un poème trop étroit pour deux bassins si ennemis que les nôtres. Je te hais. Je hais toi et tous ceux de ta race qui savent survivre dans leurs démesures d'insignifiants. Pour  moi. Vous êtes le meurtre. Le meurtre fier et angoissant, tapi dans les  replis des lois, agissant toujours avec le secours des autorités crânes et odieuses. Vous avez à vos crimes, mis les grandes robes des lois et des soirées.

La richesse vous marque de son sceau invincible, c'est le  péché originel du siècle que de naître riche. Il faut des baptêmes de  misère, des douches de soufre, des maquillages d'angoisse pour espérer faire tressaillir sa peau de ce crime primitif.

Mais tu  pleures, tu pleures ? tu as l'orgueil de la tristesse ! Hé ! Ne touche pas nos luxes de tes mains gantées d'argent, tu es déjà riche, laisse nous les cris, ils ont suffisamment à  faire pour nos gorges, les cris, suffisamment à faire pour nos corps  meurtris, suffisamment à faire pour occuper la place de l'espoir et de la faim dans nos chairs. Je te hais Parce que c'est le moyen que j'ai de  briser le sceptre honni des pouvoirs et des riches capricieux. Quand je te hais  c'est un milliardaire de fantasme qui meurt, son corps de carreaux  brisé des pavés d'enfant.Je te hais, de la haine de celui qui a eu  faim, la nuit, quand la tienne s'abimait de lumières exotiques. Je te hais de celui qui a eu faim quand tes yeux s'armaient d'aurores. Je te  hais de celui qui a eu faim quand ton corps joyeux riait sur des tables  pleines de gâchis. Je te hais avec la main du mendiant qui se tend plein  de peine vers tes yeux moqueurs. Dans ma haine  il y a trois quart d'orgueil et un quart de damnation que je te promets.J'ai fait des  études pour donner à ma haine une profondeur et un paysage. J'ai fait  des études pour donner à ma haine des raisons. Je n'ai pas cherché de  tempérament à l'ardeur. L'ardeur ne vaut qu'audacieuse, violente, toute  farouche de chaleur, je n'ai cherché qu'à la motiver et la faire durer.  C'est un brasier allumé sous un pont, mais le pont,vois-tu étais-là, et  il se serait mis en branle, avec des muscles de miséreux galériens, il  aurait avancé. Quoi qu'il advienne jusqu'à renverser vos fortunes et vos corps. Je te hais pour ce qui transparait du monde à travers le véhicule de ton corps. Je  te hais et je voulais te le dire. Pour que tu saches que ceux de ma  race extermineront jusqu'aux derniers de la tienne. Si vous êtes plus  forts nous sommes plus nombreux. Si vous êtes mieux armés nous serons  plus braves.Nos rangs tremblent de fatigue de n'avoir le soir que  des trous de verdure où coucher la haine mais n'oublie pas, n'oublie pas  que nos ventres sont vides, que les armées d'affamés vainquent toujours  les soldats repus. Tu seras Rome ; je serai les Huns, les Vandales, les Francs, je serai le déferlement de la faim. Nous jeunons tous les jours déjà  pour que l'appétit frustré aiguise nos colères. Fais attention le matin  aux premières formes qui se soulèvent des cendres de la nuit. Ce peut  être mon frère qui tue l'un des tiens. La lumière qui s'arrache du gris  parisien ce peut-être le muscle phosphorescent d'un impatient de la  rage. Le clapotement de la fontaine, place de la Sorbonne, méfie-t-en comme du pas d'un  de nos éclaireurs cavaliers. Nous avons des haines qui ne sont jamais rien d'autre que le nom de nos dignités et de nos fiertés .Nous avons refusé votre réel insuffisant. Refusé nos ventres gonflés de vos odeurs.Nous  avons dit, d'une voix fêlée comme la cloche d'une Eglise, notre refus de vos existences. Vous aurez beau veiller. La nuit est un complice patient. Toutes les dates des calendriers elle fera le  guet au dessus de nos gestes maladroits. Tous les crimes elle couvrira  nos fuites de ses langes de soie. Fais attention. A toi. Parce que je te hais.Que demain, ou les fêtes à venir, l'un des miens emportera l'un des tiens, jusqu'à ce que ce soit toi.Nous sommes plus nombreux, nous sommes plus courageux, nous n'avons plus peur.Je  t'enseignerai jeune fille qui vit dans le luxe et l'espace,  l'étroitesse d'un tombeau, creusé pour un, où l'on se jette à deux. Je  ne prendrai pas de place, parce que j'ai faim. Le cadavre de ton crime  gésira tout près de l'innocence du mien. Je te hais Petite.      

Tu verras la douceur meurtrière des ailes d'un utopiste quand au sortir de ton cours de russe une voix de révolution t'emportera la bouche. Tu apprends une langue dont je t'enseignerai un mot : goulag.

16 novembre 2010

Faim.

Je trouverai bien dans mes faims
Une main de charité
Douce
Comme la caresse d'une mère
Qui m'offrira une béquille de pain
Un drap de soupe chaude
Pour couvrir
Ce corps
Malade
Glacé
De 
Poésie

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