Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

boudi's blog

boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
5 juin 2011

Chez les Yézidis.

Quand l'insomnie se fait tendre et longue, que la nuit étend son ramage jusqu'au bosquet de ma fatigue, il me souvient qu'à Paris, je n'aurai à dormir nulle part ailleurs que sous des ponts. Il fait doux assez, et je ne mendie jamais rien. Ma fierté, ce sang Kabyle qui fait bouillir mes veines dans l'odeur âcre de l'enfer m'interdit les demandes. J'ai violemment tiré mon corps hors de chez Maude parce qu'elle exigeait à ma présence des étreintes polies dont j'étais incapable d'être le parent. Je n'irai pas chez les hystériques groupies. De ne pas vouloir me mettre à gueuser me fait du même temps interdire des amis, des amours, le secours attendu. Je dissimule à ceux qui pourraient me prêter un lit, une chaleur, un recoin ma condition, et je refuse de ceux parce qu'elles ont des sexes de femmes agités de prurit, la tendresse. Je quitte l'Irak dans des vêtements de prince, de grâce, et de beauté pour venir ici dans la loque du mendiant, du sans domicile, de l'avorté du plaisir.

Paris, m'attend, avec les bancs de ses parcs clôturés. Je laisserai mes affaires dans une consigne comme dans les temps d'avant, j'irai boire ce qu'il me reste d'infortune dans du vin tiré à minuit, je pourrai pleurer dans mes cahiers orange, en écrivant aux filles de mes souvenirs "c'est que j'ai cru que je pourrais vous aimer toujours".
Paris m'attend, et pour retrouver son ciel, je lèverai ma tête sous la chapelle ardente d'une nuit torturée. Ma chance s'est passée. J'ai presque froid.

Publicité
27 mai 2011

Bagdad, première semaine.

Le soleil est devant la porte d'entrée. Il ne fait pas assez froid pour écrire dans mon haleine le prénom des amoureuses qui enlacent leurs amoureux à Paris, alors, dans le sable, sur les lignes obscures des cahiers, je trace vos prénoms de saintes. Toute la cosmogonie de vos yeux bleus qui pour m'avoir ému un jour, un mois, ont impregné leur odeur de chamaille dans le torrent de ma vie. Pour toujours je vous aime, de vous avoir enduré dans ma poitrine. Vous que j'eus dans mes étreintes, et vous qui vous y dérobèrent. Vous qui eûtes déjà des mariages en loques dans les mains, et vous dans votre solitude. A toutes je dédie mon voyage, à toutes je dédie ce qui me reste de vie à imbiber de poèmes. Je vous aime, et une dont je ne dirai rien du prénom, bien plus que les autres.

Je n'écrirai pas souvent ici, le temps a la mâchoire brisé, et je suis là pour en réparer les rouages muets. La nuit n'a jamais la longueur qu'on veut. Je me soigne de ce que la vie m'a fait, de ces choses sur mon corps qui forment des chemins de ronces où les doigts des filles se font toujours prendre. On m'a trop abimé, je l'ai déjà écrit cent fois, et la tête à peine hors des roses, les membres joints sur la chapelle des désespérés, je prie que toute ce crépuscule dans moi finisse par un matin mouillé. Je suis arrivé en Irak dans la nuit de lundi. Tout est silencieux à Bagdad quand passent les convois militaires dans le rythme liturgique de leurs chaussons cadenassés. Je me sens comme la nuit d'être ainsi sous l'ombre des fusils, comme la nuit qui traîne sous son pas excusé le silence des villes et le blottit sur les toits bas des maisons ouvertes. J'ai eu peu l'occasion de parler avec mon escorte, malgré mon goût de la conversation et de la rime amusée, leurs bouches ne servent qu'à manger et jurer. Mes mots ricochent contre les drapeaux. Les attentats sont réguliers, ils ponctuent les semaines mais n'atteignent pas les tranchées occidentales, notre "green zone". Derrière nos murs fortifiés, nos portes blindées, nos caméras infrarouges, nos jeeps tous-terrains nous ne risquons pas d'être tués, nous avons la garde d'un remblais d'adjectifs. A l'intérieur, partout sont des checkpoints. Le pays est très beau, pourtant, hors des barbelés, le jour. Nous avons déjà eu la chance de nous rendre au Kurdistan Irakien où Quentin a fait de merveilleuses photos.
J'aimerais rapporter plusieurs objets de cette expédition, j'en ramènerai au moins le souvenir d'une journaliste américaine avec laquelle je passe la plupart de mon temps hors de nos missions respectives, brillante docteur ès lettres à Paris IV, et amoureuse de Jean Genet (oui ses yeux sont "plein d'azur et d'étoiles", oui elle a la nuque que voilent des mèches blondes). Si je ne m'étais pas juré, depuis que je n'aime plus rien que des fantômes et donc des astres, de ne plus être dans les limbes d'une fille, j'épouserais cette Emma dans quelque chapelle faite de poutres, de désert et de nos silences. Hier soir, nous vécûmes notre première étrangeté intime, mon premier mutisme bouleversé. Parce que je n'ai pas pu l'embrasser même quand elle jetait suppliante ses lèvres tout en face des mes manies de poète, quand le silence est venu, qu'il fallait désormais trouver à nos bouches un autre usage que le verbe humide de matin. C'est un épisode commun de mon carnage depuis quelques mots de ne plus pouvoir me frotter à une existence réelle. J'ai abandonné une Elodie sur les bords d'un lac, parce que son geste était débordé de vulgarités ordinaires. Je suis prisonnier de ces muses célestes, de ma gestuelle rimée, je suis fidèle à mes amoureuses douleurs, toutes ces formes humaines que j'ai faites des personnages, je les chéris à l'exclusion de tous les corps humains, je ne recèle rien, c'est le tribut que j'accepte de payer à la poésie. Ma virilité est une force sacrifiée à la poésie, j'y consacre toute l'énergie à écrire. Plus jamais. Lucie dirait que c'est depuis que j'ai refusé le bonheur dans les draps de Sarah, Camille dirait que c'est depuis que j'ai réduite D. en poudre de mots sans jamais mettre en fonction l'usage organique d'un désir, Loriane me dirait c'est depuis mon cri d'adieu dans Grenoble, que mes impossibles stupeurs viennent de si loin, si loin que le prénom est celui de Margot, Lara, remuerait plus de terre encore de ma poitrine dénudée et me souviendrait les pleurs de Marion sur la courbe de Wendy, et moi, moi je suis plein de berges bouillantes sans contenir ce sang, ce geste, ce désir entre les digues plus prosaïques du désir et je ne peux pas embrasser Emma, je ne peux pas la caresser autrement qu'avec des lettres, j'aurais autremement la sensation de violer un interdit, de réciter le sortilège dangereux qui plonge l'âme dans le gouffre d'une certitude. Pour ne pas laisser voir cette impuissance neuve qui me couvre, j'ai joué d'un jeu que ma mèche brune de poète justifie et grandit, j'écris les mots des actions que son corps attend sur des papillons adhésifs, et je les lui colle sur les lèvres, sur l'abdomen, sur les seins. Là, j'ai mis "bouche", là "mains". "Je t'aime avec la pointe des mots".

De la grande histoire de la Mésopotamie il reste de la poussière, je ne sais pas si l'on peut reconnaître la grandeur passée d'une civilisation à la quantité de poussière de ses rues, de ses déserts, si c'est le cas, l'Irak est une grande civilisation dont témoignent ses poumons de cendres.

Je fréquente aussi quelques militaires. J'écoutais hier soir, un jeune capitaine me raconter son évasion d'un camp d'insurgés. Revenu à Bagdad après avoir serpenté dans le désert et la soif, il souffre de platitudes et regrette l'aventure. Il a peur que la guerre cesse, de revenir aux bruits des automobiles sur le bitume, à l'ordinaire de sa Californie. Tout est fini, quand il voit la caserne se vider, quand il entend le pas des pelotons qu'on ne relève pas. Le sommeil de la guerre. Le problème se pose plus loin que pour ces soldats sans destin, sans futur, elle se pose pour toute une jeunesse qui, ne se doutant pas qu'il existe des guerres internes, des prisons internes, des évasions internes, des dangers mortels et des supplices intimes, qui, ne sachant pas ce qu'est vivre, n'en a qu'une idée accidentelle et ne croit plus vivre puisque les circonstances ne lui en offrent plus les moyens. Ce sont tous ces gens qui vivent leurs relations sans cruauté, sans passion, mais parce que parfois une joie les saisit, une douleur les morfond, parce que dans un restaurant, dans un magazine, parce qu'au milieu d'une foule, ils se sentent tendus vers ce corps qu'ils disent celui du "petit-ami", parce qu'ils se sont habitués à ce froid de l'existence se croient des fièvres dans la tiédeur d'une caresse morte. Ce sont tous ces gens qui confondent vivre, avec des parodies de faire, d'agir et n'ont de vivre qu'un fragment brisé, un reste de fresques dans la langue incomprise des premièes audaces latins. Ces militaires sont pareils aux jeunes gens de partout. C'est une vie menée sans être précieux, précieux comme les émeraudes qui brillent dans ma chair tourmentée, dans les orbites troubles des filles aux yeux bleus. Ma solitude n'est pas d'ailleurs, elle est d'ici, de ne pouvoir me mêler qu'à des matinées grises. Ces gens là, ont le bonheur éduqué, et comme les militaires qui craignent la fin des guerres, ils craignent le chômage, ils ont besoin d'agir pratiquement sur le corps qui les supporte, et qui loin de les contenir est lui-même le contenu. Si je penche la tête vers la tache d'or de la lune, percée par les aiguilles du vent, je raconte comment j'aime moi, quels tumultes je fais naître, avec quelles chaleurs je fais fondre les poutres métalliques qui sont le barrage de tous les corps pour les faire enfin un coeur, un cri, un être. Je suis différent, et tous les pays du monde me souviennent cette certitude : je sais aimer.

J'ai pu parler aussi avec une religieuse. Les femmes qui ne prient pas les morts la révoltent. Le moindre confort la choque. Une femme élégante lui est une insulte. Elle me reproche de fréquenter Emma, cette journaliste aux yeux clairs, aux mains douces. Elle, ne se doute pas que c'est l'instinct maternel qui la manoeuvre et qu'elle en fait une autre dépense, faute d'être mariée et d'avoir des enfants.
J'ai longtemps pensé que la guerre était une chose de poète que les militaires et les politiques avaient solicité pour la souiller en s'en saisissant. Par goût de la formule, évidemment. Ici, je vois par quoi une guerre est néfaste si elle ne tue pas. Elle communique aux uns une énergie étrangère à leurs ressources, aux autres elle permet ce que les lois défendent et les forme aux chemins de traverse. Elle exalte artificiellement l'ingéniosité, la pitié, l'audace. Toute cette jeunesse s'y croit sublime et retombe lorsqu'il faut tirer de soi un destin qui échappe aux commandements martiaux. Ce sont comme des jeunes gens de l'Université, ils y ressemblent par certains angles, quand l'alcool est fort, et que la nuit est basse.
J'écris beaucoup ici, je donne chair à ces mots que je laissais à l'abandon, dans leurs corps de verre à Paris. J'ai toute une quantité de sang mêlée de poussière pour fabriquer des personnages, c'est plus que Dieu n'avait pour former Adam. Je peux fréquenter, pendant les cours de Quentin, des irakiens méfiants. Ils ont tous mille fois plus de talent que ces gens que je m'obstine à accoquiner dans notre monde civilisé, ceux-là près de qui j'apprends à faire ma place. Revenir à Paris sera difficile, retrouver la grande gestuelle de nos artistes ici dont le premier des prestiges est de prétendre. Qui s'inquiètent dès lors que le flot des mécenats se tarit, qui se nouent autour du ventre de la tragédie pour se dire des créateurs mais n'ont rien de dangereux, de menacés dans eux, rien de vivant. La surprise de ces exilés du drame serait grande s'ils découvraient que les épisodes tragiques dont l'interruption les laisse au bord du vide, ce vide en est peuplé comme eux-mêmes. Qu'il suffirait de descendre en eux et d'en faire les frais au-dedans au lieu de les faire au-dehors. De se montrer, de passer son énergie sur des feuillets bavards, dans les bras des filles idiotes. J'ai fêté mes vingt-et-un ans à Londres, et depuis j'abîme ce qui reste de vingt ans en Irak, à Kirkouk, bientôt, pour le sacrifice de mes mollets feux. Mes muscles commencent à saillir, le médecin est admiratif de ma constitution physique, et s'inquiète de me voir si vite m'adapter aux exigences métaboliques d'ici. Je sais me fondre partout, et c'est étrange, de passer mes mains sur mon torse, et d'y senti partout des aspérités nouvelles, des rigidités abdominales.
La guerre n'éclaire pas sur les moyens de s'employer ensuite à son propre compte, elle n'est pas une académie, mais un camp de dressage. Elle présente un prétexte à vivre tout comme à sa façon la société de consommation et la véritable vie leur apparait, ensuite, comme une mort. Cette vie que je mène. Je suis content d'avoir délaissé l'Université, et je suis triste d'arriver dans un chenil.
Si j'écris ces mots, si je mêle dans la même boue le militaire, l'artiste parisien l'Irak, les femmes de ma vie, c'est en ce qu'ils sont identiques. Toute leur vie est dirigée vers l'extérieur, à forer des puits audacieux, creux.

Je plonge dans les eaux de la vérité, noires mêmes elles ne m'effraient pas. Je crois que mourir en musique me serait une très belle fin, un très beau moment. J'ai des envies de ballets russe.

27 mai 2011

Bagdad, première semaine.

Je n'écrirai pas souvent ici, le temps a la mâchoire brisé, et je suis là pour en réparer les rouages muets. Je suis arrivé en Irak dans la nuit de lundi. Tout est silencieux à Bagdad quand passent les convois militaires. Je me sens un peu comme la nuit en étant dans l'ombre des fusils, qui traîne sous mon pas excusé le silence des villes. J'ai eu peu l'occasion de parler avec mon escorte, malgré mon goût de la conversation et de la rime amusée, leurs bouches ne servent qu'à manger et jurer C'est un peu triste. Les attentats sont réguliers, ils ponctuent les semaines mais n'atteignent pas les tranchées des occidentaux. Derrière nos murs fortifiés, nos portes blindées, nos caméras, nos jeeps nous ne risquons pas d'être tués. A l'intérieur, partout sont des checkpoints. Le pays est très beau. Nous avons déjà eu la chance de nous rendre au Kurdistan Irakien où Quentin a fait de merveilleuses photos J'aimerais rapporter plusieurs objets de cette expédition, j'en ramènerai au moins le souvenir d'une journaliste américaine avec laquelle je passe la plupart de mon temps hors de nos missions respectives, brillante docteur ès lettres à Paris IV, et amoureuse de Jean Genet (oui ses yeux sont "plein d'azur et d'étoiles", oui elle a la nuque que voilent des mèches blondes). Si je ne m'étais pas juré, depuis que je n'aime plus rien que des fantômes et donc des astres, de ne plus être dans les limbes d'une fille, j'épouserai cette Emma dans quelque chapelle faite de poutres et de désert. Hier soir, nous vécûmes notre première étrangeté. Parce que je n'ai pas pu l'embrasse même quand elle jetait suppliante ses lèvres. C'est un épisode commun de mon carnage de ne plus pouvoir me frotter à une existence réelle. Je suis prisonnier de ces muses célestes, je suis fidèle à mes amoureuses douleus. Camille dirait que c'est depuis que j'ai réduite D. en poudre de mots, Loriane me dirait c'est depuis mon cri d'adieu dans Grenoble, que mes impossibles stupeurs viennent de si loin, si loin que le prénom est celui de Margot, Lara, irait plus loin dans le passé et me souviendrait le rire de Marion, et moi, moi je suis plein de berges bouillantes mais je ne peux pas embrasser Emma, je ne peux pas la caresser autrement qu'avec des lettres. Pour ne pas paraitre de cette impuissance neuve qui me couvre, j'ai joué un jeu, drôle, j'écris les mots des actions supposées survenir sur des post it, et je les lui colle sur les lèvres, sur l'abdomen. "Je t'aime jusqu'à la pointe des mots".

De la grande histoire de la Mésopotamie il reste de la poussière, je ne sais pas si l'on peut reconnaître la grandeur passée d'une civilisation à la quantité de poussière de ses rues, de ses déserts, si c'est le cas, l'Irak est une grande civilisation dont témoignent ses poumons de cendres.

Je fréquente aussi quelques militaires. J'écoutais hier soir, un jeune capitaine me raconter son évasion d'un camp d'insurgés. Revenu à Bagdad après avoir serpenté dans le désert et la soif, il souffre de platitudes et regrette l'aventure. Il a peur que la guerre cesse, de revenir aux bruits des automobiles sur le bitume, à l'ordinaire de sa Californie. Tout est fini. Le problème se pose pour toute une jeunesse qui, ne se doutant pas qu'il existe des guerres internes, des prisons internes, des évasions internes, des dangers mortels et des supplices intimes, qui, ne sachant pas ce qu'est vivre, n'en a qu'une idée accidentelle et ne croit plus vivre puisque les circonstances ne lui en offrent plus les moyens. Ce sont tous ces gens qui vivent leurs relations sans cruauté, sans passion, mais parce que parfois une joie les saisit, une douleur les morfond, parce que dans un restaurant, dans un magazine, parce qu'au milieu d'une foule, ils se sentent tendus vers ce corps, parce qu'ils se sont habitués à ce froid de l'existence se croient des fièvres dans la tiédeur d'une caresse. Ce sont tous ces gens qui confondent vivre, avec des parodies de faire, d'agir et n'ont de vivre qu'un fragment brisé, un reste de fresques dans la langue incomprise des premièes audaces. Ces militaires sont pareils aux jeunes gens de France.

J'ai pu parler aussi avec une religieuse. Les femmes qui ne prient pas les morts la révoltent. Le moindre confort la choque. Une femme élégante lui est une insulte. Elle me reproche de fréquenter Emma, cette journaliste aux yeux clairs, aux mains douces. Elle, ne se doute pas que c'est l'instinct maternel qui la manoeuvre et qu'elle en fait une autre dépense, faute d'être mariée et d'avoir des enfants.
J'ai longtemps pensé que la guerre était une chose de poète que les militaires et les politiques avaient solicité pour la souiller en s'en saisissant. Par goût de la formule, évidemment. Ici, je vois par quoi une guerre est néfaste si elle ne tue pas. Elle communique aux uns une énergie étrangère à leurs ressources, aux autres elle permet ce que les lois défendent et les forme aux chemins de traverse. Elle exalte artificiellement l'ingéniosité, la pitié, l'audace. Toute cette jeunesse s'y croit sublime et retombe lorsqu'il faut tirer de soi un destin qui échappe aux commandements martiaux. Ce sont comme des jeunes gens de l'Université, ils y ressemblent par certains angles, quand l'alcool est fort, et que la nuit est basse.
J'écris beaucoup ici, je donne chair à ces mots que je laissais à l'abandon, dans leurs corps de verre à Paris. J'ai toute une quantité de sang mêlée de poussière pour fabriquer des personnages, c'est plus que Dieu n'avait pour former Adam. Je peux fréquenter, pendant les cours de Quentin, des irakiens méfiants. Ils ont tous mille fois plus de talent que ces gens que je m'obstine à accoquiner dans notre monde civilisé, ceux-là près de qui j'apprends à faire ma place. Revenir à Paris sera difficile, retrouver la grande gestuelle de nos artistes ici dont le premier des prestiges est de prétendre. Qui s'inquiètent dès lors que le flot des mécenats se tarit, qui se nouent autour du ventre de la tragédie pour se dire des créateurs mais n'ont rien de dangereux, de menacés dans eux, rien de vivant. La surprise de ces exilés du drame serait grande s'ils découvraient que les épisodes tragiques dont l'interruption les laisse au bord du vide, ce vide en est peuplé comme eux-mêmes. Qu'il suffirait de descendre en eux et d'en faire les frais au-dedans au lieu de les faire au-dehors. De se montrer, de passer son énergie sur des feuillets bavards, dans les bras des filles idiotes. J'ai fêté mes vingt-et-un ans à Londres, et depuis j'abîme ce qui reste de vingt ans en Irak, à Kirkouk, bientôt, pour le sacrifice de mes mollets feux. Mes muscles commencent à saillir, le médecin est admiratif de ma constitution physique, et s'inquiète de me voir si vite m'adapter aux exigences métaboliques d'ici. Je sais me fondre partout, et c'est étrange, de passer mes mains sur mon torse, et d'y senti partout des aspérités nouvelles, des rigidités abdominales.
La guerre n'éclaire pas sur les moyens de s'employer ensuite à son propre compte, elle n'est pas une académie, mais un camp de dressage. Elle présente un prétexte à vivre tout comme à sa façon la société de consommation et la véritable vie leur apparait, ensuite, comme une mort. Cette vie que je mène. Je suis content d'avoir délaissé l'Université, et je suis triste d'arriver dans un chenil.
Si j'écris ces mots, si je mêle dans la même boue le militaire, l'artiste parisien l'Irak, les femmes de ma vie, c'est en ce qu'ils sont identiques. Toute leur vie est dirigée vers l'extérieur, à forer des puits audacieux, creux.

Je plonge dans les eaux de la vérité, noires mêmes elles ne m'effraient pas. Je crois que mourir en musique me serait une très belle fin, un très beau moment, un dernier ballet.

19 mai 2011

Dans mes yeux.

Dans mes yeux il y a cette détresse
De l'enfant qui, la nuit, regarde le ciel noir
Que ne dilue que les yeux bleus
Des Ménades de Bordeaux

9 mai 2011

Rimbaud.

Parfois, avec le Rimbaud que je m'invente, je veux pleurer du linge rouge.

Publicité
1 mai 2011

Bavard

Je parle
Mais je ne dis rien
Mon oeil gauche
Me Gratte
Comme si
une chienne
Y fouillait ses petits

29 avril 2011

Rimbaud à Bordeaux

Rimbaud chantait déjà, dans les doigts sucrés de poésie de Verlaine, les amours votives. Uranus, dessus leurs gestes tendres d'humus, faisait pleuvoir son ombre fautive. Dans leurs deux sexes, l'urètre s'ouvrait comme une morte, et partout leurs sanglots lumineux et blancs essuyaient leurs détresses sur les pages saintes d'une Bible d'hôtel. Rimbaud, c'est le sexe de matin râblé, c'est le sonnet irrévérencieux, plein d'autant de talent que le rire d'un enfant. Ses yeux embarrassés de bleus, gênés de beauté, ont fait claquer des dents le pistolet de Paul Verlaine, aux mots chauves comme le rythme. Et dans la poitrine maigre, mais vivante de Rimbaud la déchirure s'ouvrait, par là où s'écoule l'âme, par ces deux lèvres d'aube. D'un coup de feu, par la galerie creusée dans la jeunesse, toute la poésie se mettait à crier, à danser, et à suffoquer. Voilà l'arme du crime : l'amour, ci-gît un poème inachevé, ponctué de la poudre d'un adieu ; du sperme d'un bonsoir, sous la nuit-fossoyeur.

Mallarmé, écrivait, du charbon de son regret « le pays de neige » l'éloignant de Rimbaud. Un pays épuisé de toute une époque d'hiver, formé d'hier, d'histoires, et de tout ce que l'ange bot, mit de sang dans la poésie, lorsqu'il écornait cette vierge frivole.

Rimbaud, c'est l'enfant, aux yeux clairs dont l'ombre déborde de couleurs.

Si tard, ont joué les musiques qu'hier ne passait pas sous l'orage juteux du luth vaincu. Hier, ce ressemblait à la nuit sévère qui tient les insomniaques du côté de l'éveil, eux qui guettent encore le matin à venir ; sceptiques comme un juif face à Christ, hirsutes de misère sur le bord de l'aube pour se faire la certitude du jour à naître. Hier, ce semble cette tache qui fulmine dans le ciel, et sous laquelle les éléments se déchaussent, cette béance dans le noir, ce sombre dans l'ombre d'où Rimbaud ne sort pas dire ses audaces. Nous crûmes, que cette tache labile au faîte de l'obscur, dans les planches recourbées des étoiles, bâtiraient l'estrade au fantôme de Rimbaud, pour l'entendre détacher chaque verset de son eau glacée, venir nous montrer toutes les larmes à l'intérieur de sa tombe « Ma poésie fait pleurer même les vers » récite-t-il dans sa retraite enchantée de pourriture.

 

Le sistre embaume la nuit, et rien sur le pavé qu'une idée immobile. Hier, le trou noir a tout bu du jour. Rimbaud n'a pas chanté, les pistolets ne claquent plus des dents. Rimbaud a fermé la bouche et hier le trou noir a résorbé toute la lumière de l'Univers, demeurent les feux minuscules...les phares des tramways.

27 avril 2011

Manifeste de la déchirure - Je fais des lauriers mon dîner.

 

Ce que je suis, ce que nous sommes nombreux à être, c'est d'être des déchirés. Nous sommes les fracturés de cette modernité, et si la sociologie commençait par nous inclure dans la même représentation que ces êtres distribués en deux existences conflictuelles d'avoir reçu une éducation secondaire mordant méchamment dans la socialisation primaire, eux décrits comme scindés en deux être complets, qui n'ont rien à voir entre eux qu'habiter le même corps : celui-la social (participant des études et de l'emploi) ; et celui la familial. Où les deux mondes ne se répondent plus dans la même langue, ne se vêtent pas du même tissu, perdent leurs accents comme des dents de laits, entendent et répètent des hymnes et des normes distincts, celui qui rassemble dans lui cette antinomie doit amorcer ce mouvement dialectique particulier, celui du fou. Il contient le maitre et il contient l'esclave selon le contexte d'emploi du corps qui les recouvre.

Encore, il paraît un truisme d'aller répétant que l'on ne peut jamais se détacher tout entier de son éducation, et plus justement de « ses éducations », nous ne recevons jamais une éducation cohérente, toute éducation, parce qu'elle est contrainte, « je suis éduqué malgré moi » disait Foucault, entraine une violence, et toute violence crée son traumatisme et sa névrose. Mon éducation me marque, je peux résorber les ecchymoses, maquiller les souvenirs, j'en conserve en dépit de mes efforts les conséquences, à commencer par la première « moi ». Ces individus là, donc, sont en guerre entre deux existences, guerre lente, guerre de tranchées, guerre froide, guerre de tous les épithètes, mais guerre totale.

 

Ces deux blocs qui sont réunis pour s'affronter sur un champ plus étroit dans le corps déjà décrit, ces deux façons c'est à dire les dominés et les dominants s'opposent en tout ce qu'ils sont des « formes », ne développent de commun rien parce qu'ils ne sont pas dotés des mêmes facultés, de la même capacité à croître dans un sens déterminé. C'est du même sac de graine, de la souche identique qu'ils sont pourtant. Leurs apparitions réelles sont toutes distinctes et reconnaissables, cependant ces deux cercles qui font l'étirement, la tension de « l'héritier méritocratique », prennent naissance depuis un limon commun, une inspiration unique. Celle-là qui joint le « bien », le « juste » au « pouvoir » et donc au posséder. Il s'agit pour eux, chez eux, de faire correspondre sa capacité, son adaptabilité, sa souplesse à la concrétisation de ce but : « avoir ». La tension n'est jamais étudiée en ce qu'elle peut être un refus général, massif, de cet accomplissement de l'avoir. Il est toujours admis comme un préalable, parce que chez ces tuméfiés l'éducation primaire n'infirme pas ce but : « être riche », elle constate, chez les « pauvres », ne pas y être parvenu. Le code socail qu'ils transmettent, est un code lacunaire, qu'ils complètent, ce sont ces ajouts, ces « préjugés » qui, potentiellement, entrent en conflit avec l'éducation secondaire celle qui doit permettre d'être riche. Celle dont on a, exagérément, déterminé qu'elle était condition de réalisation de l'objectif social. S'il y a bien une inspiration commune, une aspiration commune entre ces deux « strates » sociales, les manifestations pratiques en sont différentes, et celui qui vient de la plus basse pour atteindre la plus haute (telle que considérée dans cette forme hiérarchique) est occupé du basalte d'en bas, doit feindre partout, parce qu'il est devenu une complexité inattendue. C'est une existence contrariée.

 

Si je dis, nous sommes des déchirés, c'est pour n'être pas embrassés par ces lèvres là d'écartelés, pour ne pas avoir à me rassembler dans ces autres qui ne sont pas moi, qui ne sont pas nous, ceux de mon espèce, de mon genre (genre qui n'est pas performatif, qui est descriptif).

Nous ne sommes pas de cette extraction, de cette sorte d'adversité, s'il arrive que nous soyons en conflit avec le cercle familial de ne partager aucune des idées qu'il déploie, ce n'est pas de là que nous tenons notre blessure invincible, cette déchirure qui est notre partage.

 

Nous sommes des déchirés d'être apatrides. Ceux là ont deux pays, qui se confrontent, qui se refusent et se rejettent, et nous ne sommes d'aucun à confondre. Voilà, nos intelligences ne peuvent pas se mettre au service de l'ambition commune, normée, calculée et protégée par des lois, des ordres et des hiérarchies, nous sommes des déchirés parce que nos pas n'ont pas d'empressement à se calfeutrer dans des habitudes hygiéniques, parce que nous aimons à ralentir nos marches jusqu'à faire du mouvement sa propre fin – tout comme la danse – sans qu'il ne soit plus véhicule d'une intention sordide, d'un moyen d'ordinaire pour se rendre en un lieu déterminé, nous réconcilions dans notre déchirure, par le sang caillé, fatigué qui fait brûler nos veines comme du caramel, la contemplation et la modernité. Nous aimons à vivre autrement que comme l'on nous commande, nous sommes des déchirés, parce que nous disposons des facultés objectives pour être des puissants, ou pour au moins pencher du côté des dominants, mais que nous nous dérobons à cette obligation, à ce destin forgé par des mains étranges, étatiques, lépreuses. Nous ne savons pas obéir, parce que nous ne comprenons pas les raisons profondes qui nous y commanderaient et devinons les seules qui nous indignent, dans nos nappes phréatiques, dans nos hymnes souterrains, dans le secret de nos motifs particuliers, nous chantons, nous écrivons, nous rions, nous avons des feuillages qui scrutent et filtrent l'ombre, nous avons nos douleurs que psalmodient le long des murs vierges nos gestes, nous avons des bibliothèques dont nous tournons, avec l'avidité d'un banquier ses créances, toutes les pages. Nos iris sont fragiles, et ne supportent la lumière que naturelle, précaire, dans la nuit nous fuyons les brumes fausses, les reflets électriques qui pataugent dans les verbes mous, nous abandonnons ces lieux où nous crûmes trouver un pays, où nous ne reconnûmes qu'un désert surpeuplé, perdant même sa seule vertu. Nous avons pour nous nos aspirations propres, singulières, nous avons les fleurs à respirer, les champs à semer, la faim à oublier, l'amour à suffoquer et surtout, surtout la vie à épuiser partout où elle se trouvera, et ce n'est certainement pas attaché à la menotte en plastique d'un bureau, aux vociférations d'un supérieur, aux formules comptables d'un argent à venir, aux montages fiscaux que nous trouverons nos subsistances. Notre bonheur n'est pas dans le travail, il ne réconcilie rien, et plutôt que nous découvrir des passages forcenés, il recouvre de sa ténèbre l'existence, il n'est même plus une peau satisfaisante à exhiber, un paraître suffisant pour en supporter l'agression. Voilà un vêtement laid qui gratte et que l'on nous vend à prix prédateur. Le travail, le travail salarié s'entend, le travail absurde, trop long, obsédant, obstiné, n'est plus rien. Pas même une hantise, pas même une crainte, l'objet des mépris. Voilà le travail, si vous pouvez encore le voir dessous nos crachats constellés. Nous sommes des déchirés, de pouvoir nous mélanger partout, sans nous reconnaître dans aucune fonction officielle, dans aucun acte pré-rédigé, de n'être reconduit dans aucun procès-verbal. Nos existences sont imprévisibles ; nous n'avons rien à avouer. Si des lois nous jugent coupables, c'est que ce sont de mauvaises lois parce que nous sommes innocents, nous ne pouvons être qu'innocents. J'ai écrit « nous commettons le crime que nul n'ose plus commettre, devenu crime par désaffectation, vivre ». Nous sommes insusceptibles d'être de ces « éléments productifs » nous refusons de négliger nos sensibilités, mutiler nos membres fébriles, gangrénés de génie, pour nous assurer des orgueils de confort, pour nous plonger dans ce bain de sénescence.

Nous avons des âmes d'artistes et plus rarement hélas le talent qui leur va, qui les coiffe, et permet à cette fièvre sauvage, ruisselante au dedans de nous, de faire durer nos écorces.

 

Nous sommes les déchirés qui ne refusons pas la modernité , soit le monde, mais les hommes qu'elle dessine. Nos souhaits ne s'éternuent que tard, et au dehors de nos sommeils rares, nous pouvons nous exclamer plutôt que : « j'ai bien dormi » « j'ai bien vécu ».

 

Nous sommes des déchirés parce que mus par une ambition plus grande, plus impérieuse que celle d'être riche : être libre.

 

21 avril 2011

"Où etes vous"

quand je reçois le mail de mon supérieur, auquel je ne réponds pas, qui m'interroge sur ma localisation géographique, me prends l'envie d'y rétorquer sous un joli tour "Là où vous n'irez jamais, là où vous n'avez pas été, dans la vie, sous le soleil, dans les promenades, dans le tard, et l'absence de peur, je suis dans tous ces endroits que vous avez caché, voilé, privé, je vous sais vous êtes un geôlier, comme D., comme tous les autres, vous gardez les cellules bienétroites du monde."

 

 

20 avril 2011

Vivre, c'est où déjà ? Comme l'Atlantide

Très simplement il y a des façons plus amusantes qu'HSBC pour gâcher sa vie. Je les ai choisies.
20 avril 2011

Statistiques : autre

- A quoi tu joues - A etre vivant. Je reprends la vie famélique entreposée dans les voyages. Dans les fêtes. Dans la foule. Je reprEnds la vie maigre, fragile que je cédais pour quelques joies douces. J'ai épuisé ce qui glosait ici. J'attends autre chose, plus loin, plus dangereux. Je n'ai pas besoin de courage pour retourner à mon esclavagisme ; j'avais besoin de courage seulement pour m'en départir.
5 avril 2011

Le soupir d'aimer

 

De me dire « je suis tout ça » quand j'appréhende avec les mains, l'entièreté de mon corps. Je suis tout ici, ma géométrie vient glisser sur la surface plane du monde, je suis l'altération sensible des ordres, je suis le dérangement dans l'organisation, je suis l'invention des éléments neufs, je compense les cris des morts avec ma vie, je pousse dans le monde, et le reste des fleurs regardent avec jalousie ma vie qui éclate de tous côtés. Je suis le bouton neuf des fleurs invisibles, le parfum grave des dahlias bleus. Je répands mes gestes, en mille tiges, et au bout de mes doigts sans pétales, jaillissent les odeurs santes, la beauté des émois, les timbres à promettre sur les enveloppes placides. Et. Et. Et. Et. Il faut toujours pouvoir hurler, et s'exproprier de sa propre voix, le cri est la réunion de toutes les autres voix, le cri est la réunion de toutes les hontes, tous les gémissements, toutes les retenues, toutes les écritures, se tiennent dans le cri, tous les sens s'arrangent du cri, se mêlent dans le bloc serré de sa flamme régressive, mortelle caresse que la brutalité du cri. Comment dire que la magie d'une étreinte, que la tendresse de l'amour, peut transmuter le corps vivant, aimé, en une figure morte, et gisante, comment, affirmer, encore que l'amour a le geste assassin, et la fatalité d'une destinée est la vibration de la passion, son remous dans la poitrine, les secondes qui tonnent dans l'horloge du corps, les plumes dans l'aorte, et les mésanges aux ailes de papier, qui volent, qui volent quand j'ouvre ma fenêtre je sens des pensées qui s'envolent, quand j'ouvre ma fenêtre les pensées vertes et bleues que j'accroche à mon mur se libèrent, se desserrent, quand j'ouvre ma fenêtre je sens le vent sous leurs plumages aériens, je sens les couleurs sous leurs paupières ourlées de saveurs, mes pensées sont des insectes ailés. Qui viennent gémir dans le ciel qui passe par ma fenêtre, cette morsure des cadres blancs, et plastiques, où le ciel crève son iris.

 

Ce qui est délicieux chez toi, ce n'est pas ton être, pas ton odeur même, mais le parfum que tu laisses quand tu t'en vas, ce regret qui traine dans l'espace que ton corps abandonne. C'est sur cette effluve que j'écris, c'est cette vapeur que je rassemble, c'est par là que prennent effet mes mots. Dans cette intuition sensible du langage, dans ce côté anguleux, sous l'ange mouvant du visage disparu, dans son bord inaperçu, son sourire toujours plein qui encombre tout entier le visage, et ne laisse aucune place aux misères, dans le reflet iridescent de tes genoux et qui remonte jusque dans la perle de tes oreilles, et les mains, les ongles, les yeux, le nez, les choses, tout ce qui habite, occuper un visage, tout ce qui le possède, qui l'entoure et le nimbe, toutes les balles qui passent et flottent, suspendues autour de toi, comme autant d'idées funestes qui se rejoignent dans ta traîne, qui t'accompagnent, et qui t'entourent, sans pouvoir t'atteindre, et au contact de ta peau la mort même se dissout. Ton immortalité est celle des muses de poème. Tu as une odeur de poudre et de plomb, en stase, et dans tes veines, dans l'auge de tes muscles, c'est le sang des victimes qui coule et qu'on boit, c'est le cri de martyr, c'est la laine du condamné à mort, et le vrombissement d'étoupe de la corde qui se colore d'une vie trop amoureusement serrée, les stores bariolées, qui éloignent la lumière dans la chambre du condamné, les dents, trop proches, trop lointaines, et sous mes paupières le jour impotent gueuse des rires, importe le mot qui se dépose et sous la crainte d'un soupir, il y a des impressions de matin raté, des délicatesses en couleur, des huiles, qui se dissolvent, qui se dilatent, et le bleu, le vert, le blond, l'auburn, toutes les myriades, les pluies grises composées par le geste du peintre au fond du puits de ses façons, avant même que son pinceau baigne son action filamenteuse dans le creuset des forges navrantes même la note première étanche de musique, avant que le chant sournois hôte de la vapeur au menton -trois poils de pillards- avant que les halogènes hallucinent des étoffes, avant que des crises ne sortent de l'asile, et s'étourdissent dans le mur capitonné de la chambre malade, dans les boucles farfelues de l'espoir, et les cordons de soie des rideaux, avant même que tous les muscles des doigts se soient détendus pour étouffer l'outil dans la croûte amoureuse de l'artiste, avant même que toutes les couleurs ne se soient accrochées aux fragilités des pigments, à l'anathème du mouvement, dans l'oeil du peintre toutes les couleurs piétinées par l'Art s'assemblent, et ses yeux recrachent lentement tous ses gestes. Eux se dirigent dans la toile, ne ruminent, ne heurtent plus rien que cette grande folie blanche à maquiller de son propre délire, de cette folie publique, la recouvrir de sa colère propre, distincte, de sa chhaleur personnelle, de son ventre en furie, de son pli de voyageur qui passe sur tant de terres qu'aux semelles il y a des indices de langues, des syllabes phonétiques, des phonèmes venus de toutes les jouissances parcourues par l'acte, et la gestuelle, toute création est une danse, un mouvement ondulant dans la grave lueur capiteuse, dans le masque gonflé de bile, dans le poumon dégarni d'air, méché dé cendres, dessus la plaque immobile des eaux buvant aux lèvres de la nuit, dans la coupe de ses fumets, de ses vapeurs, des brouillards insistants qui perturbent le grondement du corps. L'Art, c'est toujours le cri, c'est toujours la réunion de toutes les langues, de tous les chants qui viennent s'incliner, déposer, la lie des boissons de miracle jusque dans la gorge entrouverte, jusque dans le cuivre du godet, où coulent, par petits palliers, par pluvieuses allusions les massacres maugréés. Il y a des héros pleins de notions bouleversées, de punaises, et d'escaliers, de chemisiers déboutonnés, et d'audace en flanelle, il y a des nuisances qui se tendent jusque dans l'enfant apparu, jusque dans le stylo armé, et l'encre écoulée, écroulée, sur la feule de mon visage. Créer c'est d'abord, avant tout, en luisance en premier acte, altérer, c'est transformer l'espace irrémissible, inerte, fini et accompli, et tailler avec ses sensibilités, que ce soit son sexe, son talent, que ce soit sa rage, c'est y creuser, de grandes colères, y forer pour sentir les liquides internes du monde en vagir et brûler dans leurs brumes noires d'une essence enfin mise à feu, d'une pensée embrassée par les briquets de nos consignes, de mon infirmité qui vient écraser le mégot de mes consistances dans le papier de sable, dans la liqueur épaisse, épaisse, que les dents y mordent, y laissent leurs traces de cravate rouge, de noeuds en soie, je me suis pendu aux mains grouillantes d'un enfant formidable, comment la mort peut avoir si beau visage, qu'on la laisse entrer dans soi, comme un acheteur, comme un client dans sa boutique secrète, tu es entrée dans moi comme une prière, une croyance, tu es entrée dans moi comme la foi, la mort qui vous gonfle de son liquide imparfait, et déborde dans vos yeux ,jusqu'à la larme, le pleur, jusqu'à ce sang, et quand tu m'as regardé, je n'ai pas pensé touché mon flanc, et le touchant y portant les mains, y brodant mes gestes, j'ai senti de la plaie s'écouler l'âme douloureuse, et sur la bouche toute ouverte au dessus du rein, les lèvres blanches, blêmes, les lèvres de mort, gémissaient d'hélas. Hélas, la vie est passée, voilà) tout ce qu'il en reste « une blessure » de laisser rentrer en soi, les criminels, les assassins, et le meurtre enflait contre mon foie, devenait un organe supplémentaire, je produisais la mort, son sang verdâtre, je le croyais un copain, qui gargariserait mes veines, qui entraînerait mes gestes sur les autres corps, les autres vies. Et le voilà, ce copain, aux dents traitres et la morsure s'éboule et ma vie se tait. Il y a quelques lumières encore au dehors, quelques lumières et mes paupières les annulent, plus lentes à éclairer, plus lentes à entrer dans mon corps, dans mes yeux, tout est incrusté de nuit. Par foulées complètes, les bougies s'éteignent, et sous mes yeux durent le souvenir de ce qui brûlait. C'est long à soupirer une âme entière.

 

Quand je crois épuiser ton existence, je te découvre deux nouveaux prénoms, deux marches dans la pénombre vive et pluvieuse, quand je croyais avoir tout bu ton parfum, je le vois se mélanger dans deux autres complexes, inventer des théorèmes où ces trois chants se mêlent, dans le rythme insensible des symphonies, se détachent et forment l'infinité des formes qui les unit, les fractionne, les assemble. Quand je croyais ton existence un bois sec d'avoir déjà brûlé dans mes mots moqueurs, je te sens une existence sous le masque calcaire, dessous le carbone visible, et qui au contact des noms propres enflamme mes nerfs, et s'embrase cette nouvelle idée dans moi, les cierges de veillée sont des bougies nouvelles, aux figures arithmétiques, aux vigueurs destituées. Tu es toute présente en moi, dans la pression contre mes muscles, dans le geste fatal où se déploient tes trois prénoms, chacun corrompu de sa douleur propre, altéré de son manque, de son creux, et qui lorsque se superposent trois folies donnent à voir aux autres, un air de raison que trahit un regard qui grince. De tes trois petites folies nouées, tu fais autour du cou une toile vierge, où toutes les couleurs prennent, et ta folie pleine d'appétit, les absorbe, les résorbe, et du songe ne reste rien que l'ombre, et les taches sur la grande figure de la folie douce, qui dévore, avec des petites dents de chatte suave, avec les sueurs mélangées des trois fleuves de l'enfer, mis dans la fiole d'un seul corps, et trois senteurs unies tiennent dans un poing clos, déchiré par les pétales. Tes trois prénoms, sont un seul germe, une seule graine, un seul destin qui entre les failles du poing libère les corolles qui entrave le jour en grammes et devant lui passent en silhouette. J'épuisais un prénom, avec le rire, d'un bonne nuit, je l'épuisais sur un banc allemand, et deux autres derrière nous, indifférents comme toi que j'usais sans que tu ne t'intéresses longuement à mes façons, devisaient. Ton pas ne maltraite pas le sol, ton pas le gracie, à chaque pas que tu fais, les chaînes gesticulent et fanent autour du monde, et la mélodie de ta course, est le chant de la liberté. Tu coures dans le rythme fier. Ton existence rend libre. Je t'aime à nouveau.

30 mars 2011

Ma vie

Ma vie est une insulte à proférer partout, contre les corps et les usées.
30 mars 2011

Les mensonges de l'aube

« Seul peut devenir un homme, celui Qui est orphelin de coeur et de corps, Qui sait que la vie déposée en lui Est un simple supplément à la mort » Attila Joszef Je suis l’annonce des saisons, le printemps, et tu t’en vas, au loin, dans la toiture dorée et repentante de tes cheveux. Les astres parfois se penchent et oublient de se relever. Leurs poitrines brûlent, on appelle le matin la crémation des dieux ; la nuit la moisson de leurs cendres. Hier soir je t'ai aimée, puis je me suis giflé, c'est horrible, c'est comme une évidence qui nous passe sous le nez, c’est trop ordinaire, trop facile, d’aimer avec des songes les prénoms vivants. Je ne peux pas me mettre dans le danger ordinaire. Dans le danger d'usage. Je ne peux pas me fondre avec les mains. Je ne peux pas essayer. Quand mes yeux regardent la nuit qui gazouille dans les plantes je me dis : je serai allergique à l'humidité. Partout où il y aura de l’eau j’inventerai un désert. Partout où les éléments mouilleront, il y aura un cri. Le cri d'une femme peut-être. J'avais 6 ans. Je suis tombé dans l'eau. Je ne savais plus en ressortir. Maintenant que je vérifie les gorges des filles, je vois cette même humidité qui glousse. J’ai passé souvent des journées sans lumière. La nuit mange dans ma main. J’ai écrit une lettre, elle est dans ma poche, elle tressaute à chaque pas, c’est un petit monstre. Cette lettre, est écrite au stylo bleu, illisible. Elle a des mots petits, qui caressent la nuque, et mordent derrière les oreilles. Quand on me pose une question, j’aime répondre en dansant, avec des gestes, dans le langage bruyant du corps condensé. La vapeur du sens. Quand je m’exprime, je suis un enfant dans une écriture d’adulte. C’est ma réponse, il se pourrait bien que mes gestes crachent des cratères de lune, il se peut bien que ça se fonde avec la lumière. A cinq ans, je ne savais pas que la littérature existait, je ne savais que les femmes en pierre des montagnes, je savais Gouraya et ses flancs de granit, ses cheveux de vagues. Je ne savais pas que des hommes se cherchaient un endroit où naître ; une terre à accaparer. Je croyais que ma Montagne, c’était le monde entier. La littérature est un insecte qui me chatouille la gorge, qui ricoche dans mon palais, qui éclate en parfums, c’est un peu comme le serpent de ta langue qui se gonfle de soleil. Ton souffle, je l’entends jusque dans mes frissons. Il se frotte à mes oreilles, il y fait des étincelles. Je sens que je supporte mal les voix nocturnes, ce brouhaha de paroles étrangères. Quand je dis « j’entends des voix » je veux dire je n’entends pas des propos, je distingue un fracas, un mélange de paroles humaines où les tiennes se glissent parfois. J’entends ta voix à l’intérieur de moi, pour les choses de toi, j’ai fait des cellules. J’ai peint les fenêtres avec des chants d’oiseau, des hymnes de révolution, j’ai dessiné une porte. Quand tu vis en moi, il y a une bouche qui s’éventre, une bouche qui ne parle que d’infini. Mon imagination est une garce. Et je ne la contrôle pas. Dans mes rêves tu joues avec du feu, et tu me dis « C’est une partie de ton corps, le feu ». Je ne ressens pas la brûlure. Tout me retient. Le bruit d'un crayon de bois qui grince sur la feuille de tes songes. La voix de dragées des enseignants. Les ongles mordus des étudiants. Quand tu es proche de moi, j’entends le mouvement de tes cheveux, ce coquillage qui grince. Ton rire. Le pied qui se cogne frénétiquement à la chaise. Mon visage qui prend l’eau. Tout retient mon attention. Il faut qu'elle soit retenue. Qu'elle ne se sente surtout pas libre. Désastre. Dans cette odeur d'haleine fatiguée, la vie a la couleur du zinc. J’effondre ton souffle dans mon regard suppliant Je n'y suis jamais allé, tout entier dans le sommeil. Mais il faut bien se préparer. Depuis quelques temps on me dit que ça approche. J’essaie d'oublier dans les accords des violons de Francfort. J’essaie d’écrire dans les fenêtres allumées des maisons en pleine nuit. J’essaie de parfumer dans la peau gluante des nuages. J’essaie de coiffer dans tes cheveux inconnus qui chatouillent mes pensées. J’essaie d'apercevoir tous les prétextes de l’écrire. J’essaie de perdre dans les doigts penseur des hommes. J’essaie d'échapper dans le bruit du papier peint que l'on arrache. J’essaie d'aimer dans le reflet de ma poitrine sur le carrelage blanc de la salle de bain. J’essaie d'essayer dans ces détours milles fois traversés et maintes fois dévorés. J’essaie d'oublier. Partout et nulle part. Je ne te connais pas. Ton visage est une autre langue. Ma voix crie "je suis libre", mon menton qui pend sur mon visage, mes yeux de tristesse joyeuse, tes pommettes de musicienne fanée : ton sourire peint, et tes mains qui fuient comme la lumière blanche des sorties de secours. Je ne connais plus rien. J’essaie d'oublier ton ombre qui danse sur la mienne. Je ne connais plus mes repères. Je ne sais plus la place de mon bouquet de tournesol sur le bureau. Je ne connais plus la couleur de ma chambre. Ton odeur de village quand tu reviens du ski, mouillée et heureuse. L'odeur de ma peau après la douche, et la forme de ma bouche quand je me vois partir dans le miroir. J’oublie, les premières paroles, les premiers mots. J’oublie, les cahiers de mes chagrins. A la première détresse, j’ai écrit « ça fait aussi mal la mort ». J'oublie la présence de tes yeux dans cette cour grise et ambre qu’est Paris. J'oublie ton sourire gêné quand je te dis que je sais, et que je ne comprends pas. Que l’écriture trace une frontière invisible, une ligne infranchissable. Les états. Le lecteur ; l’auteur. Ca ne peut pas se toucher. Ca ne peut pas s’attacher. J'oublie ton regard quand j’évite le tien. J'oublie la peau veloutée de ta main, quand elle tremble dans la mienne. J'oublie les dents qui mordent de tes yeux monomanes, j'oublie que je suis sauvage. J'oublie la moitié de mon corps dans les regards de la vie. J'oublie la violence de mes haines. J'oublie le dos vouté de mon écriture qui nettoie la nuit avec tes larmes d’amoureuse déçue. Je pense à mon sourire salé et sage le matin quand je laisse le passage à la joie. J'oublie mes doigts qui tremblent quand tu me frôles, et mes gestes de fille ratée, quand je marche le pied bot. J'oublie les mots que je n’ai pas dit. J'oublie les peurs quand je brûle une lettre, parce que c’est comme si c’était moi. Le brasier intérieur. J’oublie que je ne tends plus mon corps, je tends mes mots, « c’est comme si c’était moi ». J’oublie mes lèvres de papier, mes pupilles de marge, j’oublie mon teint blanc et mauve. Je ne suis jamais allé à l’enterrement, mais il faut bien se préparer à mourir, alors j’apprendrai à dormir. Pour tout oublier. Jusqu’au bout, ton sourire qui étouffe l’air autour de toi, ton sourire, c’est toute ma joie.
28 mars 2011

J'ai appris les paralogismes de la folie.

 

Je serai beau demain, j'aurai les yeux noirs de fête et les paupières mauves du baiser infidèle du sommeil. Ah qu'elles iront haut mes folies, ah, comme mon insomnie crèvera de ciels mal faits. Se réciteront les vers bas des poètes teutons, on entendra les fleurs peindre jusqu'aux aubes. "Dans le ciel gris des anges de faïence" "Le ciel était gris de nuages, il y volait des oies sauvages, qui criaient la mort au passage" et moi, et mon insomnie chérie, moi et ma vigueur insoumise, nous entendrons leur "chant triste entrer dans mon être" et nous croirons y reconnaitre du Rainer Maria Rilke. Qu'il est long à frémir le temps du départ, qu'il est loin le temps des aventures, qu'il est sombre le monde naissant avec ses cendres du feu nocturne. Il sera six heures, et le dragon aura déjà "plongé son couteau" dans le coeur de Lola. Pas de casernes, des banques, des banques en ordre, des banques aux écus polis, et je serai là, avec toi, mon insomnie, avec toi ma fatigue, et toi mon dégoût, nous serons là à nous maintenir à la rigueur des rieurs, nous serons là comme les trois mots de notre devise qui ici n'a pas cours. Nous serons les trois frères mêlés du ciment de la République meurtrière. Ah. Paris s'en ira par le ciel, et déjà ses mythes me manqueront, déjà je penserai aux filles que je laisse, aux amours qui y fanent. Je penserai à Emilie, à Marianne, à Margot, je penserai à toutes ces filles aux seins plein de projets, qui "emménagent", et je leur dis "vous me semblez bien jeune pourtant pour déjà vous tuer. Encore un peu de liqueur, mes lèvres peuvent saigner quelques journées de plus, quelques soleils bizarres pour vous descendre dans les yeux.".

Où est le monde à naître.
Il est terrible le petit bruit de l'eau qui coule, dans la forêt des cheveux.
Oui, il est terrible, parce que personne ne l'entend.
Je suis de la poésie consumée, et quand je volerai dans les carénages d'acier, je me demande si par terre de la pluie rousse mouillera le monde, je me demande, si piégé dans une heure vingt d'avions, le monde saura reconnaître l'odeur de l'ultime maladie : l'écriture. Celui qui écrit, n'est pas au monde dans la même dimension ordinaire que les autres, le commun. C'est vrai, j'avais des frères, des voisins, nous étions nombreux, et tous sont morts, l'écriture est une guerre, je suis le vétéran, le survivant, je porte les histoires des copains. J'en ai des choses à dire, des douleurs à vous susurrer. Je ne sais pas si vous pouvez entendre nos vies, le chant qui s'élève de nos plaines voilées, de dehors les brumes, la voix de pagne, des copains, monte, monte, c'est l'accordéon de nos tranchées de café. Nous avons résisté à la nuit qui inondait nos genoux, nous avons tenu bon, sur la dérive et la débauche, et j'arrive, la tête pleine de cartes, de magies, de paysages et les mains solitaires, elles n'accrochent plus aucun corps. L'écriture et le deuil m'auront rendu incompatible à vos réalités. L'hymen s'est déchiré, le sang de mes poumons, c'est l'encre des poésies. Les généralités ne sont pas faites pour moi, je n'ai pas le corps qui sait obéïr, je suis dérangé comme la géologie d'une montagne.


Je deviendrai dans l'avion un opéra fabuleux : je verrai que tous les êtres ont une fatalité de se tromper : l'écriture n'est pas la vie, mais une façon de la gâcher, un énervement. Rimbaud disait « La morale est la faiblesse de la cervelle ». Ce monsieur ne saura pas ce qu'il fait de mes livres: il est un ange posé aux frontières. J'espère qu'il sera là, demain, à la douane, qu'il sortira de mes lignes pour atteindre les paragraphes imaginés entre les pays.

26 mars 2011

La nuit baisse son pantalon, on y voit rien, il fait trop noir.

 

Tu sais la nuit a la même caractéristique que la vie, on s'y ennuie si on y contrôle tout. Dans la nuit,contrôler, ça veut dire mettre de la lumière dans tous les recoins, doubler l'ombre des chênes d'un lampadaire naïf. Moi je préfère, quand je reviens de mes promenades, imaginer que ce chat au pelage strié de rêves, c'est toi qui court, jusqu'à t'essouffler. La poitrine haute, gonflée du jour à venir les pieds pas tout à fait bien droits, la marche de plus en plus rapide, et tes cheveux nageants que tu essaies d'attacher dans ta course, pour ne pas qu'ils te brûlent la nuit.
Tu étais jolie, cette nuit, tu sais, une petite fille jolie, qui rugit dans la récréation humide de la Seine. Mais ensuite, je t'ai vue trébucher. Je pense que je suis le seul, à t'avoir vu, peut-être t'es tu prise les pieds dans un des corps invisibles de la nuit, sous le décor translucide de nos scènes d'insomnies. Je t'ai laissée te relever, reprendre ta course, tes genoux neufs, ta peau pas tout à fait maquillée. Ton soir. Tu sais, ce week-end je m'absente de l'écriture, j'ai des activités à dissimuler, j'ai des gens à recevoir, des habitudes à peigner avec des rosaces de crème. Je n'écrirai pas, samedi, je n'écrirai pas dimanche, ni lundi, ni mardi. Je mettrai du silence, dans la littérature. « L'art est un cri ; l'époque aphone ».
Je tombe deux fois, trois fois, je joue à la marelle avec la chute, je ne sais plus faire un pas autrement que dans la chute, qu'en dévalant, je tiens tête aux hauteurs, je brusque le béton avec mes genoux. Je ris. Je ris toujours quand le sang frissonne sur ma peau. Je remonte mon visage, et j'ai l'impression de rehausser un buisson, je déguste chaque feuille que la nuit permet de tenir, en haut de son grillage de bois, je goûte ces feuilles, elles ont le goût du sureau, le goût de la folie douce. Quelle est la raison de la course des gens ? Je crois que c'est l'odeur de ces buissons, le parfum du fruit vert qui trébuche de la branche du mancenillier. Je tourne, autour, d'une idée, d'un corps en éther, que j'absorbe jusqu'à l'idiotie. Tu sais, je vais faire quelque chose que je n'ai plus l'habitude de pratiquer, quelque chose qui va me sembler une douloureuse apnée après la noyade. Je vais dormir,pour voir le corps que tu prendras dans mes rêves,pour savoir l'espace que tu y occuperas, si je peux t'aimer avec tes dents bien formées, et ton regard qui efface l'objet que tu suspends. Je vais dormir, je t'avoue, je n'y vais pas gaiement. J'ai l'impression de me rendre à une guerre, où je vais perdre des copains, parce que je sais que je vais rêver d'inconnus, que j'aimerais ces inconnus, mais que le réveil sonnera le deuil, le crépuscule de ces existences démentes et solennelles. Toi tu dureras, après, tu conserveras le matériel de pierre de ta vie. Tu peux vieillir, je crois que tu as plus que ma part de bonheur, tu as aussi ma capacité à vieillir, à flétrir, à pouvoir passer. Je suis sûr d'être invincible, j'ai refusé le temps, et il est parti vendre ses particules ailleurs. C'est un marchand de fleurs ambulant, c'est un marchand qui entre dans le restaurant, et je dine avec la vie. Toujours avec, sur, jamais, dans la vie. La vie et moi, sommes des confidents, mais nous ne nous confondons pas. Je la porte, je lui montre des directions, je tire sa manche d'adultes. Tu sais. Je ne vais pas écrire, et c'est à dire que tu ne pourras pas rire, et pas avoir peur, dans ta journée de samedi, tu ne pourras pas te dire « oh, il n'écrit pas sur moi » ou « ouf il n'écrit plus ». Je voudrais apporter à ton ombre qui trébuche sur la céramique peinte un ballon multicolore. Il ne faut jamais accepter les cadeaux plein d'air, on ignore toujours les cris qui les gonflent. Je ne comprends pas, certaines choses. Je ne comprends pas ces gens qui s'aiment avec des gants. J'aime par en dessous, j'aime en dessous de la peau, j'aime avec les roucoulements poussifs de la terre, j'aime depuis le nerf, depuis le frisson, j'aime avec ce qui est dangereux. Chaque fois que je suis amoureux, ce que je mets au péril de la fusion, de l'acclimatation, ce que je risque, c'est toute ma vie. Bon courage camarade, je vais essayer de savoir ce que tu dis dans mes rêves. Est ce que nous y aurons des voix ?

25 mars 2011

tu es belle comme la nuit à venir

 

"Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme."

Arthur Rimbaud - Sensation

 

J'écris le crime que nul n'a commis. Vivre. Mon écriture n'est pas une écriture qui espère, pas plus qu'une écriture qui réclame. C'est une écriture qui n'attend pas, une écriture qui marche. Mon écriture est vivante, elle a des gestes, des veines, des muscles, un foie,un cœur qui centralise les particules de peste, et les dérive dans les pulsations. Mon écriture, n'est pas une écriture mendiante.

Aujourd'hui je suis ce môme de 5 siècles. L'éternité c'est ma colère, l'Histoire mon caprice, l'amour mon fantasme. Ne t'étonne pas si j'aime le scandale. Parce que je ne fais que l'aimer, je ne le provoque pas, je n'en ai pas la force. Il faut être bien fort pour scandaliser. Quoi que mon visage scandalise les reflets. Quand je suis à la table, avec Julia, quand elle sort d'une séance de photographies, quand elle monte sur le podium que je dis « c'est ma petite amie »les garçons-mannequins, s'étonnent. Quel goût étrange. Je leur dis, c'est le goût du scandale. Pensez, je suis les rimes infâmes, dans les draps, mes doigts remontent des mottes d'enfer, et ma caresse dépose en sédiment la salive du diable.
Je suis un garçon et pourtant je suis enceint du scandale. J'ai regardé par l'entrouverture, la fente des filles, pour espérer savoir le repli des enfants. Tu sais. D., aussi distant que soient ton image et ton corps réel, pratique, celui qui s'exprime dehors, et celui que j'imprime dans moi, aussi irréconciliables qu'est ton ombre que j'éprouve dans mes songes, dans mes textes, et ton existence incertaine, flexibl, j'adore tes yeux, je les adore, parce qu'ils ressemblent aux dents forgées illégalement dans le gypse, aux incisives désaxées d'une bouche orpheline, à des pierres qu'on a voulu distinctes. Ton regard est trouble et je me dis que le tailleur de précieux qui te les enfonçait dans les artères, se disait, «toute cette beauté, je dois la différencier, je dois en faire deux frasques deux vers, deux rimes ». Tu me fais penser aux strophes incertaines, où l'alexandrin précède un hexamètre. Tu as le regard inégal. J'adore tes yeux, si je ne craignais pas d'effrayer tes airs de chatte suave, je les regarderai toujours, avec les miens fatigués d'encre. Sans intention dedans.
J'arrête souvent de respirer, quand je me cache dans mes mains, j'ai l'impression que l'air autour devient de l'eau, que si j'ouvre la bouche pour capter l'oxygène, j'inonderai mes poumons du liquide salé des marais. Je ne veux pas être surpris en flagrant délit, de vivre. Ce crime que nul ne commet.
Je suis plutôt grand, et quand je te regarde, je sens que ma taille écrase, qu'elle est lourde de pierres. Mes talons font cinq siècles. Je connais tout. Je connais tout de ce monde. Plus rien ne m'étonne ; pourtant tout m'effraie, à commencer par toi. La seule façon de survivre à l'année, aux marécages, à la lie, c'était de t'aimer. J'ai eu besoin de courage. Et si je vis, si je continue de commettre le crime de mon existence, là où les gens s'épuisent, rares, je te le dois en partie. Je voulais vraiment mourir, plusieurs fois, une mort négligée, comme ma coupe de cheveux, une mort de celui qui se laisse faire par une voiture, par un couteau, par une violence. Puis j'ai écrit. Depuis que tu as commencé à lire. D'abord je n'étais pas sûr, je savais seulement, depuis le cabinet, entre deux ennuis, puis j'ai su tous les autres moments. J'ai gardé le haut à mal littérature. Un haut de coquelicot. J'ai peur que mes écrits aient une poitrine féminine,alors je fais garder le haut pudique à mes gargouillis.
Je connais tout, mieux que personne, mais ça, jamais on le saura.Parfois, on le devine.
Je suis doué ?
Douée ? Qu'est ce que ça veut dire ? Pourquoi ?
Non, moi, je m'appelle, le désespéré heureux.
Pourquoi ? je n'en sais rien.
Marguerite était nue en bas. Ma littérature gardait le haut.
Peut-être parce que je me faufile, et que je passe inaperçu. On dit des choses de moi, que je suis cruel, idiot, prétentieux. J'ai la littérature prétentieuse. Que je suis stupide, étrange et méchant. Tu le dis aussi, peut-être, et je ne t'en veux pas. Les insultes, je les colle sur moi, ce sont des timbres. Voilà, je suis affranchi. Les autres ? Esclaves.
J'aimerais relever les cheveux sur ta nuque, j'ai l'impression que ton visage est un drame, ou un théâtre, j'aime écrire que je secoue le varech doré de ta chevelure, c'est un rideau d'un ton mat, jaune, qui brûle les yeux, qu'aucun frottement ne peut alerter. Même pas mes cris. J'aime que tu sois inaccessible, que je puisse dire « D. , c'est qui ne s'atteint pas, c'est juste derrière ton ongle le plus long, sous la courbature de ton muscle tendu, c'est la fièvre dans mes coups sur le parquet, c'est les mots sur la feuille timide, c'est la famine de mes paumes, c'est le visage qui abrite mon rêve dans la douceur de son rythme de coquillage enfiévré. D.;c'est le lointain, l'espoir qu'il y a a sa lèvre, sous le maquillage mâle dessous ses yeux, dans ses cils qui donnent à ses yeux la forme d'un oeillet. D., c'est loin, celle que je ne touche pas avec les mots, que je ne veux pas troubler, que je caresse avec des secrets, que je dépose en pensées,dans velours beige de l'aurore. D. C'est la neige qui brûle mes nerfs, et dans laquelle je trace les signes de mon indigénat, c'est l'indignation la plus célèbre du monde, quand mon corps prend l'évidence des caprices, c'est le goût simple et compliqué des fruits de l'automne.

J'aimerais te dire, de ne pas bouger, que la vie, va te frotter la peau, te laver les sens, et te montrer mes souvenirs vieillis. Souvent, la nuit, je voudrais m'assigner un serment, mais je ne sais pas prier, je répète seulement ton prénom. On m'a dit, quand tu dis ce prénom, on dirait que tu portes un pagne de romain, que tu pries des statuettes immobiles. C'est plus que ça, j'adore l'ombre, tu ressembles à la nuit déifiée. Je sens la peau d'après l'amour, j'ai un peu honte.
Parfois, je pense ne plus connaître ce qu'est le froid, le chaud.
Tout résonne tiède.
Depuis quelques siècles les hommes deviennent tièdes.
Pour moi, pour eux. Peu importe. Ce ne sont que des mots. Pour toi.
Je vagabonde.
Je vagabonde.
Je suis un enfant, un peu oubliée, mais ce n'est pas grave, je ne sais pas ce que c'est que d'être vivant, depuis que j'ai treize ans. J'allais dans une école de surdoués, mais ma peau a porté un crime. Un crime d'amour.
J'ai 5 siècles et le souvenir de Marguerite devant moi qui veut se baigner dans la baignoire prend son temps. J'ai cinq siècles, j'ai tellement de temps à lui offrir.
Je voudrais apprendre à prier, je voudrais faire des messes inquiétantes. Je sais, à mon âge je devrais retrouver mes amoureuses, ou penser à des choses sérieuses et distrayantes, à des amours graves avec des gestes de saintes et des morales de putain. Mais je ne peux pas. Quand, je dis « je suis fragile » c'est le seul jour où je ne rigole pas. J'ai l'impression, que si l'on me frôle, on me fêle. Je n'ai pas la barrière du corps pour protéger mon âme. Lorsque l'on me touche -et je te supplie de ne plus le faire- l'on brutalise mes nerfs, mes émotions, l'on secoue, et c'est en désordre après, il faut tout retrouver, les souvenirs, tout retrouver les larmes, et les sourires. Je ne supporte pas l'ordinaire. Pendant un an et demi, j'ai tenté. J'ai fait des stages, eu des amours équilibrés, je suis sorti tout le temps. Et je suis fatigué, je pensais aux livres, je pensais à l'amour et je pensais surtout à l'écriture. Aujourd'hui, si je recommençais à me chasser de moi, même, des pensées j'ajouterai, « je pensais à D. ». J'aime la vie, si fort, que je ne peux l'échanger contre aucune imitation, je suis ce buveur de café à l'hôtel de la gare en 1942, qui refusait de boire l'ersatz, et finissait la journée, tremblant de fatigue « les imitations je les laisse aux poètes ». Tu devrais voir ce que j'ai écrit dans mes carnets, je t'ai fabriquée avec une tresse de princesse troyenne. A la fin, tu brûles de gloire. Tu as des reflets miraculeux, qui te sortent des yeux. A quoi je joue avec mes mains ? A écrire. Personne ne voit ce que j'écris, parce que j'ai voilé mon identité sur la couverture, sur la pochette,depuis cinq siècles j'écris le même mot, un mot amoureux, un décor.
Pourquoi devrait-on faire de moi un petit garçon normal ? Je suis un caprice, une colère, je suis un scandale calme, une passion indifférente, je suis la mer légère, qui parfois secoue les cales qui l'assombrissent. Depuis cinq siècles je suis la marée haute, pourquoi devrait on me faire partir de l'autre côté des réalités, des perceptions. Vos vies ordinaires ne m'intéressent pas. J'ai essayé, pendant un an et demi, je m'y suis abîmé presque jusqu'à vous ressembler. J'aime tâter la vie avec les yeux, je me suis souvent pris le regard dans les portes. Maman dit de faire attention. K'ai besoin de quelqu'un pour veiller sur moi, parce que je ne sais pas le faire. Je vais insulter les gens dangereux, je vais menacer les bandits, traverser où il ne faut pas, m'arrêter au milieu d'une phrase importante parce que ma tête sera secouée d'une idée folle, d'une idée de littérature. Partir d'une chambre d'hôtel, dans la nuit, parce que c'est moite un corps inconnu. J'ai besoin de quelqu'un qui veille sur moi, et ton ombre m'enveloppe et calme mes rages de nerfs. Je t'aime, je t'aime, je ne sais pas prier, et ce ne sont que des mots. Ah. D. comme j'aime le soleil de cette après-midi. Presque autant que la nuit à venir.

25 mars 2011

Les reins du rhin.

 

 

"Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire"

Paul Eluard - L'amoureuse

 

Lundi, nous serons à Francfort et j'ai peur de trouver la même frustration qu'à Bruxelles, de ne pas trouver de quoi écrire. Je peux écrire avec n'importe quoi avec l'eau, avec la peau, les larmes, ou encore tout ce qui pourrait se montrer comestible sur une page blanche, une feuille, un mur, ou encore tout ce qui pourrait se montrer comestible pour les mots.

Je vais passer une nuit assez étrange. On me dira tu as mal dormi ?
Non, je n'ai pas dormi. J'ai peur de trouver quelqu'un dans mes rêves. D, ou moi, et c'est un peu pareil. Après tout ce que j'ai pris de toi, après tout ce que j'ai mis de mes forces en toi. Les rêves nous confondent.

A Francfort si je n'écris pas, ce sera comme à Bruxelles, je devrais boire beaucoup, pour ne pas sentir le manque. A Bruxelles j'ai eu chaud, j'ai eu froid. Puis je suis reste au stade où mon corps paraissait tiéde. Aujourd'hui encore, je nage dans cette bulle de tiédeur moite, et douce.
Je crois qu'à Francfort, ce sera difficile de parler.



D.
Majuscule. Je vais aux séances de dédicaces avec le sourire. Parce que c'est mon tour, de signer dans un déguisement de pseudonyme. Je renifle dans la librairie, le samedi, un succès qui ne devrait pas exister. J'écris alors tout m'est permis. A l'exception de mourir. Et comme le sommeil ne veut pas de moi, je trouve des créanciers de l'existence dans les choses humaines.

J'ai le sexe des enfants, D. J'ai peur de perdre, peur que tu dises non, ou oui, peur de poser la question, parce que toutes les réponses m'effraient. J'aime écrire et m'inventer une beauté, remplacer un visage. Il ne faut pas me détester. C'est peu la littérature, l'écriture, je suis de ceux là qui gémissent les sensations, qui suent des hurlements, qui sourient des caprices. Je suis un enfant qui grandit dans un corps en décalage. Mon corps lui voudrait des choses, des vigueurs, des femmes, des matins, de la chaleur, et je ne donne que des monstres. Mon âme n'est pas comme mon corps, elle se détend partout, elle veut jouer, pousser, tomber, se relever. Je voudrais t'embrasser sans que personne n'en dise rien, je voudrais te déposer un baiser sur les lèvres, sur le front qui ne soit pas sérieux, qui ne propose rien, qui ne demande rien, un baiser tout simple, tout pâle, un baiser d'enfant, qu'on retient à peine, et qui ressemble à un bouillonnement, qui ressemble à une première vague absorbée par le ressac de la nuit. Je voudrais que nous nous aimassions mais sans être réglementé, je voudrais que l'on puisse être inquiet de l'absence de l'autre, je voudrais poser ton doigt dans ma poitrine, comme un marque-pages, et que nous lisions ensemble mes cris. J'ai peur, toujours, peur. Et je fais face à ma peur, mais je ne peux pas te dire ce que tu sais déjà. C'est fou, la vie est absurde, elle m'inspire et ne veut pas de moi.

24 mars 2011

Perso - Rue Saint-Jacques, les critères sacrés.

Un jour l'on me dira "je veux que tu arrêtes d'écrire sur moi" et j'ai
répondu "je n'écris pas sur toi, j'écris après toi, je capture ton ombre.
Mon écriture est depuis toi, la traîne que tu laisses, le scrupule que tu
engages". J'espère que ce ne sera pas toi, mais une autre, qui me dira ces
choses. Toi, j'aimerais que tu continues à faire semblant de ne pas lire,
de ne pas savoir. Tu as les yeux beaux, beaux comme des yeux aveugles.
Trop de lumière dit le soleil. J'essaie d'éclaircir les miens, de les
faire tousser, je regarde le soleil à la place des Etats-Unis, je le fixe
longtemps, et je suis ému, je crois, mes yeux sont plein d'émotions
claires.

Le jeudi, je sortais, dans des bouges, boire, pendant deux heures, chez
Maxim's, à l'Ice Baar, à la French. Puis je suis fatigué, des gens que je
trouve partout identiques, des gens évadés de la cire. Alors, ce soir, à
vingt et une heures, j'irai ailleurs, j'irai à la rue Saint-Jacques dîner
de silence. J'irai tout seul, à la rue Saint-Jacques, et ce sera pareil
qu'avoir écrit adieu au bas d'une lettre de rupture. Je leur dis au
revoir, à ces corps qui se croient plein d'esprit, et moi, comme Crevel,
je suis un esprit déguisé avec un corps. Quand je le dis à un inconnu, il
me frappe. Et c'est comme de me dire "c'est comme ça qu'il faut se servir
du corps". Je ne sais pas. D. j'aime ta voix de clown faussement
agressivse, et qui déraille vers la tendresse des jours sans pluie, où les
enfants rient d'eux même. Tu as une voix petite comme tes mains qui
bourgeonnent au bout de tes os. Je ne m'approche jamais assez -je déteste
la bise, la tentation des lèvres est trop forte- mais je devine l'odeur
d'églantines de ton cou. Tu as une nuque de jardin, tu en as l'odeur de
lavandes sèches.
Aujourd'hui, je me suis levé avec un mal au poignet assez étrange. Comme
si l'on m'avait tordu les mains toute la nuit.
Je me demande où va ma vie.Je me demande avec qui elle va partir cet été.
Je me demande, si je te recroiserais, plus tard. Je crois aux signes, et
de t'avoir vue hier, place des Etats-Unis me terrifie encore. J'ai très
peu dormi cette nuit, parce que j'avais peur que tu sois là, encore, prête
à surgir.
Je me demande si, au Pont du Bois, il y'aura encore cette dame penchée au
rebord, qui répondera aux passant :"qu'elle sautera un jour".Je me demande
si le vent l'emportera avant sa chute.Je me demandais si j'aurai le temps
de l'aimer avant. Je me demande si je finirai par t'écrire les mots
élégants, dans des chemises capitonnées. Je ne sais pas bien. Ton prénom
est court. Je le prononce et il a déjà fondu sur toute ma longue. Il rime
avec Anne, il rime avec mes souvenirs. Si je t'attache des perles au cou,
est-ce qu'elles tonitrueront comme les vagues accrochées dans Pâques au
clocher des Eglises. Si j'appuie sur ton dos, j'ai l'impression que de la
musique va sortir, mais je n'ai pas de corps, alors je ne peux pas
appuyer. Je passe. Comme une note close.
Je me demande si les corps que je croise peuvent être à moi. Remplacer les
idées. Je cherche le corps que je pourrais m'accaparer pour venir t'aimer
convenable. J'ai déjà trouvé le corps où je veux faire brûler mes venins.
D. C'est tout chaud, ton prénom, ça sort du four, c'est croustillant,
doré, c'est le matin qui a dérapé de l'horloge pour tomber dans ton teint.
Et je me fiche de savoir.
Je n'invente pas ta beauté. Je la trouve en toi, et je la retrouve, chaque
nuit. Je la retrouve, dans les murmures que je prie, dans le murmure de
ton prénom que je récite en entier, que je n'écris qu'en mystères. Je te
retrouve, dans les yeux ouverts d'un cri sur la table du salon.
Je ne veux pas d'avenir.Je veux mon destin.Je ne veux pas de compliments.
Je ne veux pas être flatté. Je veux être pris en flagrant délit .Je veux
qu'on m'interdise, qu'on continue de censurer ma vie. Je veux que tu me
gaspilles.
Je ne veux pas te faire peur, et pourtant j'effraie. Quand je passe devant
un miroir, avant de rire, je pleure. J'arrache les cheveux du reflet. Je
ne supporte pas. Ni le bruit, ni la vue. J'appelle les hommes "mes
automates". Depuis tout petit, dans le chant gras du jour kabyle, qui
semait par carrés son jour, une sorte de peur et d'angoisse énorme me
prend, quand j'aperçois le moindre éclat bleu d'un oeil. Le spectacle de
ton regard est terrifiant et je ne peux pas m'en détourner, quand tu me
regardes, tes yeux finissent par partir dans leurs propres silences, et
moi, je prends des poses victorieuses mais mon esprit vibre de
peur.Parfois, mais plus rarement, je me mets même à en pleurer. Mais tu ne
peux pas voir, je pleure avec mon esprit. Avec mon silence. C'est une peur
énorme. Mes parents n'ont jamais su l'expliquer. Et moi, je n'ai jamais su
le comprendre.
Je me demande pourquoi j'ai aimé voir tes yeux croiser. Je me demande
pourquoi, je ne supporte pas la laideur dans ta bouche.Pourquoi je trouve
ça vulgaire. Pourquoi, chez les garçons, ça ne me surprend plus. Je me
demande pourquoi je ne suis pas parti dans les terres froides de la
liberté.
Je me demande si tu sais que je fixe tes yeux parce que mon écriture est
altérée. Je me demande si lorsque l'on veillit, on aime toujours autant la
jeunesse. Si l'on devient envieux.
Je me demande si c'est logique de tomber amoureux d'une idée. Si c'est
important, que toi, D., tu ne puisses qu'avoir peur de moi. C'est étrange.
Je ne sais pas si j'aime déranger. Mais je dérange. En seconde la
professeure avait écrit "vous êtes dérangeant".
Marguerite avait dit "tu es érotique quand tu t'allonges sur la table"
C'est la position de l'écriture. Sa position amoueruse. Si tu me voyais,
dans la nuit, tu aurais autrement peur. La peur du visage dément, les mots
qui partent par la bouche et qui gemment l'univers. Tu n'es banale pour
personne, mais je t'offre différente.Tel que je te vois. Avec mes yeux
décharnés, avec mes côteaux versés. Chaque jour. Oui, D., je te fais
exister autrement que tu peux être. Sous une autre forme. Les corps
humains sont des ombres, dans mes mots, avec le grain de tes yeux je veux
te troubler.Je trouble. Tu n'entres pas dans ma vie, tu entres directement
dans les souvenirs. Je ne sais pas si je pourrais jouer avec tes cheveux
toute ma vie comme s'ils étaient des minutes, je ne sais pas s'ils sont
longs assez pour que la vie qui sépare les aveux silencieux les laisse
s'égayer dans mes doigts. Laisse moi les transformer encore, j'ai une
dernière mélodie à jouer, la mélodie du regret lâche. Je ne peux pas dire
ces quelques mots vulgaires que tout le monde dit "je t'aime", je ne peux
pas les adresser. Ce serait un déshonneur, ce serait comme t'offrir au
mariage l'alliance désuète des divorcés. Je me demande pourquoi l'on m'a
éduqué. Pourquoi, quand l'on me bouscule, je ne le remarque pas. Je me
demande pourquoi, je tombe dans les escaliers, quand je suis la voix, qui
légére, me gronde des sons inaudibles et attendrissant, des rires, de
lycéens. Et aussitôt, je comprends, pourquoi, j'ai mal au poignet, et
aussitôt je comprends : l'on m'a attaché.

J'ai envie d'écrire encore sur toi, puis je n'ose plus. Je me souviens que
tu me lis.

24 mars 2011

Perso - L'aube roule dans les doigts des prisonniers jusqu'à la braise des cigarillos.

J’аim’ pаs lеs gоnzеss’s à lоrgnоns
Qu’y z’оnt dеs guеul’s d’institutricеs.
Jе vоudrаis pаs qu’еun’ pаr cаpricе
М’оbligе à lui sucеr l’ trоgnоn.
Lеurs pаrеnts quаnd qu’а z’étаiеnt mômеs,
Lеur оnt pаs fаit d’fеssеs еt d’nichоns
Маis lеur оnt fоutu dеs diplômеs.

Jehan Rictus - Les gonzesses à lorgnons


J'ai l'argent en ennemi alors je vole, je dérobe, je dérobe avec mes
manières de galant celles qui ont des gravités de Madame. Je fais des
politesses humides, je fais ricocher mon corps comme les verres à
cocktail, je dis oui, oui, je ne dis que oui, et je cache mes vols sous
mon sourire. Quand je parle on m’écoute, tout le monde murmure "regardez
comme ça parle un incapable, un fou, regardez" et quand je reçois des prix
ils trébuchent sur ma peau comme des crachats, des aumônes, je suis un
porteur de blé flamand qu’on endommage.

Plus tard j'irai dans les couloirs de Paris hurler de grands poèmes
inspirés par ma misère. Je dirai à la foule "Je suis le XIXème siècle,
avec sa faim, son froid mais aussi sa révolte, je déclame ici pour ne rien
perdre de l'éloquence des Révolutions. Faites attention à vous, tous les
pauvres s’y mettent, ils sont dans tous mes gestes"

"J'irai tailler des roses de marbre, et souffler des fleurs de verre. La
première sera un palais que les barbares pilleront sans percevoir de
senteur ; la deuxième sera un miroir où Narcisse se blessera et tachera
les pétales; la dernière aura les corolles des jupons fébriles et invitera
les mains d’homme entre ses humides rosées"
Les forgerons d'éclair pleureront les saveurs de fer quand ils graveront
des fleurs de cuivre, à nouer à ta boutonnière, à fondre dans tes ailes en
morceaux.


J'aimerais leur dire "Regardez comme un poète meurt aujourd'hui"
Mais les poètes ne peuvent plus mourir, ils n’ont nulle part où naître.
Mon talent est accroché dans le ventre de ma mère. Je sais, il mourra,
comme moi, avec elle, cette vermine adorable, dans le ventre, et je sais,
qu'il ne sera pas plus grand écrivain que moi, que vous tous, et moi.
J'aimerais être simple. Parfois. Pour voir. Tu vois, je ne dis presque
plus ton initiale, tu es toute entière dans le tutoiement. Je m’adresse à
toi, encore comme si tu étais là, voisine de la ville.


Je pense tout à coup à la création. Ton visage en bois ou en granit, à la
saveur d’ananas que je mords par inconscience dans mes rêves, ô D., les
rêves sont courts, dans mes nuits précaires, qui tiennent en équilibre sur
le pouce de Dieu. Je n’ai pas retrouvé la raison, j’ai soulevé des pierres
raisonnables, des pierres d’Eglise, j’ai soulevé des livres, des pages.
Nulle part. Comme la liberté. C’est une hallucination. Je pense à mon
visage même, qui lorsque j'avais onze ans, m'avait été offert par un
miroir. Je m'étais arrêté sur cette figure ridicule et effrayante, en
pointant le doigt vers le ciel et en éclatant de rire, tout en tendant mon
corps, de plus en plus vers le haut. Quand arrivé sur la pointe des pieds,
je ne tenais plus, surpris par la douleur, je lâchais l'effort, et me
laissais tomber à côté de mon reflet étendu que je me perssais
d'embrasser. Je repense à toi, quand le soleil me couvre. Je repense à ces
moments où je me dis que je suis bien plus ivre que le reste du monde pour
commettre ce genre de suicides permanents, pour m’imposer des
humiliations. J’ai trop peur de moi, trop peur des jeux que je peux
entreprendre. En écrivant ici, je les prive de force.


Je fais mon chemin, je le gratte, dans mon propre corps. Il faudrait que
l'on m'explique comment ne pas s'essouffler. Je me trouve beau après
m'être essoufflé. Parfois, je me souviens de ces étés, où je courais dans
les graviers de l'allée Carnot, pour ensuite fouler les escaliers à grande
enjambé, et m'admirer dans la glace, essoufflé, rouge, suant, les cheveux
maladroits, le sourire frais des fruits défendus. Je crois que c'est à peu
prés l'image que j'ai de moi après l'amour. Après mes nuits. Après mes
attentes. Je me souviens des miroirs, gigantesques, que je scrutais en
contemplant ma bouche humide qui s'ouvrait et se refermait, s'entrouvrait
à intervalle régulier pour observer mes pommettes comme des abricots pas
encore tout à fait mûrs, et froids, mes cils subitement mouillés, comme
des gouttes de pain que l'on appliquerait sur le ventre visqueux de
l'hippocampe. Pour regarder ma poitrine haletante, et mes cheveux
sauvages, cette buée, ce souffle, lorsque l'on s'approchait un peu trop
prés pour admirer la beauté de mon corps fatigué et essoufflé. Il n'y a
d'ailleurs que dans ces moments là, que je me trouve beau. Qu'après avoir,
creusé l'effort dans le ventre.

J’ai crié, un cri si pur, si violent, si douloureux, si amoureux, que
toute ma jeunesse est passée avec lui. Quelqu’un devrait partager les
mêmes idées que moi, entendre les mêmes voix intimes que moi. Quelqu’un,
ailleurs que sous l’écorce de mon crâne pour prendre ma part de fièvre qui
me brûle le sang.

Je suis en colère. D'une colère d'un calme enviable. Je suis la colère
même. Je suis la colère sous la forme d'un corps. Une rivière endormie.
Une ombre dessinée, délirante et muette. Un jour je verrais passer devant
moi, tes formes animales. Comme quand tu m’infirmes. Je suis la colère
perturbée. Je crois en la beauté. Je l'ai vu passer. Depuis, je l'aime.
J'ai entendu la voix de ma silhouette. On m'a demandé "mais tu n'as pas
peur de devenir fou ?". Martyr volontaire. Je suis ma calme colère. Je
suis la couleur du sexe différent. Je suis l'épiderme de l'hérisson. J'ai
besoin d'une révolution en moi, chaque jour. Je suis le voyageur immobile.
On m'a dit que j'étais. Et je dis "je fais seulement semblant" Mais la
lumière de la voisine lorsqu'il éclate de rire, m'éclabousse de bonheur.
Je recule ma langue dans les oreilles d'un arbre. Je suis la colère
délicate. Je crie "Non, non!". Je suis les corps de mon propre corps. Je
suis les amours de mes propres colères. J'aime dire "Je suis affamé" après
avoir jeûné. D'où vient cette fascination des sentiments, le goût de
l’amour qui tue, abime. J'ai le silence gonflé des saintes dansant sur les
mains, dans une salle de prières à l'atmosphère légère du début d'été qui
aspirent mes deux lèvres fines et qui entourent mon visage. Souvent, je
pense que l'écriture est une forme de folie.

"Il faut un cri, un cri amoureux pour vivre, je vais me marier avec mon
écriture, avec mon écriture qui aura des yeux d’aquarium. J’aime toujours
dire que je suis coupable. J’aime toujours qu’on me regarde inquiet, que
les yeux qui passent remuent, ce n’est pas possible, ce n’est pas
possible, j’imagine qu’on se détourne de moi, que la vie soit la mer
rouge".


Il faut le savoir, je ne peux aimer vraiment que dans l’écriture. Entre
deux poèmes, deux rimes, deux textes, je cesse. L’espace entre un point
final et une majuscule a une taille de tombe. Mon amour a la pulsation
lente, a chaque battement de silence. Je n’aime plus.


Quand j’écris des lignes de rupture, je la signe "L'amour est un jeu" et
je l’envoie en huit morceaux j’ajoute "j’espère que tu y trouveras les
morceaux absents de ton coeur". Je sais que c'est en voulant éloigner les
gens de ma bêtise, qu'ils me trouvent génial et fascinant. Maintenant je
voudrais ponctuer mes phrases par Adieu. Adieu. Pour dire la stance
muette. Le même silence que la vie sur ma peau, le silence que je retrouve
après l’amour sur ma peau moite. C’est fou comme c’est facile de porter un
masque. En vérité j’ai l’œil de la nuit. Souvent, à l’Université, on me
déteste pour ce que je ne suis pas. Pour ce que je pourrais être. Quand
je veux consoler un corps, je le fais pleurer à nouveau.


Je peux creuser l'imagination. J’aime trop avoir des regrets, je le jure,
et en écrivant ici ces deux derniers jours, je les ai tous mis à ma
couronne.
Je veux effacer les secrets, je veux que l’on me retienne quand je tombe
de travers dans le sommeil.

Publicité
<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 40 > >>
boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 427
Publicité