Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité

boudi's blog

boudi's blog
Archives
Newsletter
1 abonnés
18 mars 2011

Tes dents trébuchent dans ma bouche.

"Je l'écoute. Ce n'est qu'une voix humaine 
Qui traverse les fracas de la vie et des batailles, 
L'écroulement du tonnerre et le murmure des bavardages."

Robert Desnos - La voix in Contrée

 

 

Je te déteste, je me défaits de toi, de mes souvenirs, de ton odeur de linge propre, de tes cheveux gras, je me défaits de ta main qui ne prend jamais la mienne, je me défaits du nom de ta ville qui me fait trembler, de ce trouble-là, de tes yeux immobiles, de ton sourire rentré, je me défaits de moi avec toi, pour rien. Je me défais de toutes les filles de mes agonies. Ce soir je ne bois pas, et demain non plus, je ne ferai rimer de peur aucun ventre. Adieu Anne, Adieu Marion, adieu Camille. Ne viens pas s'il te plaît demain, ne viens pas voir ma honte, ne viens pas voir mon visage gribouillé d'encre noire. Fais comme si tu ne m'avais pas connu, ma Camille. J'abandonne toutes les filles pour espérer abandonner le désespoir. Je ne veux plus être écrivain, mais c'est trop tard. Je suis piégé dans un habit noir, on dirait que je suis un croque-mort. Mes mots assassinent.

 

En Afrique du Sud, les gens n'ont pas d'argent,

alors ils ne peuvent pas entrer dans les hopitaux et ils meurent à la porte.

Dehors, les petits Africains qui passent sur les trottoirs,

continuent de chanter et danser en faisant allez des petites gourmettes d'argent à leur pieds.

Il y aune époque amoureuse qui attend que tu marches à côté de moi

Pourquoi tu ferais ça ?

Penchée aux persiennes lourdes de matinées.

Ce serait si facile, si nous savions tout dire. Si l'on savait les mots sur nos ressentis. Moi qui voudrais t'écrire, pour te faire vivre, si seulement je savais. Mais dès que l'instant passe, l'attente est longue. Les mots doivent traverser les bois épais, en frôlant les roses ignorées, en se dressant aux sommets des arbres pointus, et caresser les herbes éteintes. Les gens autrefois, avaient de la force. Je le sais. Je le sais parce que je l'ai vu. J'ai vu les femmes qui savaient aimer.

Elles, reines. Les reines perdent leurs regards, dégrafent leurs longues robes inutiles, et se jettent dans les fleuves sales. Je les ai vus marcher vers moi. Elles prêtent leurs couronnes, et renversent leur cheveux dans une eau verte d'algues. Leurs corps pâles se dessinent avec le mouvement de l'eau, tout à coup, elles n'ont peur de rien. Elles deviennent, végétal vénéré. Parodie de tendresse. Tiède comme la colombe qui vient d'être abbatiale. Molle comme la chair concernée. Les cieux tombent sur les épaules, les Dieux leurs glissent le long de la poitrine, l'amour enfin amadoué le sexe, le minuscule palais s'accroche sous l'oxygène, se noie dans la clairière salée. Nous, nous prenons des mains dans nos mains sans en retenir la forme, le moment effile nos cachemires, le moment mouille nos laines solitaires, le mouvement s'enroule autour de nos talons informes, pour faire virevolter nos corps dans toutes les capitales illuminées. Nos corps passent dans les rues, nos corps passent dans les corps. Nos corps défont les lits des autres, des lits qui seront toujours refaits proprement le lendemain, des lits que nous retrouverons toujours vides, et sans traces ni plis. Les lits de mes pensées où tu n'es qu'une idée. Nos corps passent sur les plages, entre les vents. Le moment fera glisser nos corps entre les nuits et les jours, pataugeant entre un coucher de soleil et un aurore. Le moment entérinera nos corps contre des vitres et sur des tables. Nous habillons nos peaux de différentes haleines, sans en garder le nectar. Nous nous penserons chanceux, entre des bras dont ne nous retiendrons pas la puissance. Nous saisissons des rêves, qui, à peine soupirés, s'envole avec nos cheveux. Moi, je les ai vues les reines. Elles se sont immobilisés dans leurs nageoires, et nettoyaient leurs masques avec leurs doigts si vivants qu'ils dansent sur leurs gestes. Elles ont recouvert le jour de leur humilité collante. Elles ont chargé les bateaux de leurs tristesses, ils s'en sont allés vers nos larges humaines, et les ports sont devenus sombres.

Tu sais, comme une lampe électrique qui grésille avant de s'éteindre.

Elles descendent de leurs trônes précipitamment, se prenant les pieds dans leurs tapis rouge, elles ne chantent plus devant leurs miroirs. Si seulement l'on savait, les mots qu'il faut écrire, si ont pouvait les connaitre avant de les comprendre, les arrêter entre deux arbres qui cachent la lumière sur ta peau d'épouvante, ces matins-là. Mais pourquoi tu ferais ça ? Quand tu te penches. Pourquoi tu ferais ça, dis-moi ? Pourquoi tu sauterais de ta fenêtre en tenant les extrémités de ta robe blanche par le bout des doigts, pour que dans ta chute, je puisse y apercevoir moi aussi, un petit bout de ces reines. Que j'ai vues, mourir d'amour. Ces reines, je les ai vues cigarette à la bouche, au fond du café, qui de leur petits doigts de pêcheuses caressaient le bois des tables comme je les imaginais caressant du bout des doigts, ces rivières sales. Nous, ne savons pas dire. Pourtant ce serait si facile, dans ce que je t'écris là, de dire "il suffirait qu'on s'aime". Les reines, ont saupoudré mon visage de leurs fumées, et l'une d'entre elles a dit "Tout ça, c'est parce que j'aimais".

Entre nous il y aura toujours une reine d'autrefois qui sera là, au fond d'un café, pour nous rappeler que seul l'amour nous rend entier. Pour toute la nuit qu'il abrite.

Un midi, que tu auras des secondes à toi, rejoins-moi place de l'Uruguay, où je viens lire et écrire. Où les passants se disent « c'est indécent d'être aussi vivant ».

Publicité
18 mars 2011

J'essaie d'abandonner les filles et j'ai l'impression d'abandonner la vie.

 Est-ce que tu viendras lire à 04h51? Comme une vessie qui arrache du sommeil ? Je suis l'orage d'hier soir. Cette pluie fine, humide et tiède. La pluie après la sécheresse. La pluie pour combler. Si tu savais, tu me dirais « tu prends les choses trop à cœur, ce n'est pas normal, avoir du cœur c'est passé de mode ». Marion demande "tu dors mal ?". La nuit est angoissante. Parce qu'on connaît sa fin. L'été prochain, je te proposerai mes lèvres, en pleine nuit. Comme ça. En sous-vêtements. Je suis ton ombre. Je suis toujours. Je ressemble à un garçon. J'ai des traits un peu vulgaires, des cheveux mi-longs qui tombent sur les épaules. Je sens les femmes que je triche. J'ai le visage du Christ, c'est vrai, du Christ au moment de son agonie. Le cri exact de sa douleur. Voilà ce que je ressemble. Toi, tu sens le garçon de 8 ans. Plastique. Elle disait toujours "je m'ennuie". Et puis, D. regardait le derrière des livres comme un corps défendu. J'ai toujours suivi tes gestes, parce que tu émets des grandes tragédies dedans, qui mettent du temps à se montrer, et je ne veux rater leurs éclaboussures. Tu vois, je te parle comme si tu étais là, comme si tu étais mon amour, que tu mijotais au fond de la tasse de café qui me tient vif sur la nuit. Je te parle comme si je pouvais me tourner pour te saisir, mais que je me frustrais de toi en écrivant tes yeux. Je passe de toi, au vague de ton initiale. Je passe de ce tutoiement léger, qui ne me va pas. Tu vois, je t'entends. Tu as des pas de danseuse. Je ne peux pas te regarder trop longtemps. Je n'ai pas de paupières pour filtrer la lumière de tes songes. D. était toujours sur la défensive. "il suffirait d'un signe, un matin". Tu ressembles au premier soir qui m'émouvait, tu balances tes tous petits doigts dans la vie, comme le ciel mélangeait les nuages. Je te regarde de biais, et j'attends, j'ai l'impression que tu mélanges un pot de couleur quand tu trempes tes doigts dans les lettres de ton clavier.  On est descendus dans la cuisine. Marion a ouvert une bière, a bu une gorgée, et m'a tendu la bouteille. J'ai trempé les lèvres, et j'ai dit "j'aime pas". Alors elle a tout fini. Elle m'a dit "la nuit commence à peine". Et je suis parti quand elle a approché son haleine. Parce que je dois être fidèle à des idées, et tu es une idée. Si tu me redemandais, je dirais « j'ai beaucoup de mal à dormir en ce moment, parce que j'ai perdu mes couvertures et ma veilleuse qui ronronnait de bleu ». Je suis sorti, libre. J'ai complété la nuit Merveilleuse. Marion aurait pu être un témoin. De ma vie. De mon écriture. Elle pourrait parler, aussi bien de ma vie, que moi. Je pourrais mourir. Elle pourrait me remplacer. Me devancer. Continuer mes gestes et finir mes mots. Elle pourrait reprendre ce pseudonyme que j'ai emprunté à la vie, de ne pas assumer que mon nom figure, imprimé, dans les librairies. A la fnac des champs-elysées, je me tiens à côté de mon livre comme si j'étais en dehors de mon identité. Et j'écoute le vendeur le conseiller. Je souris très fort. Il dit « c'est une poétesse, c'est son premier ouvrage, c'est merveilleux ». Je ne suis pas vraiment un garçon. Il dit « elle ». Parce que je signe avec des initiales de prostituée. Parfois, je me mens. Me tais. Je tais ce que je pourrais offrir. J'ai peur de vendre. Je ne le dévoile pas. Je m'adresse aux petites idées, pour taire le grand bonheur. Je me suis assis, à la fenêtre de la rue Bassano. Il y a un square entre les champs et l'avenue Kléber, tout petit, ou je viens accroupir mon silence et écrire. Ecrire et lire. Pendant une heure trente. Je vide un gobelet de café. Les gens qui me regardent écrire murmurent avec les yeux « quel drôle d'encrier ». Le sommeil creuse la ville. Un jour j'ai dit "parfois, au bord de ma fenêtre, avec une cigarette, je veille sur le sommeil des habitants". Je crois que je ne comprends pas. J'aperçois la maison en pierre, d'en haut. C'est étrange la solitude. Quand je tends un peu le cou, j'entends des bruits qui reviennent des souvenirs. Le premier cri d'horreur quand Lucie me disait « j'ai trouvé ton recueil », quand Marguerite m'envoyait un mot « Bravo pour ta nouvelle ». Quand tout le monde trouve mes livres que je cache. Je les range sous mes vêtements. J'écris. Et puis. Je te respire, D., ça me donne de la couleur au visage. J'ai respiré. Maintenant, je t'étouffe. Maintenant, quand je te croise, mon pouls s'accélère. Ma peau devient osseuse. Tes cheveux de fille. Ta langue gelée. Ton menton qui frappe le sol. Tu es concentrée sur ta façon de vieillir. Je crois qu'il m'arrivait de murmurer ton prénom, dans l'intime blessure de Loriane. Je surveille les leçons de mon corps. L'œuvre du temps. Magma. Chasse. Ma vie pourrait être forte. Mes épaules plus fières. Ma mâchoire plus féroce. Couvre ma maigreur s'il te plaît, mes nerfs n'ont pas de soutien-gorge. Quand tu passes à côté de moi, tu me sépares en deux mouvements. Je veille sur ton sommeil, où d'ici, ta maison ressemble à un regret. Pauline avait dit : "je n'aime pas savoir, que ceux dont je parle, me lisent". Moi non plus. Je voudrais qu'on me lise sans le remarquer. Que ce soit une pause. Un secret. Je voudrais que l'on me laisse tranquille. Que l'on me protège. Qu'on emprunte le couloir sans faire attention à l'issue de secours. Qu'on m'aspire sans m'avaler. Je voudrais être une huitre je crois. Quand je lis Tolstoï. J'ai la gorge séche. J'ai fait toutes les guerres. C'est terrifiant d'aimer à ce point une idée. Tu transperces mes amours. Loriane est belle, je crois, je ne sais plus. Tu sues dans mes lignes. C'est une révélation. Regarde mes mains, il y a des stigmates.
17 mars 2011

Les progrès

Je t'aime en idée ; j'ai peur de t'aimer en personne. Ton idée ne rencontre jamais ton corps.  Je maîtrise l'entrée des orties dans le corps. La chute des sirupeuses fillettes. . Je pourrais les rattraper avant qu'elles ne tombent. Leurs corps de petites filles, crémeuses. Le corps de petites filles, avec la cruauté. Moins de délicatesse. Aujourd'hui. Marion a posé ses mains sur moi. Aujourd'hui je lui ai dit « je suis amoureux, c'est une idée, mais c'est une idée importante, et tu sais, je ne peux tromper les idées, je suis trop fidèle ». Et je suis parti. J'ai dit adieu à Hervelyne, au téléphone. Je ais quitter Loriane. J'ai supprimé les numéros de téléphone. Lucie me dit « je ferai tout ce que tu veux mon amour » et je lui réclame un adieu. Je ne veux que ton silence oppressant, que la certitude brisée de ton soupir. Je suis fatigué. De toutes les autres avec leurs figures d'empires. Inspire moi. Je ne te croiserai jamais avec mon corps. C'est tant mieux. J'ai peur quand j'ai le corps amoureux. Je ne sais vivre qu'entièrement. J'ai dit adieu à toutes les filles. Et c'est comme si j'avais nettoyé la crotte de mes semelles. Je marche mieux, dans la solitude, l'air n'est plus compliqué par des ombres bêtes. S'il te plaît, prête moi un peu ton regard. Un oeil distrait ce n'est pas assez pour étendre tous mes cauchemars. L'expérience de la vie. Je voudrais te rencontrer plus tard, juste avant de partir très loin dans la vie. Puis dire. "Voilà, je t'ai aimée". La fin de l'amour. Ce qui s'enterre, petit à petit, ce qui continue à courir, crier, trébucher derrière. Je pleure des nuits par les dent. Les mères cinglent le chiffre"Lâchez le". Les petites filles. Qu'il faut lâcher. Oublier. Qu'il ne faut pas retenir. Les petites filles sont inondées. Humidifiées. Mes après-midi ne s'ouvrent plus. Merci de me lire. Merci de continuer. Merci de me brusquer. La peau des rêveuses qui nage dans le fond de la gare du Nord, est calleuse. Comme un cerf d'Asie, tué par une mâchoire de poisson. Evitez mon regard. Parce que je ne saurais pas le placer. Il va trébucher. Sur votre morale, sur votre bouche, sur le vide de votre corps. Il va mentir. Non, evitez. Je vous en prie. Je vais pleurer des oreilles. Un serpent de corail. Evitez mon regard. Papillon à queue fourchu. Il va s'éprendre de la chauve-souris coincée entre vos jambes. Je ne pond pas mes rires. Je les éclabousse. Leur jus coule contre ma poitrine. Evitez. Je pourrais tuer. Hier, j'écrivais. C'est une préparation. Dormez. Sur mon orchidée géante. Je suis la profonde plongée qui se perd dans les rails de la gare. J'accélère la soif. Poignarde. Poignarde. La délicate violence. Mon écriture est une délicate violence. Les cafés se ferment dans le ventre, et continuent leurs ventes, dans mes départs. J'ai dit adieu à toutes les filles. Toutes les filles accumulées depuis 2006. J'ai l'impression d'avoir dépensé toutes mes économies. Je vous en prie, compensez-moi. J'ai la couleur du corps. "Je ne vous aime plus". Les petites filles dansent, en dessous du train, qui a une vitesse folle, écrasent leur poitrine de verre. Mon corps s'est déplacé chez vous. Appuyez. Appuyez. Là. Paris se tait. S'étouffe. Paris beauté. Je suis un duel. Les oeufs m'éclaboussent la peau. Leurs jaunes me rentrent dans les yeux. Je pleure des bouts de coquilles. L'oeuf et la petite fille, sont complémentaires : je casse les deux pour mieux vivre.
17 mars 2011

Tous les jours j'arrête d'écrire ; tous les jours je reprends, quand je me souviens que l'écriture nous éloigne.

 


"monstre de mer aux décorations de fer d’autruche
scies de paquebot chatouillent les os de porcelaine
scènes d’ensemble de toutes les sensations en fête
en éventail de verre pour les douceurs exprimables"

Triste An
Tza-Rat.

 

Si je n'écrivais plus qui t'apporterait la dose de tragédie ! Il se joue plus de drames en moi que sur une scène grecque. Il y a plus de morts parfaits dans un de mes cris qu'au cinquième acte valeureux. Mes muscles sont cassés des outrages commis sous la nuit. Je porte à l'intérieur de mes gestes des désirs assouvis par les filles qui me dessinent comme des fleuves. Je suis idiot à ma façon, cacheté par l'angine du soir. Je suis beau si l'on s'arrête à mon ombre, quand on évite la journée de mes yeux. J'ai le visage compliqué d'ombre. Je ne mets pas de préservatifs, j'aurais l'impression de mettre de la morale et de la loi à mon obscurité. Je range dans tes matins les cauchemars que ta nuit évite. Quand je fais la grève de la vie, je trouve que je vous ressemble. J'ai peur de ce qui ne fonctionne pas chez moi, ce qu'il y a d'étranger, ce que je reconnais comme incompatible. J'ai peur de ce qu'il y a sous ma peau. Ce que je n'ose pas montrer. L'écriture vient de là. De cette peur sans nom, légère et profonde.

L'amour me ressemble, parce qu'il n'ose pas. Je suis en train d'arrêter. L'écriture. Je la laisse à Marion. Je ne lui réponds plus, elle n'existe pas. J'ai assez des monstres de ma tête pour ne pas pencher l'obsession sur les fantômes. Marion est un fantôme. Toi je t'aime. J'ai donné une nouvelle forme au mot, j'ai creusé avec des silex dans le dictionnaire. L'étymologie, je la décide avec mes caprices.

L'amour me ressemble

Et de cette façon nous rassemble tous.

Plus tard j'aurais des mains fines et fortes, des mains de victimes, des mains d'assassins, des mains inondées, des mains pour écrire. Je suis un pays inventé pour les esclaves.

Je perds l'haleine dans les baisers. C'est une course dans l'amour. Une course sur une pente.

J'ai les cheveux mouillés par le soleil, et le coeur embaumé par tes yeux. Je pourrais vous dire aussi, que j'ai la peau comme un jour intime.

La douceur est un orage. La liberté n'appartient pas à l'homme. Le génie est dans le reste. Les princes sont pervers et c'est bien mieux comme ça, si toutes les petites filles le savaient, elles seraient charmantes. La terre glisse, les corps chutent, et je ne pourrais pas te rattraper. Je vous vois ; je ne vous regarde pas. L'idée est un homme qui court plus vite que les autres. La violence du corps est si douce que je l'écris. Je suis si arrogant qu'on le croirait vraiment. Je suis fragile. Je me suis brisé. Sur des rochers miraculés. Je me suis brisé. Je ne veux pas que l'on entende. Le bruit du viol, dans mon rire. Je devrais faire ce que je fais. On dit des choses, et un roi marche sur les pieds, pendant que les dents saignent le pigeon égorgé

 

J'aime les gares. Les pas pressé d'où grouille la vie dans toutes sa vitesse. Il prend la caméra, il filme, je me recule. Il me sourit et dit "non, c'est vous que je filmais". J'aime cet homme, dans la gare de Lyon, qui essaie de fixer le mouvement, rapide et invisible. Je me demande ce qu'on trouve au fond, toujours au fond, d'une poche, ou d'un corps, le détail qui dit, qui donne, qui prend. Plus que le tissu ou la peau. Le détail qu'on oublie ou qu'on cache.

Là, maintenant, je suis lucide. Là, tout de suite. Alors vite, je dis : Ravale. C'est la première chose qui me vient. Ravale. Mes mots ne savent pas atterrir. S'ils t'atteignaient, je serais en morceaux.

Ce qui était émouvant, c'était de voir l'ombre de ma grand-mère derrière les grandes vitres du Manoir. Un ombre qui surveillait, les bras croisés. Qui nous regardait, monter dans la bouche des filles. Je me retournais. Ce qui était émouvant, c'était cette ombre. Comme un petit quelque chose de mon enfance que je laissais derrière moi, pour rouler vers une autre sorte d'amour.

Et là, elle dit : "un visage d'ange, un petit monstre à l'intérieur, un monstre gentil, incompatible, surprenant". Et moi, je pleure. Je frappe les vagues avec les pieds, elles ne réagissent pas, silencieuses, dures, elles ne réagissent pas aux corps, moi je peux frapper toujours plus fort, elles ne réagissent pas aux coups.

Je suis le risque. Qu'on finit par oublier de pendre.

16 mars 2011

It's Cloudy

 

Ecrit en cours, jamais relu, en automatique, en dispersant mes pensées tout alentour. Sur le visage tragique, voisin, dans l'obsession bleue de mes angoisses, sur le crâne chauve ployant de reflets neufs, sur le ciel en crépit de la salle pleine de professeurs, longeant les étagères d'études sérieuses. Les yeux sur le commutateur, les lampes blanches, les nuages.

 

et tes cheveux collent dans mes yeux quand je te fixe trop longtemps. Ton parfum remue dans ma bouche avec les saccades d'un homme dans les bras d'une femme. Tu as la colle des bielles, les noeuds serrés autour de tes poignets de blanche. Tu as cloué l'horizon à une idée fixe et pleine. Tu as le trousseau des absentes. Le mouvement d'horloge de tes pieds qui perdent le rythme, et l'harmonie. Je ne sais plus les serrures que mon corps ouvre, ni les endroits où la position de ma muqueuse devient la force des Arts. Je suis une oeuvre en suspension, je pends à des ballerines mes hampes mouvementées. J'agace le visage tragique. Je frappe à des portes modernes. Avec les coudes, je râcle les cauchemars. J'ai ouvert les bras, et la nuit est venue jusque dans le propfond lac silencieux. Les choses se sont mêlées de moi, elles ont parlé autour de mon sommeil comme d'une bête morte qu'on touche sans faire xprès, contre lequel on trébuche.
Je veux etre la chute de tes paumes, la larme qui glisse sur ton menton, le sang de ton enfance qui bat encore dans tes tempes; Il y a des gens vieux pendus dans les arbres, et des barons s'y perchent dans des langues gigantesques. La littérature est trop pleine d'idées denses, étouffantes, suffoquées , qui entravent, qui délimitent. L'odeur. Qui. Vient. Se. Figer. Sur. Le stylo jaune, l'encre verte bue à la première stance, les déclarations écrasées, es fruits secs, les peaux argentées, les petites filles aux stores cassées, les manches gisants, les portes rouges qui s'ouvrent par le milieu et la poignée sur laquelle dérapaient tes peurs. Des coquillages engouffrés du bruit de la mer, tu avais la bouche salée comme l'Océan, et tes lèvres font des vagues consciensieuses.

La dictée des émotions accrochées par la barrette noire de tes premi-res fois, tu déchres sur ma peau des chignons de Chinon.

 

Cent fois des cris sont venus se livrer, cent fois je les accueillis, ils spont à l'étroit, et parfois, quand ils n'en peuvent plus de se marier avec les douleurs de ne voir de plaisirs qu'en liège, ils s'évadent par les plaies des filleules. et quand je me déplace, je porte en moi tous les cris que vous avez refusé, toutes les colères que vous ne comprenez pas. Ta peau est enfoncée de mains, tes cernees ont giclé en la liqueurmauve du vinJ'ai la nausée des yeux sombres; Monsieur D. je vous embrasse, vous êtes 15h15 au rendez vous d'un Marignan d'adolescents.Ton gilet noir pend sur ton col blanc, on dirait l'anarchie soumise, la reddition de l'espoir. Au porte-manteau il y a un poète que personne ne peut voir, à la pomme ronde, enflée de sacifces, encore un cri tiède que j'avale, et je m'habitue au poison délicat qui file entre les rides des appétits. Ton visage est une tragédie, tous les drames que tu n'as pas vécu tu le suppportes dan s tes yeux, ton rire a la tristesse des malheurs inconnus, des songes épurés, aux ondoiements de danseurs.Quand tu vas être heureuse, que tu t'apprêtes à l'être, que tu tu t'y destines au bonhuer, une ombre te passe sur les cheveux, te tombe sur les épaules, tu as une cape, et un voile de gaze dans tes joues, je ne sais pas pourquoi, dans tes yeux percés de gris, tes iris gorgés du chant des mouettes, je te trouve belle, quand je t'imagine en larmes. Autrement, tu es noyée par le paysage, et j'entends tes poumons en miel s'agiter comme des ruches. La vie absente.

Je t'embrasse. D'avoir essoré ma nuit sur ton innocence.

Depuis dimanche, j'ai dormi trois heures, mangé une demi-crêpe, je fais des essayages de mes nouveaux vêtements d'écrivain, ils sont lourds, sentent mauvais de vin frelaté. Font fuir les habitudes, c'est un habit hyperallergenique. Je n'arrive plus à retenir les excès qui hennissent en moi, leurs reflets s'en vont en morceaux. J'ai le corps décrêpi à force de baiser des imbéciles. Mes excès. Qui débordent de moi et giflent ta bouche voisine. Et je me moque des silences graves. Je sus indifférent. Bien trop. Je suis né avec la peur des cauchemars, avec les images longues à attendre dans ma chambre la respiration monochrome du sommeil. Je pense à la nuit qui viendra me chercher à l'endroit de l'habituel rendez vous, à mes mains déformées de poésie qu'elle prendra sur ses sains, et mon corps capturé dans le filet étroit des ombres maillées. J'étouffe dans l'épuisette mes ouies rouges déchirés à l'hameçon du frisson. Je ne sais plus retenir ce que je brimais. La douleur a des vertus de femme méchante. Douce les tendresses apoliniennes. lames rieuses qui brsent ma bouche et mes doigts. J'ai du sang dans les arbres touffus de mes vitres. Tout un alignement de baies sucrées qui divisent la lumière en rectangle transparents. J'ai des manies d'irrévérent quand je parle. Je suis une insulte qui se déploie, j'ai des parfums de pamphlet bien sûr qui meurent dans le jour. On ne voit plus rien que mon silence.

 

Publicité
15 mars 2011

La première puissance

 

Ton visage est bleu, rouge, vert. Je voudrais être le départ. Le visage que tu ne touches pas. Le visage que tu crains. Celui qui n'est pas encore tout à fait exact. Pas encore tout à fait dessiné. Sans ombres encore. Sans "oui", sans naissance amoureuse. Sans eau qui coule entre les yeux. Être le premier que tu fuis. Entre nous il y a quelque  vide. Ce quelque chose c'est l'abîme qui siffle. L'irréconciliable distance. Je crois que c'est ce que j'aime. Nous sommes distants d'un vide insurmontable. Une obsession dans le sommeil. Le bruit du verre qui explose. Le bruit du baiser qui claque entre les deux murs de ta chambre. Être le grand pays de l'unique fois. Etre les gestes de bandits sur le corps. Un jour je porterai un masque. Et une robe déjà fendue Une robe fendue au couteau. Une robe sans doigts qui la froisse. Une robe déjà fendue, pour être la première pierre qui ruisselle au fond de l'abîme, tout de suite. Sans visages. Tu diras "monstre" comme j'imagine le soleil en pente libre sur ton menton, comme je tends les doigts pour récupérer les miettes de ta lumière. Le soleil qui coule sur tes lèvres. Tu diras. Tu verras. Tu arrives à l'heure du corps. Tu arrives à l'heure des oiseaux. A l'heure de l'erreur. Et quand tu partiras, je t'aiderai à me fuir. Amour. Amour fendu sans visage. Vite, va t-en. Fuis-moi. Je dirai "Fuis-moi". Ca te fera rire. Pleurer de rire. Je ne remettrai pas ma robe. Va t-en. Quitte tes draps de pudeur. Quitte tes nuits sur ton toit. Va t-en. Descends. Il y a le grand escalier que tu connais par coeur. Tu me portais sur ton dos, robe fendue, tu posais tes mains. Descends. Et surtout, sors à droite, l'air est plus léger. Il va falloir savoir respirer après la salle de classe. Gonfler la poitrine. Respirer sans se brûler la gorge. Tu pourras courir. N'aie pas peur. Fuis. Cours dans la normalité, sous les gouttes de l'eau usée. La pluie tu la connais. Je balancerai tes pleurs par la fenêtre, ils iront jusqu'à toi, fatigués et délicieux, pour te rattraper, dans cette course. Cours avec les bruits. Avec mes bruits. De tissus qui se fendent. D'os qui se cognent. Cours dans la mer. Cours dans la fente de ma robe. J'ai pris tellements de femmes que j'ai jusqu'à leurs formes. Je t'aiderai à ne pas patauger. Tu disais "tu entends ? tu entends ? Tu es un enfant". Souris-moi et fuis, s'il te plaît loin. Va-t-en derrière le brouillard. Fuis mais souris. Ton visage est de toutes les couleurs. Tu aurais dit, peu importe, je t'aurais offert ma couleur de somnolence. Cueille les jeunes corps parfumés qui seront troublés par mon cerne. Par ton sourire, par mon sourire, parce qu'il restera de mon désespoir sur le tien, mon sourire dans le tien. Il restera la trace de ma pensée entre tes dents. Cueille les. Tu devras fendre leurs corps trop lourds. Tu reviens vers moi, et tu dis, mais je n'entends pas. Mais je ne suis pas celui qui fait les choses, je suis dans l'incapacité, je voudrais être, mais je ne peux que devenir. Tu auras le visage soudainement large. Large comme ton coeur. Je tire sur l'élastique. Je t'éclabousse de vide. Un miroir entre deux autres qui empêchent les reflets de s'apercevoir. Cours et si tu ne sais pas pourquoi, je lâcherai un oiseau qui se confondra avec le vent en liberté, pour que dans ta course, il puisse se perdre dans tes cheveux, et te voler celui que j'ai failli être. Le premier oiseau, la première course, la première fuite, le premier visage qui file à l'allure du vertige vers le port anglais.

15 mars 2011

Les scrupules de l'amoureux.

"Toujours si je te vois je tremble
Comme à son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble"

Louis Aragon - L'amour qui n'est pas un mot.

 

J'ai eu peur D. Peur que tu ne reviennes plus. Ta présence, ici. Dans les vagues de mes crises. Sur les tambours de mes peurs qui font une marche où reposent les aveugles. Je suis la chrysalide de la parole. Tu n'as jamais vu naître les insectes aux ailes ridées. J'ai eu peur. Peur que tu ne lises plus. Comment dire. Je ne supporte pas ta lecture. Tu es le bruit de la guerre dans la bouche sourde. Le silence. Comment. Je n'aime pas la paix, mon corps s'est habitué aux batailles. Mes nerfs ont prolongé la vie plus bas, plus bas dans la rivière. D. Je sais. Je sais tout. J'ai toujours su, comment ça pense un corps, comment ça se déplace une colère, dedans, tout en profondeur dirièse. Je ne le dis pas. Que tu es ici. Que je décompose ton parfum dans mes oreilles. Tes yeux m'émeuvent, ta méchanceté m'amuse. Tu es. Le corps fier. Qui rend le baiser faible douleur comme la morsure. Tes mains brûlent. Je n'aime pas que l'on me touche. J'ai l'impression que l'on me traverse. Ne me touche, plus s'il te plaît, c'est comme si tu atteignais le foie. L'organe, le filtre des images. Le foie. Où elles coulent, en gouttes les pensées. Multicolores images, et le pigment de Matisse, qui résiste encore au pinceau, qui résistera toujours. Les hommes dansent, les petites filles ont des cerceaux beiges. Je les regarde. Je te garde. Mes nerfs vont bien. Je suis malade, ça ne se soigne pas. C'est cent-quarante-six, et les mathématiques faciles. Cent-quarante-six jusqu'à l'infini. Le quotient intellectuel, ce qui ne se réduit pas. J'ai tout pris, pour ne plus voir. La sottise. Avec son menton d'animal sauvage, pour ne plus sentir la crinière des chats me gratter l'oeil. Je me suis drogué. Je couche. Avec des filles. Le mardi à minuit. Demain je dirai "je vais à Saint-Michel, je vais faire un tour dans la littérature". Le corps littéraire de Pauline le coquelicot. Le corps de pages, d'histoires, de ravages, de Pauline, la bouche pleine de désirs. La bouche qui fuit sur mon corps. Pauline me revient. Toujours. "Demain à Saint-Michel" je le dirai, "pour la littérature qui ne s'en souvient pas". Et j'irai abîmer mon corps froid sur son corps froid. J'irai. Je dirai la littérature, encore. La littérature, qui oublie. Qui triche. D. tu es le lieu de ma famine, tu dois le savoir, tes yeux bleus chatoient comme les mûres ensanglantées. Mais je n'attends rien. Je n'espère rien. Ce n'est pas triste. J'ai cessé d'attendre, je suis en avance aux rendez-vous depuis la naissance. Mon désir est une suggestion. Mon corps s'est absenté, il a pris la vacance que les 146 bêtes interdisent à la pensée. J'ai noyé les idées sous les vêpres d'alcool. J'ai bu des litres de larmes d'amoureuse. Rien n'a changé. Les pensées obstinées, sévères. Ca ne se noie pas la folie. Ca flotte, c'est en bois. Je me penche avec des mots vers toi, des mots sacrilèges. Ton existence me rend heureux, tu es une figure d'Eglise, tu es sacrée dans moi. La mosaïque cassée. Je te prie. Fixe mes habits froissés, ce sont mes cauchemars qui entrent dans ma chambre à toute vitesse qui renversent tout, et me trouvent, déçus, éveillé. Je ne pense pas à toi. Jamais. Je te sens. Je connais ton haleine suffoquée, je connais les recoins oubliés de toi. Tes reins en brouillons. Si je devais reposer quelque part, ce serait dans tes souvenirs chassés. Il y a un berceau qui grince, une chaleur en osier. Couvre moi de tes silences. J'aime quand tu es cruelle. Je sens tes yeux qui deviennent des lames, le jour s'y dépose, le jour que j'attends, tout l'hiver. Je fais comme si, c'était grave. Comme si dans moi, la catastrophe, les cascades et les noyés. Tu le sais. Depuis le temps que tu lis ici. Je suis changé du reste des gens. Je me disais, dans les cahiers à spirale de mes douze ans "c'est comme si dieu n'avait plus assez de matière pour me faire comme les autres, il a mal recouvert mes nerfs, il n'y a pas assez de peau, de muscles pour me protéger". Quelque chose a échoué dans moi. Quelque chose comme tous les marins aux yeux de varechs phanies. Un jour je t'appellerai, mais pas tout de suite. Je t'appellerai, il sera tard. Tu dormiras. Tu auras la voix collante de sommeil. Je parlerai, sans laisser aux mots le temps de courir. Je parlerai, avec les phrases en farandole je boucherai les fuites dans les canots des désespérés. Plus tard. Seulement. Tout de suite, je te dévore encore avec mes mains de flèche, avec mon indifférence amusée. Pourquoi, suis-je indifférent ? Pourquoi, senti-je l'indifférence qui se jette en moi avec la même rage que l'amour. Qui imite, la fougue des passions, l'indifférente puissance. Tout en moi. Je suis gêné, quand ton regard se dévisse, que l'oeil ne suit pas la trajectoire exacte des paupières éduquées. Il y a l'échec de la norme dans ton regard. Je le recueille avec les eaux vives des tourbes. Tu sais. Quand je te regarde tes yeux. J'ai l'impression d'un soleil fatigué qui dévie de son orbite, le bleu de ta nuque échappe à l'ordre. Ton oeil se révolte contre les logiques. Comme si tes yeux de n'être pas alignés pouvaient se croiser dans l'infini, que ton regard trébucherait sur l'horizon. Le point de mire. La ponctuation des fuites. La lumière des phares. Ce n'est pas de l'amour. Ce n'est pas grossier. Je ne sais pas comment nommer ce tourment. Ce qui me plaît, ce qui m'entraîne, tes cheveux agglutinés de lumière, la masse compacte des astres brûlés, joue encore le Boléro dans mes tempes, D.. Si tu savais. Ma poitrine crépite un songe que je n'ai pas pu faire. J'ai retenu les rêves au bout de la fatigue. Quand je me suis piqué, la première fois, à la drogue dure du temps. Quand je me suis enlevé des minutes de dans la veine, le sang était rouge, translucide. J'ai fui de la mortelle seconde. Je ne peux plus mourir, j'ai visité tous les enfers, fouillé toutes les audaces. Le monde est un plâtre maquillé. L'os fracturé. J'aime, ma distance, j'aime ma tristesse. Je suis profond comme un regret. J'imagine des bouquets de soucis jaunes qui se découpent sous les ciseaux des enfants. Pense au mouvement de ta couverture jusqu'à ta bouche, pense, dans mes draps, c'est la mer qui me remue, la mer qui enfle turbulente, avec ses hélices de Paquebot, avec ses chants de nègres enfuis. Je pense, aux délices d'une femme à la première larme. Dans ma peau je sens des évadés, des histoires. Je suis grouillant de mille existences. J'ai appris tous les mensonges des hommes, et je les distribue aux passants. L'aumône de l'immoral. Je t'aime comme la berge lointaine du péri de la mer. Je t'aime comme la surface du noyé. Je t'aime comme le sommeil de l'insomniaque. Je t'aime dans l'impossible présence. Je hais ta réalité. Petite fille. J'ai bu la coupe de vos habitudes et j'ai vomi le poison. Mon corps la refuse. Tu vois. Il préfère la flamme à la cendre.

Mon amour est chatouilleux. Ce n'est pas une déclaration d'amour. C'est le hurlement du silence. Sa toux animale. Pardonne-lui s'il te plaît, je suis une bataille perdue.

 

14 mars 2011

La paupière chaude.

Il y a des gens qui ne savent pas. Qui ne peuvent pas. Déceler dans le langage l'autre degré, l'autre chaleur. L'ironie c'est le faux-fond du langage. C'est le secret, la cachette pleine d'esprit. C'est là que se terre, le sens. Secret. Avec son chignon de crêpes. Avec son visage qui continue dans le noir. Il y a des gens qui n'entendent pas les genoux indécents du songe. Le quartz de ses yeux d'horloge. Qui se tient, qui soutient, le temps passé. Je tiens toujours deux langages, il en est un qui se menace, la face cachée. Derrière la représentation brune de la lune, avec ses yeux de perdreau, avec son cou tout noir qui prolonge la nuit jusqu'au delà de la panique. L'esthétique des phrases que l'on force, qui marchent dans la neige, les pas plein de sang; Qui laissent leurs veines comme des tirages dans le fond de la boue. Il y a des puits secs, où dans la terre humide, des visages d'argile meurent sur les routes. S'éteignent avec les lampadaires grésillants. Il y a deux langages dans une grammaire, il y a une hésitation qui poursuit, dans la nuit, une certitude. L'assurance de la folie, c'est de continuer sans fin, d'avoir un corps qui ne s'arrête pas, partout, qui peut se blesser contre tous les objets, toutes les planètes, qui s'écorche dans les cils de barbelés froncés de neuf. Celle qui se digère, avec l'absence, celle qui y plonge avec des noeuds de marécage, celle qui y dort avec des scues. J'entre dans des salles secrètes, où le langage n'a pas encore tiré le vin. Il tirera pour mettre le feu au mental, il se tient dans la salle sombre, dans le double-sens, il va jaillir, le sens, il va jaillir plein de placenta, il va jaillir comme un foetus de la mère avortée; IL va jaillir. Violet; Dangereux. Dans un habit de tankiste noir. Ca ne s'arrêtera pas. Ca ne s'arrêtera pas la nuit, de faire vibrer les rails du délire, où s'envoie la prunelle. Il y a mon reflet qui se tient dans la vitre, dans un monde plein de lumières et vidé de sons. IL n'y a pas de musique là-bas. Ca ne filtre pas. J'ai des paupières brûlées par l'insomnie.

J'entends. J'entends. Revenir. Des souvenirs. C'est la mer, Saint-Michel. C'est son pas fou. C'est le cheval malade, cabré, l'étalon sauvage qui sabote mes yeux. S'y tiennent deux impurs qui se débattent, j'ai des yeux de tourbière. Qu'on y ramène de l'enfer des flammes. Des montagnes hautes comme des bustes, que l'on coule dans des bronzes des idées changeantes, que le cuivre du visage se déforme sous la main audacieuse des passions. J'enfonce les doigts, avec mes dents je creuse dans l'absence un visage. Montre moi une photographie ratée. Une photographie de la nuit. Montre moi. On y voit mon absence, toute mon absence. De mon corps qui ne s'arrête pas; de mon corps qui plonge jusqu'à la mer, qui afflue, de mon corps qui se prolonge partout. Je suis toute la nature douloureuse, tous les espoirs réunis, qui cèdent en cascades, qui rugissent des fumées, le centre du moyeu, le cri souterrain de l'eau qui cherche la faille terrestre pour faire une source d'eau nouvelle. Pour surprendre dans son reflet le jour, pour surprendre dans son ombre de flache les oiseaux, les faunes, les flores. Pour. Créer avec des idées, pour les réunir, sur des corps, sur des objets. J'ai rendu vivant des pensées en recouvrant d'un manteau noir d'idées les pierres inanimées, les poussières de peaux mortes, j'ai dressé des souvenirs comme des animaux sauvages, j'ai fait des mots, des serviteurs dociles; Dans moi se sont réunis des complots prêts à écraser les villes réelles; Je veux remplacer l'âpreté du vrai, la rigidité d'une loi par un monde de pensées, d'idéaux, je veux féconder les images viriles qui se produisent dans ma tête, les multiplier, les faire mettre leurs filaments d'ombrelles, leurs tiges d'angoisses plonger jusque dans l'inverse des moiteurs. J'ai chaud dans la violence des violencelles, où les doigts jouent sur les nerfs à l'archet du plaisir, pour faire jaillir la bordée suffoquée et douce de couleurs. Ces fleurs peintes de parfums, prêtes à déborder, qui roulent et éclatent comme la beauté au milieu d'un visage, comme l'amour qui jaillit des vagues du sommeil qui vous étouffait pourtant. La nuit il y a des menaces qui prennent position dans la misère, que s'érodent en attendant des genêts aux pistils de soufre, des morts ouvrières compostées comme un ticket de tramway. La page blanche dessine le bouillonnement des lustres, la lumière coule dans les fenêtres qui ne peuvent pas la retenir en entier, la lumière déborde des surfaces réfléchissantes, la lumière qui tombe en grosses gouttes humides dans les cheveux de D. dans la bouche, sur les reins que personne n'arrache au silence. Mon corps et moi écrit Crevel. Son corps et lui, c'est le long drame, c'est la tragédie sur les pavés humains. Ton ombre de store, rayé par la lumière, tu es blessée par le jour qui t'entraîne de son pas plein de métros. Plein de gravité. Il y a. Une chanson qui prend puissance sous le pas. Je disais. Sous ma course le bitume pleure, l'écho des pas qui s'approchent, qui me suivent, qui m'enlacent, c'est la terre gémissante sous mes pieds. Mes plantes. Sous ma course. Inarêtable. Je suis inarêtable. Ce qui me pousse ne s'arrête jamais. Ce qui m'écrase, un prénom. D, ne s'appelle même pas D., D. est une cachette, le double fond. Ajoute un barreau à la prison du prénom. Pour former le nom. B. C'est de B. que je Cause.. Il y a. Des idées. Partout. Autour de moi. Des idées; Je ne connais personne. Je connais des endroits. Je les réduis de la matière jusqu'à la pensée; Je les diminue. Je les écorche, plus loin que la chair, plus loin que les organes, plus invisible que la lymphe, plus profond que l'humeur, l'instinct, je me plonge mes mots jusque dans l'âme irréductible, tapie, secrète; L'âme tendue comme une fuite émondée. L'âme méfiante. Qui est cette fleur, l'âme, qui roule et qui perce la terre gonflée en libérant son odeur dangereuse sur son chemin, sur sa route, sur sa voilure de pétales, sur ses tiges nerveuses prêtes à entrer en crise. Qui entrent en crise. Regarde le visage des natures regarde les statues marquées dans les arbres, regarde encore les tables lustrées où sont passées maussades les désirs des hommes, des pauvres, des fauves.
Il y a un pigment en dehors de la peinture. Il y a un pigment qui saute de la lumière. Qui résiste à la pression du pinceau, qui résiste encore à l'enchantement de l'Art. Un pigment bleu qui ne se laisse pas faire par mes doigts d'écrivain. Un pigment comme un visage, qui se tient en dehors du miroir. Un pigment. Juste un pigment en conflit. Un pigment courbé. Un pigment aux hanches femelles. Un pigment au corps moulé par les robes parfumées. Ce pigment de couture. L'aiguille des huiles.

14 mars 2011

D'être amoureux, j'ai tous les soupirs de l'habitué.

 

La vie est arrivée en retard. S'est déposée en moi comme une surprise. La vie m'envahit. C'est une amante distraite qui attend sous ma douleur violette l'amoureux. Elle se dépose en moi. Elle regarde l'heure à l'horloge de mes cils. Le lieu, c'était au dernier chagrin avant la mort. La vie déposée en moi ne m'appartient pas. Elle est une expérience. Elle s'est glissée là. Pour voir combien de douleurs pouvait endurer. Jusqu'à treize ans je supportais tous les tremblements. J'ai eu tous les regrets en un prénom.

 

Quand j'ai dit à Marina :"Qu'attends-tu de la vie ? Peut-être un baiser". Elle a répondu "exactement". Et puis j'ai pensé à ce rendez-vous avec cette fille. Cette saison renversée. Elle m'avait dit "attends-moi". Rue du Soucis. Devant le couloir. Près de la gare. Je suis la bordure. L'enfant tétanisé. Un rendez-vous. Avec la vie. Avec cette fille. D.. D. et sa peau séchée. D. que je ne connais pas. Je suis protégé par ma fièvre. On complimente un talent. Un monstre. Un monstre d'écriture. Je rêve de S. Dans mon rêve, je lui frappe le ventre avec ma langue. Elle a des moustaches qui lui poussent autour des yeux. Son menton fait craquer mon nombril. Dans mon rêve, je ne maîtrise plus, je perds mon abri, je perds mon corps. Dans mon rêve, elle portait 3 culottes. 3 étages. Dans mon rêve, S est divinement laide, parsemée de dieux comme des puces sanglantes et collantes qui lui aspirent l'humidité de sa langue. Un bout de viande. Dans mon rêve, je dis à S "tu me décomposes". Aujourd'hui S m'a dit "Au revoir, je ne veux plus te parler". Moi, j'apprendrai à vivre sans elle, sans la trace de son corps, toujours trop violente. Donner rendez-vous à la vie. Je rachete mon invasion. Il pleut des accents britanniques. Je vais devoir attendre D.. Dans mon attente, abuser des corps qui passeront devant moi. Les manger du regard. Mes yeux peuvent tout engloutir. Mon foie le plus propre. Je suis en plein délit. J'attendais D.. J'attends la vie. Je suis comme la rumeur de l'amour, on me désire sans me voir. Je vous en prie. Un otage. Faîtes de moi, un otage. Mes cheveux ont tellement de fois cogné mes lèvres bleues, gelées, cinglées, bandantes. "Ne te baigne pas Jonathan, c'est trop dangereux les yeux bleus". Le danger de la mer, qui prend le corps. Le danger d'attendre D. qui prend l'envie. Le danger d'attendre la vie qui prend le reste. Vous, Monsieur, emportez-tout. Dîtes à D. que l'oiseau est mort hier soir, au bord de mon lit, qu'il sentait l'essence et l'égout, que j'y ai trempé mes lèvres et mes envies. Dîtes-lui. Que j'ai enfanté l'oiseau. Que je ne suis plus vierge. Que j'ai enfanté un cadavre. Que l'enfant lui ressemblera. Quelque chose qui n'existe pas. Dîtes-lui. Je m'en vais attendre la vie. Je charrie un amour. Mes yeux transpirent l'eau de Cologne ou de Francfort. La danse des corps en lambeaux dévale la forme de ma silhouette comme un galet lancé à grande vitesse sur une falaise abîmée. Dîtes à D. que j'aimerais ne pas l'attendre. Que je suis un incendie. Je ronge. Je fais fondre. Il fait chaud rue du Silence. Un vent tiède qui rend mal à l'aise. Qui glace et chauffe. Je sais. Je sais écrire. D. arrive. Je la vois. Je vois sa mince sensation qui se précipite vers moi. J'ai eu envie de courir dans le sens inverse. Monsieur, dîtes-lui de ne pas m'approcher. Ravel aime danser avec moi "on dirait une femme sa musique". D. arrive. Comme un risque. Les battements de mon cœur ont écrasé le sang sur mon visage. Pincer. Pincer. Le blanc des yeux. Lui extraire la vie. D. s'approche. D. ne peut pas et quand elle repartira je ne dirai pas "tu étais si jolie". Alors, je vais détester D.. Mon été est une maladie. D. va souffrir d'insomnie. Je suis léger. Seule la rue est lourde. Les pas réguliers de D. retentissaient sur les murs, faisaient échos aux centaines de corps de la ville. Tout se heurte à D.. Mon rendez-vous est une puissance. Deux jeunes gens. Mon corps m'invite. J'ai envie de gifler. Gifler. Ecrire. C'est un peu la même chose. D. est électrique. Elle est là. Mais elle passe à côté de moi sans me regarder. Le pas pressé. Je ne la connaissais pas. D., un paysage perdu. Un corps qui me brutalisait de l'autre côté de la ville. Un corps choisi au hasard, qui ne s'appelait même surement pas D.. Quand je pense au rendez-vous de la vie, je me dis aussi qu'il n'existera peut-être lui non plus jamais. Et je dirais : Monsieur, allez-vous en, je m'en vais mourir.

 

Maman me dit "tu iras ?". j'ai dit que j'irai. J'oublie Marion. Je n'ai pas de nouvelles et je n'en donne pour l'agacer. Au téléphone, la dernière fois, elle me disait "Je fais des projets avec Mathieu, c'est la première fois qu'on ne me fait pas souffrir". Je n'ai rien de garçon en moi. Tout est au sexe différent. Au sexe de l'enfant. J'irai à Annecy. Marie m'y attend. Marie déplace sa salive sur mon bassin en riant, avec élégance. Charles est adorable, quand il dit "Pardon Jonathan", au bord du Lac des souvenirs à 17hOO. Quand le soleil tue. Pardon j'ai 10 ans. Je prendrai le train. Je tiendrai la main de mon frère et lui dirait "tu vois, c'est pas si impressionnant que ça". Et je chercherai un secret. Tu pars ? Oui, je pars. Je chercherai un secret que je trouverais sur le quai quand Marie s'exclamera "Viens !". A St-Malo. Plages. Digues. Villas. Béziers. Anaïs dit "on prendra plein de photos!". Marie répète "Viens!Viens!". J'aime suivre l'enthousiasme des corps qui veulent vivre. Je partirai, avec Marie.

Elle regarde les vagues. Les digues sont rompues. Les plages abandonnées. La nuit m'embrasse. Berce le bruit du sable. Les bateaux ont faim. Les parkings, la nuit, sont remplis de requins aux regards jaunes. L regarde les vagues. Alexandre se noie. Derrière moi, le pays éclate de rire.

J'ai souvent peur de perdre mon grand-père. Alors je lui répète souvent "c'est doux la vie", comme pour ne pas qu'il l'oublie. Un jour, il n'a pas répondu, alors j'ai dit "embrasse moi grand-père".

Et puis, je dis "j'écris jusque tard la nuit", alors là, je me sens comme un assassin. Doux assassin, qui discrètement s'avoue coupable.

C'est Jane qui chante "fuir le bonheur de vivre, de peur qu'il ne se sauve". C'est mourir pour mon père. Ecrire à Amélie "je serai écrivain, ou je ne serai qu'a moitié". Quand j'étais petit, je disais "je veux être une légende". Je voulais être une légende avant d'être écrivain. Je crois que l'écriture est un pont, une carte, un chemin secret.

Cent-soixante six points.

 

13 mars 2011

Appels anonymes.

Il y a dans l'écriture une impuissance à etre parmi les hommes. L'impuissance transformée en refus. L'impuissance des rois.

Quand tu appelles, sans ne rien dire, que le téléphone sonne deux fois et qu'aucun numéro. Je n'ai pas le temps de répondre. J'ai raté des sortilèges. Mais je connais ton odeur.

Parfois, quand je ne suis pas au rendez-vous, c'est que j'y suis depuis trop longtemps déjà

Tu te souviens, Héloïse, de cette jupe fendue, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai, tu disais "j'ai tout abandonné". Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. On me cache. On ose pas me parler. On ose pas. Tu te souviens comme tu dansais. En contre-jour. On me cache. Comme je cachais les formes de ton visage dans mes mains. On ose pas me parler. Ce n'est pas vrai. C'est l'écriture qui fait ça. Je le répète : c'est l'écriture qui fait ça. Je suis l'écriture cernée. Tu te souviens comme nous étions jeunes. Elle dit qu'elle a le vertige de la terre. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai. Je suis l'écriture. La tienne. J'ai le baiser qui se renverse. Il ne t'atteint jamais. J'écris pour toi, D. J'écris et je te dis que je ne supporte pas les pleurs de Baudelaire, qui éclaboussent de gras, de solitude, de vide. Alors je passe ma langue sur les lèvres, pour nettoyer ce qu'il restait de ce sanglot. Je te parle d'une attirance. Comme celle de Loriane. Loriane est dans ma course, dans ma vitesse. Les muscles, le sang qui monte aux cuisses. Dans cet essoufflement là. Là. Je suis dans la vitesse, et je te reconnais. Tu es dans la même allure que moi. Dans le même rendez-vous, de l'écriture. Je te reconnais, à toute volée. C'est notre course éperdue sur les racines pour apprendre à disparaitre et arriver à écrire. Ce souffle que je reconnais, c'est le souffle de l'écriture qui obsède. Je soupçonne Marion d'être moi même. Héloïse tu demandes si j'aime. Je dis que je veux ta main dans mon dos, sous les habits. Et ça, ça ressemble à l'écriture. Là. Maintenant. La répétition d'un geste interdit. Ce n'est pas vrai. Tu devrais t'énerver. Tu devrais. Je veux que tu t'énerves. Je veux que là, maintenant, tu t'énerves. Sinon, tu seras comme Baudelaire, tu ne comprends rien. Tu te souviens, comme j'ai besoin qu'on m'épate. Après mon corps, il y a l'écriture. Après l'écriture, le cadavre du corps.

Au Rendez-vous, je regarde et je dis : quand j'entends son prénom, je pense à une obsession

13 mars 2011

Quand je me tais, mon silence veille sur vos cauchemars

"Ne me regarde pas ainsi, toi, ma pensée!
Toi que j'aime à jamais, ma soeur d'élection,
Quand même tu serais une embûche dressée
Et le commencement de ma perdition!"

Charles Baudelaire - Femmes Damnées

 

Sais-tu, que tu viennes toujours en éclat de quartz usé sur mes lèvres. Sais-tu, à 3h00 quand je sais que tu lis ce que je n'ai pas encore écrit. J'ai peur. Nouer le tard à mes cheveux de cassis m'angoisse. Il y a dans ce geste le pressoir des vendanges. Les mots, je les bois lentement. Comme un vaccin. J'entends tes pas. J'entends tes pas de satin, glissants, sur l'arc de la nuit, avec l'appétit des fauves dressés. Quand les bars ferment sur mes bras, j'écris au comptoir, je parle à la serveuse, qui me dit "je peux lire ?" Je lui réponds "je ne voudrais pas vous faire peur, vous n'en dormiriez pas, je ne peux inviter personne dans mes cauchemars sauf des consentants, sauf des indifférences et des romances, ce qui revient à la même chose, au même silence. Vous ne voudriez pas savoir, mes mots, sont des mots qui s'en vont. Ce sont des mots comme des oiseaux aux bec de matin, leurs chants éclairent avant la lumière les pas des rêveurs. Vous ne voudriez pas savoir, le bruit que fait mon silence quand il quitte une chambre d'hôtel où Wendy dort, où Wendy pleurera bientôt". J'entends des pas, au milieu de ton sommeil, et je crois qu'il se trouble pareil au mien des images sauvages. Je finis d'écrire, dans ce bar ce qui sera ma névrose, le vestige de mes frissons. J'ai ri ce soir. Promis. J'ai ri. J'ai embrassé virilement une brune qui passait par là, et qui me rendait le baiser en me glissant dans la poche son numéro. Et comme tu me lis depuis ton téléphone, je finis de recopier ces lignes depuis le mien. A ceci près que tu lis pour rire comme d'une chanson idiote ; que j'écris pour être parmi la réalité autre chose qu'une odeur. Ma chair commence partout où s'inscrivent mes "je". Les hasards m'amusent. Mes nuits, je les finis sous le crachin de Paris, à l'ombre d'un merisier audacieux de nudité. Les romans tristent ont la peau humaine.

Tout me revient. Les souvenirs, la première fois, mon sourire dans la neige de son corps. Tout redevient, tout reprend. Le regard de Marguerite, et les treize ans en plis froissés. Les mains qui repassent par là. Les mains toutes chaudes de désir. A pas de loups tu glisses. Et si on avait des grands cœurs, des sauvages sur un toit de Paris. N'oublie pas ton chagrin, pense à mes étoiles. L'optimisme de l'évidence. C'est une visite guidée, dans cet amour. La famille qui repose sur les yeux. Ton chemisier plié au col, on t'a aimée trop fort, quand je n'étais pas là. Je ne sais plus aimer. D'un amour je n'ai pas guéri. Vieille plaie malade, ma poitrine siffle comme l'eau chaude du thé. Dans les prénoms usés de ma poitrine, sur mon coeur dur d'écorce, l'un demeure tout vif et douloureux. Il se débute par la majuscule commune de Mal. Par sa syllabe même. Ma---- Tiens moi la main, le corps, les jambes, marche, ouvre et brûle, et toi, offre-moi une petite robe de fête. Demain je suis une fille, j'embrasse les paumes d'un homme. Comment c'est d'être artiste ? Douloureux. Je ne te supporte pas. La présence des mots m'étouffe. Aujourd'hui, je serai très heureux de parler de toi. Tu disais "comme tu t'emportes, tu t'emportes c'est n'importe quoi", je répondais "oui mais la colère c'est moi". Comme la chanson. Comme mes yeux qui se taisent, accaparés par les souvenirs. Comme. Les rues fermées en paupières de silence. Comme l'impatience. L'impatience d'une évidence. L'absence. Tout ce que je sais de toi m'effraie, tout ce que je sens de toi me tue. Ton parfum, ton souvenir et mon oubli. J'oublie les gens, j'oublie les amours, je les mélange à d'autres amours, et l'on me dit "beau personnage, cette Marie". Je prends peur. Je ne me souviens plus, le visage originel. Je ne me souviens plus. Sélimée, j'ai oublié. Le premier prénom. La première larme de la cascade. Je ne me souviens plus. Les yeux vrais.

Il y aura toujours des malheureux. Qui ne savent pas voyager. Qui se déplacent. Il y en aura toujours des coeurs déçus. Il y aura toujours un coin fragile dans une maison. Où il ne faudra pas revenir. Chacun quelque part a ses treize ans gonflés d'horreur. Bubon. Il y aura toujours la première poitrine à embrasser et des lumières qu'on allume trop tard. Des fuites qu'on ne fait pas. Des mots qu'on retient. J'ai été à la meilleure école du crime ; celle des victimes. Des peaux trop blanches qui dégoutent les vagues, des jours qui ne se fondent pas, et les bouches qui annulent des mots. Toujours, la tristesse des mouvements. Il y aura toujours la durée de l'instant qui s'écoule et nous échappe. Les sommeils qui remuent la nuit. Il y aura toujours là bas, mais jamais ici. Ici, on creuse les grimacs et les yeux brûlés. Tu te souviens, de ton enfance à genoux dans le contre-jour, jamais ici tu ne trouveras de garçons comme moi qui pleurent sur la lune en tapant du pied les écarts des oiseaux sur leurs routes. Jamais ici, avec moi, tu ne verras de soir qui glousse, ou de mer sans fins, jamais ici, tu ne fermeras de portes, jamais ici, tu ne te reconnaitras. Il y aura toujours des écrivains pour te rappeler qu'il y aura toujours des malheureux là bas. Votre bonheur est insupportable, petite.

Je supprime les études nocturnes, quand le coeur bat de ses couleurs. Je m'annule dans les rideaux de la vie qui ne s'ouvre que sur le soupir d'une scène trop connue. Les corps rouges sur ton sexe Pauline, ils ont vu le champ d'orgie et de voix libératrices. Je me place devant toi pour t'épargner, ce ballet d'images fatigantes, coeur qui palpite sur le bord d'un éventail sans années, que j'agite pour souffler l'air de tes reflets, parce que mes yeux suent de notre mort. De la sentir remuer en moi, m'a habitué à son souffle tendu de précipices. La mort, je peux vous raconter le cauchemar qu'elle fait. Celui de me prendre. Celui de découper la chimère de mon corps, la mort dit « comment m'habituer à un corps que le sommeil, mon petit frère, ne visite pas ». La mort a dit « Jonathan est un château hanté, une absence, une douleur, c'est un dongeon plein de monstres inconnus ». La mort s'est endormi dans les draps du petit frère. J'attends son éveil, je monte la couverture, je baise son front de mes lèvres trempées de larmes ou d'alcool.

J'embrasse mon enfance à genoux, qu'aujourd'hui je peux toucher du bout de la langue. Position fanée. A part ça, je ne vous répondrais pas. Je suis l'incendie semblable de mon image. Je traîne sur mon pont, des animaux domestiques, qui ressemblent à...toi, petite vierge. L'amour est poli, il s'excuse d'être en retard. Il construit le bruit dans mes mains. Je joue la danse vertébrée qui perd l'haleine sur les cordes lunaires. Je joue et on me regarde avec des doigts de plume. J'aime que l'on se moque de moi. Quand on me dit le refus "je ne comprends pas, tu es un autre". J'entends, l'incompréhension. Je suis malade. Malade. Mais tu ne comprends pas toi, qu je suis dans l'incompatible. Dans l'écriture. En plein dedans. Je suis dans ce qui se dénoue, ce qui engourdie. Ce désir là. Dans cette peau là. Trop tiède. Je te jure, j'essaie. D'arrêter. L'écriture. De stopper sa vague fragile. De mettre des remparts. Des sacs de sable d'amours trépassés. J'essaie. La digue de l'amer. J'essaie. Je veux arrêter. Je redeviendrai l'enfant innocent,je redeviendrai celui que tout le monde dit, je serai la chose commune. Mes nerfs se tairont, mes yeux ne verront plus les folles images que la réalité me montre comme un vendeur à la sauvette. Les horloges de bois, les montres d'osier, et les statues de muslces. J'irai sortir la nuit, sans vous étudier, j'irai sortir dans vos bras sans recueillir vos parfums dans des tubes à essai. J'irai. Dans mes études, j'irai dans les livres sans violence. J'aurai le corps de la réussite. Un corps de femme. J'arrêterai d'écrire, et je vivrai comme vous. Diplômez moi de l'usage. Gâtez moi de l'ennui. Guérissez moi de la nausée. De vos âmes finies. Ne plus sentir. Ne plus savoir. Des pensées en ordre. Oui. Des pensées prêtes à l'emploi, qui se déballent. Donnez moi une épouse, un bureau, donnez moi ce qui me manque, je vous donne l'écriture et la toute puissance des ses images, je vous donne ses lacs de fièvres, et ses joncs de fillettes, je vous donne ses muscles liquides, ses lumières froides, je vous donne son ombre croisée et son ventre de prières, je vous donne toute ma richesse, je vous donne les chromes infidèles de la nuit et les peaux mortes des tambours pour la mendicité de vos nuits berceuses. Prenez moi dans vos mains de grenier, couvrez moi de vos grisailles. J'ai froid ici ! froid d'être, de sentir, de voir des images fraiches et nouvelles. Dans l'écriture, c'est plein de végétations, de forêts élégantes. On regarde les cris sur les draps. On me regarde et je remets la forme de mon visage en place. On me regarde et je fredonne un air qui gesticule vers le soleil indifférent. Celui qui me tourne le dos chaque nuit, celui qui place la lune comme un oeuf dans l'encrier de mon ciel. Je révolte le matin comme un cendrier des neiges. Je révolte les morts par habitude. Je balance mon alphabet au premier qui bat ma mesure. Je noie le feu de mes lèvres qui remuent qu'aujourd'hui c'est solitaire. Je prends le monde par les jambes, je le ruine en public, je suis la muette création, le vestige de vos hontes, et les doigts caressent cette échelle qui valse, du toit de la pudeur Littéraire. J'ai le parfum d'un cigare éteint.

 

Avec mes yeux ronds comme le monde, noirs comme la nuit, D., je te prépare des souvenirs.

 

Par paresse je me suis mis en retard de ma propre vie. Attendu à des quais en lierre, des trains déjà partis. Je me suis mis les pieds au vent, et les cheveux à la goutte de ciel. J'ai dans les yeux, cette attente étourdie. Je me suis mis en retard à la place saint-paul.

12 mars 2011

Avril.

 

L'étrange sensation de survoler, que rien ne peut atteindre, et que malgré tout, je le plus grand obstacle, la plus cruelle volupté, l'ennemi intime à mon éternité.

 

La terre s'effondre dans le désir qui sépare l'homme de l'enfant, le vertige, Marguerite, le lacet fendu sur le corps, qui permet aux langues de s'y cacher. La blessure entre les deux yeux. Comme un oeil neuf. Tu as mal, et je la chante, cette souffrance, cette putain. J'annonce le ciel qui se renverse. Je prends enfin forme, je n'ai plus d'armes. Nez mouillé. Gosse de vent. Essuie les gouttes de perles. Comme des bâtiments sans étages. Je suis assommé par l'amour. Je me penche sur vous, qui flétrissez comme un couteau dans une chair morte. Amours pluvieux. Je rampe. Je rampe sur le dos. Et je voudrais répéter. On crie dans les rues que l'on perd la virginité.

J'écris parce que mon corps ne me suffit pas. Avec les mots, j'ai l'impression de posséder ma propre peau. 

Petite fille, tu coules. Apprends à nager, reviens, au large, petite traînée, pâle saison, comme il est loin la papier que je caressais, ces lettres que tu écrivais, les heures sont tombées sur le sol, dans cette pièce fade, petite fille, tu coules sur le côté de mes sales rivières, comme il est lourd, l'amour qui attend.

Tu entends ? Comme il est lourd le jour qui ne vient pas.

Ma petite frayeur, gifle l'homme qui tombera amoureux, de tes robes d'hiver. Sonne minuit. Petite fille, apprend le Juillet de ton Août, la voix de Camille hurle et tu proposes l'Ouest à l'homme.

Petite fille chérie, comme il est lourd de s'aimer ici.

Peau mouillée, fenêtre fermée, le vent par tes yeux, le désordre te quitte, tu aimes.

Les sirènes ont des noeuds. Et tu bailles ton miroir. Comme il est joli, ton visage. Tout le monde a cessé de t'attendre. Demain sonne déjà dans la ville. Ta bouche est une distance. La cour te dégoute et tu y danses nue, avec les concertos de Bretchen qui tue leurs pâles visage salés. Il serait temps de m'user. Tu as les épaules dans la boue. Elle est si différente. Personne ne rejoins les amis dans la baignoire. Elle a la peau involontaire. Ta langue s'enfuit derrière un buisson. Gifle-les. Le thé beige qui s'échappe, a mordu tes lèvres pour atterrir dans ma gorge. Qu'allons nous devenir ?

Mademoiselle, j'ai perdu votre piste. J'ai jeté les D.

Aucun mot qui ne me fasse plus peur : Viens. Et pourtant, tu ne le dis pas, et j'en pleure

L'élégante femme s'abaisse. Fouille. Fouille. Je deviens instrument. C'est une peau dans le fond d'un atelier. Elle dit "j'allume", et puis les émotions imposent imposent leur funèbre mousse sur le temps. Elle souffle, et je lui dis "Non". On est en parage. Je suis l'instant qui noie. Je suis le corps pendu aux profils. Et je dégoûte d'écrire. Je n'ai aucun égal. Imposez Madame, bousculez. Les crachats sont suspendus, ouvrez votre bouche. Je ne peux pas non, je ne peux pas, écrire comme ça, comme si de rien n'était. Désobéir aux corps. Je suis ma désobéissance. Non, je ne devrais pas. On dit "pourtant". Je me met en boule, et je sais attraper, la prière des sexes. Je ne suis plus rien. Derrière moi, votre sang n'a plus de goût. Les femmes savent, le bois de la forêt, toujours prêt à brûler, toujours en attente, comme le corps qui donne la première leçon. Je suis l'élève. Mais Madame, les hommes ne sont pas prêts. Je suis encore un enfant, qui ne comprend pas comment se prononce le désir du corps, comprenez, ma passion est aphone, sa voix carillonne de jeunesse. On pourrait tout déposer. J'écris salope. Le lait de la terre, et le foutre dans ta bouche, font de moi, un corps qui te surveille, un corps qui écrit. J'ai avalé tes petites porcelaines. Ta peur est celle de tout le monde, la peur connue. La peur du corps qui échoue. Apprends moi une peur qui s'écoute. L'escrime d'une grâce. Je danse partout, allongé. Les passants s'arrêtent : "c'est pour aller où ?". Je suis trempé, il fait nuit dans le fond du corps, ce soir, je suis danseur à Prague. Et ma douleur est une confidence.

J'ai peur de la fille qui me regarde, parce que je voudrais entrer dans sa vie. Je suis attiré par ce qui ne dépend pas de moi, je suis amoureux de l'absence. Mes amours imaginaires ont toujours la forme impossible. La mathématique pâlit en les voyant prendre fiction dans ma réalité.

Ne plus écrire. Je suis en traîn d'arrêter.

Mon écriture est la maitresse de mes amours. L'on n'aime jamais que moi

Elle quitte les draps, n'ouvre pas les yeux, se cogne aux portes, me cherche et hurle " le mot de passe ". Elle retrouve mon corps jeté en bas de l'escalier

Il pleure, il me rend le manuscrit, c'est l'époux de l'éditrice. Il dit " je ne veux pas en parler, tais-toi, je veux faire comme si je n'avais pas lu. Non vraiment. Comment tu fais ? Qu'est ce qui t'arrive ? Tu peux pas. Non vraiment tu peux pas. Ecrire des choses comme ça. Toi qui est si réservé, tu en dis pas un mot, et là, mais enfin ! Où les trouves-tu ? Je comprends pas. C'est pas bien d'écrire des choses comme ça. Ou alors, il faut pas les faire lire. C'est traitre d'écrire comme ça. Range, n'en parlons plus".

Comme il est loin, le temps qui arrive Maman

Je sens l'odeur des doigts qui descendent jouer.

Seule l'écriture se souvient, plus que le corps encore, qu'un jour il a aimé, et qu'il a désiré mourir

Toutes ces hanches, toutes ces cuisses, ces voix, ces rires, ces nuques, autant de terres battues que de branches à tirer.

Quand je pense à elle, je ne me reconnais plus

Je voudrais attendre la nuit, hors d'un corps connu. Hors de Loriane qui monopolise ma bouche, ma voix. Vendredi soir, encore, à boire à ses lèvres de petites musiques.


Je me souviens de la façon de S de me prendre dans ses bras, comme une protection, contre les autres corps.

E n'est pas là, elle est au milieu de filles que je ne connais pas, alors quand elle dit " ça ne va pas ", j'imagine qu'elles se battent avec les mains, et que je ne les retiens pas.

J'entends des cirques la nuit, et le problème est qu'il n'y a aucun cirque près d'ici

le jeu de l'écriture c'est de se défaire jusqu'à se savoir vraiment. C'est ça, vivre, se défaire jusqu'au noyau premier.

Elle va me mettre au coin, la dame qui parle aux animaux si je lui dis que je suis une chienne. Mais Maman, aujourd'hui, les rues sont pleines. Je veux t'entendre parler de jolies choses. Pendant, que je mords la queue. Les morts me manquent, même si de leur vivant, je ne les ai jamais connus. Offre moi un cadeau mon amour : donne moi mes 20 ans.

Le sexe du vide

J'ai envie de lui dire "Frappe-moi. Ca fait trois mois que je fais tout pour que tu me frappes. Je bois, je drogue, j'insulte, je t'insulte, et tu me souris. je joue à la très petite chose, je m'énerve. Tout pour que tu me frappes. Et tu caresses mes cheveux et j'ai envie de pleurer. " J'aime D.

Un malade s'étouffe avec un collier de perle. La femme. Nue. Sous son long manteau. Elle n'a plus de cheveux. Le désert est dans la rue St Jacques, au bord des cris de Loriane.

 

11 mars 2011

Perso - Faites le mur.

« M'habituer, m'habituer
Si je ne le puis que l'on m'en blâme
Peut-on s'habituer aux flammes
Elles vous ont avant tués
Ah crevez-moi les yeux de l'âme
S'ils s'habituaient aux nuées »

Louis Aragon



Dans l’anodin, dans la marche qui mâchait les pas du mercredi
généreusement éténdu aux gazouillis crépusculaires du jeudi, avec le talon
gris dans le par terre dénié des gémir, les breloques d’arrondissements «
fracture du seizième que le quatorzième » ruisselaient de mélancolie, je
tirerai –bien plus tard- un plaisir étonnant, quelque chose doux, d’une
conversation où toute tension, écroulée, défaite, vague comme cette brume
dont les bas filés dissimulent aux visions myopes les crêtes des
montagnes, et voilent, même dans la gaze condensée de leurs tenues
friponnes, aux matins gras, sous les ailes blanches de papillons énormes,
les vallons étroits et les coteaux rugueux. Cette marche où le corps lassé
des passions –nom coloré des disputes- dans lesquelles me piégeait Loriane
n’était plus qu’à la tiédeur du temps, il était douze degrés de 23h54 à
00h30, et Loriane était bien trop loin, dans son cinquième arrondissement,
pour meurtrir mon corps de ses doigts de phénomènes chimiques. Je
marchais, je parlais, nous n’échangions pas, des mots par accidents
formaient des pensées qui s’heurtaient et dans l’agrégat de leurs cahots
menaçaient la torpeur indolente du soir d’un échange –affreux frisson,
avoir à me mêler de choses terrestres, à lester l’âme fragile du poids
inconsidéré des plastrons racés. Quand ces quelqu’un (ces quelconques ?)
emploient à mon adresse des mots et des concepts, j’y entends quelque
chose vieux, défraichi, austère, jouissant d’une autorité hiératique, d'un
titre de com(p)te. Vieux principes tendus comme quelques vieux forts
bordants la Normandie rendus inutiles par la molesse des civilisations,
mais butés là, souvenir inorganique, dont on admire l’architecture
complexe et les nœuds glacés. Ces gens là vivent dans ce principe de
frimas comme certains nostalgiques dresseraient leurs lits sur les dalles
froides des forts de pierre. Mes camarades vivent en retard.

Le paysage sous le pas grésillant avait quelque chose cartonné, chiffonné
du vent léger, timide qu’expirent les fleurs de béton toutes semées en
dentelles approfondies, en invisibles serrures, autour des désordres
semblables de mon marcher déraisonnable. Il était très amusant de devoir
retenir ce que je voyais nous entourant, les merveilles dans le ciel, la
hyacinte qui couvrait mon départ, le lierre entravant le mouvement de mon
ombre, le limon déposé sous l'eau sèche des trottoirs. Je ne disais rien.
Même de ses yeux bleus qui me terrorisèrent, une fois, me jetant un éclair
d'une rage édentée. J'aime malgré moi tous les yeux bleus, mais je
n'allais pas dire « montre comme ils écument de menaces tes yeux. Sais-tu,
les yeux bleus, je ne les vois pas comme des orbes de couleur délimitées,
si je les aime ce n'est pas par vieille habitude parresseuse, mais parce
qu'ils exhalent un anathème libertaire. Je les vois s'extraire de l'orbite
qui les range, et qu'aucune loi ne peut réintégrer dans leurs places
précises. Les couleurs vives m'assomment d'idéaux, flambant comme les
lumières de la Noël. Les yeux bleus -et tes yeux hélas n'échappent pas à
l'outrage- résonnent chacun comme des rimes amplifiées par un visage ».
J'avais le souvenir douloureux encore, du regard terrible qu'elle me jeta
tandis que je méprisais je ne sais quelle chose commune. Que je m'agaçais
d'un raisonnement mal fait. Vraiment. Un regard de la nuée qui couve les
séïsmes et les foudres cruelles. J'en ai été physiquement saisi. Trop
grande sensibilité à toutes les choses. Ce regard se dégrade dans ma
mémoire, il rejoint tous le reste de mes cauchemars, et tinte mes
nocturnes fièvres d'un pigment de Klein. Amusante peur, merci à ta menace
immaitrisée dont tu ne t'apperçus même pas.

Le plaisir m’est apparu - vers deux heures- sous la peau, circulant
invisible comme l’eau phréatique au bas de l’écorce, incapable de se mêler
à la sève de l'arbre, à la pression hydraulique impuissante à traverser en
rugissant les failles de mes muscles, de découvrir dans l’arrête de deux
articulations disjointes le bât. Ce plaisir, cette eau, ce sang
cristallisé en vin, en baiser de roche calcaire, a duré. Il s’est impliqué
en moi. M’a entraîné dans sa valse, partout, sur les méplats recoins de
moi, sur leurs vaillances du jeudi. Je suis heureux de mon jeûne chanoine,
où le café noir construit des intempéries furieuses, des mers boueuses
jetant des corps illicites, à la mâchoire en or. Je disais « Je ne sais
pas quoi faire l’an prochain, et je suis vide d’inquiétudes » et
lorsqu’elle me répondait « c’est de l’inconscience » je souriais en
silence. J’imaginais le propos tenu par Loriane sur le même tempo «
Jonathan, Jonathan, Jonathan, le futur, définitivement, ne te ressemble
pas ». Non, ce n’est pas de l’inconscience, c’est de la foi, mignonne.
J’ignore pourquoi, mais toujours, en toute situation, la plus dangereuse,
la plus instable, surtout la plus mortelle, j’eus de la chance. Lorsque
nous étions immobiles au milieu de la Scandinavie, sous les fjords
craquelés de froid –ce sont des vierges butinées d’hiver disais-je-
qu’Arik pleurait de ce cimetière de glace, de périr vierge encore, dans
nos seize ans liquides, me reprochant de graver dans la glace des poèmes
furtifs à l’heure de se chercher des subsistances. Son imagination
formalisait des détresses, organisait mille déceptions, contrefaçons
d’exister et je sentais venir, de l’angle mort de la mort, ma chance. Ma
chance, lente et ponctuelle, traînant son grand corps maternel, tendant sa
main prophète, gantée de sortilèges, dans les angles osseux de la mienne
incroyante. Un plaisancier de passage nous tirait de notre crique-prison.
La chance est inconscience, diront-ils. J’aurais pu tout être, c’est
entendu. 146. 146. Le nombre de mes folies qui côtoient névrotiquement mes
intelligences, tout comme au Mexique où la fête est voisine de la mort et
les confiseries brillantes de sucre inanimé ont la forme d’un crâne.

Nous marchions ; le bonheur alors seulement armait son geste :

J’avais la hâte, de trouver la rue où me détourner de la civilité, où
détrousser le chant malléable des oiseaux de papier, aux sifflets gais,
dans tel square, sur telle bouche. C’était au choix de mes capricieuses
envies, Maude près d’ici trainait ses cernes capricieuses au rebord ourlé
de son visage, je l’imaginais écrire sur sa Remington de poseuse
indisposée, tapant dessus avec le même snobisme que ces apprentis
photographes (Romain, c’est pour toi) avec leurs argentiques à deux
balles, d’où leurs doigts gourds ne peuvent pourtant pas immobiliser le
poil ivre de la passion, son contour burlesque, sa chair brûlée, sa bouche
de satin, le fil ras de ses membres écorchés, et tout le corps désuni,
fractionné en autant d’éléments qu’une apparence humaine compte
d’ornières, de villosités et de replis.

La « conversation » que j’eus alors, par son contraste, me recentrait sur
moi, je me suis privilégié au-dedans, sans me réinventer, j’ai rapproché
ma pensée de cette matière impénétrable, inviolable, quasi-sanctuarisée où
rien n’entre d’éléments extérieurs, où l’organisation des veillées
salutaires, des tours de garde interdit d’accès même par le plus faillible
des pores : mes principes. « Je suis très fidèle, je n’ai jamais trahi une
idée ». Dans le mouvement inversé, consonant, involontaire aussi elle
contribuait à me préciser, à grossir chaque angle mien, des instruments
d’optique, je devenais cette lumière isolée par les trois lentilles de la
logique –vertus théologales de la science-
La contradiction vous fait mieux qu’autre chose accoucher votre intimité.
Au toucher, ses mots charnus, archaïques étaient doux mais de la douceur
d’une étoffe usée, effilochée, prise dans un corset de dogmes et d’hivers
rigoureux. Une douceur résultant de l’ivresse, de la peau ridée des
vieilles âmes tendres.
En creux se dessinait l’affirmation de ma modernité résolue, moderne en
ceci que je me tourne vers quelque chose qui n’existe pas encore, dont les
frontières restent à nier –ce pays d’avenir que je m’espère, aux pourtours
parsemés de glaise, ne devrait se connaître aucune limite- à l’inverse, le
« présent », se cherche à imiter, à reproduire, sans l’instinct
mi-créateur, mi-destructeur de l’avenir. Les vies mornes, inutiles, les
bégaiements amusants. J’ai toujours trouvé terrible de pouvoir prévoir les
humanités, de sentir l’exacte disposition de leurs intentions, et d’éviter
les coups de les avoir vus cent mille fois déjà portés. « Tu es trop dans
la littérature ». « Certes. Parce que la littérature rehausse tout ce qui
est insuffisant. Pense, gamine, ce sont les talons aiguilles du réel »
A toutes ses affirmations, la voyant agiter sa nuque radieuse d’entorse,
je ne pouvais que sourire, du sourire vaincu du sauvage. Je ne parlais pas
sa langue. Entre nos deux lexiques tout un mur sordide d’impossibles
compréhensions, le geste ne suffisait pas à rapprocher nos idées. Je suis
un barbare. Véritablement. Un barbare. Ce que la plupart appellent
civilités, concessions ou cordialités, je les réunis sous le même dôme, je
les classe avec le même tampon indifférent du fonctionnaire :
compromission. C’est toujours se compromettre que se céder par méfiance,
sans raisons, au prétexte de l’irrationalité adverse, étrangère, celle
dont l’on doit s’accoutumer pour se préserver du dommage. Je n’ai pas peur
de la faim, du froid, tant que je reste près de moi, il y aura toujours un
refuge inviolable, toujours une ultime retraite. « je ». « je » fragile,
mais « je » déjà. Toute ma joie c'est ma différence. Tout mon bonheur se
fait alors qu'en écoutant une voix changée, j'entends bien que nous ne
sommes pas semblables.

11 mars 2011

Perso - Exquise laideur

« Nous sommes les gens de la nuit qui portons le soleil en nous »


Louis Aragon.


Après que j’ai dit « moi je » tu as tout vu de moi. Mon corps ne va pas
plus loin que ça.
J’ai pris la folie des damnés, leurs yeux rouges de crimes à déposer dans
les gorges vallonnées, j’a ai jeté les regards bitumés, ils ont roulé,
répandant ardeurs et morts sinueuses, bruits sourds et aubes carillonnes.
Le monde est depuis la plaie mal fermée de notre baiser à naître. L’herbe
lente, sucrée, bouchée terrestre en cercle des gencives glycines, mortel
creux des mâchoires en roc. Les blessures neuves. Les cris laqués. Ma
tendresse : Une fureur féroce. Tes yeux ont roulé avec les souvenirs, avec
les musiques iambiques, ils ont fait des gestes les regards, ils se sont
noyés sur des cartes, sur des chemins, et tes souvenirs tendaient des
ponts de mémoire. Ils avaient des aventures plein les orbites, tes yeux
bleus, je les vois, et ils disparaissent, ce sont des pièges, des pièges à
poète, parce que j’écrivais, le poète confond son œil avec le croc du
loup. C’est le même déchirement. Tu claques la paupière pour déclencher le
mécanisme qui déchire la fuite. Regarde moi, je ne peux plus fuguer,
regarde moi, je ne peux plus partir, l’âme dans le marais de ta
pupille-détresse, tourbillon écrasé. Maelstrom pialant. Il y a des images
si puissantes qu’elles aveuglent la nuit, des images puissantes aux rayons
de glissades, à la carie motel les germes s’y reposent, reflet vert,
jaspe, irradie, uranium, centrale. Mon corps je le tends à l’aube d’hier,
sous la croute fossile des pioches nocturnes. Ma tendresse a des plaisirs
que l’enfer vous comptera. Pillez. Larmes de chiens. Marteaux. Fractures.
Prenez. Os bus aux Verts d’un taxi de la marre nœuds. OBUS A VERDUN ;
TAXIS DE LA MARNE.
C’est une écriture qui dépasse, une écriture plein de cheveux fous
cicatrisés, une écriture qui dépasse, on dira l’écœurement de la messe,
baise les pieds au sang caillé de l’abîme périlleuse, trempe tes langues
sacrilèges qui s’inscrivent en personnalité, le dégoût qui se surmonte,
qui prend des positions vivantes dans le miroir. Il étudie. Le dégoût. Il
fait des emprunts, le dégoût, il place. Il économise. Il sait comment
faire, comment orchestrer les veines qui se dessinent sous ses pas, dans
la brume des nues, la sueur qu’il laisse sur son chemin bave d’étymologie.
Suivez mes larmes elles mènent en enfer. Petit-Poucet a le front cornu et
sème des dents d’enfant pour retrouver Perséphone. Savoir la voix, la voie
de Savoie. Boire. Le verre de liqueur, soûl, chartreuse symphonie. C’est
plein de silence, une voie de chemin de fer, où filent les envies liesses.
Le dégoût, avec sa silhouette maussade d’étudiant russe, le verre qui
aplatit tes yeux. Le dégoût c’est comme la mer, ça n’abandonne rien, le
dégoût c’est sournois avec des pas de marées, qui détournent la faim, qui
se déboise, le dégoût ça couvre tout, c’est un manteau pour ambitieux. Le
dégoût. Ca imite. Ca imite mon ombre dans vos pas. J’entends. La nuit. Il
y a des figures d’algorithmes, il y a des courbes, il y a des courbes ce
sont des poitrines féminines gonflées de nausée, le lait maternel d’un
siècle qui dégouline dans leurs nuques. Des femmes ont des robes pleines
de déchirures et de paillettes, où la lumière entre par la fente déguisée.
Les yeux sont des cloches que l’on sonne, ton corps d’Eglise que je
maltraite, j’y dépose un baiser méchant, brillant de clous, j’y dépose un
baiser qui claque comme la chair de Christ sous la nuit bruyante de la
Passion, ô caresses brutales, ô virilités (vérités ?) immaculées.
Parfois, je suis une femme. Je prends son caprice, je le fais sortir comme
un biseau du stick, et je me maquille avec, regarde mes lèvres
rouges-sans-fin, mes pommettes déchirées par l’ongle des phares des
voitures vives, je prends le caprice et je me dis « je ne répondrai pas à
vos questions polies, insultez moi, maltraitez moi, tirez mes cheveux,
retenez l’eau du bain. Je suis une femme, et j’ai tiré l’homme par son
sexe pour le noyer dans l’eau souillée de nos crasses stasiées, là où nous
poussons, des ah, des han, des oh, sous l’herbe étroite et noueuse de nos
envies, nos désirs sordides d’ordinaires, j’ai voulu en inventant la femme
donner à la volupté un cœur, elle qui ne se savait qu’un corps, j’ai voulu
découvrir la chair jusqu’au plus sensible mystère. ».
Il arrive que l’on m’écrive, et je ne réponds généralement pas sauf à
puovoir déguiser dans ma réponse une ironie que je serai le seul à
comprendre, à écrire des messages dans une langue si particulière que l’on
ne devine pas le jeu glissé dedans. Quand j’écris un e-mail, il est rare
que je n’y glisse pas un exercice précis d'une langue particulière dont je
suis le seul à connaître le cryptage, en filigrane de mes impolitesses je
cache une rudesse. J’ai mes gestes trop plein de couleurs, j’ai peur, si
j’agite les mains, si je fais des kermesses avec les doigts, est-ce que ce
restera le maquillage, est-ce que la poudre ne fondra pas comme un glaçon
appuyé sur les ecchymoses en fièvre, qui ruissellerait dessus ? Personne.
La solitude me console plus que tous les alcools, toutes les drogues. Je
n’ai d’amantes que pour n’oublier jamais le désir blême que fait la
liberté dans un corps figé sous les gardes répétées des femmes-officiers.
Loriane est colonel, Marion folle, Wendy artiste, Sarah anorexique. Ce ne
sont plus des amours, ce sont des adjectifs...et ma solitude.
Je lis des poèmes. Qui me tuent. En écrivant ce texte. Plusieurs fois,
j’allais vomir. L’écriture me fait du mal.

- Pourquoi tu es douloureux comme ça ?
- Mon réel n’est pas votre réel, chaque son qui vous immobile, me
traverse et m’immole, me déchire et me recoud, je saigne partout d’un
vieux souvenir, tous les jours, je saigne des secondes, je les répands
derrière moi, je casse comme un immobile dans le silence du temps. Ma
blessure est un éclat de quartz.
- Pourquoi ? Tu ne peux pas être simple, normal…
- Bas, vil, sournois, traitre, laid, ignoble. J’ai déjà assez de ma
figure, longtemps demeuré ma hantise, l’inquiétude centrale de toutes mes
récréations. Mon visage. Les belles, je les mettais de dos, je me sentais
plein de honte. J’ai dit à Loriane « Pardon, de n’avoir pas le trait
parfait ». Je ne serai pas comme toi, je ne serai pas comme eux. Celui que
j’aime, que je cherche, curieusement, dans le noir usé de bâillements,
c’est moi, ce moi unique qui se refuse à vos dons.
- Jonathan, tu as tes beautés.
- Pf. Peu importe l’écriture, l’âme tout ça ce n’est que fuite. Ca
fait des morts de cinéma, les larmes coulent insincères sur les joues de
rosée d’un personnage. Je sais être moins laid mais je refuse. Souviens
toi je me suis proclamé « Narcisse défiguré », j’ai ceint de jonquilles (
Narcissus jonquilla) fanées mon front. Na- comme Najib, ce prénom mien,
celui en tête de mon passeport, celui de mon identité. Jonathan, c’est une
personnalité civile, un prénom d’espion. Je pourrais être mieux, avoir les
cheveux courts, être tout poli, habillé autrement que par les cadeaux
hétéroclites de Loriane, Hélène, Anna ou Francesca mais peu m’importe. Mes
traits particuliers, qui m’interdisent à la norme, j’en ai fait l’écurie
des hippocampes encrés, dans mon nez brisé, mes yeux purgés de vigueur je
trace les lignes courbées de vent. Je déteste ma laideur autant que je
l’aime. Elle m’a fait découvrir ce pays voilé.
- Moi je…
- M’en fous. Je m’en fous. J’ai fait un chapelet d’amantes avec
seulement des mots. Tu imagines si j’acceptais la gloire ? Tu imagines ?
Combien j’en ajouterai à cet Atlas ? La seule gloire que je souhaite se
répand du gaz enflammé du cadavre, le suicide, quel mot charmant,
cliquetant de métalliques embruns. Pourtant j’en tire des privilèges de
mon écrire, de la gloire que je sais mériter, que l’on m’a proposé dans
des conciliabules d’intrigues –écho moderne des couches où la comtesse
payait de sa matière un cardina-, un faux droit d’aînesse. Parfois je me
sens en droit de conseiller et de railler les inclinaisons artistiques des
autres (il ne s’agit que de s’incliner pour eux, il est vrai, c'est-à-dire
de ployer sous un vent d’époque, sous la plus forte des suggestions). Lui
« pseudo-photographe » elle « écrivaillone cacographique » eux « collectif
vaseux ». Je devrais me désintéresser mais mon dégoût est entremêlé
d’amour pour tous ceux là étrangers, je me sens depuis petit ce besoin de
tout sauver. Mais laissons les crever. Ce sera bien trop long. J’ai ma
mort de Christ à chercher.

11 mars 2011

La décimale à Diane. Lettre nocturne

J'ai abusé de la nuit et le sommeil ne me le le pardonne pas.

On vous introduisait à moi en les termes que vous saurez sans que vous n'en soyez avisé. Les salons portent mal les bruits de rumeur, et je dois me fouler les muscles pour faire cahoter les paroles voilées jusque dans les politesses.

« je suis tombée sur une femme sur FB et j'ai presque cru que c'était toi. Elle écrit, un peu, et ça ressemble un peu à ce que tu écris toi. Avec beaucoup moins de talent, bien sûr, mais il y a quelque chose, de la colère, du dégoût peut-être, quelque chose qui me rappelle toi. Je me demande d'ailleurs si cette femme n'est pas un homme déguisé... On s'en fout, au fond, ça fait peu de différence.
Elle s'appelle Diane Elbach, si tu es curieux et veux t'y frotter. Attention, j'ai dit qu'elle n'avait pas ton talent, et c'est vrai, alors ne te vexe pas en la lisant. Elle emploie le mot narcissisme, et puis le verbe "baiser", avec colère, c'est ça, je crois, qui m'a rappelé toi. »

La violence me drogue, me coule dans le corps, je la retiens souvent d'un geste volontaire et vain, afin que comme l'eau violente des fleuves insoumis, elle vienne secouer la digue fébrile de ma mesure, et emporter le paysage d'un élan d'autant plus sauvage qu'il en a été retenu. Regardez ces fauves que l'on affame.
J'aime feindre les civilités, prendre les usages entre mes doigts, et en faire des pantomimes, jusqu'à tant que la poudre blanche craquelle entièrement sur le visage, que le geste muet devienne le cri fou, furieux, brutal, qui s'en vient assommer de sa bouche de carnage le public horrifié. L'ordinaire se déguise en monstre ; le monstre en l'ordinaire. Tout est affaire de perspective, les points de fuite sont changés selon que l'on est le personnage, l'artiste ou le spectateur.
Voyez. Je vous écris dans une vieille langue fatiguée, j'ai pris des mots quelque part dans les souvenirs éteints, j'ai ramassé la cire des cierges pour les coller à ce silence, parce que la flamme même des veillées funèbres était trop vive pour pasticher le gris du reste des existences.
Je ne vous cache pas que je suis intrigué par moi, par moi dans tous les débris que ma chute peut engendrer, dans tous les fragments que l'on retrouve et contre lesquelles par accident, l'on me rapporte l'horreur de mon reflet.
Je vous traite avec des gants bêtes qui abritent des mains jeunes, cruelles, qui voilent la chevelure auburn de mes véritables façons. Je dis bite, je dis sexe, comme je dis « moi » pour prolonger l'Univers, pour faire du reste des êtres vivants les cercles concentriques qui s'étendent depuis le céleste « je », l'indisponible « être », depuis l'intime, tout est de la racine originelle du moi, de son filament dangereux, de sa loqueteuse expression, de son hésitante radicelle. Voyez. Je sais crier, mais je ne veux pas pour lors, je retiens, je réserve, l'extase c'est après, nous sommes dans la politesse, pensez, la terrasse du café, imaginez une scène, voilà, vous jouez le rôle de l'ordinaire. Les mots ont des forces de marées qu'il est bon souvent de contenir dans la gorge sans espoir de les annihiler, il n'est pas assez encore de n'être que l'eau vive des torrents, il faut la conserver en gargouillis dans la stase de l'attente, dans la patience sournoise qui vient y faire pousser les plants vénéneux et unir leurs poisons violacés, menaçants, au courant de noyades. Voyez. Du lit faire la lie.
Enfin. Je vous regarde avec circonspection, je vous regarde d'yeux faussement myopes, derrière le monocle artificiel, de celui qui empèse son pas, qui en ralentit la cadence en le confondant dans la pensée râleuse, cette négation de la geste, cet ennemi de l'action. Voyez. Vous aimez Colette, et je déteste Colette. Vous aimez Lou Reed et je subis l'affront de l'avoir en concert, m'ennuyer de ses rauques malfaçons. Encore. Vous aimez Glenn Gould, et je veux vous déchirer les lèvres de passion. Je vous imagine le sommeil pénible, à l'entendre tamponner la beauté à toutes les particules d'air qui portent le son. Je déteste Yourcenar, et l'on écrit Jane Austin. Rilke me fait mouiller les sous-vêtements que je ne porte pas. Non, décidemment. Vous avez des choses communes à moi. Et d'autres ennemis. Nous pouvons nous croiser dans l'étroit couloir des forcenés. Je ne sais pas bien. Si je dois vous y assommer, vous aimer, ou vous ignorer. Je ne sais pas quoi faire de mes mains autour de la pensée de vous qui se façonne. Les posez dans le geste sacré de la prière autour de votre gorge souillée, joindre ferment les mains,donc, dans cette prière jusqu'à vous voir expirer Dieu, vous caresser du bout des ongles, ou bien m'en bouchez le nez. Dites moi.
Enfin. Ce message m'ennuie. Ce style me pèse, les bottes de métal je les laisse à ceux-là qui croient encore aux politesses des chevaliers imbéciles. Aux pucelles qui boutonnent à leurs âmes mortes des boutons de rose, des espoirs de mariage, d'enfants, des rêves de grand-mère, tous ces archaïsmes. Je sais une chose. Je suis moderne. Le monde pour lequel mon être a muté n'est advenu nulle part, j'ai tourné des pages d'Histoire, j'ai fouillé les détails, enquête dans les manuels d'anthropologies, et nulle part je n'ai ma raison. Alors, cette époque se laisse attendre, elle traîne à l'angle de la prochaine rue amoureuse, elle attend que je la trouve. J'ai déjà muté pour elle, en tout ce que j'ai de différent, d'inadapté à mon temps. Je suis déjà dans le plus tard. Chaque geste que je fais, qui paraît illogique à mes contemporains, trouvent une nette solution dans un temps proche, entier. Je laisse aux gens l'archaïsme. Vous savez, je suis au bout du Droit, là où la route se tend, où les ambitions prennent tous les plis des robes avocates. Je suis entouré par des médiocrités d'êtres humains, par des sténographes. Dans chacun d'eux il y a une leçon, de l'éducation qui ne survivrait à rien. Je les évite autant que possible, les automates me font peur depuis que je suis enfant. Expliquez leur les passions furieuses qui peuvent abîmer une âme et ils vous interrogeront sur le sens mystique de cette âme comme si vous étiez plein d'une fièvre malsaine. Ah. Parlez leur avec les boutons des fleurs éclatantes dans les fins de rimes, et vous les verrez rire cette langue inutile. Je peux leur dire, « la poésie me froisse la peau », ils s'étonneront. « Le papier d'accord, un muscle encore, mais la peau ? ». Pourtant, j'ai la peau froissée, tachée, aussi. S'y impriment les doigts de la nuit, quand sa tendresse trop vive, trop impatiente appuie la pommette fragile.

Revenons en à moi. Ce moi, réel, pas l'autre, là, le truqué, le mensonger, pas le malicieux qui feint, qui imite, qui dissimule ses crises et ses cris dans à peine de délire. Je suis un monstre honnête parmi le monde, tandis qu'en réalité, je suis plus sauvage, plus violent, moins bien coiffé encore que ceux qu'ils savent, mes yeux absorbent des volutes noires, des charbons irradiées de vice. Voyez.

Moi je parle de la violence folle, avec de la vitesse au lieu des mots, je dis des névroses qui crèvent comme des intestins cancéreux, ce que je dis, c'est l'accident purulentau fond de la phrase, le précipice à la suite des virgules, le silence qui suit la voix des acteurs, le platane du cœur où s'écrasent les amours. Quand je dis « j'écris » je veux dire « je bande » quand je viens mettre des typographies, ce que je tente, ce sont des attentats, des homicides, j'aimerais tuer d'une phrase. Le papier tranche si mal les gorges amantes. La poésie se contente de ce vulgaire sang translucide, cette lymphe à peine du regard troublé. Pouah. De la haine, voyez, de la haine, de la haine fantastique, de la haine qu'on boit par l'éclat luminescent, de la haine, voyez, qui s'agite sans fins, du haut de sa tour vierge, où le quartz qui transperce les hommes fait un sabre ironique « voyez, le temps tue, littéralement ». Crachez, vomissez, toutes les couleurs je les sens dans ma bile, venez faire se désunir, se fracasser la lèvre sur les miennes, à travers ma langue, unique, celle que je déforme, que je reforme, celle pleine des caprices de fillette vierge. Je mets les doigts jusque dans tous les intérieurs, l'intimité c'est moi, l'intimité je la délie. La pudeur je la moque. Sur les places publiques, des inquisitions ont tremblé à la lecture d'un nom, semblable au mien, ils se souvenaient, les papes éteints, se souvenaient les tisons de fièvre que je tirais de chacun de mes cheveux pour les faire gober par les yeux. Ah. Qu'elle est belle la violence quand ses cloques suppurent le venin de l'atroce, la laide esquisse des silhouettes. Un livre. Ça commence par une interrogation, ça commence par un lieu imprécis, qui se dessine à toute hâte. Vite. Des manières, des gens. Vous savez. Un texte c'est d'abord une ville déserte, abandonnée, qu'il faudra rendre à l'allitération diserte, c'est stupide, l'écrire, s'il n'y a pas de baves, de sperme, de rage, la reddition des morales, si les maladies ne viennent pas incuber dedans, faire tourner leurs bacilles nouveaux et s'inventer des gardes, des mantelets, attacher des souvenirs de morts à leurs poignets, je connais des mots, savez-vous, qui ont à leurs clous, des prénoms de femmes égarées, des qu'on ne fait plus aujourd'hui ailleurs que dans le marbre des tombes. Leurs visages est ici, dans mon écriture. Sentez. Certains hommes traversent l'existence sans odeur, et ne s'en découvrent une qu'aux lendemains du partir : le miasme. Ne se prennent une lumière que dessous la tombe : le feu follet. J'ai rencontré des peintres de rue, qui ont voulu me trafiquer, et j'ai saisi une ardoise blanche, je leur ai dit « voyez, mon visage c'est l'infini, mon visage il suffit de la feuille vierge pour le dessiner, je suis l'Univers extensible, ma taille est souple, ma colère et mon sexe se tendent jusque des frontières injustifiables ». Faites tourner les mots comme la langue dans la bouche amoureuse, suez par tous les pores, suez, noyez, que les sexes embaument de leur indécence les salles de classe, de théâtre, que sous l'archet du violoniste la sueur glace la note dans l'effroi terrible de la jouissance. Imaginez, un parterre de somnolents. Aux attitudes graves et mesurées, imaginez ce vieil homme public, aux accents de constances, à l'éloquence d'un laurier vieilli -dont le suc est le seul souvenir glorieux-, imaginez le soudain sorti de sa torpeur, se souvenant non du corps, non de l'âme, ces deux choses il a fallu bien tôt les vendre pour entrer dans les affaires, pour faire du droit, de la politique et des choses de finance, des choses « sans cause », se souvenant qu'autour de lui volent des insectes creusant dans les vagins des femmes des odeurs pointues, des insectes aux dards enjolivés, aux abdomens rougis dans des forges venus des temps antiques. Imaginez, celle-là, dont le corps se traîne d'abandons en abandons, et dont la beauté sent le plastique, la colle, l'hermine et l'humeur détestable des poudres angéliques, imaginez là avec sa pensée dévoilée ainsi formulée à ses miroirs cataplasmes « ma vie je l'ai dédiée au plaisir, le plaisir c'était l'argent, la robe d'avocate, les amants beaux, et les maris riches ». Imaginez là, dans son fauteuil de velours rouge, sous les ors de cet Opéra à la douleur morbide, imaginez là, se faire agresser par le plaisir véritable, celui des sens, qui perce le corps pour se ficher dans l'intérieur de la nausée, dans l'électricité qui stimule le nerf, dans la veine de la veine, sous le plastique du coeur. C'est d'ici que je parle, c'est ce cri que je raconte, que je fais, que ma bouche s'obstine à réciter. Le mantra, le mantra invoque des dieux, des chimères, des sorts, il y a des magies infernales à s'obstiner, il faut le savoir, il y a une chance qui jaillit, toute fatiguée d'être rappelée depuis le tard de son oubli, sous la voilure crépusculaire de son lointain gésir.
Ah. Des fontaines à boucher, des portes à clore, à voilà le sort de la modernité, ses mains agiles,sa censure gentille, tout ça est pour le bien, la paix entretient la servilité.
Faites la guerre, avec moi, vous y verrez des images graves, tremblantes, des photographies d'une bataille que nous ferons à deux, sur la frontière volage des infidélités.
Trahissons toutes les mesures.
A genoux dans la salive laquée
Des angelots de pierre aux fronts de crachat
Dans mon sommeil j'abuse les galaxies
J'ai enfanté, des astres, qui ont fait
Les yeux bleus des amours

11 mars 2011

J'ai décidé du sens du monde.

 

Je t'ai aimée, puis je t'ai haïe, et je t'aime à nouveau. Je crus même être capricieux, cette structure nouvelle, ce polygone impoli de haine portée à ta coupe d'yeux turquoises, je l'imaginais d'aigreur, de l'impossible révélation biblique de nos deux êtres. Ce n'est pas le cas. Je te hais pour des raisons nettement dissociées de celles de l'amour frappant ton endroit. La marque abandonnée entre ta clavicule et ta poitrine fine, déchirée presque de minceur, est sans relation avec celle des morsures méchantes à t'apposer aux muscles fébriles de ta lâcheté. Je te conteste ta lâcheté, je refuse de t'admettre en égale, de considérer à ma hauteur tes pâleurs, tes secousses minables, tes tremblements de mesquine. Je sais trop de choses sur toi, et je t'en veux de te connaître sans t'avoir écouté, je t'en veux. Si je te l'affirmais, tu n'y croirais pas, et pourtant je te devine, ton odeur parle mieux que tes éloquentes façons. L'eau ne connait pas le poids de ton corps. Et le feu ne se soucie pas de l'odeur de ta peau. Les éléments géants ne sont que pluie fine sur ton charme transparent. Et je voudrais, ne garder que pour moi, cet amour sans vie, où je te place, amante sans brouillons, dans un silence si parfait, que ton visage devient dur comme la pierre noyée.

J'aurais beau déchainer la puissance des reliefs, amante maudite, tu restes plate comme ma langue qui te cherche.

Seul la rondeur de tes mains, savent guider les miennes, pour écrire qu'aujourd'hui, je suis le seul à te voir, beauté troublée de sommeil.

Seul la cambrure de mes mots, donne un teint tiède à tes yeux gelés, sans impressions, les éléments t'abandonnent.

Et ma main ne cherche plus que par hasard, une copie de ton visage, qui se dédoublait. Plus tard, lorsque nous serons sans rapports l'un avec l'autre, que tu n'auras pas encore concrétisé ta gloire maniérée, que je n'aurais pas mis en place mon funeste destin, je t'écrirais des lettres amoureuses anonymes. Tu n'ignoreras pas l'expéditeur. Après tout, tu sais comme j'écris, ambivalent, comme ton visage dédoublé. Je sais qui tu es, je sais celle que tu ignores, et qui ruisselle dans toi.

Je t'ai déguisée de moi-même. Et plus prêt de la vie toujours, je ne saurais que te dessiner, amante dans l'ombre.

Je secoue ma chair, je n'enlève jamais ta robe. Ta nudité est trop vive, elle me brûlerait les yeux sensibles.

Lorsque je t'écris, sur ces pages, ma cruauté le fait traduire à Christine. Elle me répond « elle a de la chance ». Non, tu n'as pas de chance. La chance est dans moi, ce soleil bleu, brodé des soies rares de Ceylan.

 

Je t'aime « chaste estomac, le séjour des beautés »

 

10 mars 2011

Le sens du réel.

Chaque matin, en me levant en vie, en me souvenant que je fais du droit,
une envie de pleurer m’étourdit. Chaque matin, après avoir usé mes trois
heures de sommeil cauchemars. Je ne trouve plus mes larmes, pour les faire
couler de mes yeux. Je vais, sec, comme une brindille d’été dans mon
désordre.

Il y a des censures dans les lits des filles. Il y a des censures. Quand
ce soir, je retrouve, le sens en désordre, sur les cheveux laqués de
Loriane, je sais, déjà, le cours, du mot. Je sais sa bouche heureuse, et
son déshabillé. Loriane, porte une robe fendue de nudité. Le soir de mes
grimaces elle donne la main à l’enfant volé. Donne, donne, coupe sous les
pas les visages beaux.

C’est un autre corps que je désire. Un corps. Qui louche. Tes gestes ont
la symétrie sympathique. Et tes doigts portent un monocle à ta bouche. Tu
rêves flou et tes cheveux biaisent dans l’or sirupeux. Blonds ou bruns.

Il y a un corps contre le mien qui ne fera aucun bruit. Je l'écris avant
de le trouver. Annette. Ton souvenir, vois, m’envahit.

Je m'appuie sur Dieu. Il tombe à la renverse. C'est un miracle ordinaire.
Une journée est née.
J'entre dans la chambre d'amour. Je suis dans la façade, dans le Droit, le
modéré, je n’y ferai pas carrière. Le déguisement commun. La chambre
d'amour. Loriane revient. Crédit Agricole. C’est loin. C'est toujours
cette même angoisse qui prend. Etre dans la chambre d'amour, et les pas
s’émiettent comme ceux de Marguerite. Regarder les murs. Garder le corps
fermé. Caresser le bord du lit. L'angoisse de la présence, dans la chambre
d’amour. Je suis l'amour. Je manque à l'appel. La vie s'éteint en moi,
dans la chambre d'amour. Je deviens mon propre adversaire, ma propre
lutte. Dans cet endroit. Je baisse le sexe à toute allure. Je noie le
monde dans cette chambre d'amour. L'espace s'ouvre sur une colline qui se
fond dans la bouche d'une danseuse. J'ai mal aux mots. Je me lève et le
matin ne m'appelle plus. Les nuits sont inaccessibles. Le soleil brûle
dans un tiroir vide. Trop vide. Comme moi et cette chambre d'amour. Je
n'arrive pas, vraiment, à m'évanouir, mais j'aimerais. J'ai l'air
d'écouter. J'ai l'air tellement attentif, que je me fais mal. Tout ça
c'est un précipice que je saisis rapidement. Le vide des salles de
classes. La chambre d'amour. Une vitesse exagérée. Tout se déroule
ensuite, quand Loriane ferme la porte à clé. Quand je suis en accord avec
ma violence, avec la violence qu'on me propose. Je suis seul avec mon
propre corps, mon propre sang dans la chambre d'amour. Là, où tout doit se
dérouler. L’hurlement. De la peau. Je suis aménagé pour diminuer mes
actions. Tout est dans la démesure. J'annonce que le soleil brûle et que
c'est une puissance que vous ne connaissez pas : la puissance de l'intime.
Quand elle ouvre la bouche, j'y dépose quelques mots en silence pour mieux
respirer. L'amour soulage de l'écriture.

Je sais que mes camarades me détestent, alors je les appelle camarades,
parce qu’ils n’aiment pas ça.
E dit "montre-moi ta chambre d'enfant" et j'ai envie de lui ouvrir mon
ventre.
Je rêve souvent d’une fille à qui dire "je ne rentre pas ce soir, ni
demain, mais peu importe puisque tu m'accompagnes". Une fille comme Marie.
Quand L dessine je me demande si elle souffre. Si ça parle de tristesse.
Elle dessine des fleurs mais elle a les mains moites comme si elle voulait
atteindre quelque chose. Je crois que la beauté est douloureuse parce
qu'elle est incapturable.
On peut vivre sans écrire. On peut écrire sans vivre. Finalement, l'on a
besoin de rien.
Carolz dit "on m'a parlé de toi, tu commences à être connu, personne ne
pense que tu es un garçon. Ce pseudonyme, vraiment".
Je sais que l'écriture prend toutes les positions du corps. Et que je
cherche celle qui m'empêchera d'y laisser toutes mes traces. Il y a cette
phrase qu’un professeur pourrait me dire "tu es trop dans l'écriture". N a
écrit "dans mon cas, il faut écrire pour se faire aimer". Je suis
semblable.
S’ils savaient, ils diraient : "tu n'es pas dans le réel, ni ailleurs, on
ne sait pas d'où tu viens".
Quand je parle à Amandine, je retire ma peau sous des projecteurs timides.


Quand elle met son manteau en cuir je pense à une peau qui attend d'être
brûlée.
Loriane habite un appartement, avec une petite chambre et des petites
fenêtres. Je me sens chez moi comme d'un amour qui prend trop de places et
qui déborde chez le voisin.
Le soleil est une flaque d'eau malheureuse parce qu'il n'y a pas plus
enroué que lui.
Les bruits de la nuit ressemblent à ceux qui manquaient au jour. La nuit
devient une consécration.
Un homme tombe d'une femme et mord dans sa poitrine comme il se
rattraperait à la dernière branche.
Les diamants s'éloignent à quatre pattes. Pendant que les femmes à genoux
récitent des poèmes. Je regarde les lits dans l'obscurité. Et mes yeux se
transforment en cygne baignés d'encre. Le joaillier frappe du talon la
tête des rubis. Les poèmes sont nés dans les draps masculins. Pendant que
je cherche les images, les bijoux se font d'eux-mêmes et je les rate.

Marie et moi. Presque. Malgré ses caprices. Est-ce que je suis infidèle.
D’aimer tant de filles, en même temps, de faire des vagues avec les corps,
des sculptures graves. Quand je dis « ma copine », je ne dis jamais
la-même. J’ai dit comme chiffre à mes voisins « trois » et c’est plutôt
trente, qui se bousculent dans l’étroite laideur de mon corps. Trente
jolies. Sublimes. Eloi disait « je ne comprends pas » je disais « c’est le
mauvais goût des filles qui les fait tendre vers moi, le mauvais goût des
filles vulgaires, pense, je suis de l’art moderne, je suis un discours ».
J. est mannequin, et je lui dis « tu es comme mon écriture, tu prends
toutes les positions qu’on te dit, tu es une actrice de cinéma muet ».
J’ai trente amours changeants. Je disais, quand il en était sept « c’est
un almanach, sept jours de semaine » aujourd’hui, c’est l’Atlas, l’Atlas
de l’Europe. Trente Etats indépendants, voisins, jaloux. C’est l’Europe de
1900.
Julia. Je suis dans mon plaisir incapturable. Dans un secret tellement
connu. Une réelle recherche. Sans fanatisme. Comme quelqu'un que j'aurai
connu il y a longtemps déjà et que je tentais de retrouver. J’écris "nous
prenons la peau des autres qui nous envahissent".J'écris pour ceux qui
laissent leurs corps derrière eux en me lisant. Je n’imite pas la douleur,
nous parlons avec la même voix


Ensemble adoptons des gestes responsables : N'imprimez ce mail que si necessaire.

Les informations contenues dans ce message et les pieces jointes (ci-apres denomme le message) sont confidentielles et peuvent etre couvertes par le secret professionnel. Si vous n'etes pas le destinataire de ce message, il vous est interdit de le copier, de le faire suivre, de le divulguer ou d'en utiliser tout ou partie. Si vous avez recu ce message par erreur, nous vous remercions de le supprimer de votre systeme, ainsi que toutes ses copies, et d'en avertir immediatement HSBC France et ses filiales par message de retour. Il est impossible de garantir que les communications par messagerie electronique arrivent en temps utile, sont securisees ou denuees de toute erreur, alteration, falsification ou virus. En consequence, HSBC France et ses filiales declinent toute responsabilite du fait des erreurs, alterations, falsifications ou omissions qui pourraient en resulter.

Consider the environment before printing this mail.

The information contained in this e-mail is confidential. It may also be legally privileged. If you are not the addressee you may not copy, forward, disclose or use any part of it. If you have received this message by error, please delete it and all copies from your system and notify the sender immediately by return e-mail. E-mail communications cannot be guaranteed to be timely secure, error or virus-free. The sender does not accept liability for any errors or omissions which arise as a result.
10 mars 2011

Lettres aux absinthes.

La première étreinte que j’eus avec Annette me fit m’heurter avec quelque
conception orthodoxe du corps, tout le sacrilège qui se bercerait sous la
pâleur de ses lèvres, l’anathème imprimé à son cou ophidien si elle ne se
refusait pas à cette caresse indigne de sa chrétienté, pâle, malade,
anachronique, qui abandonnait mes gestes pour se mêler des siens siens. Le
lien du mariage ne faisait pas qu’unir dans son idée deux situations, deux
civilités, ne se contentait pas d’agréger socialement –sous le regard
religieux d’un dieu lointain, perdu dans les circonvolutions des étoiles-
les êtres étrangers au corps voisin, il était plein d’une autorisation,
d’un permis de commettre les actes frappés auparavant d’impiété, de
purifier le vin du poison ordinaire et rendre l'ivresse ainsi diminuée,
honnête. Le mariage, dans sa vie de moraliste (de celle qui traite des
mœurs et non de l’habituelle confusion que l’on fait de ce mot avec
moralisateur, celui qui s’occupe des choses de la morale), portait à la
même autorité que la majorité dans la vie légale.
Les actions méfiées, diminuées, illégales sous les lois policières, dans
l’ordre privé, sous la mue des dix-huit ans, fanaient soudain, les casinos
s’ouvraient, les bouteilles d’alcool se débouchaient, tout l’illicite par
ce pas dans le temps ouvrait ses cuisses vénériennes. Annette, ne tolérait
pas que l’étoffe de mon pantalon, à la proximité de sa poitrine radieuse
débordant du peignoir de mousseline, au sortir de la douche fumante
encore, se soulève. Lorsque je l’heurtais ainsi abîmé de désir, elle
courrait, horrifiée, pleurer dans la bibliothèque religieuse, récitant des
excuses cyrilliques, des superstitions de croyance en vieux plâtre
défraichi, toute la magie maléfique d’une fille trop éduquée, à l’âme
endolorie par les psaumes stupides de ses parents absents. Son habitude
des corps fantomatiques, sa répulsion –cette phobie artificielle revêtue
du linge de la morale- tenait à son enfance, elle ne vécut ses parents que
comme des ombres, à la tendresse désincarnée, à travers les présents
multiples, des distances, les maquillages, les tenues de soirée. Ses
parents étaient deux absences, et le choiement, s’exprimait pour elle dans
des délicatesses lointaines, son amour partait de l’âme, et ne rencontrait
aucun corps, aucun corps qui n'eut à être perturbé, gêné de la barbe
piquante d'un père hirsute de nuit, de la douceur de conte de la voix
d'une maman.
Nous étions de deux radicalités férocement ennemies d’être trop
symboliquement proches. Nous nous considérions tous deux hors du corps.
Tandis qu’elle croyait son âme un héritage divin, où brillait dans de l’or
blanc les organes de Dieu, à commencer par le foie, je me sentais une
chair difficile, mon derme en tant que coagulation du sang de mon âme, de
l’extrême sensibilité de ma douceur que la lymphe caillée avait formé en
une croute communément appelée "corps". Une peau à percer de la violence
farouche des baisers fainéants, pour atteindre les nerfs opaques de moi ;
percer sa peau, c’était atteindre, et souiller son âme pure, blanche,
russe, c'était venir se mettre face à Dieu et le regarder dans les yeux.
Nous nous aimions, malgré tout.

Il n’était pas à dire qu’elle refusait toutes les caresses, ma douce
Annette, mon petit caprice aux vertèbres, lorsque sur ses côtes je jouais
de la harpe, que sur sa bouche brûlante, je tapais du doigt de la geste de
la baguette du tambour, que je serrais son cou de mes larmes en fusain,
son âme ronronnait de prières. Le rythme de sa tendresse se brisait
brutalement lorsqu’elle faisait face à la rage de mon désir, aux
soubresauts de ma main violette de congestion et nos deux corps brièvement
indistincts, rendus complices par la peinture, par la musique que nous
assemblions sans nous regarder, se rompaient en deux atomes sans valence,
jetés de chaque bord des barbelés blonds de sa chevelure de reine berbère.


Je me souviens de sa peau de voile, baignée par les lacs italiens –Lac de
Côme, ton souvenir m’enchante encore-, de son corps tremblant, et de la
chaleur qu’elle traquait, animale, près de moi, de sa bouche frémissante
de neige, de ses dents découvertes, mauves d’un vin sucré. Cette nuit,
près des nuages rabaissés par les orages, suspendus en menaçantes rayures
de détenus, crispés dans l’immobilité de leurs gels, ses bas descendirent
jusqu’à la croûte terrestre et quittaient ses jambes ruisselantes de peur,
son corps tout entier jouait la cadence des effrois, l’entrechoc de ses
genoux en verre tressaillait de la mélodie du désir, je la voyais se
crisper comme un coquillage plein de marée visqueuse, je la voyais
supplier mes membres de garçon cruel dérouler l’hurlement amoureux elle
disait avec tout le corps « déchire moi, mon amour, déchire moi comme tu
fais aux autres que tu aimes.», je la voyais invoquer les choses
insoupçonnées d’elle, venues des rocs vibrants qu’enchantèrent les flutes
des dieux païens, elle criait une voix d’herbe jaune, neuve, d’un alcool
hérétique, se couvrait la nudité d’algues dédiées aux temples paganistes,
cherchait la langue de chocolat chaud, la gorge blême du souffle rauque,
le ventre porté jusque l’incandescence, suppliante de ses yeux
bleus-vierges dont les paupières ne pouvaient pas arrêter le flot des
musiques vertes, elle portait son corps dans la forme de l’abandon, enfin,
enfin, au plaisir prête, enfin, enfin, la reddition de sa morale, au coin
de ces roseaux hauts dont elle put croire que l’entrelacs audacieux
dissimulerait à son dieu haut-perché nos offenses à ses commandements
stupides. Je me souviens de tous nos gestes, de la promptitude de ses
caresses, de ses mains à la forme de plaisir, aux adresses saintes. Je
n’imaginais pas les forges mystérieuses d’où tout son savoir se sauvait,
se faufilait, me déchirait. Nos cris brefs, et répétés, avait l’intensité
d’un cantique de dernière foi, d’abandon des sacrements, chaque part du
plastron qu’elle ôtait de sa peau trébuchait dans la poussière vaseuse des
berges, se mélangeait à sa morale sans cesse plus corrodée. Sa bouche
était pleine de cris retenus. Elle apprit l’amour qui n’est qu’un
hurlement, qui ne peut être à la douceur, et se doit toujours de trouver
refuge dans la strate suprême du cri, dans son excès, dans sa flamme si
brûlante, que la réalité alentour, rendue labile, s’effaçait comme l’air
autour de la flamme du briquet tempête. Le reste des éléments était chose
vague, inutile. Nous bûmes l’eau claire, sous le chant des pies dont les
yeux noirs, plein d’appétits pour les choses brillantes, nous scrutaient
avec envie.

Annette. Mon souvenir. J’espère que tu portes bien ta Russie. Que tes yeux
bleus et trop clairs ont cessé d'admettre la curiosité indignée des
religieux en toi, que tu les as voilés, comme fait une religieuse, du
fichu crêpée de mensonge.

Tu me manques.

Ensemble adoptons des gestes responsables : N'imprimez ce mail que si necessaire.

Les informations contenues dans ce message et les pieces jointes (ci-apres denomme le message) sont confidentielles et peuvent etre couvertes par le secret professionnel. Si vous n'etes pas le destinataire de ce message, il vous est interdit de le copier, de le faire suivre, de le divulguer ou d'en utiliser tout ou partie. Si vous avez recu ce message par erreur, nous vous remercions de le supprimer de votre systeme, ainsi que toutes ses copies, et d'en avertir immediatement HSBC France et ses filiales par message de retour. Il est impossible de garantir que les communications par messagerie electronique arrivent en temps utile, sont securisees ou denuees de toute erreur, alteration, falsification ou virus. En consequence, HSBC France et ses filiales declinent toute responsabilite du fait des erreurs, alterations, falsifications ou omissions qui pourraient en resulter.

Consider the environment before printing this mail.

The information contained in this e-mail is confidential. It may also be legally privileged. If you are not the addressee you may not copy, forward, disclose or use any part of it. If you have received this message by error, please delete it and all copies from your system and notify the sender immediately by return e-mail. E-mail communications cannot be guaranteed to be timely secure, error or virus-free. The sender does not accept liability for any errors or omissions which arise as a result.
10 mars 2011

Répète avec moi.

 

"ne cesse jamais de vivre, crie ton prénom". Imprime sur les cartons d'invitation, au revers des manches blanches, ton prénom, qu'il claque contre le vent, contre le palais, qu'il fonde sur les regrets, sur la langue. C.. Crie-le. Qu'il s'éclate contre les bouches qui vous écoute, qui vous lis. Contre vous. C.. Crie. Crie ton prénom. Crie-le aux assassins, aux oiseaux. A ceux qui posent des questions. Ton unique réponse. C.. Comme la liberté, criez votre prénom. Et surtout, ne cessez jamais de vivre, ne finissez pas les yeux morts comme des étudiants en droit, comme des banquiers, gardez vos nombrils fiers, vos cils panachés, gardez l'aube et l'émotion ailleurs que dans le lucre, le stupre, que dans les discussions, gardez en vous assez de sensibilité pour vous asseoir la nuit dans un parc, sous l'odeur chancelante des arbrisseaux toussant la croissance. Gardez assez de légéreté pour ne pas croire que la douleur impatiente, qui se presse à vos lèvres, est une méchante ennemie, traitez la bien, elle vous donnera des images de maternelle. Ne finissez pas, dans des robes de soirée, dans des complets idiots. Soyez brillants, et différents, mettez des chaussures sèches, sautez dans l'innocence radieuse qui vous lustre les paupières. J'étais très intelligent, avant, on m'avait diagnostiqué l'intelligence, oui, comme une maladie. 146 de QI c'est extraordinaire. On ne se rend pas compte, on ne se rend pas compte. Le sommeil interdit. 146, c'est la vitesse que je veux atteindre, c'est le nombre que le sommeil ne peut pas casser. 146. Vous imaginez. 146. J'aurais pu. Faire toutes leurs choses étranges et bizarres. Tu te souviens. Louis Le Grand septembre 2006. Tu te souviens, l'impatience au lycée devant les cours trop lents. Le sommeil qui venait dans la révolte. 146. C'est interdit, 146. C'est trop, ça abime. 146 c'est l'allergie au repos ; 146 je ne sais pas le goût de l'effort. Je n'en ai pas besoin. 146. C'est comme Marie, qui découvrait dans ma chambre ce papier du psychologue, et qui me disait horrifiée « pourquoi tu ne le dis pas ? Pourquoi tu caches toujours tout, l'écriture, l'intelligence, tu es secret, tu me fais peur ». Alors voilà, je t'écris les pleurs Marie.

Je t'écris souvent et même toujours. Je te vois, c'est un peu la même chose, sauf que nous écrivons ensemble. Je suis comme le rocher qui coule, toi tu comprends, et tu te tais. Chercher les mots pour épater, pour les entendre te dire le talent. C'est amusant, ce n'est pas sérieux. Le talent. Le talent ça veut dire « adieu », ça veut dire « différent » ça veut dire « incompréhensible ». A l'intérieur, les vagues ont effacé les marques de tes dents, je suis en pleine fugue contre moi même. Et c'est pour ça, que je suis là, avec toi. Les choses qui n'ont rien à faire là. Parfumé aux détails. Allongé sur le plafond dans un square de la rue du Commerce où j'aimerais écrire sur ta peau Je suis comme l'enfant qu'on frappe avec un seau de plage, j'essaie d'oublier les mots. On frappe le crâne et le sexe. On voudrait faire des châteaux, alors on frappe, frappe, de sable et d'amour. " C'est injuste ". Oui, c'est injuste Marie. Une chienne agressive à plaindre, qui aboie à la porte. Comme ce dernier matin, où j'hésitais entre un éclat de rire ou de sanglot, mais un éclat tout de même, comme du verre, du sable dur, ou des feuilles de couteaux, des couvertures de rasoirs. Je tente de m'étouffer avec un noyau d'abricot, il faut que je l'oublie, il faut que j'oublie l'écriture. Plusieurs fois je l'ai abandonnée dans le fond d'une forêt, et à la clairière je la retrouvais, avec son innocence de petit-poucet. Une peau de lait battue. Quand tu as ouvert les bras, caressé mon épaule et pris mon visage entre tes mains, tu n'as pas senti, toi, les buveurs d'absinthe de 20 ans qui logent dans le creux de ma poitrine. Tais-toi, là tout de suite, je t'aime. Tu le sais. Merci. Un ami m'a dit un jour " tu " et depuis je. Comme toi. Comme eux. S'ils me lisent, tant pis, ils me prendront pour un fou. Tu sais, cette année, pour la première fois je n'arrive pas à retenir ma haine pour mes camarades à l'Université, je n'arrive pas à dissimuler la colère. C'est encore le « 146 ». Comme un numéro de chambre. Si l'on me met à l'asile, je veux la chambre 146. Je pourrais dire "mon intelligence je la décroche, tous les matins, je la dépose dans ce carton, dans ce chiffre là, vous la voulez ? on peut y entrer"Ce chiffre qui sonne sur mon front comme celui de la bête. Pour la première fois, je crois que l'on peut voir autre chose qu'une différence, qu'un léger décalage de moi. Je retiens l'intelligence, pourtant. Je te jure. Je n'allais pas en cours et désormais que je m'y rends je n'en écoute aucun, je ne lis rien qui nous concerne, je traite en me moquant de tout. TOUT NIER. 146. Toujours 146. Je crois que l'on peut voir ma folie, quand mes cernes apparaissent sous la lumière du RER. Ça me dérange, j'ai l'impression que c'est ma nudité que j'expose. Je n'ai pas trouvé de voiles à mes cernes. Quand je dis « tu as entendu le tonnerre rouler juste derrière nous » et que mes sens me trompent, on doit se murmurer ces choses que je suis un peu fou. Ou juste étrange. Je méprise. Je peux parler avec eux tu sais, j'ai appris la civilité au bureau, à sourire, à répéter les belles phrases. J'ai appris à ne rien faire avec talent. Mais je ne sais pas être courtois, assez. Je pense aux jolies filles qui m'attendent, à la sortie des trains. Je pense aux Samedi où je vois enfin de charmants visages, qui ne me demandent rien, mais qui m'embrassent. Des boissons de ta tendresse particulière quand tu dors là, sous, sur, en moi. S'ils me lisent, tant pis, je pense " tant pis ". Je me sens plus propre quand j'écris dans un parc. Il y a des gens qui ne devraient jamais me lire, comme eux, jamais. Certains le font, pourtant. Je fais comme si je ne savais pas. Et eux font pareil, comme s'ils ne lisaient pas. Nous n'en parlons pas. Un geste illégal. Tu m'as dit "tu me manques" plusieurs fois au téléphone, tout à l'heure, c'était délicieux, ça claque contre le silence. Puis, tu as dit " c'est étrange la vie, on s'attache aux gens, et puis, plus rien. Enfin, tu vois, rien. On s'attache trop fort et on souffre". Là, je t'ai trouvée niaise. Un hurlement. Quand j'aime, je deviens un hurlement. Des cheveux perlés de vin tiède et odorant, comme une odeur de sommeil, un chemisier déchiré. Lis, je prononce T-O-U-T. L'éclipse. Tout oublier. Tu dis "c'était vraiment bien", moi j'essaie de ne pas le dire. Oublier ces jours. Ne t'excuse pas, je connais ta colère même si je la déteste. J'essaie de la contrôler, ta colère et moi, ta colère en moi. Quand j'étais plus jeune je voulais écraser les passions qui passaient près de moi, dans l'eau, tu te souviens ? Papa déteste la femme qui passe à la radio, il éteint, je frappe au carreau. Alors mordre, les déchets marins, le sel qui coince. Des cuisses longues comme des désirs inavouables, on ne peut pas, intouchable, irrespirable. La chienne se jette sur moi, je suis un jeune homme galant, qui invite à danser le désespoir. Le vin me coule sur le menton, Marie je t'aime. Les coquillages suent. Méduse. Marie. Je ne voulais pas partir, tu le sais, mais ta mère attendait. Ta colère, tes pleurs ce matin là. Comme un corps qui apprend à nager. Ils ne comprendraient pas, s'ils me lisaient, tu le sais, non ? Ils comprendraient pas. " Oui, et alors ? ". Non, vraiment, ils ne comprendraient pas. Oublier, c'est tout. Ca passera, tout passe. Nos corps et l'amour. Nous sommes un théâtre de Bastille. Un Paris sans Lac. Je suis désolé, parce qu'Amandine m'a proposé de boire un verre avec elle. J'ai dit "J'ai envie de toi". Elle attend, depuis. J'aurais pu être désolé d'avoir de telles manières. Laine. Tenue élégante de fin de soirée. Dormir avec toi. ça passera. Sans importance. Je te dis " sans importance ", ne l'oublie pas. Et même. Vraiment, tout ira bien. Aime-moi s'il te plaît. Je déteste cette phrase, parce qu'elle leur ressemble. Aime-moi.

Tu m'as dit qu'on serait bien ensemble, tous les deux, à la maison. Que tu me rejoindrais, en Hongrie, parce que tu ne veux pas rester avec les Grands-parents et leurs habitudes de petites morts. Tu viendrais, là, me rejoindre, dans cet appartement, trop petit, trop calme, où je me cognerai la tête en dansant. Et on évitera, d'accord ? On évitera, les questions. Et l'amour, tout ça. On évitera d'arracher les yeux. Parce que ça parlera, de tristesse, de rage et d'amour. L'essentiel, c'est ta peau, dans tous les endroits du monde. Ici. Aussi. Je descends à la cave et je vais chercher un trésor. C'est parce que je connais trop les mots. J'aurais du ne pas sourire, quand Maude a dit "je pars à 4 heures du matin". Je n'aurais pas du m'arrêter à la Gare de son sexe. Et c'est vraiment magnifique, d'aimer comme j'aime, disait Camille. J'aurais pu ne pas. Et surtout ne pas commencer à écrire, peut-être alors qu'aujourd'hui je vivrai comme hier, hier, c'est eux. Tout ce qui est passé.

Je t'aime.

 

PS : Mais tu sais Marie, je ne les hais pas vraiment, je le dis seulement pour faire rouler des yeux à ceux qui lisent. Je les aime bien, tout au fond, je les aime bien. Ils savent comment faire, maladroitement, avec leurs corps et leurs intelligences. Ils savent exister et je ne sais que vivre. Si j'avais été beau, peut-être n'aurai-je jamais écrit une ligne. Peut-être n'aurai-je jamais caressé ton beau front, et tes yeux de pierre. Le talent, c'était pour remplacer le visage, tu te souviens ?

9 mars 2011

Perso - Les contours amoureux

Souvent aux amours que j’évite, souvent aux filles qui s’interrogent dans
le secret de la rumeur d’où elles se croient à l’abri de mes sens,
lorsqu’elles évoquent à distance de mes nerfs émus cet amour mystérieux
que je pourrais leur porter, j’aimerais leur écrire une lettre, leur
porter dans les vertèbres la parole légère. Une lettre très simple, aride
d’images, une lettre craquelée de sécheresse nomade, de fuite habituelle.
Pour leur préciser ce qu’elles sont quand je les aime, dans ce qu’elles
croient un amour de logique, tissé avec des fils de désir ordinaire, avec de
la peau, du muscle, de la chair et des muqueuses. Quand elles imaginent
qu’aimer sent le professeur, l’habitude, l’usage rassurant auquel
j’échappe avec l’éclat grotesque d’un rot impie. Expliquer simplement à
ces fantômes comme je les aime à façon d’idées et de pensées, comme je
tire d’elles une matière que je fixe ensuite dans des statues de cuivre
plus vivantes encore que leurs peaux enflées de cosmétiques :

« Quelque chose de toi que je t’ai arrachée, dont je te prive sans que tu
ne sentes nulle part sous tes paupières maquillées la déchirure, ce que je
te prends c’est ce que tu négliges, ce que tu ne sens pas, c’est le muscle
inutile, atrophié par la paresse, la force mutilée de ce qui ne « paye »
pas, ne vaut pas, ce qui ne se marchande pas et de ne l’avoir jamais plus
négocié s’est dissout dans le mécanisme indifférent des respirations.
Cette chose étrange que l’on possède sans la supporter qui coûte sans
rapporter, qui n’est qu’à la douleur furieuse. Ce muscle qui ne produit
rien que l’ineffable respiration des fleurs ; la chair fardée des fruits,
l’amer des écorces, le sucre des jus frais, tout le monde invisible,
répandu si largement dans la déconcentration qu’on n’en boit plus les
décoctions. Mes mains habiles –le reste de ma courte carrière de
monte-en-l’air, se sont glissées dans nos échanges, et tandis que nous
nous énervions, tandis que tes doigts agaçaient tes cheveux, je pêchais de
toi ces frémissements dont tu faisais peu de cas, ces choses sans force,
sans matière, glapissantes qui ne produisent que des douleurs, ces choses
que le siècle honnit, que la modernité ignore, une forme de misère, de
mendicité écartée par la morgue bourgeoise, ce qu’on pourrait dire
l’exaltation censurée. Tout le liquide incroyable, beau, écumant, dérangé
par des mâchoires impitoyables, ignoré de n’être pas mesurable, de ronger
tous les brocs, tous les bocks qui tentent de peser, de mesurer. Ce que je
te prends, ce à quoi je bois de toi, c’est l’étendue, plus loin que tes
cinq litres de sang, que tes deux de lymphe, plus que la pulsation
céphalique, que le lit des veines brisées en deltas verts, ce que je
prends c’est l’étendue dans laquelle baigne l’horizon égaré.
Tu l’ignores, tu ne peux pas comprendre que grâce à toi je suis ému tous
les jours que je traverse dans la vie, dans ces endroits dont j’avais
barré l’entrée, ces voûtes souterraines où je ne passais plus déguisé que
d’une fausse élégance de paresse véritable, que je me rends à nouveau sous
les plafonds voûtés des vieillards de légende, j’habitue leurs corps à la
déchéance des vigueurs, je me souviens le poids des profondeurs, leurs
ligaments limés d’amour, les salles de torture où pendent du plafond des
lanières de rimes, des pioches d’alexandrins, des niaiseries opalines, des
chevelures aubrunes. Dans mes paumes, habituées de sécheresse, j’ai senti
la rosée des pommes neuves, des pêches heureuses, j’ai senti des caves
grelotter, le frisson des nappes phréatiques aux paroles voilées des
timidités de leurs envies. La gêne qui tirait l’élastique de la pudeur. Je
t’aime autrement que l’on aime d’ordinaire, je t’aime dans un flacon que
tu n’as jamais vu, plein d’odeurs tourmentées, plein des voix ramassées
après que tu te réveilles, tremblante encore de cauchemars suffocants. Je
respire à ta gorge tes répudiations, figure-toi ainsi que l’air que
j’inspire réunit les molécules de dioxyde relâchées d’entre tes lèvres
usées de grisaille, tout ce que tu nies, tout ce que tu refuses, je
l’absorbe dans moi, j’en fais des toiles et des poèmes, des particules
dont tu ne veux pas –à tort- je sais arracher des astres noueux aux
racines délirantes à la figure insatiable de chansons.
Tu ne le sens pas, mais je t’ai pris quelque chose, quelque chose que tu
voyais si peu et qui, pour survivre à ton indifférence, s’était greffée à
ton ombre, rangée dessous tes coutures attentives, dans le pigment
malheureux, tenu, à l’extrême de tes lèvres colorées, cette chose où je me
glisse, où je m’invite, là avec cette part de toi, cette part immense,
fragile, malade jusqu’à la transparence cette passion refusée cette
religion expurgée de ta brusque apostasie, mes mots en font des salons
intimes, des boudoirs où écrire, je te réunis avec moi. Tu as banni de
toi, quelque chose immense de la forme d’un continent invisité, plein de
sauvages mœurs, d’arbres à musique, réclamant d’être traits pour ruminer
des sonates. Mais je ne t’en parlerai pas. Jamais, de l’amour que je t’ai
pris, je n’en parlerai pas à ta matière inutile, salie, nauséabonde, je
n’en parlerai pas à tes sens paralysés, à ton cœur gainé de rires polis.
Ce que je te prends tu n’en es pas plus maitresse que gardienne. Tu ne
peux agir pratiquement dessus, cette matière est intangible –et
négligeable- comme l’âme et l’aura. C’est dessus la nuit, à l’heure où les
clochers expirent les sommeils pesants, que je laisse un pétale fané dont
on dit, par-delà la raison, qu’il exhale la saveur répétée du regret. »

Publicité
<< < 10 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 40 > >>
boudi's blog
  • une fleur qui a poussé d'entre les lézardes du béton, un sourire qui ressemble à une brèche. Des pétales disloqués sur les pavés à 6 sous. J'entends la criée, et le baluchon qu'on brûle. Myself dans un monde de yourself.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 49 423
Publicité