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boudi's blog

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23 juin 2023

fait lin.

Le désir s’absente ou, plutôt, emprunte la porte dérobée. Son aspect d’imagination, de prescience m’échappe, désormais, une action concrète, palpable, devient seule capable d’en produire le mouvement. Si je caresse les seins, l’excitation, animale presque en ceci, monte, si j’embrasse avec la langue, mais il faut que la langue soit chaude, le désir, encore naît. L’alcool rend parfois la langue des filles tièdes ce qui, par une sorte d’angoisse automnale, fige mon envie. L’érotisme disparait. Hier, parlant du désir avec V. qui, lui aussi, en découvre la distanciation, il s’amusait de ce qu’il nommait mes dissonances cognitives (je le reprenais sur la prononciation de cognitif qui se prononce coguenitif et non, comme la plupart de gens le croient, coniitif) parce que, ne pouvant m’empêcher de séduire et de frôler, je ne souhaite pas m’aventurer au-delà de ce bord des lèvres, sans crainte aucune non même celle de bander. Les frôlements, comme je l’’expliquais, le contact des seins ou des fesses, m’excite. V. s’en amuse, aussi, parce que chaque fois, avant justement, ce qu’on nomme fatidique, je lui propose de rencontrer ces filles afin, que lui, m’en détourne, justement, ce qu’il se refuse à faire non parce qu’il ne ramasserait les restes par orgueil masculin, simplement parce que ces filles, déjà éprise, ne, pense-t-il, ne lui jetterait qu’un regard amical. Il se trompe, évidemment, sa beauté éclipsera d’évidence le souvenir éthéré du poète des fausses aventures. Fausses aventures parce qu’il me faut, tout le monde l’ignore, le pressent parfois, beaucoup d’élan avant de me jeter contre la bouche. La première nuit que je passais avec M., il y a des années maintenant, qui venait de Bordeaux et trompait son époux pour la première fois, je lui demandai en avance de, une fois dans la chambre, me sucer ; exigence moins née de l’envie de pouvoir et de soumettre que de la certitude, alors, de ne pouvoir, moi, rien oser face à son existence concrète. Je divertissais de mes peurs. Celles-ci, tenaces, l’alcool longtemps, les drogues plus encore, l’extrayèrent de moi.
Au final, je n’ose que peu, je crains tout changement tout en provoquant, à l’infini, les bouleversements les plus totaux.
Le manque d’audace paralyse le désir, l’empêche même de naître, E., jadis, la très jolie russe, venue de Saint-Petersbourg, je l’embrassai en me causant à moi moi-même une grande et terrible violence, je me souviendrai toujours, la même chose avec J. de Garches, ses yeux clos, les muscles frémissants, la joie curieuse. D’elle je me souviens, souvent, du dos musclé, des bras fins, la bague en topaze, sa manière presque sans accent, de dire Maman et Sciences Po. 

Je le sais, de sources sûres et variées, je suis un bon amant. Ce que me disait, quand je l’embrassais dans le cou, M., sur le canapé dans le salon, parce que je parcourais son cou de baisers joueurs. Le matin, après la nuit sans sexe, parce que, moi, fatigué, le désir courbaturé et le moindre obstacle - ici son embarras à cause de son sang et de ce que mâtines sonnaient - me détourne de baiser. Je n’écris pas, ici, sexe, parce que Marty, notre idole à J. et moi, emploie ce mot, toujours, pour parler des organes génitaux ce qui nous paraît, plus que ridicule, répugnant. Marty, écrit aussi, mon coeur se gonfle comme mon sexe. 

Embrasser M. le matin ne me causait aucune peur, le premier, lui par contre, assis tous deux sur le tapis neuf, m’effrayait un peu, je jouai, couard, le bravache ; ne manquant pas de courage je me mêlais à sa bouche, finalement, je commandais dans le lit à son corps de se dénuder, puis nous dormirent, blottis, tendres. Au matin, je ne sais quelle aisance me saisissait, ou, bien si, cette assurance étrange la mienne de quand je me crois sans danger, de circuler dans le monde avec grâce. Ce moment, précis, exact, où l’on tombe si souvent amoureuse de moi. 

Je ne baise pas toujours bien, parfois les sexualités ne permettent pas de rencontre. V. et son accent aiment la violence, elle griffe, mord, je n’aime pas les blessures ni mêmes celles de l’amour. Trop vieux pour ces fauveries. 

Mon désir s’il apparaît parfois ressort d’une excitation presqu’intellectuelle, d’un penchant vers la beauté, vers la femme, dont, nombre des individus en constituent les nobles représentantes. Rien ne me rend plus heureux que la proximité des filles, que la sensualité des filles, que la salive des filles, du baiser timide, à la lèvre brillante à peine du dernier bisou à J. qui sur la plage me demande de lui cracher dans la bouche. J’aime, aussi, avec passion, l’odeur de la baise, cette odeur âcre un peu, difficile à décrire, née, surtout, des moments de plaisir intense. J’ai connu des femmes, parfois, qui ne dégageaient pas cette odeur, desquelles je ne sentais que la transpiration amère, cette fille, je ne sais son prénom, Irlandaise, demeure en ma mémoire, tout, avec elle, revenait à du faux, lorsque je m’apprêtais à la lécher (je me demande comment elle le devina, elle court-circuita une pensée) elle murmura i don’t like to be licked. Alors je m’abstins, le sexe était nul, pour nous deux, nous avions utilisé une capote, je m’étais forcé à jouir, nous accomplissions ensemble une performance qui ne regardait aucun de nous deux. Jean-Maxime, dans un éclair génial (Mickaël disait je ne pense que par fulgurances) annonçait nous ne baisons que des contextes. Cette phrase me porte.
Les filles, souvent, n’aiment pas qu’on les lèche (gramahuche disait Baudelaire) la première fois, à cause de ce que leur sexe, dans leur imagine sent parce que, souvent, ceci leur a été signalé ou, même, que ça aurait pu leur être signalé, ce pèse ; I. (ici, Je m’amuse, avec l’jnitiale) s’excite en léchant et respirant sa cyprine (je déteste ce mot, je déteste aussi « mouille »). Les plus audacieuses, Karine, par exemple, j’écris sans retenue son prénom tant cette femme demeure loin de moi, par-delà toutes les périphéries, l’attend la première fois, ne l’exigera pas, y mènera peut-être. M., aussi, s’agace de ce que les garçons, si peu, le pratique. J’allais écrire mehdi etc. C’est un sujet sur lequel, plus tard, je reviendrai, parce que ce rapport aux femmes, de façon générale, m’intéresse. 

M., considère qu’un garçon sur dix, à peu près, lèche que parmi ces dix pourcents nombre d’entre eux le font mal. Je n’excelle pas en cette matière mais, plein de bonne volonté, je me laisse guider avec plaisir, il est difficile de guider bien davantage que de se faire guider, d’ailleurs. Guider, orienter, ne signifie pas obliger, forcer ou dominer, il s’agit d’indications, légères qui réclament, aussi, la connaissance de son propre désir, le trait d’union qui le lira au plaisir. 

TBC

 

 

 

 

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21 juin 2023

Dés-Insta.

Curieuse mise en scène permanente, de moi, lorsque, sur Instagram, je poste les tentatives de vie, ces minces respirations, au milieu de sombres marécages. Je ne me débats pas, à intervalles réguliers, de moins en moins fréquents cependant, une espèce d’aspiration me mène au monde puis, me rejette, plus loin, cette fois. Les choses administratives m’échappent et se délitent, je ne peux plus en régler aucune. Elles m’asservissent sans qu’aucune d’aide ne me porte le moindre secours parce que, la réclamer, encore, s’apparente à une chose administrative. Je parle et je dois, à chaque mot, me défendre, me justifier, argumenter. Force dont je suis dépourvu, alors, au lieu d’assurer cette existence pratique, je la condense, quelques instants, dans la fausseté virtuelle, quelques éclairs temporaires aussitôt dissipés, appelant, déjà, les suivant, plus coûteux. La foudre se tarit, le ciel se vide. Depuis dimanche, je ne peux plus rien poster sur IG, la fatigue même de cette fugue me domine. Parce que ma vie même en vitrine m’épuise trop. Les documents non lus s’accumulent sans que le seul important ne parvienne jamais, le bientôt qui, de plus en plus, s’associe à un ‘?’.

Mes mises en scène jouaient le double sort de rassurer et de prétendre. Le premier m’épuise, le second m’ennuie.

Les factures me débordent, leur ombre écrase, elle piétine moi, moi-même dix fois, le pilon qui broie dans le creuset cette force vaine, elles tombent, pluie acide, par surprise, les dépenses imprévues et vitales, nécessaires, les courts-circuits, l’air hébété que tout casse. D’hoquets en hoquets je survis dans ce désordre, le regard vitreux que rien n’éclaircit. La comédie, je la joue, encore un peu, jusqu’à…jusqu’à quoi ?

La colère, aussi, elle me quitte, tout s’y apparente. Pourtant, si j’admets calmement, plus calmement les choses, de grands espaces s’ouvrent parfois. Mais la vie administrative m’emporte, ressac de nuit comme de jour. La marée sans repos brise le corps fatigué.

Je relis une phrase, écrite il y a onze ans, que facebook me montre,  Est poète le tricheur aux cartes qui, couvert de plumes et de goudron, parvient á faire croire qu'il est un aigle ou un ange.

Epoque, de moi, le génie, quand la littérature, les mots, la poésie me couraient dans les veines avec aisance, sans lourdeur, aérien, puis je me suis érodé, par peur, fatigue, maladie.

 
Le désespoir, lui, refait jour. Il a pris son temps pour monter son embuscade. Les cauchemars me quittaient, ils reviennent. Chloé, à nouveau, obsédante, à cause d’autres souvenirs. Une main. Un poing. Je me demande, à nouveau, si elle ne me confond pas avec Pierre-Adrien. Parce que tout me demeure, avec elle, incompréhensible. Que la courbe des incompréhension commence par elle, continue par Margot. Après ? Après j’attends d’entendre.

Je rêve, parfois, de Marie-Anaïs chaque fois que j’en rêve, elle entre par surprise dans le lieu où je me trouve ou bien elle rejoint un évènement où je suis déjà présent et, souvent, sa famille avec. Avant, je me disais souvent, que ma vie serait parfaite à deux conditions : si la mère de Marie-Anaïs nous foutait la paix si, ensuite, je pouvais vivre mes amours libres sans contrainte. Ces deux conditions, aujourd’hui accomplies, ne le sont que celle qui les conditionnaient ne se maintienne. J’imagine que, par ailleurs, cette situation a pu rapprocher la mère et la fille parce que l’amour de la mère, pour tortueux, malade et mutilant, n’en demeure pas moins total, ce qui écrase souvent, ici, peut se faire plus léger. Par le drame, sûrement, aux yeux de la mère, un instant au moins, Marie-Anaïs devient plus autonome, plus indépendante, tout paradoxalement, qu’au moment où, elle réclame le plus d’attention. 


Ce que je me dis, aussi, après le tragique soubresaut, que, pour elle, au final, c’est mieux, je veux dire que cette violence, même, permet de justifier sa relation nouvelle, malgré tout ce qu’elle portait d’obstacles sociaux évidents, qu’elle rend, pour un temps, impossible toute critique, l’important étant, pour sa famille, qu’elle aille bien, qu’elle se repose. Cette crise court-circuite toute protestation, toute inquiétude, ou, disons, nous sommes, elle et moi, dernière curieuse union, le coeur interprétatif des événements ; elle pour l’inquiétude suscitée par qui l’aime moi comme le responsable du drame.
Deux points qui par leur radicalité émotionnelle excluent tout autre terme, tout autre commentaire du moins, des tiers termes. Je me demande si Marie-Anaïs s’aperçoit de ceci. Probablement que oui, malgré l’immense fatigue qui la saisît. 

18 juin 2023

Point, à la ligne .

Récemment, A. fêtait son anniversaire et je m’abstins de lui souhaiter, parce que, pour espérer que des liens brisés se ressoudent, il faut attendre. Nos liens, brisés, par un en dehors de notre relation, par un récit et des impressions qui lui vinrent de l’extérieur. Rien de moi à elle, au contraire presque. La douleur, la douleur vraiment immense quand, peu après le suicide, elle se proposait, dans une attention qui me toucha, de me consoler. Alors, je ne compris pas, le brusque changement, le gel autour de moi né du rejet soudain, brutal, qui, sans explication portait tous les possibles, trop des possibles. Ne pas lui souhaiter son anniversaire, voyant ses stories sur instagram, sa joie manifeste, me blessait, que les personnes décevantes s’éloignent, voilà bien peu de colère, que d’autres, à l’attachement sincère, s’éloignent, que leur vie nous apparaisse sans que l’on puisse dire un mot, abîme et nie. Je me suis tu. Pourtant. Parfois, je ne peux m’empêcher, vieille habitude ou tentative, de liker ses stories, dire un petit j’existe.

Attendre, me conseillait L., attendre pour…prouver que je ne me confondais pas avec le récit fait de moi qui effara tant A. Attendre, donc. A raison, probablement, parce que les êtres humains fonctionnent ainsi mais qui sent la terrible injustice et la proximité constante de la mort, j’allais écrire la mort, j’ai écrit la mort, non alors de la finitude plutôt, du non-futur, ne peut supporter cette abstention. Attendre, oui, comme espoir, donc bientôt, donc futur, donc temps, toutes ces choses par moi ignorées, inconnues, douloureuses.

Cependant, récemment, je lui écrivis un long message, important pour moi, pour faire le point, à ses yeux, sur moi que, plus tard, si plus tard peut exister, ce message en forge le premier mouvement, le dépôt qui, germera ou gèlera.

J’ignore comment elle le prît. Mon affection pour A., que rien n’éprouve, ressemble à peu d’amitiés par moi ressenties.
Elle ne dépend pas d’une longue histoire, c’est à dire d’une habitude et du devoir de fidélité que l’on se croit envers ses vieilles connaissances, elle ne relève pas non plus d’une répétition fréquente et intense d’aventures et de bombances communes.

Si elle ne trouve son origine et sa force ni dans l’espace ni dans le temps alors à quoi tient-elle cette affection ? Je dis, douloureusement, affection ici, retenant le mot amitié, parce que, ce dernier, implique une réciprocité pour le moment, au moins suspendue, au pire disparue. Elle tient, probablement, à un moment particulier de mon être, de mes changements intérieurs dont, malgré elle, elle pût être le témoin en même temps que l’amitié naissait. Je l’adore, sincèrement, sans rancoeur dans ce rejet que je comprends, que j’admets, qui blesse malgré l’accord de la tête. Avec elle, tout ce que je portais de sordide en moi, près d’elle, du moins n’existait pas, si elle me vit bouillonnant parfois ironique et non sans cruauté (ah, le club des poètes), elle ne me vît pas sordide, elle me connut débarrassé de l’horreur, cette fripe pourrie, galeuse.
Perdre A., étrange pour qui ne vit pas en moi, appartient au pire, me retourne moi contre moi. Quand elle m’écrivit de durs messages je restais sidéré, je me souviens, je marchais (arpentais ?) sur le boulevard de Rochechouart, je ne sais plus ce que j’y faisais, si je sortais du Louxor ou de chez Valentin ou, plus simplement, d’une balade. Je me souviens que le soir tombait, je me souviens, aussi, que je voyais sur le chemin, les petites affichettes apparaissant régulièrement d’un écrivain cherchant sous pente une petite chambre qu’il réglerait en cash.

Je pense souvent à A.

Ca m’a fait mal, quand elle n’a plus voulu me parler parce que, je croyais, envers elle, avec elle, toujours je me montrai très exemplaire. Sans affectation.
J’aime, chez A., la façon d’avoir envie ou, parfois, de s’indigner avec exagération, comme ce soir où elle tombait presque déjà amoureuse de L., en entendant le mot sous-continent indien, croyant, à cause de l’ivresse, que le préfixe sous établissait une hiérarchie ethnique et non une position géographique. J’aime, qu’elle aime s’amuser que, bien sûr, en elle le règne poétique ne s’achèvera jamais. J’aime, en elle, le sens naturel de la fête, une pente que le travail n’a pas entamé. Nous ne manquons pas de différends, quelques uns profonds, nous ne manquons surtout pas d’un espace commun, d’une façon assez semblable d’aimer. Je termine avec difficulté ce texte commencé il y a plusieurs semaines, je le veux exact, il se gâche. La dernière fois que je l’ai vue, c’était après sa rupture, elle m’a dit, je risque de pleurer, on parlait de polyamour, des formes divergentes prises par lui, du conflit qu’il implique. J’avais trouvé, par hasard, son profil OkCupid, il y a toujours une étrangeté à croiser nos amies sur ces plateformes, observer leur mise en scène, je me souviens, j’avais souri, quand, dans ce qu’elle cherche, elle énoncait, du sexe.


Et puis elle m’avait promis un resto. Et ça, je boude quand même. Elle me disait, qu’elle gagnait trois mille euros et plus, alors j’étais content pour elle. Et pour moi, ahah. J’allais, avec ma situation difficile, peut-être lui demander des sous. Pour, m’amuser peut-être, pour survivre plus certainement, pour alléger le véritable sacrifice de Marie-Anaïs, en ce moment.

Je souffre, dans l’écriture de ce texte, parce que ça remonte, ce que je ressens pour elle. Que, ma folie, ma folie d’un mois, un mois, je trouve, après ce que je subissais, franchement, ce n’était pas tant, ça demeurait dans le permis, dans l’excusable, même dans l’affection maintenue et l’attention. Imaginez, maintenant, une seconde recevoir des discours mélangés, changeant sans cesse, pour, à la fin des fins, en recevoir la version la plus atténuée possible. Mon frère, après avoir lu, le contenu de la réalité des reproches ne ressentit aucun soulagement, il entendait encore la menace, la condamnation, sans saisir, que, non, parce que ce que l’autre dit, ça en est la version la pire, celle à partir de quoi le débat se noue, si, si faible alors, moi mon récit, mes preuves, viennent en contrepoint. J’ai mal, A. me manque, ma folie me brisa, brisa des liens précieux, le sien, le nôtre, sa singularité, étoile polaire désormais moi me gelant. Oui, j’ai mal, quand C. m’invitait, pour mon anniversaire, à privé de dessert, je pensais à A., que peut-être nous aurions du y aller ensemble, que privé de dessert, punition des adultes aux enfants rebelles, que, oui, ça dit un peu.

13 juin 2023

Tu seras viril

L’étrange action, tardive en mon cas, de la setraline abstrait le désir sexuel dont la consistance, alors, tient davantage du souvenir ou du rêve, que de la pulsion amoureuse ou reproductive.

Le corps, lui, fonctionne comme de normal, il réagit aux stimulations habituelles, bander ne me pose aucun problème, éjaculer, par contre s’interdit, c’est à dire accomplir et achever ; entrer dans le destin reproducteur et le plaisir à l’acmé.

M. s’étonne que je m’indiffère autant de la sexualité, résumant celle-ci au rapport pénétrant/pénétré, comprenant mal que ce ne fut pas toujours le cas, je peux, désormais jouer, torero, avec mon désir et celui de l’autre, le surprendre par sa suspension. Avec M-C, nous jouions, souvent, à ce désir suspendu, balançant, retardant le moment de la pénétration, s’approchant au bord, jouant avec la limite du désir pour augmenter, après, celle du plaisir.

ici je supprime un passage que je déploierai dans un autre texte, ici, j’écris aussi qu’une pulsion de mort monte en moi, la même jadis de ce fameux post-coïtum animal triste, cette sensation d’une main osseuse serrant mon coeur.


M., je me sens étrangement bien avec elle, nous ne couchons pas ensemble, parce que je ne le souhaite pas, ce dont elle se vexe, pour la consoler, je glisse sa main contre mon sexe, l’assurant, ainsi, de l’absence de faute de sa désirabilité. Je me sens bien, étrangement, nous dormons ensemble, déshabillés, tendres assez, quelques baisers s’échangent. Le premier, c’était dans le salon, vers 4 heures du matin, elle soupira un enfin, un qu’est ce que tu attendais, qui, aussi, rappelait l’ordre usuel de la séduction, l’homme, quoi que même si son désir tarde à devenir certain, doit oser. Je ne sais plus si, c’était par jeu encore, je lui demandai si je pouvais moi l’embrasser.

Avec W., notre premier baiser, nous sortions d’un café, W., m’intimidait un peu mais trop forfantin, je n’en laissais rien paraître. Un moment, dans l’après-midi, elle me demanda pourquoi tu ne m’embrasses pas, puis nous nous embrassâmes. Paradoxalement, j’excelle dans les commencements, pas dans la prise d’initiatives. Je m’y force. Cette nuit, nous ne l’avions pas passé ensemble, j’avais dormi dans l’auberge de jeunesse Jacques Brel, de Bruxelles, la première et dernière fois. Dans la rue qui m’y menait, je voyais le symbole kabyle inscrit sur les murs. La seconde fois, nous en prîmes par la suite l’habitude montant en gamme, je réservai un hôtel 3*, l’hôtel Aristote, à proximité de la balle que Verlaine tirait sur Rimbaud. W., sortit une bouteille de vin - nous ne buvions presque jamais ensemble - et un préservatif féminin que nous essayâmes par curiosité, comme une expérience artistique que nous délaissâmes bien vite, préférant exercer nos talents manuels à des pratiques plus satisfaisantes. 

 

Le matin, ceci toujours me ravit, quand je l’embrassais dans le cou, sur le canapé, face aux livres, la lumière du soleil entrant par la fenêtre avant que les immeubles d’en face ne le brise - le salon, exposé Sud, brûle quelques heures par jour, les toits de tôle lisses et grises de Paris en augmentent la chaleur, puis le soleil passe sous l’immeuble voisin, il ne reste que la cendre.

 

Si je repense à mon désir sexuel, à la façon dont je dus le positionner face aux autres, me reviennent à la mémoire quelques épisodes. En quatrième, Arnaud abandonnait de son agenda des photos découpés de pin-up et proposait, à qui voulait, de les prendre. Je me portai volontaire parce que, ce faisant, j’actualisais ma masculinité, si mes pratiques correspondaient à celles des autres garçons, alors, j’appartenais au groupe. Cette pratique, transgressive au sens des règlements intérieurs et familiaux, permettait, ici, de respecter une appartenance plus forte et plus nécessaire. Je collai ces photos dans mon agenda, mes parents le découvrirent. Je ne me souviens plus si je dus les arracher, forcément, par contre, ils en tirèrent des conclusions erronées, ignorant, forcément, mon désintérêt pour ces images, l’impossibilité, pour moi, à cause de ce que la circoncision me mutilait jadis, de me masturber et de faire, de ces images, un usage autre que celui de conformité sociale. Par ces images je me signalais auprès des autres, me rassurais, moi-même, de ne pas être découvert, moins mutilé, parce que ceci s’avère trop complexe à découvrir, que moins, que pas assez. Je pouvais jouir, certes oui, du rôle exécuté à la perfection, me cachant à moi-même. Jouir, au final, seul, reproduisant, ailleurs, cette masturbation, d’un plaisir déjà adultère.

Oh, bien entendu, les autres garçons, ces collégiens, eux autant, par ces images, la provocation associée, jouaient aussi, en partie un rôle, dans le verbe haut et la verge droite, eux aussi se signalaient aux autres comme de bons hétérosexuels désirants et puissants. En dernier terme, après et en même temps que cette preuve apportée, moins les quelques dissimulés comme moi, ces garçons se masturbaient en effet sur ces images. Chose plus amusante, Arnaud et Gregory parlaient de leurs visionnages pornographiques et de leur absence successive aux toilettes. Je n’avais pas compris, jusqu’il y a peu, le motif de cette absence.

Deux ans plus tard, j’agissais enocre ainsi et doublement, d’ailleurs. Je possédais, enfin, mon premier téléphone portable. Un NEC, le premier téléphone, en France, en couleurs. Je prouvais, par cette possession, ma supériorité matérielle, il devenait signe de ma richesse prétendue, un mensonge, pour garder sa crédibilité, doit, régulièrement s’actualiser avec d’indiscutables preuves. Ces preuves, même modestes (et mieux encore de ne pas l’être), par effet d’attraction entraînent tous les récits vers le vrai, l’indiscutable, l’indubitable.

Je me souviens, aussi, d’un jour, assis à côté de ce garçon, Nicolas, être bizarre, sale, fumant du shit et, surtout en vendant, dénoncé, un jour par l’un de ces acheteurs dans l’enceinte de l’école. Je disais à Nicolas que mes parents me versaient, tous les mois cinq-cents euros d’argent de poche mensuels. Il répondit, incrédule, impossible et, alors, levait puis baissait la main, reproduisant, longtemps le geste, pour interroger la prof de mathématiques à ce sujet, réclamant cette censure adulte pour trancher notre débat. Je paniquai, je m’apprêtais à être découvert et si l’un des mensonges devait être trahi alors le reste pourrait, soudain, subir le doute. Mes mensonges, au sujet des phynances, tellement improbables, mais assénés avec certitude, ne tiendraient pas face à un doute méthodique, la moindre enquête m’aurait découvert. Alors je tremblai devant ce geste improbable, Nicolas hésitait, sûrement, devant l’incongruité du geste, sa place discutable dans un cours.
A ce moment Damien intevînt pour dire, à peu près, que s’il ne s’agissait pas d’argent de poche mais d’un compte d’épargne, alors, oui ça se tenait. Damien m’offrait une porte de sortie que j’empruntai en toute hâte, oui, voilà, c’était ça, exactement. Cette sortie ne correspondait pas, pourtant, à mon récit initial puisque je parlais d’argent de poche. Qu’importe, l’essentiel était sauvé, la focale déplacée, le mensonge, donc l’identité, préservée.

D’autres mensonges, plus absurdes, l’année suivante, je les commis sans émouvoir aucun soupçon, je prétendais, hackeur de génie, riche à l’infini, m’adonner les week-ends, à des combats de piratages informatiques dont le but consistait à abattre l’ordinateur adverse. Ordinateurs que je prétendais valoir des fortunes. Martin écoutait religieusement mes succès fantasmés, rêvant, lui, à seulement posséder une de ces machines entrée en fusion à cause d’un combat perdu contre un pirate habile d’Allemagne ou de Chine.

Avec mon téléphone NEC, je disposais aussi des premiers forfaits internets mobiles « utiles »,  à l’époque, pas de 3G, de 4G, ni de vaccin, seulement le E, de EDGE, internet mobile de faible débit. J’y pense, parce que, revenant de Marseille en train, passant par les campagnes mal connectées, le E majuscule s’affiche en haut de l’iPhone. Sur le téléphone NEc, en 256 couleurs, je téléchargeais des images floues de Pin-Ups, femmes en sous-vêtements, jamais nues entièrement, d’ailleurs. Lorsque mes camarades voulaient manipuler le téléphone, je faisais en sorte de laisser visibles ces images. Dans ce collège de garçon, ce faisant, je ne devenais pas un répugnant obsédé sexuel, je devenais un homme, comme tous les autres. Ils m’empruntaient, régulièrement mon téléphone, se signalant, eux aussi, autant que moi je me signalais. Nous nous prouvions mutuellement notre masculinité.

En quatrième, je me souviens d’Alexis, qui, parce que nous parlions de masturbation - lui ignorant que moi je ne le pouvais pas et moi ignorant ce en quoi ça consistait - me demandait par je ne sais quels détours, si j’étais précoce. Assimilant, alors, le terme à celui de l’intelligence, c’est à dire d’une qualité, je fanfaronnais de, oui, l’être. Lui non, plus, en réalité, inexpérimenté sexuellement, ne mesurait pas la portée du mot. Alexis, aussi, en cinquième, m’apprit, le mot cunnilingus, que, confusion banale, je pensais référer au nuage. Nous étions trois ou quatre ce jour là, dans la partie boisée et terreuse de la cour de récréation, derrière les algecos à cause de ce qu’une partie du collège était en travaux. Les autres élèves assistaient au cours de latin auquel Alexis, Maureen et je ne sais plus qui d’autre, ne participaient pas. 

 

pour me rendre au collège je devais prendre le bus 241 qui passait par le bois de Boulogne aux heures matudinales durant lesquelles les prostituées exercent encore, le bois de Boulogne compte, essentiellement, des prostituées trans, nous les voyions, hiver comme été, les jupes courtes le visage fardé arpenter les trottoirs, parfois nous les retrouvions à proximité du collège, le pénis énorme de l’une d’elles, débordait de sa mini-jupe, Laure, l’appelait un m’sieur-dame et le saluait de la sorte, pendant des années. Maureen, très grande avant l’âge, virile presque, un jour de banale dispute entre filles et garçons, m’agaçait tellement que je lui envoyai à la figure « t’as du volume entre les jambes », phrase entendue, probablement dans la bouche de Jean-François, obsédé sexuel dès ses 10 ans, ce à quoi, elle rétorqua, habile, « toi t’en as pas ».  

7 juin 2023

Saint-Georges et la grève du Dragon

Je considère, depuis mon emménagement dans le IXè, avoir trouvé, dans le monde, ma place, que cette géographie, dans un appartement que j’adore correspond à mes désirs les plus chers. Le quitter me déchirerait le coeur, tout changement s’y déroulant m’y altère. La fromagerie Chataîgner, en bas de la rue des Martyrs, qu’Yves tient depuis (si je me fie à societe.com) le premier janvier 1958 avec son épouse Annie, a vu toutes les transformations du quartier. Je disais à Marie-Anaïs que, le jour de leur fermeture, quelque chose en moi se briserait, je déteste toutes les faims (je voulais écrire fins mais ma bizarre dyslexie prend le dessus) comme je le disais à M., quand elle et moi nous soûlames à la maison et qu’elle voulait retrouver le VIè, cette année où tout se brise, comme une chose naturelle a aussi vu la fromagerie Chataîgner fermer. Après les vacances d’été, la grille demeurait fermée, longtemps, sans un mot, puis, en début d’année, un petit mot affiché sur la devanture remerciait les clients pour leur fidélité. Ce merci comme une oraison. Dans le quartier rien ne dure longtemps, ces remerciements d’adieu nous les trouvons à toutes les portes, au bout de cinq ans. Dans ma rue, le retoucheur, encore, seul, appartient à un monde ancien, le même en sursis, dans sa boutique ancienne où on ne le règle qu’en espèces ou en chèque bancaire ; lui aussi fermera, forcément. Il en va ainsi de la vie dont, moi, je ne supporte pas le passage. A cause de ceci, et, bien sûr, du sens qu’il a, je mentais sur mon âge, je ne pouvais me résigner à l’usure. Je tentais, qu’importe par quelle ruse, d’en limiter les signes apparents. Un jour, ça ne tient plus.

La fromagerie Chataîgner, après 65 ans d’existence a présenté son grillage clos, sa petite affichette, les passants et les habitués, glissèrent des fleurs et des mercis, comme pour une cérémonie muette. Sophie, La pharmacienne de la Place Saint-Georges, où je ne me rends plus parce qu’un jour elle me parlait mal, vit aussi dans le quarteir depuis, comme elle dit, toujours, et, la fromagerie Chataîgner préexistait à son toujours. La fromagerie où Yves et Annie faisaient le compte à la main. Yves, toujours casquette sur la tête, l’air bougon, la barbe un peu folle, les tâches de vieillesse, l’énergie toujours, Annie, aimable, bien maquillée, sans cesse, profitant de l’absence du mari pour se montrer généreuse, lui, radin, facturant tout, ne faisant jamais aucun cadeau, méfiant, un peu, bougon. Avec ce charme ancien qui, chez n’importe qui, nous paraîtrait insupportable, ici, l’âge, ce dont il témoigne, aussi, l’exotise.

Michel, l’épicier juif tunisien, de Tunis, de la goulette, Tunis centre, il ajoute aussi, lui aussi travaille ici depuis toujours, cette année il fête ses 66 ans. Un an de plus que la fromagerie d’Yves. Michel travaille six jours sur sept plus de dix-huit heures, il ne fait pas son âge, mais il fatigue, forcément et, aujourd’hui, ne trouve pas de repreneur pour son fonds de commerce. Aujourd’hui, aux épiciers tunisiens succèdent des épiciers bengalis ou sri-lankais, il leur cédera probablement son commerce. Je m’arrêtai pour parler avec Michel, récemment, alors que je me rendais au métro et que je le saluais rapidement, écouteurs aux oreilles, comme d’habitude parce que, l’été, il installe sur le trottoir un tabouret de bistro et discute avec les passants. J’ai défait mes écouteurs et j’ai parlé, et il m’a dit, alors tu as changé j’ai trouvé cette phrase amusante, les phrases que, les vieux amis normalement, vous disent, ou les parents, tu as changé, comme le quartier s’altère, sûrement, celui qui me ressemble, ma vie, aussi tout autant changée. Alors nous avons parlé de sa vie de juif tunisien arrivé en France il y a longtemps, je n’avais pas remarqué ses dents, il lui manque des molaires et quand il rit je vois luire un plombage, ceux qu’on faisait il y a longtemps. Maman, qui souffre des dents, compte de fausses dents, des couronnes (les appelle-t-on ainsi pour justifier le prix royal?) qui ressemblent à des dents naturelles. Il me disait, Michel, j’aime bien parler avec toi. Alors nous avons parlé, maintenant je m’arrête plus souvent et plus longtemps. Tout le monde connait Michel (d’ailleurs, je l’apprends, tout le monde me connait aussi), plusieurs générations, de grands parents, de parents et de jeunes enfants. Michel, m’a dit tu n’achètes plus rien puis j’ai bien vu que Madame était partie puis la pauvre puis perdre un beau gosse comme toi puis et tu as retrouvé quelqu’un.

Je peux faire, depuis mon arrivée il y a 7 ans dans le quartier, un petit fil des commerçants à l’ancienne. Il y a le cordonnier portugais de la rue Henri Monnier, son échoppe poussiéreuse, sale, ses prix deux fois inférieurs à la moyenne française, le fonds de commerce à céder depuis des années, en redescendant, il y a Michel, l’épicier, au croisement de Clauzel et d’Henri Monnier, juste avant la rue Notre-Dame de Lorette, si on tourne à gauche, c’est la rue Clauzel, le retoucheur turc auquel je n’ai jamais demandé le prénom. Je sais que, récemment, son fils s’est marié. Il y a, dans la rue, le grand parking marmoréen, un salon de coiffure qui semble de toute éternité et d’autres, eux, plus modernes, où les coiffeurs pour hommes, tous homosexuels, agitent avec talent et mépris leurs ciseaux. troc en stock a fermé, plus loin, encore, dans la rue Clauzel ma rue, deux boutiques, des dépôts ventes, à l’ancienne, vendent des pièces toutes diverses, certaines de collections. La dame blonde qui la tient, Monica, fume souvent sa cigarette sur le trottoir, elle parle avec Maxime, de l’autre côté de la rue, qui après avoir ouvert une boutique de vêtements, a décidé de la remplacer par une salle de sport, un de ces trucs hyper rapides, avec des machines qui ressemblent à des caissons futuristes. Je ne sais pas quelle promesse commerciale il formule. Monica est à l’ancienne, elle parle avec une voix rauque, reçoit de beaux vêtements, qu’elle adore faire essayer à C., parce que sa silhouette, est parfaite lui dit-elle. David, lui, a ouvert, un magasin de vêtements, une sorte de friperie de luxe, rue La Bruyère, il la tient avec son compagnon et sa fille, il l’appelle la débardeuse, a eu, me dit-il, du mal à trouver un local et aurait bien aimé s’installer Rue Clauzel. Ca m’émeut, chaque fois que le nom de ma rue apparaît quelque part, quand il suscite une émotion. La boutique de David, toute récente pourtant, deux ans je crois, m’a l’air d’exister ici depuis toujours. Elle se remarque parce que sur le trottoir un mannequin paré des choses les plus excentriques et toujours changé, se tient. Un peu comme moi, prince du quartier, comme dit Michel.

Michel, quand nous sortions avec C., avant d’aller au Silencio des Près, nous a parlé, nous étions un peu ivres et il s’apprêtait à fermer, pour une bonne nuit de sommeil, je lui demandai. Il était 23h et, me dit-il, le réveil sonnera à deux heures trente, pour qu’il aille se réapprovisionner à Rungis. Encore. 

 

Il y a deux mois, je crois, j’ai vu de la lumière dans la fromagerie Chataigner, et j’ai eu peur que la tragédie s’augmente de la destruction, une boutique de cookie, de madeleine, un lunnetier ou un marchand de saumon. J’entendais, régulièrement les perceuses, puis je n’ai plus entendu aucun bruit. Il y a deux semaines, étonné, j’ai vu la fromagerie ouverte, à nouveau. Tout le monde s’y pressait, tout le monde racontait, au nouveau gérant, l’émotion de voir, le nom intact Chataigner, encore affiché. Augustin, celui qui a repris la boutique, quand je lui exprimais, en mâchant dans la tomme de chèvre laissée à libre disposition, le soulagement (la joie?) de voir, ici, une fromagerie encore et non un marchand de lunettes, sourit, il me dit qu’ils y tenaient, Annie et Yves, à ce que ça demeure une fromagerie, qu’ils vivent juste au-dessus et qu’Annie, dès qu’Yves ira mieux, viendra faire la caisse parfois. Yves a subi un double ou triple pontage, sans quoi il aurait continué, jusqu’à la fin. Pendant, le COVID, encore, quand tous les vieux se terraient, lui, continuait de se rendre à Rungis, nous n’avons jamais autant parlé qu’à cette époque, le monde, rétracté, condensé en quartier, un monde d’un kilomètre sur un kilomètre.


La vie renaît, à Chataîgner, maintenant, est accolé le mot sauvages, les fromages sauvages, Augustin prépare, pour l’entrée un chèvre frais comme une crême brûlée, un peu sucrée, à mon goût, mais très belle. La boutique se ressemble toujours, le carrelage demeure le même. Mais maintenant les fromages ne sont plus exposés à l’air libre, tous se présentent derrière une cage en verre, obstacle transparent. Un geste de plus. Je me demande pourquoi, Yves, en 1958 devînt fromager, ce qui le guida, là, à cette profession. S’hérite-t-elle ? Trouve-t-on ce qu’on trouve comme les commerçants tunisiens de Djerba, achetant les épiceries arrivant en France, parce que réputés commerçants les djerbiens reproduisent ici leur nature ?

Le primeur tunisien de la rue des martyrs, au croisement de (?), vient aussi de Djerba, ainsi que tous ses collègues, nous discutons souvent. Il vivait, il y a plusieurs années, dans le XVIIIè, puis, souhaitant une maison pour ses enfants, en acquît une dans la région d’Auxerre, le forçant à faire plus de 4 heures trente de route aller retour chaque jour. Mais les arabes paressent, dit-on. Aujourd’hui, plus âgé, il lui manque lui aussi des dents, il reeménage dans le quartier, de l’autre côté de la butte, à Marx Dormoy. Ses avocats, à 2,99euros pièces sont les meilleurs que j’ai goûtés, ils sont énormes, deux ou trois fois plus lourds que leurs imitations de piètre qualité à un euro en supermarché. Il vend aussi des herbes fraiches, de grandes et belles bottes à bien meilleur prix que celles sous plastique de la marque florette à quoi je me résignais avant.

La réapparition de Chataîgner donne à la vie la vie. La rend. Différente. Comme la mienne devient. Je l’écris sans rancoeur, aujourd’hui, je vais mieux, je rencontre des gens, mon quartier s’amplifie, je me mets à connaître chacun et chacune. Marie, la serveuse du café du Père Tanguy, qui, pendant des années minaudait auprès de moi, qui, tout récemment, me proposait un verre. Je rencontre. 

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6 juin 2023

Du sens.

Lorsque j’ai voulu mourir, la première fois en 2023, que j’ai amorcé le geste avant que maman ne m’appelle, c’était, je crois en février. Marie-Anaïs se trouvait à Saint-Egrève, je crois. A ce moment là, je laissais derrière moi quelques lettres adressées à chaque personne, celles que j’estimais coupables, celles auprès de qui je devais expliquer mon geste. Cette fois-ci, je ne prévenais personne avant, je programmais un envoi, d’un petit film de moi ingérant les médicaments, à l’adresse de Marine. La vision de certaines choses, me disais-je, peut crever les yeux.
Aujourd’hui j’ai jeté les comprimés préparés pour le moment, ils demeuraient encore sur l’étagère de la bibliothèque, entre les livres, la poussière, le hand spinner bleu acheté en 2017. Aujourd’hui, j’ai jeté les cachets dans le sac poubelle de la salle de bains, puis je l’ai fermé. Le sac poubelle contient un paquet de M&M’s vide que j’avais acheté 2 euros dans un distributeur automatique, mort de faim, avant d’aller au Silencio des Près, beaucoup de cotons démaquillants, pas trop sombres, maintenant, je me maquille en smoky eyes, brouillon, comme à mon habitude, j’étale la poudre sur mon oeil en tapotant le pinceau, puis, approximativement, j’arrange le tout, deux brosses à dents toutes noires parce que, dans un accès maniaque, elles servirent à brosser les recoins sales de la cabine de douche, des mouchoirs utilisés pour le rhume des foins de C. et maintenant des comprimés non usagés, non utilisés. Le sac en plastique se zippe, je le laisse ouvert, très plein il baille. Pour l’instant, il reste dans l’appartement, pour signifier je ne sais quoi encore, son sens progressera, hors des discours faciles, au fur et à mesure que je le regarderai, le temps, ma vue y déposeront du sens. J’attends le chemin que, par là, j’emprunterai. Répétant, consciemment, les mêmes gestes, observant, consciencieusement, les objets, nous pouvons leur établir un sens, les faire agir en nous. Comme des mots. 

6 juin 2023

Shenron

La réunion des sept Dragon Balls permet l’invocation du dragon Shenron, capable d’exaucer n’importe quel souhait. La Terre se trouve souvent la cible d’indivuds voulant la détruire ou en dominer les habitants. Ce projet ne s’accomplit jamais sans pertes humaines voire, même, pertes d’un ou de plusieurs héros. Une fois les antagonistes vaincus, les personnages invoquent Shenron pour rendre la vie à ceux qui l’ont perdu. Dans l’un des chapitres, je ne me souviens pas lequel, Krilin, au moment de prononcer le souhait, demande à Shenron d’exclure de la résurrection les méchants, disant méchants il ne signifie pas, ici, les adversaires des héros et leurs séides, il vise les êtres humains « mauvais ». Je me demande, alors, quelle règle morale s’applique à ce souhait, quelle loi détermine la culpabilité de ceux péris. Shenron ne nous donne à ce sujet aucune indication, nous ignorons, alors, s’il s’agit de juger l’âme humaine, excluant par anticipation les individus susceptibles de commettre le mal ou bien s’agit-il de celles et ceux condamnés par la justice. Mais alors quelle loi appliquer ? Celle du Japon, de l’Iran, de la Somalie ? Peut-être l’exception souhaité par Krilin n’exclut, en réalité personne, Shenron s’interrogeant ainsi que moi-même se décidant à ne pouvoir trancher les méchants. Il réalise, sans que Krilin ne le sache, son souhait, il exclut les méchants de la résurrection mais comme il n’y a pas de méchants par essence..  

5 juin 2023

Guér(ie)r

J’ai pendant des années, c’est à dire des dizaines d’années, dissimulé à maman le harcèlement scolaire subi. Ces derniers jours, sous l’effet de la sertraline, je rêvais sans cesse de lui révéler. A force de vivre, en songes, avec le degré de réalité des rêves sous AD, je ne pouvais plus le cacher. Deux réalités se superposaient, en moi sans violence, sans douleur, mais m’encombraient, ne me permettaient plus de distinguer, le vrai du virtuel.
Le lui dire ne soulageait pas mon moi adolescent, il dissipait mon rêve. Ce rêve ne me pesait pas, je l’expérimentais sans douleur, seulement, il demeurait, occupait des coordonnées répétitives dans cet espace mental, un point, dans le cerveau, appuyé comme ces points noircis à l’infini sur les cahiers d’étude.
Depuis toujours le rêve me sert de dérivatif, j’y exprime ma violence sourde et frustrée, mes désirs contrariés, mes espoirs ou, ici, tout simplement, mes envies. Le rêve, comme l’écriture barbare d’ici, me retient, m’empêche, me console. Ce rêve protégeait maman qu’évidemment le récit affecterait, aucun parent ne reçoit ces témoignages sans pitié et, même, culpabilité, celle de n’avoir pas vu.
Longtemps, je m’abstins, dans le monde entier, d’en parler, refusant de me confondre avec ces événements, les taire, je le croyais, les niait. Ce silence donnait libre cours aux interprétations des autres, je prétendais, sans dire pourtant, qu’il existait une continuité avec ce moi au monde et celui antérieur. Un être, toujours du côté des forts, je croyais, que c’était les forts quand il s’agissait des brutes.
Je le cachais aux autres à cause de la honte, à cause de l’orgueil, ce faisant j’étais, au-dedans, un être disloqué, irréparable et contradictoire qui ne savait pas vivre. Maman, de lui cacher, jusqu’à aujourd’hui, valait de la protéger elle.
Mehdi, je m’en souviens, lorsque nous évoquions, en des termes généraux, le harcèlement scolaire s’imaginait, qu’à tout le moins, loin d’en être victime, je participais plutôt, plus ou moins activement, à la génération de ces dominations. Ma soeur, lorsque je le lui révélais, récemment, s’en étonnait aussi, puisque, disait-elle, tu ne dégageais pas ça.
Être dédouble, rendu duplice et falsificateur. Héritage invisible dont nous acquittons, toute la vie, les droits de succession. Servage infini.

La vie, elle me coûtait, onéreuse, payée, ma vie de ma substance, comme, je crois, tous les autres projetés dans cette condition. Ce mélange de haine, de détestation de soi-même, de lutte à la surface. 

Voltaire écrivait, nourrisson prématuré et rachitique, je suis né tué. Les adolescents harcelés, eux, se perpétuent, ainsi, longtemps du moins, tués. Les victimes de violence, de touts celles-ci, aussi, vivent tués.

Leur rapport au monde, longtemps, demeurera vicié sinon, même toujours, il s’agit moins, même, ou non pas seulement, de quelque chose de cassé mais plutôt d’un lien jamais formé. Il ne faut pas chercher la fracture dans la vie de ces individus il faut trouver l’absence, le non né et, parfois, ce qui fut mon cas, l’avorté. 

A l’inverse d’autres enfants harcelés je me suis, presque chaque fois, battu sans saisir que cette bataille n’aurait pas du se mener tête contre tête que, affublé de la honte, alourdie par elle, leur meilleur complice, je n’avais aucune chance. Je partais perdant parce que je ne fixais ni les règles, ni le lieu. Il s’agit ici moins d’un élément consubstantiel au harcèlement scolaire que d’un trait de personnalité. Lorsque, parfois, il faudrait renverser la table, ne plus respecter les règles, je m’en abstiens, je tente de tirer le meilleur de mon désavantage. Nous devrions, alors, nous abstenir de jouer.

Mon année de troisième, je découvris, la peur, la vraie peur terrible, interne, à l’époque, je redoutais le début de semaine sachant que, toujours, la torture recommencerait. Cette année là, la seule de ma vie, je cessai de lutter. La torture la nuit, le jour, à l’étude, tout devenait reproche, tout portait la négation, ma négation.

Le harcèlement empêche de se construire parce qu’il interdit au lieu de se former, la ligne naturelle où la personnalité s’affirme, où l’enfant devient adolescent puis adulte s’inscrit, au mieux, en pointillés. Nous ne mourrons pas. Nous ne naissons pas.

Moi, d’abord, ça a été la séduction qui m’a consolé, une séduction cruelle, une revanche générale sur ce qui affirmait, dans la règle des brutes, la véracité de l’homme. Si je possédais des femmes alors je valais quelque chose et mes douleurs antérieures n’étaient que la préface illisible de ma vraie vie. Je me trompais parce que je m’exprimais, alors, encore non comme un chef, un violent, mais comme celui, alors, brisé. Je me fabriquais sur de la poussière d’être. Marie-Anaïs, ensuite, me permit, lentement, de débuter mon être au monde, avec les affres, forcément, de toute naissance, tout commencement, surtout celui qui nous arrache de l’obscurité, aveugle et foudroie. Le Lamictal, ensuite, parce qu’il apaisait mon état mental, qu’il me donnait du calme. enfin, à nouveau, la séduction, plaire, plaire absolument aux filles très belles aux filles que moi je trouvais très belles et auxquelles je plaisais. Ca, oui, ça a été le terme de mon apparition au monde. Guéri ? Je l’ignore. 

31 mai 2023

Trauma

Eprouver le suicide, sa mort proche, reste une expérience traumatisante comme d’autres déclarations qui ne furent pas des faits. Ma recherche du bon quai, la découverte du E et F où les trains ne s’arrêtent jamais, les allers-retours pour m’assurer, en descendant les marches de la gare, de ce que les trains ne s’arrêteraient bel et bien pas. L’écran tout blanc des quais E et F que je pris d’abord pour un dysfonctionnement avant de comprendre que, cet aspect livide, désignait l’absence d’arrêt, pâleur du mort.

Je revois, souvent, le visage du cheminot entrant en gare de Clichy-Levallois, ce train, que je savais être celui sous lequel me jeter. Celui-ci, précisément, le téléphone en mode avion pour que personne ne puisse me déranger. Déconnecté. La mort avançait, elle semblait avoir des yeux, ceux de personne. Je me souviens du froid qui passait en moi, ce froid que je reconnais encore, la nuit, lorsque je me réveille en tremblant, à 5 heures du matin, incapable de me rendormir, les rêves clairs, prosaïques - un suicide prosaïque réaliste - que donnent la sertraline. Les premiers trains, je les laissais passer, comme au base-ball, le batteur, souvent, pour jauger son adversaire et mesurer son adresse, laisse filer le premier lancer. Les premiers trains, j’évaluais à travers eux, la réalité de ma mort, je mimais le passage sur les voies, je feintais la mort, certain d’y venir, plus tard. Le désir devenait plus urgent à mesure que le courage décroissait, le geste sortait de son mode abstrait et entrait là. Violent. Noir. Je ne voulais plus vivre. Puis il y a eu ce train, la chemise blanche, à carreaux verts, je ne distinguais pas si bien, tout allait au ralenti, comme si le temps ainsi appesanti me donnait une ultime chance de réfléchir (c’est à dire d’avoir peur plutôt que de me raviser), la coupe de cheveux très classique, ses mains sur les manettes du train. Puis il est passé devant moi. Je n’ai plus pu.
Je rallume le téléphone pour le airbnb mais les pompiers et le SAMU me géolocalisent et me traquent et la peur de l’hôpital psychiatrique prend le pas sur tout, sur la détestation de la vie, la douleur, sur tout, cette peur d’un endroit où, plutôt que nous tuer, on nous annule. 

2.

La mort, ce jour là, je me dis que je la choisissais mal, qu’elle exigeait, celle-ci, de sous les trains un courage dont je ne disposais pas, voir arriver cette grande machine de métal face à vous, vous donne la certitude d’un combat perdu. Nous souhaitons, pensez-vous, cette défaite. Nous ne la souhaitons pas en ces termes, vouloir la mort et redouter la douleur, la douleur, encore, c’est la vie, une forme intense de celle-ci, que nous voulons quitter et non, ne fut-ce qu’un instant, accentuer.

Le train semble rouler trop lentement, il porte, dans ses phares, l’incertitude de notre mort et la possible et l’affreuse agonie, la peur, la peur qui monte, cette peur que je ressentis, la première fois, en faisant de l’escalade et que je devais me jeter dans le vide, attaché, que je ne le pouvais pas. Cette peur là, décuplée, métastasée.

Les suicides médicamenteux offrent l’avantage de vous endormir, la substance ingérée, lentement la mort se dépose en vous, elle pousse, vous n’agissez plus, elle rampe tandis que vous vous endormez, irrésistiblement, sans douleur. Trop inquiet de me rater, je me renseignai sur Internet pour assurer mon succès. Si je choisissais, par exemple, le train plutôt que le métro, c’est en raison de la vitesse de circulation de l’un et de l’autre. Les données lues demeurent abstraites, je sais que le métro entre en gare à une vitesse approchant les 40 km/h et cette vitesse d’un vecteur d’acier me paraissait porteuse d’agonie plus que de mort. Les trains, quant à eux, circulent plus rapidement, surtout, les transiliens, ne ralentissent pas à chaque arrêt parce qu’ils ne les desservent pas tous. Je crois, aussi, que le plein air de ces trains me plaisait davantage.

Le suicide médicamenteux, j’y renonçai quand j’appris, moins mortel que je ne le concevais d’abord, le risque de se réveiller, nauséeux, des jours après. Nauséeux parce que vivant ? 

Le compromis, celui à quoi je pensais, après l’échec ferroviaire (que j’avais envisagé), c’était de louer un appartement au sixième étage sur l’île de la cité. Je montrais à L., en riant désormais, que je négociai le prix avec le loueur qui, loueur, m’exprimait combien déjà sa proposition, pour un logement situé là-bas, dépassait tout espoir. Je n’osais lui dire que, moi, je manquais d’espoir. Je lui précisais, comme s’il pouvait y prêter le moindre intérêt, que je devais, pour la nuit, quitter mon appartement à cause de travaux, ils existaient, alors ces travaux, en moi-même, une démolition que j’espérais.

Sur le quai, comme une fronde, s’entrechoquaient les pilules des médicaments, si je devais sauter du sixième étage, je prévis de combiner le saut à une prise de médicaments et d’alcool pour me traîner, à demi-ensommeilé, au rebord du vide et tomber.

J’ai été hanté, longtemps, par cette phrase de Sarah Kane, dans 4.48 psychose je crois où, elle prévoyait son suicide (ce qu’elle finit par accomplir) par la prise de médicaments, de lacérage de poignet et de pendaison, tout ça en même temps pour bien signifier que, non, elle n’appelle pas au secours. Elle déclare, je veux mourir par la répétition des signes de sa mort, se couvrant de cette sursignification elle indique, clairement, je ne veux pas être sauvé, être sauvé dans vos termes ce n’est pas ma salvation. 

25 mai 2023

Mektoub

J’entends, à certaines heures, les récitations de mon père depuis sa chambre.
Lorsque j’y entre, en son absence, je remarque le tapis toujours déplié et la large pierre brune à l’endroit où il pose son front. Cette pierre est exclusive aux chiites, elle symbolise la terre que foulait l’imam Hussein, le fils de l’imam Ali (sws?) que les chiites révèrent presque - malgré le péché d’association - autant que le prophète Muhammad (sws) - malgré le péché d’association - et que Allah (pas de péché d’association.

Cette pierre, j’opère une rapide recherche, s’appelle la turbah (je ne le savais pas), si le clergé chiite préconise certains matériaux pour élaborer cette pierre, la recommandation ne vaut pas obligation, la pierre importe pour ce qu’elle symbolise, elle devient terre de Karbala - où se déroulait le martyr d’Hussein (je le savais) - transubstantuée par la foi du croyant.

Mon père (papa?), comme je l’écrivais déjà - et ceci codé dans je ne sais quel gène m’est passé - spectacularise ses pratiques, celles qu’il considère légitimes et, au sommet de toutes, la pratique religieuse. Il laisse longtemps le tapis déplié et la pierre longtemps, lourdement posée, elle pèse dix fois son poids, le poids de celui qui voudrait croire assez. Dans la chambre de maman, le Coran est toujours ouvert, elle le lit chaque jour, un peu. Je ne l’entends jamais psalmodier quand elle prie, sauf, parfois, au moment impératif du murmure avant de saluer les deux anges. Elle prie avec sa voix intérieure.

 

Dans la chambre de papa, depuis sa crise cardiaque, trône un vélo elliptique (j’entend à l’instant papa dire « j’ai été à la mosquée de - je ne discerne pas le nom - ils sont gentils là-bas, il y a des travaux »), son usage réside, essentiellement, dans sa possession, toute utilisation s’épuise dans l’acquisition. Je fus, longtemps, semblable avec les livres, les accumulant comme autant de possibles, de plus tard, espérant, par contamination, en connaître les effets.
 
Hier (avant-hier, je finis ce texte le lendemain de son début), j’ajoutais sur l’iPhone de Maman de nouveaux podcasts à sa demande. J’y découvre celui en cours de lecture, une récitation du Coran. Elle s’imprègne, j’aime ceci, du texte, si, cette façon de faire, consacre un pouvoir magique au texte initial, diffusant par sa pureté même, la religion.

Papa s’instruit en Islam mais je n’aime pas le savoir théorique, sur le sujet, la foi d’un enfant ne comprend aucune cruauté, son évidence, tout en reconnaissant une transcendance à Dieu, entretient un rapport horizontalisé.

Aujourd’hui, dans cette mise en scène de la croyance, le grand spectacle de soi, de jeunes gens, lycéens et jeunes vingtenaires, se filment - sur TikTok ou sur Snapchat - le front marqué. La marque atteste de la piété, ce stigmate n’apparaîtrait que sur le front du très saint qui pria tant qu’Allah le distinguât du reste des hommes par cette trace. Dieu signe leur front. J’écris hommes parce que cette trend ne concerne que les garçons, les filles, elles, se mettent en scène autrement à travers un surinvestissement du voile islamique. Surinvestissement qui ne se comprend pas, seulement, par une subversion du stigmate, il s’agit, réellement, d’une mode, justiciable de likes et de followers. De nombreux influenceurs, par ailleurs, mettent en scène l’Islam, leur pratique, l’omrah, c’est à dire le pèlerinage à La Mecque, acte le plus spectaculaire et le moins coûteux spirituellement, nous sommes plus proches du tourisme que de l’expérience mystique. Les reconvertis, comme l’Islam les désigne, fleurissent sur les réseaux sociaux, la marque de l’Islam fonctionne comme un gage et un signe et ce signe est double, s’il crédibilise les influenceurs aux yeux de leurs fans, il déculpabilise aussi ces derniers, conjuration de dupes. La consommation d’un contenu trivial, voire obscène devient permis, la religion irradie, voilà le placement produit nimbé de Dieu.

Dylan Tirry l’exposa de bien piètre manière lorsqu’il se rendait en Turquie, après le tremblement de terre qui ravagea le pays, en prétendant s’y rendre pour aider. Habillé en Gucci il paradait sur les débris et, conclût son voyage, en filmant sa chambre d’hôtel, la baignoire en marbre noir d’une suite d’un grand hôtel.

 

Ces hommes, au front marqué, feignent, lorsqu’ils se mettent en scène, de ne pas remarquer ce signe d’extrême dignité.

Les commentaires, souvent, encensent ces garçons, et, toujours, le critère premier, du moins conditionnel, demeure la beauté. Aux yeux de ses followers, sa dignité religieuse ne devient crédible que du désir qu’il suscite. Nous sommes bien loin de Karbala.

 

23 mai 2023

Place à l'éclair

J’écris régulièrement, en ce moment, à la terrasse d’un café de Suresnes, Place du Général Leclerc. Je m’y rends en après midi, avant la cohue que le printemps amène, pollen à quoi je demeure allergique. Dans cette ville bourgeoise, les personnes âgées fréquentent abondamment les cafés, les cheveux de riche couvrent les crânes des hommes et les femmes, cheveux teints et nets, semblent toujours quitter un salon de coiffure.

Des groupes, d’individus plus jeunes, allant de 30 à 55 ans, squattent, pour des déjeuners tardifs ou des collations anticipées cette place. Ces gens parlent fort. Leurs conversations, toujours, mises en scène de leur position sociale (en réalité de leur fantasme de cette position), sont banales et comprennent un je-ne-sais-quoi de vulgaire. Ce grotesque, s’il se trouve à Paris, ne se rencontre pas tant chez les parisiens, cette vulgarité sent la propriété sans charme, sans aucune sciure d’ébéniste, leurs vêtements sont propres, les chemises boutonnées jamais comme il faut, un bouton de trop (attaché ou détaché).
Les femmes possèdent davantage de style, non qu’elles y prêtent plus d’attention, les hommes aussi y consacrent du temps. Il s’agit, pour elle, d’une ancienne nature, sa mère en constitue, par ailleurs, un criant exemple. Les marques féminines dédiées à ces catégories socio-pro, habillent mieux leurs consommatrices. Voilà tout.  

Ils rient et s’amusent rarement. Quelques uns dominent la conversation, les autres attendent.

L’argent, sous toutes ses formes, occupe l’essentiel du bavardage, sous toutes ces formes ou presque parce qu’il élude, en le laissant deviner, le revenu. Il se déduit des vacances à venir ou passées, il se déduit des travaux annoncés et des acquisitions prochaines, il se comprend, aussi, par ce qui est trop cher. Ces personnes sèment des indices qui, bien assemblés, reflètent leur tranche d’imposition, leur parole est une déclaration fiscale biffée.

Leur assurance me fascine, celle des hommes surtout, en ce qu’ils ne la feignent pas. Elle les déborde, strates et strates additionnées jusqu’à cette perfection de morgue, de capacité à décider et ordonner. Ils s’expriment en questions rhétoriques sans point d’interrogation. Aucune réponse ne peut dépasser ces paroles, leur mode d’existence est le présent de vérité générale.

A Suresnes je les vois plus nombreux que lorsque j’y vivais plus jeune. La ville, auparavant, comptait une plus grande diversité humaine, des historiques, ceux qui ont vu la ville changer, sa bascule, dans les années 80, à droite. L’édification des bâtiments - j’y reviendrai dans un prochain article - fonctionnels de cadres sup, d’un moderne en toc.
La ville rase son histoire et remplace les vieux immeubles ou les petites maisons de ville, par des logements, tous clones les uns des autres, habités par des clones, aussi.

à côté un homme parle d’une bague de 25 (?) carats, parce que je porte mes écouteurs à réduction de bruit et son blanc, je n’entends pas davantage.

Leur assurance continue de m’épater, une assurance sans intérêt, parce qu’elle ne porte pas assez loin comme ces hommes ou ces femmes, violents, durs, affirmés qui n’emploient leur pouvoir qu’à de médiocres ambitions. Ils vivent dans un petit monde et prennent le plafond de deux mètres cinquante - la norme - pour le ciel et ne s’étonnent pas, voyant la lumière tomber du plafonnier, de n’y trouver aucune constellation. Aux nuits vides désormais accoutumés. 

 

Lorsque je squatte les endroits chics de Paris, les grandes brasseries, Chez Castel, les grands hôtels, ou le Raspoutine, je ne trouve pas ça. Pour, peut-être plus répugnants en apparence, les êtres humains y possèdent une forme de complétude. Entiers ou tentant de l’être. Certains, dans ces lieux, seront submergés, bien entendu, mais, au moins, auront tenté d’échapper à quelque chose dont ils ignorent - ignoreront toujours - même le nom. Les autres ceux de Suresnes ou n’importe quelle bourgeoisie moderne, celle de la province, appellent ambition ce qui relève d’un conformisme inquiet. Ils se reproduisent à bas étage. Certains diraient, avec joie, que s’ils composaient, depuis toujours, l’humanité entière, la Tour de Babel n’eût pas été seulement imaginée, ni l’Amérique envahie. De petites chefferies.

Quitte à survivre autant survivre avec panache. 

 

je pense à ce garçon Simon Collin, dingue du dernier degré, alcoolique drogué au benzo que je croise parfois, qui flotte, il organise des interviews chez lui avec des « personnalités » suivies d’un dîner. Il n’y invite, à l’exception de ses amis proches, que de jolies filles qu’il trouve sur instagram, celles-ci acceptent, voulant bénéficier de l’exposition apportée par ce garçon et, s’aimant, il faut le dire, ainsi sollicitée. De nombreuses filles - ma compagne - déclinent l’invitation, la curiosité et la petite ambition ne comblant pas la suspicion. Pourtant, il parvient toujours à remplir sa table et les filles sont jolies, et les invités étonnamment connus. Ces filles, qu’il invite, justement, tentent, sans réel danger, je crois, mais elles tentent de débuter quelque part puisque le bal, celui jadis des de-débutantes, ne les peut admettre. J’ai plus d’estime pour elles et même pour ce bouffon haïssable de Simon Collin que pour le monde entier. 

 

 

Oui, je déteste, chez ces gens là, leur platitude extrême, tout d’eux peut se deviner, ils dessinent une ligne droite, qui traversera tout, y compris les autres, voilà leur crime, cette ligne ne s’élève pas, ni courbe, f(x)+1. Je ne les nomme pas médiocres non plus, leur cruauté les distingue de ce mot, une banalité. 

23 mai 2023

Toi et toi

Mes premières grandes joies, je les trouvai dans les objets, dans la possession d’objets outranciers et à jalouser, entretenant, cette chose, une correspondance d’avec mon envie de spectacle, si tout ce qui brille n’est d’or, tout ce qui brille attire et dupe. L’observatrice, aveuglée, confond l’éclat de la chose avec celui de l’être. De la tromperie nous devenons précieux.

J’éclatais de la sorte et pouvais posséder les êtres par extension des choses, ils en devenaient la dépendance, j’attirais moins en moi-même que par le truchement du costume serré et du verbe haut lui aussi, possédé en propre, appris par ruse et par aisance, emprunté ou volé, ajusté au costume, tantôt, le verbe, mouchoir de poche ou foulard en soie qui ne m’appartenait que par le noeud singulier que j’inventais.

Mes premières grandes joies, je les trouvai moins dans l’amour que dans les beaux habits, mon accomplissement tenait dans l’avoir, une reconnaissance de dette et celle-ci je l’exigerai comme un fonds vautour exige le principal et les intérêts. Jamais ce goût des artifices ne me corrompit puisqu’il me définissait, j’ambitionnais l’orgie un Des Esseintes moins la particule.

Si tu savais comme l’on marche mieux sous la pistoledade excitante des yeux s’exclamait Cyrnao, je n’ai jamais cherché que cette pistoledade, le moment où, contre les murs des je t’aime ou celui du bateau ivre - Rimbaud, un autre qui voulait posséder, de l’or et de beaux habits - j’embrassai E. pour la première fois, qui m’offrit, peu de temps après, sa bague et la topaze que sa mère de Russie lui offrait. E. me plaisait parce que belle, parce que son nom résonnait comme un vers chantonné, parce qu’elle fut la seconde fille sportive avec laquelle je faisais l’amour, après, J., la femme toute brune l’interlope qui me racontait, la première, son métier inconnu de moi, celui, de travailleuse du sexe. Trouver, sur ces corps fins et agiles, la saillance des muscles qui découvraient ou couvraient les os selon leur contraction. Le toucher inconnu, tantôt souple tantôt dur du dos.

E., à notre premier rendez-vous, lorsque nous nous embrassâmes, ferma les yeux et trembla puis, alors que nous allions nous séparer dans les couloirs du métro, elle revînt rapidement vers moi pour me proposer d’aller chez elle. Le matin, je me souviens, je ne trouvais plus mon t-shirt et dus rentrer, à moitié nu chez mes parents.

Je n’ai jamais aimé que ceci, au fond, les jolies femmes et la gloriole, mais aucune femme comme aucune gloire, je ne les réduisis à l’état de fonction, je désirais les deux, pour aussi ridicule que de loin il semble, en entier et pour elles-mêmes. Si j’ai aimé avec passion nager dans la piscine du Ritz et m’exposer y être, j’adorais pour lui-même le séjour, dans un monde déserté, j’y eus pris un égal - ou presque - plaisir. Le luxe, sans aucune contradiction me réjouit et, tout autant, m’en priver ne me poserait aucun problème

 

je jouis de peu. 

 

Aujourd’hui, plus vieux, j’aime toujours les belles femmes, que, par étrange miracle, je séduis, mon désir, seulement, s’est déporté assez loin du sexe tel qu’habituellement il se définit, c’est à dire dont l’orgasme constituerait l’objet et le terme.

J’aime leur peau, le sommeil contre elles, la diversité des corps, leur plaisir à elles. Aujourd’hui, à cause de la sertraline, l’anti-dépresseur que je prends, jouir, au sens convenu du terme, c’est à dire éjaculer, se heurte à une impossibilité fonctionnelle. Je n’éprouve aucune frustration et ceci s’explique difficilement tout en vexant les femmes parce qu’en chacun et chacune une forme de la sexualité s’impose l’homme, surtout doit, jouir sans quoi quelque chose rate.

Je bande, d’un désir complexe, qui ne s’épuise pas et ne me blesse pas, il devient direction et possible, répétition.

Lorsque je rapporte aux femmes que je fréquente aujourd’hui les tristes méandres dans lesquels je suis pris elles s’étonnent ou s’indignent tant ma personne aujourd’hui semble incompatible avec ces marécages.

Notre présent pourtant ne présume pas de notre passé les conversions transforment et toutes ne se déroulent pas dans les rites officiels, les ruptures biographiques aussi, changent la nature du je.
Jamais je ne justifierai de mon maintenant pour me défendre de mon passé mais, celui-ci, je ne le reconnais qu’à sa mesure et chaque millimètre d’excédent, je le battrai comme blé parce que sa taille réelle, pour chaque personne réellement concernée, permet seule d’obtenir la vérité que pour l’instant tout le monde ignore, y compris, nous-mêmes.

(ici je consacre quelques lignes encore à Chloé et Margot parce que je ne tolère pas, et ceci avec absolument toutes les rigueurs, leur place dans ce champ, les autres, bon, vous savez vous ce qui vous arrivera)

Il m’apparaît toujours aussi curieux de plaire ce grand mot vague et ample que j’habite avec plus ou moins d’adresse. Rare mélange, moi-même, mon aisance que tempère toujours les restes de mes maladresses adolescentes. L’instant, souvent, m’échappe. L., qui me dit, tu cèdes, en buvant à l’hôtel Clermont une quantité délirante de Jack Daniel’s et moi qui me détourne de cette invitation obscure, l’hésitation, ici, casse le désir de l’autre. Il réclame une force, une audace que souvent j’oublie, remisée dans la chambre de ce jeune homme aux lunettes rétrécissant les yeux.

Le plus souvent, j’abandonne à l’autre initiative, toute incertitude me fige, j’ignore pourquoi et j’ignore pourquoi à certains points de mon existence, je ne connaissais pas, amnésique je crois, ces paralysies brutales. je ne peux pas mon impuissance réside ici dans l’avant-scène, le premier geste, le coup ; la porte close le sang circule sans limites.

J’ai perdu, jadis, un amour à cause de cette retenue et la pose de feinte certitude que j’affectais alors. Aujourd’hui, dans de plus tragiques circonstances, comme si un arc de cercle de douze ans se dessinait dans l’espace, je la retrouve, celle-ci, étrangère, pour une autre intensité, une que nous aurions aimé nous éviter.

là-bas, elle n’existe pas. 

22 mai 2023

Acta est fabula

Ce que je déteste, je crois, dans ce que les gens, parfois, veulent vous détourner du suicide c’est qu’ils s’imaginent, chaque fois, que, plus tard, nous (leur) serons reconnaissant d’être demeurés en vie, que, toujours, il s’agirait, se suicidant, d’une mauvaise réponse apportée à un réel problème.
Comme si la sanctification de la vie devait, également, se déposer en chacun, comme si le rapport entretenu avec elle ne résultait pas, aussi, d’une fabrication en partie sociale et, qu’à ce titre, l’intellect et les affects pouvaient nous la faire refuser.
Combien de fois ne me suis-je endormi espérant de tout mon être ne pas me réveiller, dans la mort, à mes yeux, l’effrayant ce n’est pas elle, mais le geste qui y conduit. S’il fallait se contenter d’une formule magique à prononcer, d’un sésame ouvre toi, dix mille fois elle me saisirait. Sans passion, sans étreinte, froide et administrative.
Ce n’est pas tant que je veuille mourir, ce souhait accorderait encore à la vie une trop grande importance, une rivalité et donc un intérêt ; je ne veux pas vivre.

Je déteste, ceci, que l’on ne considère, à la fin, jamais le suicide que du point de vue des survivants ou de celles et ceux qui, y ayant échoué, rapportent leur soulagement. Comme si les témoins produisaient la vérité exclusive d’ailleurs, chose ironique, nous ne pouvons jamais entendre celui, par définition, de ceux qui y parvinrent.

Je témoigne, à mon tour, de ma position de durable, j’aurais autant aimé mourir.

Je hais d’appartenir, aujourd’hui, à cette statistique de ceux qui tentèrent sans parvenir et si je devais, calmement, me pencher sur cet échec, je m’y penche amer, sans regret ni satisfaction.

Mon rapport à la vie n’a pas changé ou, peut-être, pour, du point de ceux qui la défendent comme un bien inviolable, le pire, parce que, convaincu, cette fois par expérience, de la solidité de mon envie de mourir. Le seul apport de cet échec relève de la peur du geste pas de l’intention, certains sauts dans le vide réclament un exercice, une déshabituation de la peur du faire, non du résultat.

Je déteste cette certitude, cette insupportable certitude qui voudrait faire croire que la vie, parce que trop précieuse, nous ne pourrions jamais décider de vraiment  y renoncer, or, parmi ceux-là nombreux doivent être celles ou ceux, avec des réserves bien sûr, que j’appelle de sottes pudeurs, à soutenir le droit à l’euthanasie.

La vie ne m’importe pas assez pour que, la traitant avec déférence, j’interroge plus longuement mon rapport à celle-ci. Je ne veux pas vivre, c’est mon crédo et, me convaincre d’autre chose, ne relève que de l’égoïsme de ne vouloir affronter sa propre survie. L’humilité, ici, conviendrait, le courage, aussi de savoir le rendre, pour tout le monde aussi peu douloureux que possible. Admettre ceci, de façon générale, qu’un travail collectif s’opère sur le sujet, la mènerait à la mesure des autres morts, avec la nécessaire douleur. Comme celui atteint d’un cancer terminal et dont la connaissance du mal prépare le deuil. Mieux vaut ceci que les lames de rasoir sous la douche, que la découverte trop tardive du corps verdi comme par une chaux malade.

Je n’espère jamais, que depuis toujours, comme seul secours que ma propre extinction. Mon existence ne se déroule pas loin de toute joie, au contraire, elle rayonne, soleil complexe, à sa façon, le plaisir et le bonheur même me cernent souvent. Pourtant, ça ne suffit pas, ça n’a jamais suffi, si, être heureux signifie considérer la vie comme la suprême dignité et de ne vouloir, pour rien au monde s’en voir privé, alors je n’ai jamais été heureux. Je peux dire, j’ai possédé, j’ai joui, j’ai ri, je peux dire que j’ai été et même que je me perpétue ainsi sans, pour autant, soutenir jamais trouver dans l’addition de toutes ces choses un goût pour la vie. Je ne ressens à son endroit aucune inclination positive, au mieux elle m’indiffère.

je suis si las
 
Il y a quelques années, lorsqu’à Tours, chez C., mon bras gauche s’engourdissait et que C. dormait, je sentais la mort venir, une lente crise cardiaque, slow heart attack comme les médecins des urgences me la décrivirent, je sentais mon coeur devenir douloureux, battant fort, à rompre, se serrant comme, si fort serrant, broyant lentement ma vie, effritant ma vie.
 
Au lieu, tout de suite d’appeler à l’aide C. qui dormait à l’étage ou le SAMU, j’empruntai son ordinateur pour naviguer sur Internet et jouer à Hearthstone espérant, par ces activités ludiques et distrayantes, parvenir avec le moins de douleur possible à la mort. Si je finis par appeler les secours qui dépêchèrent, alors, une ambulance, me faisant rater mon train de retour, seul l’ennui m’y incita. Je n’en pouvais plus d’attendre cette mort paresseuse qui semblait s’entretenir avec ma vie comme ceux, aujourd’hui encore, tentent, par les mêmes raisonnements, de me détourner de la mort.

Ma colère, récente, débordante, que d’autres ne comprirent pas ou refusèrent parce que ce refus, plus simple que toute compréhension, me détournait, pourtant, de cette mort dont, sans cesse, on m’expliquait, qu’elle n’était pas la solution. La colère, semble-t-il, non plus, or, le malheureux, qu’importe son désespoir saisit autour de lui ce qu’il trouve, ce qu’il voit.

Manifestement je ne puis donner que de mauvaises réponses. La culpabilité, le plus souvent, ne me frôle qu’à peine, or, à ce moment j’en ressentis vis-à-vis de R., qui ne méritait pas, encore, de voir peser sur lui les conséquences de cette colère. Aujourd’hui, avec la froideur nouvelle qui m’habite, je ne considère pas juste non plus de punir Marine quoi que je puisse légitimement lui en vouloir, lui en vouloir non, en soi, de sa prise de position, je l’admets sans peine et, quelque part, me rends sans réserves à elle, je lui refuse d’avoir contredit le but recherché par ses actes à cause de ses abstentions. Je n’en démordrai jamais, ça, c’était mal.

Je mentirais si je disais ne posséder pas une certaine appétence pour le suicide, vague héritage adolescent, des lectures torturées de Lautréamont et des écoutes de Damien Saez. Mais cette inclinaison, pour exister, ne se contente pas d’une parodie romantique et ses poses séduisantes, il lui faut, pour se maintenir, une prise et celle-ci, en moi, n’a pas passé malgré les ans. Comme certains atomes, irrésistiblement, malgré la distance, s’affectent mutuellement et finissent toujours par se rassembler.

 

La pièce finira.

 

19 mai 2023

Les résédas.

Lorsque je vois le rapport à la religion de mon père, je m’amuse autant que, plus jeune, encore moi croyant mais déjà distancié de sa religion, je m’agaçais de ses contradictions.
Me révulsent, l’hypocrisie autant que l’incohérence, depuis toujours et plus encore affecté de la pureté adolescente d’alors et plus encore quant au sacré, sensément la chose la plus importante parce que touchant à l’âme, à l’éternité, au secret.

Plus tard, j’imagine, j’attachai à l’amour la même dignité et les mêmes indignations

puis, cette foi là, aussi, a vieilli, je l’ai aménagée, j’imagine, or l’amour comme la religion pour qui comme moi poète ne peuvent être que jungles et pierres au hasard. Si demain j’édifiais jamais un bâtiment religieux je le fabriquerasi avec les pierres que tous les autres croyants croyant me lapider jetteraient à mon endroit. 


Aujourd’hui je vois mon père pratiquant sa religion comme un enfant ou un jeune adolescent pensant duper ses parents, visibilisant à l’extrême les signes de sa dévotion.
Nous affichions, chose commune, à ces âges, ostensiblement nos pratiques, ne nous laissant observés que consacrés aux tâches légitimes - c’est à dire scolaires - avec nos livres ouverts sur le bureau, l’air concentré - mais pas rêveur - qui traduisait non l’attention portée à l’apprentissage mais à la proximité des parents. Tension relâchée dès lors que les pas, ah ces naïfs, s’éloignaient.
Puis nous pouvions nous adonner à la vie, console de jeu portable ou téléphone mobile, scrolling et même lectures (hors programme) ou n’importe quoi qui ne ressortait pas de l’enfer.

Mon père agit ainsi, il laisse sur le sol de sa chambre, toute la journée, son tapis de prière déplié comme un cahier ouvert, prêt aux implorations si Dieu devait entrer dans la chambre ou, nous, témoins de sa dévotion, la rapportant à un Dieu trop occupé pour surveiller chacune de ses ouailles.

Le contraste avec maman me saisit, elle prie, depuis toujours, discrètement, j’ai déjà écrit à ce propos sans pouvoir épuiser cette foi parce que cette foi me dépasse. Maman, lorsqu’elle prie, nous ne la voyons que rarement, nous le devinons parce que l’appelant, elle, toujours si présente, trop présente, ne répond pas, ce silence signifie deux choses, ou bien qu’elle dort, ou bien qu’elle prie. Elle noue - je ne l’ai jamais vu le nouer - son foulard, le même depuis toujours j’ai l’impression, marron, neutre, consacré à ce seul usage et, si alors j’étends mon amour, je dirai saint de cette exclusivité. 

 

quatre mille répétitions font une vérité écrivait Orwell ou Huxley, dix millions de prières peut-être du foulard un saint-suaire.

Le lien que maman entretient avec Dieu relève d’une verticalité ténue, un lien invisible entre elle et lui, nourri d’une expérience personnelle, de tâtonnements, loin, bien loin de toute intellectualisation et de tout prosélytisme.

sa foi est restée simple comme les hangars de port-aviation.Elle nourrit sa religion qui en retour la nourrit, elle confronte sa croyance à son expérience avec les naïvetés inévitables - superstitions diraient les oulémas - mais, à coup sûr, une grande part, une part décisive de la foi, se niche ici, dans ce lieu maladroit, cette faute qui est de vérité, l’Eglise ou la Mosquée véritables, leur première pierre, justement, j’en suis certain, repose sur l’erreur et ses coordonnées incorrectes en sont le porche et la porte.

Si j’écris maman et mon père c’est, reproduisant par le langage, l’intimité que je sens de mon rapport à elle et si, je dis maman, lorsque je l’appelle dans le monde, je dois écrire, lorsque je la nomme, maman. Mon père, j’inscris, ici, alors, la distance, une distance non absolue mais relative, une distance liée à l’extrême proximité que j’entretiens avec ma mère et si même mon père devait occuper, ici la seconde place, cette place se trouverait à des milliards de kilomètres.

puis je pense à ce que mon père, parfois, regrettait que maman ne portât pas le foulard, comme s’il déléguait, alors, l’exemplarité de sa foi à une autre et, encore, ne la forçant - c’est heureux - jamais, échouant encore dans sa pratique

Mon père, pendant le ramadan, jeûne avec sérieux et gravité. En ce mois sacré, les croyants, supposément, se nourrissent l’âme aux heures d’inanition. Mon père se purifie, aussi, se nourrit de son verbe, sa foi devient comestible parce que visible. A lui-même il peut se dire, je crois, et le tapis de prière - il ne prie pourtant pas tellement - devient miroir mon beau miroir dis moi qui croit le plus.

lorsque nous allumons la radio attendant la parole du muezzin, avant l’heure autorisée de rupture du jeûne, deux bip sonores retentissent, ils ont toujours été pour moi plus précieux et plus attendus que la prière, en arabe, que je ne comprenais pas et qui ne m’intéressait pas. La rupture du jeûne intervient quelques trente secondes après cette tonalité. Lorsque je pense au ramadan, je pense à ces bips, aux dattes, aux bricks, à la chorba que je n’aimais pas, au coca-cola sur la table et les jus de fruit réservés à cette période de l’année, celle de grande abondance, je ne pense pas à Dieu, je pense à orangina, à coca cola, à la vache qui rit. Finalement presque comme déjà un occidental (et les pays musulmans subissent exactement la même chose). Nous le savons, toutes les fêtes religieuses, même celles d’abstinence, le capitalisme les digère. La tradition n’en demeure pas moins belle et, aujourd’hui, loin de toutes mes croyances, je jeûne avec plaisir me rendant, à cette période de l’année, chez mes parents. 

 

Papa (ici par je ne sais quel étrange pivot, il devient papa, d’écrire sur lui et d’écrire maman sans cesse, papa se rapproche de moi, je le sens, comme, enfant, jusque treize ans, je lui demandais de dormir avec moi, je sens, écrivant, cette chaleur d’alors, toute une explosion d’amour)prolonge le jeûne, chaque nuit du ramadan, poussant le zèle à ne le rompre qu’après l’heure commune, appliquant une autre règle, plus rare et plus difficile, après la récitation du muezzin à laquelle nous, affamés, pensant au ventre plutôt qu’à l’âme, nous suspendons, attendant l’autorisation que sa prière nous offre.

Chiite il imite, ici, en version polie, les flagellations de ses corréligionnaires qui, une fois par an, défilent, se flagellant, pour revivre le martyr de leurs saints, Omar et (?) enfants d’Ali, l’imam qu’ils reconnaissent comme l’héritier légitime du prophète (sws). Le conflit entre chiite et sunnite repose sur un conflit de succession. Les chiites considèrent que les liens du sang priment sur tous les autres, Ali doit succéder au prophète (sws) parce qu’il en a épousé la fille, les sunnites considèrent, au contraire, le calife Abû Bakar comme successeur légitime et chef des croyants parce que jugé, par eux, le plus compétent et le plus pieux, il est élu par une assemblée de chefs.

Ali, par ailleurs, finit par atteindre le rang de calife, le 4ème, après quelques bains de sang et d’autres bains de sang suivirent et les liens du sang dynastiques reprirent leurs marches ordinaires le pouvoir finit toujours par ruisseler dans le même patronyme

 

MC Jean Gab1, dans sa chanson j’t’emmerde, dans laquelle il rafalait tout le rap français, se moquait de Kerry James et sa foi

 La première qualité d'un muslim c'est d'être humble, et tu l'es pas

Et sache que la religion n'est pas un sprint, mais une course de fond


Le ramadan, parce que bref, est un sprint alors mon père peut s’y adonner et contempler dans son effort la pureté de sa foi.

Mais quand j’entre dans sa chambre ou que je vois par la porte entrouverte, le tapis de prière déplié, vigilant ou suppliant, je n’éprouve aucun mépris pour papa, une immense affection me surprend. Dans cette exubérance maladroite une pureté synonyme de la retenue de maman doit exister, elle existe j’en suis sûr. 

et le sprinteur parcourt avec sérieux son couloir. 

 

addendum : j'ai demandé en rentrant chez mes parents à maman "avec quel foulard tu pries en ce moment ?" et, elle m'a dit "ah, tu parles du marron ?" elle pressentait que je l'associais à celui-ci et, me décevant presque, me dît "non, je ne prie plus avec depuis peu" "ah" "mais je l'ai gardé précieusement, c'est ta grand-mère qui me l'a donné quand je suis venue en France". Puis, tristement, je me souviens de cette couverture, aussi, qu'elle m'avait donné et de laquelle elle m'avait demandé de prendre soin parce que cette couverture aussi yaya, ma grand mere, la lui avait donnée, qui s'est abîmée, hélas, que nous avions jeté, Marie-Anaïs et moi. Elle m'a dit, là, "c'est pas grave" mais je voyais bien que c'était triste quand même

13 mai 2023

M-A

Aujourd’hui, je reprends souffle et pieds, j’éloigne, balançant l’encensoir à droite et à gauche, les pitoyables rumeurs.
je ne me venge plus

j’aime.

 

Le dernier commentaire reçu ici m’intéresse parce que, croyant m’injurier en me qualifiant de superficiel, il me décrit de la plus juste et neutre manière. Bavard histrion, acteur, comme toujours revendiqué, sous le personnage, rien ; mais la croûte de ce personnage est épaisse, elle est dense comme d’autres, plus graves, dix de leurs vies. 

 

je vide collectivement plein

une cité entière 

bariolée avec son décors

carton pâte parfois ou 

povera 

spectacle à la lanterne

maudite

Je n’existe, un peu à la manière de J., qu’en éclats ou, à son inverse aussi, par longues, interminables, éclipses. Ma vie, ces journées polaires, en plein février, quelques heures de soleil mais il faut voir le soleil que ça est. Septentrion. Si semblable le mot au zozotement du serpent. Ainsi, mon nom de contre-baptême, le rebond sur la surface durcie de l’eau. Galet.

Marie-Anaïs m’ancrait et, quelque part, remplissait, mon en-deça, ce vide, près d’elle, je me densifiais. Elle trouvait, en moi, l’entrée du contre-vide, elle est la seule à l’avoir pu parce qu’elle abordait tout ceci sans, ou avec peu, de préjugés. Alors.
Elle me mena hors de moi.
Ou
Allant, parfois, contre moi, chemin inverse de cette voie la mienne très singulière, arpentable jamais avec qui complice pour toujours. Elle partant, moi hagard, un instant, au milieu du sentier, redevenu de la familiarité précédente et naturelle, je me retrouve avec moi-même, sur la piste, je m’agite, c’est ainsi que je retrouve mon corps comme, qui s’endort sur son bras, le trouve bois mort, l’agite afin de le revitaliser.

Si, elle me donnait une profondeur elle rétrécissait la surface, j’échangeais l’étendue pour la plongée - et l’ascension - échange favorable, je gagnais plus de hauteur que je ne perdais de largeur.
Je ne ne nierai pas, il y eut un coût, mais je gagnais au change, sacré cours.

 

je grandissais

Ce quelque chose qui vient de son étrange patience, jadis, à mon endroit, ne se retrouvera plus nulle part, pour autant, il demeure en moi à l’état de savoir, figé, certes mais comme leçon décisive, prêtre défroqué quittant l’habit sans abandonner la foi. Le missel sur ses lèvres, à tout moment, dans ces paroles sacrées, remisées parfois, il trouvera toujours le secours. Il fusionne avec lui pour devenir alliage, quand l’alliance est perdue, allia-je.

je n’ai rien eprdu

Cette densité me donnait du poids, il ne s’agissait pas d’être apesanti, pesant ou lourd. Dans le manga Kingdom, que j’aime à citer, le héros Shin (devenant Ri Shin, parce qu’en la Chine féodale, les servants ne possèdent pas de nom de famille, et Shin parvient au rang noble de général et doit alors s’élargir d’un nom), lorsqu’il se bat contre des adversaires puissants et célèbres, remarque que, ce qui les différencie les uns des autres, bien davantage que leurs prouesses martiales, c’est le poids, qui ne se résume pas à la responsabilité, mais à une forme de sérieux, de dignité, d’importance. Le clout disent aujourd’hui les rapports.

Une charge n’encombre pas. Elle élève qui elle ne brise. 

 

Je retrouve, inquiet, forcément, ce monde semblable un peu, à celui antérieur, la confusion des choses, des objets, des façons de faire, plus âgé, plus barbu, plus sage aussi, changé pour, prétendrais-je avec erreur, me reprendre à un point interrompu. Je suis accru et je m’étends parce qu’aujourd’hui, grâce, aussi, à elle (et à moi en ce que je sais me réformer), je pars de quelque part. Douloureux, ceci, la perte, brisure, du foyer, l’endroit d’où l’on part, une certitude, et, surtout, où l’on revient, fut-ce dix siècles plus tard, ah tous ces Ulysses, et moi dupeur pareil que lui. Ce point de départ, de reprise, en couture, sûrement, existe. Quelque chose de cette nature nature ; pour reprendre, là, le tissage interrompu et les noeuds repoussés à plus tard, en glissant un indice, une marque d’un présent révolu. Qui ne serait pas, alors souvenir ou regret, mais ouverture, possible.

 

J’écrivais, aussi, que Marie-Anaïs me fit découvrir la bonté, c’est une réalité, elle me changea, ici, me guérît, même, de la haine que je croyais insubmersible et, si haine, revient, ce baume passé m’aide à moralement tenir le coup.
Moralement en ce que je ne reviens pas, nullement, sur aucune de mes positions, je m’interrogeai, évidemment, deviendrai-je, me sentant injustement traité, sur les valeurs auxquelles j’adhère ?
La réponse, heureuse, surprenante, même : non.
Et, surtout, ici, contrairement à nombre des autres, je ne renonce pas, n’ai pas renoncé, ne renoncerai pas, au contenu de ces valeurs. 

Je devenais, de ceci fou autant, je suis prêt à tout assumer. 

Si je le peux c’est bien que, malgré tout ça, y compris son départ, je suis, en moi, changé, je ne reviens pas sur ce savoir.

Marie-Anaïs m’a guéri d’une haine si grande, pour tout et tous. Ces tortures morales que d’autres, pervers un peu, prétendent comprendre comme des actes physiques. La guérison, bien sûr, ne change pas la nature, qui guérit d’un cancer de la lymphe ne change pas pour autant le groupe sanguin. Haine rhésus négatif.

Toute aigreur me passe, me voilà bercé, il m’ennuierait que tout ceci soit lu comme un composé, encore, de rancoeur. Je n’en trouve aucune en moi. Il y a de la joie. J’ai de la joie comme s’écriait la mouette que je répétais, de nombreuses fois, avec Marie-Anaïs, mon expression - j’en paie, en partie pour ceci, les frais aujourd’hui - traduit rarement bien ma pensée, elle l’excède de partout, au lieu de la présenter, mon intention, sphère presque parfaite, j’expose une sorte d’oursin, dont, au lieu de voir le coeur, humide et parfumé, ne transparaissent que les épines noires; vénéneuses. Alors on prend la couleur et le poison pour le propos, alors on prend la possibilité de la blessure pour la réalité de l’intention. Il en va ainsi.

je me bats quand même

comme pierre

Superficiel, moi, avec plaisir, et non sans gravité, je réclame ici mon dû ; disons, sous la couche des personnages et des mimes, existe une plaque d’acier, la dépression, dure à percer, avec ses rivets solidement enfoncés. Rien ne l’entame, elle se contourne, parfois, très au Nord, comme une ligne Maginot, bien mieux pensée.

Superficiel, parce que j’aime le vain, les belles suites dans les grands hôtels, faire l’amour et les jolies femmes, l’alcool trop cher et le gâchis, plaire et bien sûr déplaire, le spectacle et faire de l’esprit. Marie-Anaïs, m’a permis, me permet encore, d’ajouter à ces choses, surfaces épaisses, du sens, de mettre, l’esprit dans (faire de) l’esprit.

Oui, le scandale me va à ravir et je m’en pare avec un bonheur immense. Dix ans de ma vie pour une nuit au palace. Superficiel pour ceci, les smoky eyes devant le miroir troublé - la marque des baisers à soi-même, ce concentré de pur amour - la certitude que ce soir, gueule tordue et dos voûté, pourtant ça va marcher, parce que les doigts brillent différents, avec la longue cicatrice qui parcourt, à gauche, le majeur, qui, majeur, lui, de ce repli de peau, en permanence, injurie le monde. Ah, oui, le danseur, maladroit pourtant, qui vient superficiel avec sa gloire, ce qui me manque de talent, je le compense par le vide. Un vide pourchassé, conquis, comme arraché au plein, au demi-plein, une pompe magique, voilà  mon ambition, créer le vide.

Je déteste celles et ceux qui pensèrent que je vivais mal la rupture. Je vivais mal l’effondrement, le ravage, le mensonge, la trahison, à quoi, pauvre hère, elle ne prit qu’à peine sa part. J’en suis remis et, principalement, ce que j’expliquais à C., R. ou L., je suis super heureux pour elle, craquer quinze jours, aussi douloureux pour tout le monde que furent ces deux semaines, à la fin, dans cette situation, relève, pour une fois, moins de la folie, que du règlement ordinaire. Eh oui ! Qui sort du bûcher allumé à même sa peau répand l’incendie tentant de l’éteindre et disperser le péché. 

 

l’été dernier, mangeant un double smash de chez Blend, avec cheddar d’abondance, je m’intoxiquai et, comme toute digestion malade, je déglutissais du cul pendant deux semaines. 

12 mai 2023

Au plaisir pris et toujours prêt

J’éprouve souvent et parfois, face à mes parents, une certaine forme de culpabilité de pouvoir, difficilement soit, joyeusement souvent, jouir le plaisir, même s’il me coûte, je le dévore ; mes parents, quant à eux, vie de labeur, de sacrifice ou de regrets, ne le connurent que peu ou, autrement, à travers la joie - hélas toute relative - de leurs enfants.

Hier, ce contraste s’accentuait. Je me rendais, 25 rue du Jour, à une réunion d’élégants, dans un bel immeuble parisien, nous y étaient servis whisky de 12, 14 ou 16 ans d’âge, vieillis en fût de rhum, de pineau des Charentes ou plus simplement tourbés, des champagnes, puisque ces événements ne peuvent jamais en manquer. Les bulles signent et marquent, elles distinguent, leur présence tient moins à leur appréciation qu’à leur sens. Elles produisent, hors proscription religieuse, une échelle de valeurs, l’évènement est d’autant plus réussi, mondain, mémorable, que les bulles y furent précieuses, c’est à dire chères.

La soirée se déroulait dans une de ces caves souterraines aux pierres apparentes et aux lumières tombantes, ces lieux où le réseau téléphonique ne passe pas. Je riais aux éclats, je tournoyais, jouissant de petits fours et de pétillements, voilà la vie, celle, presque, des romans russes, ces fêtes, sans intérêt au fond, où l’alcool, seul, brise la monotonie et la distance. Pour que les gens cessent de se regarder pour commencer à, mutuellement, se voir, il leur faut le brouillage de l’alcool, on voit mieux le regard ainsi troublé, certaines brumes acèrent l’oeil.

A., souhaite fumer une clope et le lieu, congestionné, donne chaud, alors nous l’accompagnons, sortant, réflexe, mon téléphone qui peut respirer lui aussi enfin la frâicheur des ondes, je découvre de nombreux appels de maman, par whatsapp et par le réseau ordinaire. Un message qu’elle me laisse de 5 secondes, sans que je ne comprenne le motif de cette inquiétude. Il se trouve qu’avant de pénétrer dans le plaisir, comme écho de cette culpabilité atavique, j’appelai maman sans m’en rendre compte. Regardant mon téléphone, je vois que l’appel dura 15 secondes, 15 secondes durant lesquelles maman n’entendit rien qu’un brouhaha avant que l’appel brutalement ne cessa. De 19h05, heure de l’appel involontaire, à 20h43, heure de l’appel de réassurance, ma mère s’imagina le pire. Elle ignore tout de mes tentatives de suicide récentes, à l’inverse de mes soeurs, la plus jeune, qui vit toujours avec mes parents, s’inquiéta d’autant plus lorsque maman lui demandait de mes nouvelles, lui expliquant que, après l’avoir appelé, je demeurais injoignable. Instinct, d’une autre forme, maternelle, sentant, de loin, le mal-être de son enfant comme elle devinait, avant moi, que quelque chose entre Marie-Anaïs et moi se brisait. Maman, accaparée par les autres tandis que je m’adonnais pourceau à la pourriture inutile de mon siècle sans valeur - de la même que moi.
Une heure et demie d’angoisse, pauvre maman, qui, lorsqu’enfin je l’eus au téléphone, m’exprima un soulagement immense, comme une mère voyant son enfant sauvé des eaux et qui, jamais, n’aurait ressenti pareille crainte pour sa propre vie. Ca fait mal. A moi. Ce plaisir pour rien, une heure d’angoisse dans le pétillement des bulles et des petits fours, ah le plaisir ridicule, toujours celui-ci vient avec son ombre, ce coût là, l’amertume tourbée de la vie et du whisky. Maman s’apprêtait, avec ma plus jeune soeur, à venir chez moi, paniquée, elle demandait à ma soeur, qui conduit, de l’amener chez moi et toquer de tout son désespoir à ma porte et qu’aurait-t-elle penser de n’y trouver que l’écho froid et mort ? Ma soeur, sûrement, lui aurait rapporté ma récente tentative et, elle, effondrée, hurlant contre la porte, cette image, je la porte maintenant, qui enserre ma vie, la nimbe d’une nouvelle couche protectrice, un feuilletage léger d’amour, il préserve, préservera.

Voilà cette culpabilité mise en acte, une scène, elle aussi, de romans russes ou d’histoires ordinaires du début du XXème siècle ou du nôtre même, cette époque dégénérée et moi son bel exemple, son représentant le meilleur, c’est à dire le plus inutile.

Je l’ai dit et écrit souvent, le bonheur m’intéresse moins que le plaisir, à cause que le premier demande le temps long et l’effort permanent, un travail au résultat incertain quand, moi, me sentant proche du péril ou promis à l’abîme, enfantin en quelque sorte, ne sait se plonger que dans le second, ce moment d’immédiat. Qui fait pour l’éternité, qui fait pour l’instant. Ces deux religions, plus semblables qu’en apparence, s’ignorent ou s’haïssent. 

10 mai 2023

Les Casinos.

J. ne manque jamais d’éclat, il lui arrive, au milieu de la nuit, après que le vin se distingue mal du sang en elle, de commettre un acte insensé. Ceux-là, actes, de natures variables, dérisoires dans l’absurde ou, au contraire, calamiteux, convocation, malgré elle, de puissances la dépassant de beaucoup. Cette nuit, avant le lever migraineux du matin, elle écrivit à un avocat, spécialisé en préservation du patrimoine, en vue de poursuivre le groupe Barrière à cause de la déformation qu’il commit des Casinos de Deauville et Trouville.

Parce que J. possède un pouvoir magique, don ancestral qui agit en elle, malédiction et sortilège en même temps, reçoit le matin un appel de l’avocat, tout enthouasiaste, semble-t-il quant à l’affaire. Croit-il entendre une vieille dame millionaire qui, ennuyée, se repassant le fil de sa vie, de ne pouvoir retrouver les casinos de sa folle jeunesse, croyant, que leur rendre leur ancien lustre, le lui rendra à elle aussi ? Se frotte-t-il les mains de ce combat contre des casinos à vent ? Ou bien, ensorcelé déjà, il trouve enfin un but à sa vie, il s’apprêtait ce matin à se jeter de Fourvières et J., le sauvait, il ignorait, aussi, que tout baiser de J., s’il réveille l’avocat au cabinet dormant, le maudit aussi, ah précieuse succube.

J., parce qu’amoureuse du scandale, commande, aussi, ces lendemains de vin, si elle ne vomit pas, des macandcheese (que j’écris tout attaché comme la bouillie qu’ils sont), ces sordides créations américaines, qui semblent des organismes vivants de pâtes venus d’une Italie dégénérée.

Après tout, les immigrants, qui accostèrent là-bas, en vue de la fortune, rassemblaient les criminels, nous négligions, alors l’étendue de leur crime, mafia new-yorkaise et assassins gastronomiques.

Au milieu de l’alcool les mutilations des Casino lui paraissaient intolérables, mille Vénus de Milo, mais cette fois volontairement brisées, des Hermocopides recommencées sur la côte Normande, ces statues, jadis grossières, que le glorieux Alcibiade, celui poète et philosophe, beau et courageux, mort dans la bataille, brisa un jour d’ivresse.

L’alcool, en J., à l’inverse de son glorieux prédécesseur, veut rétablir en l’état ancien ce qu’elle estime précieux. Mais n’est-ce pas, encore, en une période, dirait-elle, où le laid domine tout, où le défiguré s’appelle beau et sans vergogne exile le beu, d’une destruction semblable à celle dont, épigone en beauté, Alcibiade se rendait coupable en son temps ?

Personne ne possède la réponse, elle-même non plus. Les lendemains d’alcool, J. perd la mémoire de tout. 

J. promeut les Dieux archaïques, hélas, le religion du monde appelle au Dieu hideux, échappé de l’ancien testament, un immigré lui aussi, un autre dégénéré, qu’on appellera évangélisme. La bible trempée de Fiorello ou Guardia. 

 



J., hérésiarque, qui, attendant peut-être, l’audience judiciaire, s’espère, lèvres pincées (bouche, sa bouche, très douée en tout, imprécation et le reste, possède les lèvres les plus fines de la Terre), défendre l’Histoire, dans un de ces palais de justice boisé, aux beaux lambris, à l’odeur de cire, se retrouvera dans ces nouvelles salles tout en verre et en plastique, les matériaux composites, ce siècle quittant le bois, la pierre, socle de l’humanité, pour l’artificiel.

Elle, alors, se révoltera encore, poursuivra, pour un nouveau crime, cette déformation, ici pire que celui architectural, celui commis à l’encontre du concept, c’est à dire ici de la Justice. Comment pouvoir la rendre dans le lieu où on l’assassine ?

Doigt tendu, les cheveux agités comme son ancêtre Médusa, voulant changer, sans succès, en vitrail le verre sans vie. Alors, pour retrouver le plaisir perdu, la beauté engloutie, elle se métamorphosera poussière, au plus proche des ruines qui lui sont chères.

La beauté, aujourd’hui, dans un dernier souffle, dit-elle, n’existe qu’à l’état de souvenirs.  

 

J. est déboutée de toutes ses demandes et condamnée en vertu de l’article 700 du code de procédure civil aux dépends. A titre accessoire elle s’engage à regarder douze heures par jour les oeuvres de Jeff Koons en poussant à intervalles réguliers (à la discrétion de l’artiste) des cris émerveillés. 

5 mai 2023

quimporte qui martyrs

A nouveau, ça remonte, comme si, chaque fois que, le mieux, l’après, se présentait, du pire devait ressurgir, des geysers, discrets, éclaboussent d’eau malsaine.

 

Réapparition de la corde, en rêve, la réalité affinée, dans la nuit, nouée au fur et à mesure des secondes. Cette image, tressée, tombante du toit, m’obsédant malgré moi. La corde, souvent la même, très lourde semble-t-elle, je la vois de près, sous elle, un tabouret, celui, rouge et haut, quelques traces de peintures et des éraflures, le même qui me sert à atteindre sans effort les étagères les plus hautes de l’appartement. En rêve je vois la fente du tabouret, plus large, large comme un homme, le tabouret qui mène à la corde, qui laisse ouverte, la fuite. Mais d’abord il faut monter, c’est à dire faire face.

Cette poussée, dedans, celle du non-vouloir, du plus-vouloir, du, à quoi bon, cette corde, le chas de l’aiguille, la tête passe, puis se contracte autour du cou, la déjà mince ouverture. Il se brise. Le cou. Irréparable, comme moi.

du repos

Le repos, maintenant, viendrait du sens, la réalité, le réel rétabli, enfin, dans sa forme concordante, qu’importe au désavantage de qui, qu’importe d’en soi-même périr, j’accepte tout. A tort, je croyais, mon récit possible et audible, sans mesurer combien la souffrance et cette forme de négation que j’exudais aux yeux du monde, ne le rendait non pas seulement impossible mais tout à fait intolérable. Je l’admets avec difficulté, ce récit, son lieu se circonscrira aux instances officielles, aux règles établies, strictement ; en dehors, dans le monde, c’est à dire dans le reste tout entier de l’existence, son intercession demeure proscrite. Bavard au moment le plus grave de la cérémonie funéraire, ce que je fus.

Juste ou pas, il en va ainsi. La corde prend cette forme en rêve, quand elle tombe du plafond, elle serre au niveau de la gorge, à l’endroit où la parole devait, devrait naître, ne devait pas. La corde ne tue pas, en rêve, elle conseille. Je la croyais littérale quand symbolique, elle voulait prévenir.


Jamais, je ne soutins que nos actes ne portent pas en eux leurs conséquences, pesantes, douloureuses ou désagréables. Pour les assumer, seulement, il faut comprendre et pour comprendre, parler et plus que parler, discuter. Pas dans l’affreux écho où les paroles réverbérées semblent toutes échappées de la bouche des diables infernaux.
Ca aussi, je ne l’intégrais que mal, il ne m’appartenait pas de fixer les lieux et les moments de cet échange. Me tenir à disposition, voilà ce que je devais. Que je dois.


Recevant le silence obstiné et l’injure, je me révoltai, à tort, proclamant moi aussi mes droits. Ils existeront plus tard, pour l’instant, suspendus, il faut, pour leur exercice futur, les remiser avec la parole.

je ne comprenais pas, centré sur moi, ma propre défense, trop tôt, infiniment trop tôt.

Dès le départ de tout cet éclat, je me livrais entièrement, tentais de me livrer entièrement, tout en parlant, sans comprendre, à ce moment encore, déjà, combien j’agissais trop tard, combien, alors, décence voulait silence. Il y a un temps pour tout et ce n’est pas le mien, ça aussi, je ne pouvais pas le comprendre, pas aidé, ça c’est sûr, par les mensonges colportés, ça, faut le dire, de la corde, le noeud ces déformations. Forcément. Personne ne le niera. 

 

je montrais aux proches, à l’avocate aussi bien sûr, les centaines de mails reçus, la panique dedans.

Moi, je voulais parler, parce que je croyais, alors, que parler, puisque parler forcément compromet, me vaudrait écoute, participerait à la réparation. Je me trompais. L’enjeu ne se situait pas là, ne situait pas non plus exclusivement en une résolution judiciaire.
Cette préparation, je ne devais pas y pénétrer. Il faut admettre, aussi, que mêler à l’affaire qui y était étranger brouilla par trop. Au lieu d’opacité il y eut brume et liquide troublé qui n’engendrèrent que davantage de troubles. 

 

mais la mise à mort, ça non plus, je ne pouvais ni ne devais le tolérer, la limite, celle franchie, maintes fois, cabre la bête qui ne devient plus que sa rage.

J’ai compulsé, avec satisfaction mauvaise parfois, cinq ans d’archives vidéos et textuelles, pensées comme des preuves indiscutables. Aucune vérité ne résidait dans cette vérité de papier et d’image, l’enjeu se situait ailleurs, un enjeu dont je ne pouvais pas poser les termes.
Je plongeais dans cette archive et me recouvrait de ces centaines de pages, comme d’une armure impénétrable, je perdais, ici, de ma bonne foi, même, certaines choses, les vidéos surtout, je m’apprêtais à m’en servir comme, dragon, sabre au clair, chargeant. Sauf à mourir, je m’en abstins.
Je me fiche de ce qu’on appelle, ici, innocence, m’importe bien davantage la justice, la vérité, la réparation. Je devins fou de ce qu’on ne me crût pas prêt à tout abandonner, ne comprenant pas que c’était fou de vouloir être seulement entendu. Trop tard.

La rage remplaça ce premier mouvement, trois mois, tout de même. La rage.

 

La plupart des gens firent ce qu’ils purent, avec difficulté et angoisses. Certaines firent n’importe quoi, de façon absolue, incompréhensible. J’en accusai injustement, je ne contrôlais plus rien, ni moi-même surtout. Quand il eût fallu la retraite en bon ordre, je chargeais à toute hâte. Insatisfait, toujours, poursuivant l’horizon, le nommant ennemi, la distance impossible à parcourir et l’endurance, infinie hélas, qui permettait la furie de cet élan.


Je ne saisissais pas, non plus que bonne foi ou pire foi importait peu, moi, centré, obsédé par moi, par la certitude que, m’exposant, les choses s’arrangeraient. La douleur diminuerait pour atteindre sa juste mesure. Mais il n’existe pas, ne peut exister, ici, aucune mesure. 

 

Qu’importe qui martyr, je débordais.

4 mai 2023

bas-fonds

Je ne comprends pas, cependant, pourquoi d’autres que moi se trouvent aussi mêlés, prétendus et désignés complices. L’un voulait et sauvait ma vie, peut-être n’aurait-il pas dû, mais la sauvant, il épargnait aussi bon nombre d’autres. Je ne comprends pas, mes relations, ma vie sauvée, avec tout le monde cessèrent. L’infirmier ou le médecin sauvant le condamné de son suicide deviennent-ils son complice ?
Ce qui reste de relations, au mieux, le médecin qui s’enquiert une fois par mois de la santé de son patient. Sans affect.
Ne prétextez pas une supposée passivité qui, d’abstention, vaudrait je ne sais quelle complicité, jamais personne ne cite ces moments de silence, c’est à dire ceux, réels, d’une plainte demeurant non-instruite. 


Je suis le seul concerné, j’espère que vous l’entendez, il me semble que lentement vous l’entendez, personne, je dis bien personne ne m’apporta de soutien autre qu’à ce moment du suicide. 


Par pitié, foutez leur la paix, par pitié, maintenant, ou à votre rythme.
celui qui ici écrit, douloureusement, heurte, c’est moi et personne d’autre, et ceux-là, même, s’ils m’écrivaient ne le faisaient que pour me supplier d’arrêter, pour vous. Pour moi aussi certes.

Voyez bien, il n’y a que moi qui même mena ce chaos jusqu’à faire souffrir celle que j’aimais, à la mener dans la peur, l’inquiétude, qui se tut et partît.
Faites au mieux. 

4 mai 2023

Une place

Je m’ennuie moi-même avec cet abîme, j’échoue chaque fois que je tente d’inscrire, ici, l’après, que ce texte devrait, laisser-passer, accompagner ma sortie de ce territoire effrayant, la forêt maudite des contes où l’on se perd parce que les directions, toujours, changent.

J’y ajoute de la raison froide, des lambris de palais et de parquet, la rancoeur se glisse, tâche noire s’étendant, dans l’acte d’amour encore. L’intelligence, disons, le refus, involontaire, de suspendre sa ruse.

Si je devais vivre, un jour, un deuil, un deuil véritable, maudirai-je aussi le ciel, vide pourtant ? Non, probablement pas, mourir entre dans l’ordre des choses, à cette douleur, je saurais me résigner, j’en suis sûr.

Ici, je n’y parviens pas, accepter, que, désormais, l’ordre du monde sera celui-ci. Me dépouiller moi, d’une forme d’orgueil, cette sensation d’intolérable qui brûle chaque seconde, ce feu extensif et invasif, qui me semble tout devoir engloutir. Même qui j’aime, ai aimé. Tout ressemble à un hérétique quand on devient le feu. 

tout brûle.

Lorsque j’écris un de ces textes, une de ces tentatives de sortir, par le haut ou le bas, le côté ou la diagonale, j’aimerais fermer les yeux, mais, dans cet enfer, Orphée orpailleur, je ne peux m’empêcher de tourner la tête, briser ce que je veux sauver des enfers, moi et le monde.

Enfant, jouant à ces jeux aux yeux clos ou bien, attendant un cadeau secret, impatient et tricheur, entrouvre les paupières, les ridant, contractées, il gardera, toute la vie, la cicatrice de ceci, l’une des premières entailles.
Je n’ai toujours pas appris à garder les yeux fermés, si quiconque me guide, me disant, de me laisser aller à sa suite, je ne le peux, ne l’ai pu, récemment, déchaînant, jusqu’à, moi bête sauvage, effrayer celle qui tentait de me sauver.


Je dois retenir la petite phrase, la pique, l’ironique remarque, cette soif de dire dire dire sans voir que l’eau s’use même qui se désaltérerait bien évaporant ? Tenir, retenir. Après, après.

Alors.
Un gouffre.

Je pense, à cet exercice, un jour, littéraire, pratiqué avec Marie-Anaïs, nous devions décrire la même scène. La mienne, fade, presque sordide. Des enfants jouent sur la place. Le soleil tombe. Elle, lumineuse, évoque l’éclat et la joie.

J’aimerais trouver, ici, cette source. Je pense, aussi, à ce titre du film de Despleschin Roubaix une lumière et le nom du documentaire qu’il reproduit Roubaix, commissariat central. Cet, écart, encore, entre nous. Permettre, en moi, à cette lumière de prospérer comme, la sienne, prospérera encore et plus, loin de mon ombre qui, ne servit pas à rien, donna un peu de fraicheur, aussi. La nuit fait son temps. Voilà l’été boréal. 

 

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