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boudi's blog

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9 juin 2022

Traire.

Parfois j’aimerais m’abandonner à l’écriture non-sinueuse, celle droite et raisonneuse, me menant de la prémisse à la vérité sérieuse, grave et rigide. Or, je ne connais que le frottement de la tige contre la tige, de la pierre taillée contre la pierre grossière, je sors du heurt le plus creux des feux. Incapable de mettre en ordre la parole pour lui faire servir un but plus grand que soi, et je dis, plus grand, et je veux dire, extérieur, à soi. Le monde ne me dépasse pas, je lui tiens tête.

Parfois, je voudrais dire, l’autre , la vérité du monde, dans un air d’évidence, dans une formule qui conclurait brillamment le paragraphe narratif d’un roman et laisserait songeur le lecteur ou le changerait à tout jamais, l’aiderait à vivre même. Je ne parviendrai jamais à semer les petites pierres blanches et rondes qui forment le chemin et les étapes du chemin. Mes pierres lapident. 

Je ne sais, sauf par tricheries ou collages, produire de l’universel, du partageable, du commun. Moi, moi, moi dans le moi égoïste pas partageur du tout, avide, moi qui ne veut l’autre que pour digérer l’autre, dont l’autre alimente le feu intérieur ah la belle littérature que voici, le bel art n’est-ce pas de se nourrir fauve ou hyène que de l’autre ruant ou dépouille. 

 Je suis de là, oui, de là, lorsque l’écriture me saisit ou me cabre ce qui me prend le voilà la griffe longue brusque se recourbant sur la proie et la faisant pourrir comme le rubis à l’ongle, ah mes pierres précieuses sanglantes vous tous.

 Je ne dirai rien du monde. Je dirai tout du monde. Je suis le monde. 

 Et qui croit encore à ces feux littéraires ahaha, cette violence gratuite qui n’a jamais mis le feu qu’à deux ou trois êtres épouvantés et convulsifs ? Je suis passé de mode, je mords les mors retenant la course par crainte un peu du ridicule, voilà que la solitude s’avance quand la haine gronde. La solitude de celui qui ne sait bien que détruire parce qu’au monde ce qu’il préfère depuis toujours c’est bien ce carnage et non le fumier patiemment remué pour élever dans le jardinet les fleurs à foutre dans les cheveux.

Voilà ce qui monte si je laisse monter. Et ça ce n’est plus de la littérature pour personne et moi j’ai combattu avec haine le lyrisme cette expression du soi indigne et privilégié pourtant moi j’en suis encore là. Autrement. Mais pour qui se prend-il le feu qui se moque du feu au prétexte que ce n’est pas son feu ?

 Spectateurs falots voilà tout ce qu’au mieux je concède, de vous tenir vous de l’autre côté mais à portée de crachats ou de baisers s’il vous plait et qu’importe que votre coeur vous mène aux hourras ou aux huées parce que j’haïrai toujours le plus le mieux. 

 Moi moi moi moi

 Si j’écris, si je me laisse aller à ce narcissisme furieux de l’écriture, à ces claquements de porte, à ces éboulis lyriques, à ces tremblements de terre brutaux, la haine me revient comme si la haine constituait mon principe fondateur depuis je ne sais quel héritage transmis avec rigueur par actes irréfragables depuis cent milliards d’années depuis la haine fondatrice le big bang qui dilatait l’univers et me parvient amaigri par générations et générations dispendieuses qui me laissèrent toutefois ces mots hérissés de piques vénéneuses.


Ah vous dites que le rare est précieux, qu’il faudrait se tenir au mutisme et la rose vaudrait-elle moins que le rosier ?

 lorsque je parle de moi souvent je me parle au passé comme si, devenant plus doux, je trahissais un héritage millénaire et fragile, une identité rare et corrompue de toute part qu’il faudrait défendre comme une langue prête à disparaître et moi le dernier locuteur honteux je la tais. J’en trahis l’histoire, la douleur, je trahis mille moi-même et j’ai mal. 

 je dis « si tu m’avais connu avant alors… » je le dis dans un sens dédoublé qui dit 

« tu as de la chance » qui dit aussi « tu as raté quelque chose ». 

 Le monde au-delà en deça à côté ou qu’en sais-je, de la morale, le temps de la brutalité qui était aussi le temps de la pire angoisse
une sale époque où la maladie étendait tentaculaire son empire sur moi et entre deux suffocations je crachais le feu du dragon cracheur de feu

suis-je mieux en moi-même ou pire je ne sais ça dépend quel soleil en moi je veux traquer celui pâle de l’automne ou celui des fins des temps ah oui il me manque il me manque ce soleil carnassier lutteur complice 

 reviens-moi
reviens-moi
je donnerai tout
pour retrouver la sauvagerie
pour retrouver
la robe de mariée
déchiquetée
par les loups
la tiare trempée
dans le coeur
épouvantable
de l’enfant meurtrier
des blêmes paturages
du Cantal

 

 

je voudrais à la seconde être projeté dans cinq milliards d’années quand le soleil explosera et que dix mille millions de Tchernobyl raseront la terre

 

le temps du saccage qu’en reste-t-il
une nostalgie parfois une croute un regret ces quelques lignes pondues à la hâte 

je voudrais parfois retrouver ce courage d’avant la droiture mes possibilités criminelles ma cruauté mes faillites mes vertiges je voudrais retrouver parfois le monde du tout est possible et la haine habite mes mots la haine qui vacille dans mes yeux encore parfois certaines nuits comme une flamme toute noire et ronde qu’on appellerait pupille

 pourtant mes mains ne sont plus de feu le courage m’a quitté je ne contredis plus la haine assignée à domicile, enchaînée au fond d’un sous-sol

je me demande parfois si un jour elle se relèvera ailleurs que dans cette écriture fortuite qui m’échappe
comme si la haine suante au fond de son abîme

projetait son haleine dans mes mains moites

 

ah comme je voudrais haïr. 

 

 

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27 mai 2022

Hépars

Hépârs

Toi, à quoi bon toi dire toi dire je haha te mener jusque là voilà que tu recommences la vieille affaire, la sale affaire, toujours la même, tu recommenceras toujours en empruntant ce chemin, incapable de retenir la moindre leçon, celle de cours élémentaire…toi dire toi tandis que…regarde un peu les lambeaux…écrire pourtant comme si le mot change quoi que ce soit comme si la phrase éreintée détournera un peu du néant

Ecrire…un sale métier de traitre de tricheur de menteur de tous les vices en même temps avec la fausse pureté du drame acquis ahaha et on ne se salit même plus les mains à l’encre pas séchée les mots tous ceux de la pire canaille, ceux du journaliste le plus pitre les mêmes tu changes la police et le mot haha haha s’il fallait en dire plus…la police. 

Malgré le temps qui passe toujours tu ne vois qu’un seul sentier, une seule route, sa nature, je peux pas dire, boueux ou de pierres belles, si la margelle de marbre luit ou si les marais grelottants de moustiques y vibrent, un seul sentier, la vue au bout vaut-elle la peine ou tout le long du trajet le défilé observé des usines d’assainissement, le traitement des eaux usées et des âmes dans un état le même. 

Forcément, ce doit être de par là, toi le résultat du processus purificateur toi l’enfant d’un filtre HEPA™ ne parvenant pas pendant ce trillion d’années d’évolution à filtrer de toi la lie ta crasse ton humeur 

voilà suis cette direction, la même approche je te dis, la démence, ta patrie véritable, où tu retournes et pourquoi tu te retournes toujours malgré toutes les dénégations, la main mise sur le coeur ou le doigt devant la bouche les transes magiques autour d’un feu bohème toujours tu reviens à ta première flamme comme le phalène mal mué que tu es au fond.

ton monstre dans le bas ventre pas dans le bas ventre plus haut beaucoup plus haut gros comme un oiseau de proie le descendant des lézards d’avant la bipédie, tenace l’envie de tenir entre les serres rapaces qui a le malheur de passer par là ah oui la proie des proies les peaux écorchés un grand panneau le trophée des épidermes défaits haha tes ours tes cerfs avant c’étaient les larmes des filles tu t’en souviens tes larmes à toi coupaient coupaient comme le verre d’un vase fendu quel monstre se tenait là avant avant loin loin en arrière au temps toi aussi de ton ancêtre reptile affamé 66 millions d’années avant l’extinction du dernier spécimen croyait-on alors quoi 

quoi 
toi ce serait
hanté oui voilà par celui là prisonnier éternel
de son oeuf non éclos
ta peau
ta folie
ta démence
toi tu 
coquille pleine du dinosaure mitoyen
sa mâchoire
violente
toi

la matière flasque pourtant à quoi bon reprendre le vieux cri avorté cette plainte ce gémissement cri d’amour comme dit déchiquetant l’adversaire renversé le tyrannosaure matière flasque puis poussière tu évites tu te le devais c’est le moins qu’on puisse dire la flétrissure du long processus pourrissant parvenant immédiatement d’un bond sans dissertation à l’état de cendres tu t’épargnes l’acharnement thérapeutique tu t’épargnes la corrpution

couche-toi surtout ne te relève plus, couche-toi attends patiemment ton tour il viendra bien assez tôt à quel jeu tu ne sais pas personne ne sait avant le premier jet le premier coup de sifflet la balle perdue logée dans j’ignore quel barillet exquis couche-toi ne te relève pas pendant des siècles et toi recroquevillé à ton tour dans 66 soixante-six millions d’années à ton tour tu hanteras la bête descendue de ton intestin déroulé couche-toi la relève arrive

 

Sois la sixième extinction de masse
La septième
sois le règne 
anthropocène
dévore dix fois
les Saints
ton dû 
fends le vin 
Consacré

29 avril 2022

Pour rire - Imitation

Tu lisais Emily Dickinson

assise seule patiente

les épaules nues malgré le froid

tu te tenais là immobile

Printemps précoce

près de toi le vent tiédissait

Moi j’haletais contre l’hiver

luttant sans t’apercevoir d’abord

Puis ce fut tu le sais

l’accident le souffle

broyé les mots souples

et maladroits

La première violence 

 

Tu as parlé la première en me voyant

souffler

Tu as parlé tout mon corps

te répondait

mes muscles ma peau mes dents

ma peur 

Tout mon corps répondait

immobile

Tu m’as demandé mon nom

je l’ai bégayé sans demander le tien

On réfléchit mal quand sous soi

le sol se dérobe

 

la lumière

nageait dans tes cheveux

le soleil gloussait en roulant

sur ta peau

 

Kettly

Tu te tiens 

dans ces mots

tracés à la hâte

tu penches vers le silence

Tu te tiens légère comme le vent

Au bord d’un baiser au milieu du vide

jusqu’aux points lumineux

dans le ciel

 

Maintenant je marche seule dans nos souvenirs

qui dansent jupon flottant

au milieu du vide jusqu’aux étoiles

sans nom

 

Dans ce sable l’écume

calmement en couvre les traces

Tu n’existes plus depuis ces mots

Mon premier hiver
Le plus long des hivers

Je parle de tes mots à toi

Je parle du parfum d’Arabie renversé

Sur les draps

 

 

Tu es entrée dans ma peau

par toutes les ouvertures

Tu as dilaté mes pupilles

tordues mes mains 

tu t’es infiltrée dans les lignes du devenir

dans le claquement de mes dents les lèvres 

gercées tu t’inscrivais partout

 

II.

 

Maintenant, je dois me souvenir

Pour nous deux toi

ta mémoire comme tu disais

flanche facilement

Si j’avais pu emprisonner

ton souffle dans de petites

fioles transparentes conserver

tes baisers dans un coin éperdu

de mon corps si j’avais pu

toi tout simplement te retenir
Kettly, ton prénom vagabonde

On ne te retient pas plus

que la rive retient les hautes-marées

Kettly, l’incendie c’est de toi que je parle

parlerai longtemps de toi que je parle

encore là dans l’écho doux de ces mots

là où tu es où ton ombre où la lumière

te suivent tu sentiras parfois le vent tiède

des mots projetés des mots d’amour pour toujours

 

III.

Tu te souviens Les Landes
Tu venais des Landes et tu n'en parlais pas
Il a fallu que je te demande d'y aller
Un jour tu m'as dit "on part demain"
Terrifiée, tu m'as prise par la main
J'ai jeté sur le téléphone des parents
Un mot "ne vous inquiétez pas".
Alors, Les Landes, les forêts immenses
le bruit mouvant de la scie électrique
assourdissante j'entendais la scie
électrique scier à l'intérieur de mon amour
chaque os chaque cartilage je rompais
d'amour
J'admirais ces arbres identiques et alors
Tu éclatas de rire Kettly tu me dis
la forêt truquée cette forêt une forêt
presque pour rire pour le papier
pour la menuiserie une forêt
avide conçue pour la hache la sciure
les oiseaux n'y dorment le colibri 
ne vient pas y voleter depuis l'Amérique

Tu m'as jeté contre le tapis de pin
les aiguilles piquent des millions
de petites blessures comme des étoiles
amoureuses
Je caresse aujourd'hui les sapins
je ramasse les aiguilles souples et dures
et j'enfonce dans ma peau leur pointe aigue
pour mle souvenir

11 avril 2022

Medusa

J’ai vu ces êtres devenus microscopiques qui me paraissaient, le furent peut-être, immenses. La vie parvenue, pourquoi je l’ignore, à l’étroit détroit encombré du néant. Ces images m’ont marqué, cette fille qu’on disait sublime et dont je voyais le visage défait, les mâchoires serrées, combien d’échecs dans ces pupilles dilatées, de larmes contenues dans ce visage tendu, d’inaveux ? Elle disait j’en suis à ma quatrième montée, tentait de prendre dans ses bras les invités et tout, impalpable, tout devenu fumée et fantôme, échappait.

Le monde semblait inatteignable vidé de substance. Le corps, c’était le corps qui manquait, la matière, le dur, les occiputs et notre tangibilité.
Alors…J’ai eu nostalgie de ma propre vie. Alors…j’ai écrit à Léah à qui je n’avais pas écrit, m’indique messenger, depuis le 01/09/2018 21:35. Des années. Elle me répond Je pense souvent à cette époque, avec nostalgie  - ce qui est rare en ce qui me concerne mais c'était un temps un peu béni, pour moi initiatique, de passage dans une zone sans loi. On était quand même fort d'être ensemble et invulnérables.
Ce temps réel et sublime ce temps d’où je peux dire, ma jeunesse mes vingt ans (25) sans rougir ni pâlir trop certainement. Oh, le ridicule, bien entendu nous empourpra et nos longues fourrures d’antan, la joie du vacarme, du scandale et des déshabillés, oui, peut-être, peut-être et alors ? Pour de vrai nous hachèrent menu et tranchèrent grossièrement, pour de vrai la jubilation à nous plier en mille d’orgasmes et d’extases rares, précieuses. Tout ce qui brille n’est pas d’or m’écrit M. et je lui réponds oui peut-être mais le brillant seul est précieux. Le monde nous appartenait comme vous, la plupart, l’ignorez. Ce qu’on a touché, qui s’est échappé dans un grand rire et nous étions nous les rieurs et les rieuses. Le flambeau allumé sur la plage, la nuit, de Normandie les robes blanches des filles, l’odeur du sel et le froid malgré l’été. Le contact de la nuit devenue matière, complice, se confondait avec la mer, avec nous-mêmes. 
Nous portions ambition de carnage à quelle dignité, une minute ou deux heures, nous sûmes nous élever. Ce soir là, grimpant, jusqu’à son sommet, la basilique Saint-Denis en travaux. Je me souviens, défoncé à l’ecsta, avoir vu dans le ciel une colombe fendre, éclair blanc et rebelle, la nuit. Une colombe blanche, détachée d’un muret.
Et quoi ? La jeunesse paresseuse ? Et quoi, son destin, voilà, c’est de décevoir et sa gloire de se trahir elle-même. Nous en accomplîmes le terme. Il faut bien l’entendre, le difficile, vient après, s’en défaire et dire, voilà.  

J’ai cru renouer avec ces gestes d’antan, au milieu de ces personnes très belles et assez riches et un peu artiste-parisien. J’ai cru que ce n’était passé, ce temps de la force, des beaux yeux écartelés, que par accident et que d’autres en surent garder intact l’éclat douloureux. Je venais reprendre, naturellement, ma place. Sur la table un carton à mon nom, l’air du fils prodigue…haha, la farce, il faut le dire, quelle farce, à se tordre de douleur.
Je pense à ce film la Grande Belezza on ne peut guère atteindre que ceci au mieux, ccomme c’est triste à mourir, mon dieu. Vide, inutile, sans courage qui criera au-secours ? 
Là-bas, je ne jouis pas, je suis comme à dix millions d’années lumière de ma vie et, c’est aussi ce que j’aime la nuit et le carnage, me voilà de nulle part. Le jour m’horrifie toujours autant. Je cherche une pénombre, cette vie à mi-pente, j’ignore où la trouver. Alors d’où suis-je moi désormais ? Quelle douleur d’apatride moi me traverse et comme, oui je le sais, en ces temps chargés d’apatrides réels, on dira, ah les peines des poètes quelle indécence or, ce sont celles que j’éprouve, ces peines là et cette nuit vide pour moi qui ne me sent bien que dans l’obscurité. Tout me fait horreur, personne ne comprend que TOUT ME FAIT HORREUR et que j’ai cru trouver dans la nuit, et je l’ai trouvé même, le réconfort complice et ouaté, ce monde tiède et âpre tout comme moi. Aujourd’hui, trop souvent, je me mets à dire tu ne comprends pas tu ne peux pas comprendre et cette phrase moisit le langage, j’écris, j’écris pour ne pas dire tu ne comprends pas j’écris pour me foutre des malentendus, pour me toucher moi-même et moi seul me savoir dans le dédale étrange et fouillé, de mon absence de remords et de remèdes. 

Ces gens mon dieu, ô ils trahirent la nuit, ma nuit précieuse en la faisant, la nuit de vacarme, cette chose délabrée, humide et moite. Un cellier d’où s’élève l’odeur métallique des boîtes de conserve, de la poussière, du délaissement.

Ah, j’espérais, j’espérais voir dans ces peaux mobiles et souples, ma jeunesse. Je le sais, elles connurent aussi mon genre de splendeur et avec quelle intensité, beaux belles et riches…Mieux préparés, nous dirons, à porter haut leur emblème hiératique. A quoi bon ? A la fin. De s’être montrés plus aptes les voilà aussi plus laids et menteurs, inaptes à la réforme de la langue, pas capables, elles et eux, de se renommer eux-même ni dire avec cette autre bouche, la beauté peut-être, ni guider leurs yeux sous l’éclat toujours valable ou mener par la main nos ombres sous de nouvelles ombres.  

Or, je suis seul sous les néons écrasés, sans escorte ah, j’étais le prince en ce temps là, des choses obscures d’assez de sordide pour, face au miroir, me dire ah quelle beauté salaud. 

Mon dieu, les tristes à crever j’en suis à ma quatrième montée et l’autre qui crie les paroles obscènes, les godes répandus, le mot dildo tintant comme la cloche d’une Eglise, et tout ça ne me fait rien. Rien que des mots, maintenant, plus aucun de ces mots n’étendra plus jamais l’horizon. De ça je leur en veux atrocement, je leur en veux de ne reproduire à l’infini que ce défilé du même, de l’identique, du passé et donc, de l’identique, faire en réalité, du moins, du pas assez, de l’usé. L’impardonnable félonie et je voudrais un châtiment à la hauteur du péché.
Ah, ça, je ne leur pardonne pas, de ne plus pouvoir, de leur scandale, accroître le possible. Qu’aucune horreur pure et lumineuse ne jaillisse des peaux.
J’apprends, aujourd’hui avec horreur, que C. au restaurant a sorti sa bite devant une fille et je voudrais qu’il meure. Parce que. C’est exactement l’inverse qu’il aurait fallu. 

Alors, je vais apprendre le grec, et vivre peut-être à Athènes, cette vie à mi-hauteur dira-ton ? Je me suis infiniment précieux et cette parole donnée à moi-même de ne jamais me trahir qu’importe le coût, le ridicule et le quolibet je dois la tenir, mon je quelque chose de décisif, du domaine de la survie, de trois jours sans boire, y réside et résiste, pierre immobile et tout autour n’est que torrent. 

Heureusement, je peux encore, mal, à peine, douloureusement écrire. Heureusement, il me reste par là, encore, de quoi faire sortir de moi goutte à goutte l’esclave qui y réside.

6 avril 2022

C'est au bus palladium que ça se passe

Le bus palladium va fermer, je m’y rendais moins souvent, c’est vrai qu’il fût un temps, pourtant le bus palladium va fermer, m’écrase malgré moi. Pigalle a changé, je peux dire ça, moi aussi, comme d’autres bien plus vieux Pigalle a changé. Je me suis senti Pigalle dérobé, vrai devant ces inconnus sortant, non plus du trop ivre, venu de trop près, de trop tôt, des horaires de bureaux. Le bus palladium va fermer je ne m’y amusais plus autant, le temps de l’innocence, des premières chutes inconscientes, des réveils difficiles a passé, je me suis éloigné, moi, ainsi qu’une belle Métive des alcools en quantité inouï et des réveils de 18h du matin. Le bus palladium va fermer, dix ans, onze ans en vérité, de ma vie, de belles années dramatiques autant, le bus palladium va fermer, port de mes nuits, Le bus palladium va fermer, je me croyais le plus fort quand le pas mal assuré j’entrais par l’entrée des habitués et le bus palladium va fermer. Titubé, je titubais, nez rougi le bus palladium va fermer par le froid sec, dix ans, ce sont dix ans de ma vie, des naufrages souvent, qui là-bas échoua par trop, les laissés pour compte, celles et ceux oubliés le bus palladium va fermer je pense à ces disparus le bus palladium va fermer le suicide de H., le cancer mortel d’Eric. Ma nuit le bus palladium va fermer ma première, mon interminable découverte de la nuit du tard du sombre les verres volés, la poudre envolée sur la table de l’étage par D. menaçant. Le bus palladium va fermer. La disparition engloutie de Y. dans la folie dure, méchante.
Je l’aimais moins, le bus palladium va fermer Pigalle a passé, colonisée Pigalle de ces des garçons aux chemises bleu couleur de cimetière et d’after work, les barbes identiques, les cheveux peignés, ces hommes du pareil au même, les filles, le même modèle rétréci d’une boutique Claudie Pierlot.

Nous trouverons d’autres marges, le bus palladium va fermer des plus extrêmes, forcément, d’autres où ne pas vieillir, où brûler convenablement, jusqu’à quel point et à quel prix ? Plus loin, repousser le bus palladium va fermer la nuit
le bus palladium va fermer 
et je repense avec effroi à cette soirée sans profondeur qui, je ne le savais pas alors, annonçait ces dix ans non-amers. Cette soirée dont je croyais avoir tout dit le bus palladium va fermer que je n’ai pas encore dite en entier. Cette soirée mon dieu d’achevés et d’inaveux cette soirée le bus palladium va fermer nous trouverons.
Nous taillerons à la serpe dans la nuit profonde, nous nous épargnerons ces lieux non-dits jusqu’à la malédiction, cette traitresse, le NoPi, érigée là comme une injure, une raillerie, un voilà ce que vous êtes devenus or, non, nous ne deviendrons pas canapé de cuir éclopé, toute grande propreté du NoPi, nous d’autres marges, d’autres non-vieillir, les sources claires et profanes des immortalités jouventes, du corps revenu de l’encan où nous ne trouvâmes pas notre compte, nous laisserons ardoise et découperons sous les murs de béton de l’angoissante ror.shar les absides incrédules. Le NoPi venu là, boîte de Pigalle, se moquant, disant voilà, tu as trente ans, ICI maintenant que le bus palladium va fermer tu vas t’épuiser, rire et te faire croire. D’autres marges, plus loin, plus loin, là, juste là. 
Le bus palladium va fermer non, je ne suis pas triste sans épouvante je reprends le cours de la vie de la fête, dix ans de force en vérité, de courage retrouvé, on ne se doute pas le bus palladium va fermer la force venue de la chose à mourir, le don miraculeux, dix ans le bus palladium va fermer mon dieu dix ans ma première nuit comment la tristesse alors ? le bus palladium va fermer la joie d’autres marges d’autres non-vieillir. Merci
Oh, cette soirée, délabrée, aux êtres victimes de leur force trépassée, celle du VIIème arrondissement, toute sertie seulement de l’horreur défaite des voix mornes aux éclats ternes l’horreur l’horreur le bus palladium va fermer voilà le vrai meurtre, le crime à quoi je survécus, le meurtre ne tuant que ce qui devait mourir le bus palladium va fermer plus jamais je ne verrai ces gens leurs figures de jadis, elles et eux je les vois butent et rebutent rebutant contre le muret. le bus palladium va fermer, cette soirée du VIIème m’a réveillé de partout, l’élan vital de la fête, déjà, de, bien plus loin que la fête, aussi, elle m’a rendu écrivain, à nouveau, cette soirée de désolation, de la terre en ruine, du monde en friche, des fins de l’incendie où continuent, elles et eux, corps calcinés, à miettes à miettes se faire cendres, moi ranimé par la cendre, la terre fertile couverte de ces morts. Me voilà devenu oui le bus palladium va fermer écrivain à nouveau pour ne pas déchoir dans ce puits infâme. 
Ecrire pour ne pas chuter pour ne pas moi dire tout en chutant j’en suis à ma quatrième montée comme cette fille le bus palladium va fermer qu’on disait sublime et que nous voyions hideuse, Médusa échouée, prise au piège de sa nuit devenu néant. La nuit gluante, je ne savais pas, la nuit qui ne te quitte pas, la nuit devenue visqueuse mouvante, qui les prit tous presque sauf G. qui j’ignore pourquoi garde à cause de ses yeux encore clairs et ses vingt-quatre ans, la vie que je sens en moi remonter, remonter, une cascade à l’envers de le bus palladium va fermer sentiments contraires; 

Moi, si je suis des abîmes et du tragique, je leur veux la couleur de mon sang éclatant, je veux de ces blessures portées depuis toujours, en riant, en pleurant, au désespoir, avec honneur élevés jusqu’à très haut. J’ai vu à cette soirée du VIIème le bus palladium va fermer qu’il a déjà fermé, depuis longtemps, pour eux, emmurés, ma nuit ne sera jamais leur cimetière. Ecrire et d’autres marges, ensemble, cette vie, ma vie, la fête, mes extrémités, écrire, écrire. Je suis redevenu écrivain terrifié de voir leurs le bus palladium va fermer ces vies achevées, là, une guillotine tombée, ce lieu de faux-semblant, la fin du monde j’en suis à ma quatrième montée voilà ce qui l’annonce. Je ne finirai pas.L

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3 avril 2022

Le cours de I. a chuté

Le cours de l’expérience a chuté, répète souvent, Romain, cette phrase devenue mienne, s’étire, souplesse de chatte, loin du sens originel que lui prêtait Benjamin tel que rapporté par Romain. Je l’applique, étirée, cette phrase, maintenant, à des individus à mes yeux déchus. Le cours des gens, aussi, peut chuter.

Le cours de I. a chuté, semblablement semble-t-il et, devant cette chute et ce cours divisé par mille, je me suis décidé à revivre. I., que je connus peu mais que je connais depuis longtemps, exerçait sur moi une certaine fascination, une vie qui la menait, me rapportait-elle ou me racontait-on, partout et toujours en les plus extraordinaires manières. Mariée - d’un mariage sans valeur - à vingt ans à un Russe orthodoxe, lui, mendiant au Vatican à vingt ans, devenu, à quarante, millionaire comme les Russes deviennent riches à millions. I. me semblait faite pour traverser le temps, toujours intacte. A., la veilla de longues nuits et de longues journées quand, apathique dans son lit, elle se voyait mourir puis, à sa guise, éconduisit A. Elle vivait, toujours, selon son bon plaisir, régissait le monde par décret. Attendant, A. patiemment, jalousement, dans je ne sais quel corridor, l’appel, bientôt, le sifflet, même, de sa maîtresse. A ce sifflet, A. surgit et avec A. d’autres qui s’espéraient eux aussi, les commandés.
Le cours de I. a chuté, contredisant, ma croyance qui, surtout, se voulait une espérance. La fatigue, l’âge bien entendu, le goût de l’argent surtout, usent les sortilèges, les paroles magiques, ah qui pouvait le croire, ça, que les philtres, eux aussi, s’éventent.

Elle dit j’aime l’argent. Et me dégoûte aussitôt d’elle, elle m’épouvante. Le cours de I. a chuté. Qui dit j’aime l’argent comme elle prononce ce j’aime l’argent renonce à, dans la vie, une région précieuse. Cette parole refuse, soudain, le risque et c’est là le drame, là ce que I., jamais n’aurait dû, sinon, se trahissant et donc, maintenant, oui, se trahissant, n’admet de risque que celui analogue au risque de l’actionnaire ou de l’investisseur. Le cours de I. a chuté, portefeuille sans valeur. Le cours de I. a chuté. 

I. gagne bien sa vie, elle n’exerce pas une profession ordinaire et, ce, justement, cette activité interlope consolidait, au départ, à mes yeux, ce que I. contenait d’immortel(le) il en fut à cause de ce que j’aime l’argent, autrement, il en fut de l’effondrement du cours de I. L’argent contrevient à l’aventure, de voir ce truisme, en elle, vérifié m’accable, l’argent mène qui en possède à ne voyager plus que sur les voies navigables et goudronnées, la ligne droite barre le chemin oblique. 
Le cours de I. a chuté et cette baisse, irrésistible, la guide bas, avilit, sous la toise, terrible, la mesure d’une déception, le poids d’une déception.
De I. je tire une leçon. Il m’arrive souvent, devant l’exemple désastreux d’autres êtres humains, de trouver mon entrain. L’effroi, bien plus que l’envie, m’anime, me guide, m’arrache à l’ornière où trop souvent moi je chute. Je m’inspire de ce qui me repousse et me rend odieux aux autres et à moi-même parfois à cette seule fin.
Peut-être parce que, justement, la proximité de ces vies délabrées m’expose mon sort pressenti, cette sorte d’abîme toujours me guettant dehors, toujours ouvert dedans.
Trop nettement, en eux, je me vois dessiné et de me voir, ainsi, dans ce marais promis, agite l’immobile moi pourtant déjà définitivement. Je me refuse, moi, à devenir ça, moi à me trahir à ce point, mon cours oui connaîtra des glaciations mais personne ne dira Le cours de J. a chuté parce que non, ce cours torrent toujours qu’il soit le cours de boue ou d’eau dégelée ; ne chute pas, mon cours, se brise et s’effondre plutôt, ne monte pas, mon cours, touche et transperce

Le cours de I. a chuté et si ce cours là même peut s’effondrer, si ce qu’on disait la grâce peut se voiler, cette peste tout peut atteindre et moi le déjà atteint, le ras des pâquerettes, alors à quel point moi le courbé suis-je menacé ? Me voilà, reflété, sous la lumière horrible, horizontalement jetée sur I., face à moi-même. Le cours de I. a chuté et me voilà me déplaçant, lutin, dans les brousses, les jungles de mots de paroles échangées. Me voilà vivant, tentant d’atteindre la vie en ses formes diverses les plus belles, les plus pathétiques, les excitantes, les très humiliantes. Je m’épuise à m’arracher de ma torpeur. Aux fêtes, rue de Rivoli, ou Boulevard Malesherbes, je me jette, avec le soutien de Valentin où tout le monde joue son rôle avec adresse. Maladroit et honteux, habile et cynique, je tente aussi de tenir ma part. Il faut bien que ça paie, alors je recommence, heurtant mes dents, mon ventre, à la peur, à l’échec, au ratage, tant pis, je me dis, je me force. Je lis, beaucoup, j’écris qui valent, écrire et lire, avec la même terreur, ces manigances mondaines, j’entretiens avec le langage des autres ou le mien, ce rapport festif et de dupe. Pour ne pas chuter.
Le cours de I. a chuté et de la voir si ridicule, si basse et même, mon dieu, de la mépriser, de la mépriser cette fois depuis l’intérieur de ce qui faisait sa gloire, l’emblème superbe qu’elle portait superbement. La rouille. 

Je prends, maladroit, quelque part, le relais, tel que je suis, avec ma poésie, mes dents plus du tout droites, mes jolis cheveux. Le cours de I. a chuté et ceci je l’énonce plus tragiquement que vous ne pouvez croire.

Que le cours de I. ait chuté, aura défaite, me force à faire, à agir, voir une mue, elle, comme accomplie à l’envers et à rebours, la peau tombée découvre la peau vieillie, un défilé interminable de peau élimée, elle portait jadis je crois des fourrures toutes aujourd’hui j’imagine, comme sa peau, rongée, effilée et plus personne n’a les moyens de raccommoder les étoffes défaites.

Le cours de I. a chuté, devant ce choc je me suis ressaisi, oui, moi, moi le bivouaqué, si longtemps maintenant, de tellement de hyènes, ressaisi je que le cours de I. à ce point là ait chuté, par effet de balancier, celui, à contrepoids, des jeux d’enfant dans les squares, me soulève. A moi d’employer l’élan. 

Son ancien amoureux disait d’elle on ne te pardonnera jamais ta liberté et voilà quoi sa liberté, cette dégringolade sans abîme pourtant, pas la dignité des enfers ou de la démence, la dégringolade au niveau du distributeur automatique, mon dieu, alors moi ressaisi sentant moi prisonnier, moi le marqué, le griffé, moi je ne veux pas que le cours de Jonathan Boudina chute lui aussi parce qu’il a chuté à bien des moments.

Avant, moi, inconscient, j’ébranlais le langage, je parlais le poème, on disait génie pour parler de moi et depuis, tant pis, pour le titre perdu, tant pis si mes aises à moi révèlent aujourd’hui l’angoisse, ma mue singulière, sous l’insolence la peur, oui, le labeur aussi, tant méprisé aux temps jadis, le langage était là, je n’avais qu’à me baisser pour ramasser les phrases, et je ne me baissais pas et je ne peux plus me baisser. J’augmente.

J’ai dit, 
la bête tapie 
non tarie 


Sûrement, son amoureux, disait juste et non tout ensemble, on ne te pardonnera jamais ta liberté, cette phrase, je dois le dire, je l’ai enviée, non comme quelque chose que l’on convoite jalousement, dont on voudrait déposséder l’autre pour l’obtenir et, même si l’obtenir s’avérait impossible, la lui soustraire, quand même. Cette liberté, légèreté au monde, gaspillée, le cours de I. a chuté, cette liberté mal exercée, et après tout n’est-ce pas, comme de la jeunesse, sa plus pure expression, que son mal-faire, à la liberté, se gâcher.

I., le cours de I. a chuté, elle évoque un voyage sur le Nil, les pyramides et quelques autres fadaises et le cours de I. a chuté, elle n’accomplira plus rien et moi qui croyais, douze ans en arrière, qu’elle pouvait, justement tout, me voilà comme doté du courage de l’affolé. Je peux parce qu’elle ne peut plus. Ses projets devenus vagues, j’aime trop l’argent, et ne se sent pas alors la possibilité d’interrompre vraiment ce qui l’enrichit. Le cours de I. s’effondre. Son ambition rétrécit, son goût, que tout le monde jugeait si juste, s’affadit. Elle devient commune. Le cours de I. a chuté, elle rentre dans le rang, par tous les côtés. I. devient des obéïssantes.  

Je l’ai croisée, mercredi dernier, devant le Bus Palladium, nous quittions le lieu avec Valentin, elle entrait. Elle m’a demandé, après, fâchée, tu me fais la gueule ou quoi ? J’ai répondu parce que je ne voulais pas répondre davantage, parce que je ne pouvais pas dire mon effroi, effroi bien davantage que déception, effroi d’un monde finissant qui, moralement, religieusement ne devait pouvoir finir. Nous l’avons vue avec Valentin et nous disions, tous les deux, d’un regard silencieux, le cours de I. a chuté. 

10 mars 2022

je

Que ma magie se situe dans mon enthousiasme sans recul, l’amour naïf de telle ou telle chose et c’est quand je fais semblant, affectant des postures ou tentant de me comporter convenablement que je cloche et me rend haïssable. Il me suffit d’être moi-même, de ne pas me truquer puisque ceci, mal j’y parviens, malgré l’apparence, la mienne, au jeu du bluff et des manipulations, toujours j’ai mauvaise main, geste trahissant alors le jeu perdant…dire, la magie, voilà, je en l’extension infinie sans façons ni manières, je, du maladroit je incapable d’autre chose que lui-même s’affirmer en son épouvantable majesté. 

 

Je

 

Oui, chaque fois que l’on m’aime c’est bien d’avoir été sans réserve, dispendieux de moi-même, sans chercher dans des ailleurs contrefaits, les bonnes poses, singulier tu l’es par trop pour te couler dans les formes de l’existant de l’avant toi je dissone si j’emprunte à d’autres voix leur timbre et comment me pardonner ce chanter faux comment ce serait pardonner au cristal honteux d’imiter le verre bon marché

libre enfant de bas-fonds titubant loin des blés prodigue et prodigue sème tant que tu sais semer vide des poches toi de toi-même essaime enroue irrite

toi-même tu croyais devoir imiter il te suffisait de vivre tu as pris le chemin difficile et pourtant inutile dupé par les vagues rumeurs testamentaires la vallée de larmes ces sales histoires de bonnes femmes ou de bons hommes comme ça s’écrit aujourd’hui 

 

pas plus qu’à te courber à te tenir droit tu n’étais promis à toi même ta forme étrange souple ou rigide l’entre deux ce que je dis souvent une vie à mi-pente

on croirait parfois toi une épure la flanelle t’habille un suaire vivant des épaules aux chevilles tombe te dessine tu avances la nuit t’annonce te devances quelques mètres toi

tu n’es pas le jour pourtant

le chemin pénible de l’apprentissage par coeur la leçon des autres leur façon de vivre ta mémoire te jouait des tours pourtant, dis ce qui te passe par la tête aristocrate de peu et du peu gai luron ta fatigue facile oscille celle d’un fils jouant masqué libre voilà tout dis dis dis vis vis vis recommence souvent tu n’aimes ni l’odeur des chaînes ni rien vraiment sauf faire à ta guise

Oui, ne fais pas semblant à quoi bon c’est toi-même le plus fort quand tu ne penses à rien que tu te jettes en avant sans craindre le ridicule ou souhaiter le prestige

oui ta patrie ce n’importe où que tu prolonges étendant la main 

24 février 2022

Ukraine

Je me surprends à actualiser Twitter, le live du journal le Monde et celui du New York Times, comme les lives des multiplex de football. La même excitation molle dans l’attente d’une nouvelle notification. Un but marqué, un aéroport pris. Le carton jaune, les hélicoptères détruits. La surface plane de l’écran aplatit les informations, m’accoutume à ressentir sans relief les différents messages. 

Dans le feed Twitter, de courtes vidéos montrent un système sol-air détruit dans un champ ukrainien, je vois la frappe du barcelonais Frenkie de Jong face au S.S.C Naples qui détruit la lucarne du gardien comme l’indique un commentaire.


Tout s’égalise, voilà donc, ce qu’on dirait le spectacle ce mode d’équivalence des images, le vrai comme mouvement du faux, même lorsque ces images cachent (puisqu’elles ne montrent pas) la réalité la plus insupportable selon nos récents critères occidentaux : la mort. Nous ne supportons pas, nous a-t-on soutenu, la mort, ce qui a expliqué, nous a-t-on encore dit, les mesures autoritaires, et acceptées, prises par tous les gouvernements. 

 

Je parle peu d’hyper-actualité, je n’aime pas le régime hyper-émotif et egocentrique qu’elle engendre - en toute bonne foi. 

Je n’aime pas, non plus, me produire moi comme au-dessus de la mêlée, moi qui serais, alors, de la dernière lucidité, c’est à dire du pire cynisme, ou de la plus extrême raison, c’est à dire de la plus apathique lâcheté. Ici, je m’étudie, être mon propre rat que j’éventre et étudie comme l’écrivait Dustand. Sujet de l’objet ; objet du sujet.

 

La mort, se montrait à nous, de façon quotidienne, par courbes comparant la surmortalité du printemps 2020 devenue rapidement surmortalité de l’année 2021. Sur différents sites, nous pouvions trouver un décompte quotidien, actualisable, des morts du COVID et des contaminations, ces morts en suspens, crût-on, pendant longtemps. Décompte quotidien ou hebdomadaire tenu à jour avec la même rigueur encore aujourd’hui, dans l’indifférence, suspendus que nous sommes désormais, exclusivement, à d’autres images, l’infographie et le calendrier de la levée des mesures sanitaires. 

La courbe de la mort neutralisée, elle aussi, devenue image sans relief.  

 

Voilà une longue file de camions russes présentés par certains journalistes comme des camions crématoriums. Ils viseraient à effacer les morts russes, à faire une guerre propre une guerre sans morts. J’ignore la valeur de ces images et j’ignore, tout autant, si elles devaient être vraies, ce qu’elles diraient de la guerre, de la psychologie russe, de l’intensité du conflit. Nous pourrions ergoter, des heures, sur le statut de l’image, la grammaire des signes et je crois que ces discussions ne valent guère mieux que les indignations qui me révulsent. 

 

Wendy, avait installé des gens devant une télévision projetant des images de la guerre syrienne qui durait alors depuis trois ans. Elle filmait, dans le halo bleu et clignotant, les visages bientôt impassibles des spectateurs. Les images, les mêmes depuis trois ans, et les mêmes encore sous la caméra de Wendy, ne faisaient plus aucun travail, neutralisées par la répétition, aplanies par la redite, la caméra de l’artiste n’agissait pas, ne réactivait pas une émotion même d’occasion.

Ce sont des images mortes, des vestiges devenus sans valeur, d’une émotion déjà toute donnée. Images lisses de la télévision, images rendues supportables, bien entendu. Images de guerre tout de même. Racontant, directement ou par suggestion, le meurtre, le viol, la mutilation la torture. Devant ces images, les visages studieux, beaux parfois dans le charivari de la télévision, demeurent sans réaction, les images glissent, liquides. Spectateurs des spectateurs nous regardons ces gens qui regardent, ces gens regardent pour nous et nous nous révoltons, devant cette image re(-)générée parce que re(-)médiée, de leur passivité, qui est notre passivité. Leur indifférence à eux est notre indifférence collective, la montrer, voilà une nouvelle image, elle aussi bientôt épuisable, hors de l’exposition vidéo. Le site Web de Wendy où était hébergée l’image a fermé. 

23 février 2022

Vanilla

La sexualité dite vanilla me procure, je crois, les orgasmes les plus adéquats. Si quelques miettes effractives, en provenance des extases plus littéraires, se glissent parfois dans un râle ; elles demeurèrent toujours rares ou poussières. 

 

Pour autant, rien ne m’effraie vraiment et, assez curieux de tout, je me suis laissé embarquer au cours de ma vie, dans de brèves étreintes, aux goûts de l’autre aimé ou, à tout le moins, désiré. M., plus âgée que moi, dans sa jolie chambre étudiante, cachait ce qu’on pourrait dire un arsenal sexuel qui, la première fois que je le vis, ne provoqua pas l’effroi en moi, jeune fille provocatrice, qu’elle supposait, mais plutôt une surprise. Une extension des possibles de ce qu’on peut faire. 

 

J’ignore à quel âge, pour quels motifs se construisent les fantasmes sexuels. Dans Frisk, Dennis Cooper raconte que son fantasme sexuel de tuer son partenaire vient de ce que, à 13 ans, le propriétaire d’un sex-shop, lui montra la photographie d’un adolescent, pas forcément à son goût d’ailleurs, attaché par les quatre membres et blessé d’une blessure mortelle au-dessus de l’anus. 

Après avoir vu la photo, Dennis, se jeta sur son vélo et pédala de toute sa force, sans parvenir jamais à fuir cette image. Cette image innerve son désir et, parce qu’il est écrivain, son écriture. Des années après, dix ou quinze ans, Dennis apprend, en rencontrant l’acteur de la photographie, que son désir, ce désir crucial, le premier cristallisé, reposait sur une illusion.

Le fantasme, indifférent à la vérité, ne se dissipe pas pour autant, ancré rien ne nous en délivrera. Comme, peut-être ici, parce que le fantasme a date, un double ou une forme du traumatisme. 

Dans ses livres, Dennis Cooper continue de vivre, à travers ses personnages brutaux, parfois jusqu’à la caricature, une sexualité qui ne s’accomplit totalement que dans le meurtre.

Chez Dennis Cooper les gestes, tous les gestes, se prolongent ou commencent dans la sexualité. Son univers poétique se compose de deux éléments centraux : une homosexualité générique, tous les personnages, sans qu’il ne soit besoin de l’annoncer, sont des hommes gays et tous ces personnages vont baiser et cette baise, jamais vanilla, tremblera de violence et atteindra, dans les apothéoses les meilleures, le meurtre. Chez Dennis Cooper, le sexe revient à tuer ou se faire tuer. 

 

M., et je trouvais le mécanisme fort habile, cachait sous son matelas, aux quatre points cardinaux des attaches. A l’inverse de son coffre magique, elle éprouvait une sorte de gêne à ce que je les découvris. Je me souviens, d’un scratch d’abord ressemblant à celui des attelles et de lui demander, tout à fait curieux, c’est quoi. Je crois que je ne me représentais pas la sexualité SM sous ce tour là, c’est à dire que je ne l’imaginais pas aussi…instrumentale. 

Les liens en question étaient très laids et ressemblaient, comme je l’ai dit, à des attelles souples. Je m’imaginais de loin, sans intérêt spécifique, à cause de Sade ou de la Vénus à la Fourrure, des accessoires plus lumineux ou douloureux, j’imaginais d’autres matières le cuir, du vinyle ou de l’acier. Ici, c’était juste…pratique, utilisable et performant.

J’ai, ce jour, renouvelant l’expérience souvent, attaché M. La première fois, bon élève, l’attachant par les quatre membres, elle semblait suspendue, lévitant quelques centimètres au-dessus du matelas, portée par le désir ou la surprise. J’ai essayé parfois, avec elle ou d’autres, de former des noeuds plus complexes avec des cordes plus audacieuses, sans parvenir à mieux qu’au noeud le plus basique.

 

Je ne déteste que peu de choses et mon désir, toujours, disons ma pulsion, je l’ai dit est simple, dépourvu, une vie nue. 

M’attachant, par goût de la réciproque et de la curiosité, j’ai pourtant détesté, me sentant plus broyé qu’entravé par cette horrible mécanique. De façon générale, je découvris, souvent, que dans la sexualité comme dans le reste de ma vie, toute contrainte m’est atroce. 

 

Si je ne sais de quel coin secret de la mémoire ou de la biologie vient le fantasme, j’ignore autant l’origine de ce qu’on pourrait dire, en mon cas en tout cas, son contraire. Cette absence, en matière de sexe, de toute image antérieurement fabriquée. Preciado imagine lui de grands vents intérieurs soufflant à l’intérieur de nous et que toutes ces bourrasques, soulevant des grandes quantités de sable, révéleraient des pyramides. Il faut l’admettre, pour moi, sous la plage, la plage

Je ne me questionne pas tant que ça, en cette chose comme dans le reste, les pourquoi me semblent des angoisses inutiles et je suis, en la matière, assez doté de tortures intérieures. 

 

Je me souviens de W. que je retrouvais à Bruxelles, dans une chambre d’hôtel, vers 23 heures. 

Elle portait de très hautes chaussures en cuir, sexy j’imagine, qu’elle gardait tout le long de ce qu’on faisait l’amour. Une marque anglaise, peut-être, avec des sortes de clous ou de pics au niveau du mollet.

Après m’être dit qu’elle devait en être gênée et que ce risquait de me faire mal

j’ai rapidement mis de côté cette interrogation - l’inutile pourquoi - pour me plonger plus précieusement dans l’adorante consolation. La sexualité ne réveille pas en moi une sorte de brutalité, elle fait entrer en collision quelque chose de l’ordre de l’immense tristesse avec un bonheur retenu dans un vide lointain que, en faisant l’amour, j’atteins ou je (me) réunis avant même d’atteindre l’autre. Et après ? 

Je me souviens de sa voix et son léger accent, 

ce sont des FMS, et moi, très gêné - je détestais être pris en défaut en ce temps là - de lui demander, après avoir feint de savoir en hochant la tête, c’est quoi ? Des Fuck Me Shoes. J’ai appris, tout le long de ma vie, ces choses ce langage que, si j’en crois la partition habituelle des genres et la distribution du désir, je devais moi enseigner. 

 Peut-être de ce temps-là tiens-je le goût des chambres d’hôtel luxueuse. L’odeur des sexes mouillés, le bonheur, les lotions hydratantes Hermès ou Lanvin comme on en trouve dans ce genre d’hôtel. Aussi de mes chaussures anglaises, mes préférées, des boots en faux serpents, au talent cubain, toutes cerclées de clous et de têtes de mort. Comme si mon plaisir retenu se convertissait, dans mon cas, ailleurs que dans le désir sexué. Se devait trouver une concrétion, devenir de l’observable, du touchable. Je touche l’impalpable.

 

 E., sur une plage du Nord de la France, me demande, je me souviens du bruit des vagues, de nos serviettes curieusement blanches, E. qui me demande dis-moi que je suis ta pute puis crache-moi dans la bouche. T’es ma pute. J’apprenais de nouveaux mots, des mots que je savais, bien sûr, et plutôt que je comprenais cette fois, dont l’association résonnait avec un peu plus de vérité. J’étendais mon langage, le champ du dicible dans l’amour, partout. 

 

Si, après elle, j’insultais d’autres filles en baisant ce ne fut jamais avant que d’être sûre qu’elles étaient d’accord comme si, malgré le souvenir heureux de cette nuit sur la plage, je n’étais toujours pas moi-même convaincu qu’il s’agissait vraiment de mon désir à moi. 

 

Ce dont je suis sûr, par contre, c’est que ces paroles ne déposèrent en moi aucun fantasme si nous appelons fantasme la sorte d’anticipation abstraite avant de baiser. Aucune chorégraphie jamais ne s’établissait d’avance, pour moi, en quelques images précises. Quand mon ami M. me décrivait très précisément, non ce qu’il avait fait et souhaitait reproduire, mais ce qu’il voulait faire avec telle ou telle, je me trouvais là, épaté devant mon total manque d’imagination moi qui, en tout le reste, surtout l’impossible, en suis doté plus que du reste. Je veux une baignoire, pas une baignoire où le robinet se trouve à l’une ou l’autre des extrémités, une baignoire où le robinet est au milieu pour éviter qu’il encombre le corps, sinon ou bien les pieds ou bien le dos cognent contre, ça fait mal, ça distrait. Ou bien Sur ce fauteuil là…Il voulait la lécher, si ici je ne reproduis pas - les faisant passer pour siennes - ses paroles c’est que, les trahissant, je leur donnerai un tour viriliste qui n’était pas son ton d’alors.

20 février 2022

Souviens-t-en Souviens toi.

Je n’érigeais pas, valeur suprême, la force auparavant, contrairement à ce que beaucoup croyaient. Les valeurs viriles, au sens strict et classique, jamais ne me plurent et, me répugnent aujourd’hui encore. 
A celle-ci, dans un geste inspiré de je ne sais quelle apocalypse ou d’une autre modernité, je préférais la destruction. Mon goût n’allait pas aux batailles rangées, aux stratégies de Saint-Cyr et aux belles légions déclinées centuries ou cohortes. A toute cette vertu guerrière, je préférais le feu aveugle, la destruction, comme principe radical d’égalité. Il me fallait tout tordre, tout réduire en miettes et je vous haïssais tous et toutes sans distinction
Peut-être je proclamais alors avec Léah, un goût mal compris pour la force, une faute de français c’était en ce temps là, quand ne me tordait que, exclusivement, fidèlement, la haine farouche, l’envie que tout brûle et rien ne brûlait, tout demeurait tout aussi intact, écorné à peine, comme si à ma violence ne pouvait répondre que le sourire indifférent d’un monde désormais trop établi. Je nous croyais de taille à l’affrontement et nous ne l’étions pas. L’âge, la douleur, la maladie ont fait le reste.
Nous répandions, sans succès, le pire et si quelques fois, de trop insuffisantes fois, je semai la discorde, nous manquions du talent nécessaire pour révéler des choses la cendre. Je passais, vent putride, aussi vite dissipé que levé.
Se proclamer volcan ou de quelque force primordiale hélas, ne nous en confère ni le pouvoir ni même pas les effets. Le songe, la prière n’y peuvent rien. La littérature, n’en parlons même pas. Dans mes mains alors je tins quelques vies que je tentai de faner des objets aussi à fêler et je n’aimais rien tant que défier le bien, cette vague histoire de morale, que j’appelais en ce temps là, d’avant l’éveil, la putain.

De ce goût d’avant, je ne regrette rien sauf de n’avoir pu mener, impuissant, ce projet de carnage à son terme. Lequel ? Je l’ignore. Je sens en moi cette vague sensation d’inadvenu, un rendez-vous manqué avec l’orgueil, la catastrophe ou le ridicule. 
En ce temps-là, avant de rencontrer - et croire surtout -  Marie-Anaïs, je ne croyais pas, pour de vrai du moins, à l’existence de la bonté. Disons que je l'avais ouï dire, une sorte de fable, de parabole pour les naïfs et les faire, eux, obéis. J’ai accepté de suspendre, loin, au fond d’un sombre musée, cette rage frustrée, et quelque fois je vais la regarder de près. De la bonté je doute encore et de la haine remisée tout autant. Certains jours, elle refait surface, je m’étonne de la trouver aussi intacte, toute pure et lisse. J’en ai perdu l’usage et la maîtrise, cette pratique instinctive de l’horreur où si simplement je pouvais commettre le pire. On dit, en Espagne, du Soleil d’hiver que c’est un soleil avec des griffes. Je cherche, parfois, en plein été, ces griffes. 

 

19 février 2022

Merde.

Merde je l’ai pas pris on me demande parfois, lorsque je m’exclame ainsi à propos de mon médicament, ce que je serais, à l’instant présent, si je devais l’oublier ce jour ou par trop souvent
serais-je de moi un autre que moi, rendu non plus à moi mais, en quelque sorte, à ma version brouillée, troublée, un moi spectral et dangereux ? 
m’imagine-t-on, si j’oubliais mon médicament, assailli de visions horribles, de pensées meurtrières, destinées à ma vie ou attentant à d’autres vies 
Je n’aime pas cette question et ce qu’elle contient de soupçon et peut-être un peu aussi de fascination. Pouvoir de voir des fols interrompu ou alenti au contact des médecins. 
Ce moment que je sens souvent d’effroi fasciné ou de dégoût peureux selon l’autre en face de moi qui, l’autre, dispose en vérité de tout le pouvoir de mon pouvoir ; par elle ou lui je suis fol ou fou. 
Demeure, quelque part, enfoui certes, et plus que jamais en ces siècles de raison libérale, les soupirs prophétiques des Oracles, la croyance que certains connaissent le voisinage d’images épileptiques, une vérité recelée peut-être. Celle du voyant auquel la crise d’angoisse sert de boule de cristal. 
que voit la voyante ? 
il faudrait dire les lèvres grises
dures
les baisers mortels
raconter
les yeux pastels
le sexe tiède dès l’aurore
dire
le matin au pelage doux comme le sommeil d’après l’amour
l’odeur, l’automne, les feuilles mouillées
de l’eau jusqu’aux mollets
la proie immobile tenue entre les serres
tendres définitivement du faucon voyageur
que voit le voyant ? 
tout ce que vous voyez.

 

11 février 2022

S.

Sur Facebook, la plupart de mes suggestions amicales concerne de jeunes filles diaphanes, plutôt jolies, toutes minces. J’ai, avec ces jeunes filles, chaque fois quelques (ou beaucoup) d’ami·es en commun, des hommes surtout, évidemment. Chaque fois, parmi ses suggérées, sémaphore inamovible, je trouve S. et si je me rends sur le profil de l’une d’elles, toujours inamovible sémaphore, je trouve un commentaire d’S., des réflexions d’S., des interventions d’S., rarement pertinentes, la lumière obtuse d’un sémaphore inutile. Se signalant, dans une sorte de au cas où sans que je puisse circonscrire avec assez de précision sa visée. Le connaissant assez, je sais qu’il n’ambitionne pas de coucher avec ces filles, le connaissant assez, aussi, je devine son intention plus…démiurgique, que la lumière du sémaphore suscite, comme une oeuvre d’art, l’admiration. Il aimerait se payer des pâmoisons de ces filles artistes, réifiées non cette fois comme objet sexuel, assouvissement du désir forcené des coucheries accumulées, plus davantage consacré, lui, S., comme écrivain total puisqu’accrocher l’admiration de jolies jeunes filles vaut tout comme les baiser. 

 

Ces filles, je le remarque aussi, mettent en scène, avec une maîtrise étrange, ce dédoublement de jolie et artiste. Me les voyant proposer par l’algorithme, aucun doute, telle écrit de la poésie et telle autre ambitionne une carrière théâtrale. Les signes disséminés ne désignent l’identité qu’indirectement, par fusion, synthèse et non par addition. 

 

La mise en scène de soi, dans n’importe quel espace social, relève de la plus grande des banalités, je ne peux m’empêcher d’admirer, seulement, celles ou ceux atteignant dans l’exercice certains degrés de perfection.

Nous savons, aussi, que d’autres poètes - et mes rencontres eussent-elles été différentes qu’il en aurait été de même pour moi - emploient leur titre afin d’impressionner ces jeunes filles et cette fois, à l’inverse d’S., les vider jusqu’à terme, jouant du grelot mal hypnotisant, se courbant, eux les poètes, devant la muse qui muse ne demeure qu’encore habillée. Une fois nue, elle retrouve à leurs yeux son statut de femme, c’est à dire d’inférieure. 

 Moi, je n’y comprends rien

 

 

 

 

 

 

9 février 2022

Naître à soi.

Mon identité de genre se vit, depuis toujours, sans trouble. Mon apparence jamais ne me dérange, moi c’est moi, je dirais si je devais me trouver un slogan vendeur, plus tard, pour un prospectus de survie moi c’est moi, et je ne me rêve jamais autrement sauf, et à peine, rarement, plus riche. Sans trouble, j’aime jouer, en même temps, à distance, trivialement, à me parer de lambris féminins, mes jeans serrés, le khôl qui prolonge le regard, les gestes légers…le manque d'imagination fait obstacle à davantage, je croyais jusque là.

Quelque chose, seulement, me manque, quelque chose du domaine de l’expérience, du travestissement et de la déformation, quelque chose ou quelque part du non visité, de quoi je ne suis pas instruit et dont j’aurais vu, dans une sorte de rêve prophétique, la forme engendrant, tout ensemble, siamois le désir et la frustration. Quelque chose où je sais que je me trouve, moi, sans m'atteindre.

Je cherche où m’acheter des tenues d’argent lamé qui collent à la peau et dessinent sur mon corps androgyne comme des points de contact avec le féminin, je parcours les corsets, tous de mauvaise qualité même les plus chers, en cuir, en soie ou une matière, au-secours, jolie.
Ces choses ne m’évoquent aucun fantasme d’ordre sexuel, aucun fétichisme ne s’attache à l’objet. Il n’est question que de moi, de mon trouble, mon écartèlement, mon voyage. Je rêve de faux ongles véritables qui semblent faits pour tuer autant que pour aimer et qui, maladroit tel que moi, ne tueront ni n’aimeront, et plus sûrement déchireront moi-même, s’enfonçant intimement. Les faux-cils me fascinent, je m’imagine les portant, dériver dans la rue, jetant des regards dévidant en riant d’un rire accompli. Les femmes parées des faux-cils me paraissent toujours de drôles d’étrangères, venues de mondes parallèles, comme un attribut de sorcière qui préservait, dans cette galaxie lointaine, du feu menaçant des bûchers dressés. Parvenues ici, elles conservent le talisman, voilà tout.

Je m’imagine, titubant, comme le battant d’une cloche invisible, au milieu d'un cercle où des regards secrets me regarderaient, où le mot back-room projetterait son flash éblouissant sur ma peau argentée, où je pourrai imaginer, de l’autre côté du mur, des milliards de regards tordus de désir, d’inquiétude, de honte. Je ne sens pas ces regards en écrivant, la page blanche ne me renvoie qu’à ma lèvre mordue de frustration, qu’à l’agitation insatisfaite de mes membres. Tout crie. Ca ne suffit pas. QUE TOUT BRULE. Il ne s’agit plus aujourd’hui que de donner la juste trajectoire à cette visée, déjà, je me trouve au-delà de la question, cherchant, seulement, de la réponse la dimension. 

J’ai visité des villes et des monuments, admiré les peintures sublimes des capitales étrangères, je me suis laissé torturé, vous n’imaginez pas combien elles me torturèrent, par les pierres effondrées de Rome, la douleur ressentie marchant dans la terre ocre des thermes de Caracalla, parcouru les plages blanches de l’Asie trafiquée des agences de voyage, les annonciatrices de la mort, j’ai trempé dans des mers si pâles où je vis jusqu’à mes os. Je ne parle pas de ces destinations touristiques, extérieures et, pour moi, pour moi qui voudrait l’écorchure, insuffisantes, ces formes me brûlent comme l’eau bénite la mal exorcisée. Blessé comme la faim blesse l’affamé.  

Je parle d’un coin obscur de moi-même, inexploré. Moi, pourtant, haha, le voyageur intempestif des cruautés adolescentes, le directeur des affaires louches, agitant mes mains, prolongés de mes ongles longs et coupants. Mes ongles, longs et coupants, d’une paresse sans vice. Faux fauve mal sauvage. 


Je sens, ces derniers jours, en moi un séisme sous-marin poussant à la surface, à hauteur de cris, de lèvres, de pleurs, ce monde englouti, caché, honteux. 


Ce glissement de terrain découvre sous sous la boue, la lumière d’un astre.

Les abîmes, je les connais, ne me parlez pas d’eux. L’abîme, pour moi, l’abîme en moi, revient à ce que trivialement, vous dites de l’horizon ; cette limite obsédante pourchassée en vain ; 
et moi je dis abîme
cet horizon 
vertical, 
vertical
il m’engloutit l’abîme 
sans limite 
ni cesse le
gouffre qui me 
prend. 


A ce coin barbare au-dedans de moi, à ce pays de Wisigoth où je feignais toujours de ne pas comprendre le langage, à ce coin barbare, sûrement, je dois quelque chose, un geste, une tentative, une fissure. Parce que ces patries ensanglantées, toutes, matérialisation de MOI MOI MOI.

Je dois naître, je le sens, de cet écart en moi-même d’où vînt la secousse ? Je ne peux dire. Les images banales de la publicité, la mise en scène d'une sorte de péché ? 
Associant, en quelque sorte, ces images une sorte de mal, d’exploration de soi-même au simple travestissement comme si franchir, par le vêtement et le maquillage, les limites du genre nous menait en des terres exquises, religieuses même, comme si cet acte là témoignait du vice le plus fondamentalement pur. Comme s'il s'agissait de morale. Non, ce n'est pas ça. Il ne s'agit que de vie. La mienne je crois.

Bien davantage, 
Frédéric et son travestissement, sa bouche collante, des mois et des mois après de sperme et de peur, ou alors, novembre, le drag-show du Sister Midnight peut-être où j’entendais le vacarme, lointain, d’un océan mouvant et plein de vagues, où j’entendais la voix des sirènes belles et dangereuses, appelant à l’aide celui qui criera à l’aide.

Bien sûr, ma campagne intérieure, je l’ai battue et rebattue, comme le vent plie les blés, 
je connais les sentiers rêvés de la littérature, ces promenades dans des villes fantômes où sur des cordes à linge sèchent des pages pourries et du poisson humide, je sais par coeur le frottement des amours minuscules et le je t’aime le plus pur, qui monte, depuis toujours, de cette chambre d’hôtel, place Robert Schuman, les visages poudrés, le reniflement exagéré, outrageusement vertueux, après avoir reniflé de la pacotille, oui, et la baise terrible venue des orages les mieux faits, le tremblement de l’air et le milliard d’étoiles pulvérisées debout contre le mur, la langue deux fois humide des poils enroulés. Je sais, les puissances recelées, jamais secrètes, de ces profondeurs à fond simple, simple comme la profondeur des océans pour l’océanographe.

 
Je parle d’autre chose, d’un ailleurs à moi propre, deviné, senti là. Un pardessus ou, diraient d’autres, un en-deça dont, par peur de la blessure la vraie, je me détournai, I don’t speak ****, la même excuse, pour fuir le vrai reflet, l’éternelle lâcheté face à ce qui menace ta quiétude, ton ordre, ah toi, qui toujours pourtant te disais de tous les risques, toi haha, tous les gouffres, toutes les falaises, tu disais ? te voilà bien pris au piège quand on t’accule pour de vrai, allez saute, je te dis, saute. 


Et je me dis, alors, ceci, ce loin de si loin si semblable au désastre. Je me dis de Ne pas m’y rendre tremblant, désolé ou dément. Je vois Frédéric, ce que ça lui fait lui de s’y jeter comme il se jette, inconscient, aveugle, ce ne sont pas ses vêtements, jetables de toutes les façons, couverts de foutre ni sa lèvre enflée d’herpès, qui m’effraient. Moi, bien davantage, m’effraient la sorte de peur, celle de l'après, qui le hante, la grande mutilation comme si cette liberté, la simple expérience de soi, se payait d’un coup de hachoir.

Dire, je, Tout simplement, d’un naître à soi.
8 février 2022

Berlin Centre

F., fréquente avec intensité les lieux intersticiels et marginaux, loin des imaginations de la plupart des gens, loin aussi des questions de classe et d’économie, son identité, ses identités éclatent et forment mille petites flèches vénéneuses.

F., doit reproduire un certain ordre social et les gestes associés qui performent cet ordre. Pour ceci, il lit la presse, travaille depuis cinq ans chez PWC, déjeune tous les week-ends à Neuilly-sur-Seine, chez ses parents. Dans une maison immense, comme j’ignorais même qu’il en pût exister de semblable. F. me dit 1500m2 lorsque je lui demande à l’instant la taille de cette maison. Je veux bien le croire. F., se conforme, prend sagement ses 5 semaines de congés payés, travaille tard en cas de closing, s’acquitte de toutes ses obligations filiales, il est l’obligé du contrat de travail, de la vie salariée, du code civil.

Voilà, pour ce que F. doit et ce qu’il doit le tord et le broie.
Ce qu’il doit l’empêche, et l’empêche tant que sa vie, son autre vie, je ne dirai pas sa vraie vie, simplement sa vie inusuelle, sa vie d’interstices, de back-rooms, se déroule dans un chaos dangereux qui parfois l’effraie et menace son existence physique.

F., me raconte que, souvent, lorsqu’il se dégage de son corset d’obligations, il se rend à Berlin. Là-bas, dans le même sex-shop, toujours le même, F. a des manies qui confinent aux TOC, F. achète une perruque, un rouge-à-lèvres très rouge, très pute, une mini-jupe en faux-cuir, très pute, aussi réutilisable qu’un préservatif usagé. Il veut se faire chose, F. dit, être utilisé·e.

F., une fois paré cherche, dans les rues de Berlin, autour des clubs douloureux ou joyeux, des hommes titubants. F. se fiche que la lumière ait quitté leurs yeux ou qu’y brille une lumière toute tordue et dangereuse. Je veux sucer des queues, n’importe quelles bites. 

F. cherche à sucer des bites. F. n’a pas besoin, pour exécuter son désir compulsif, de se défoncer la gueule, comme beaucoup, souvent, pour accomplir les fantasmes dangereux, doivent suspendre la part dressée de leur esprit.
F. se promène toujours avec une boîte à drogues, un curieux coffret en bois où, à la manière d’un expert-chimiste, il range les différents excitants qui lui plaisent 3MMC, MDMA, cocaïne, beuh…A Berlin, le chem sex lui plaît, évidemment. Il a commencé la 3MMC là-bas et à cette fin parce qu’un type, Jorg ou un autre prénom d’assassin, le lui imposait. A Berlin, F. ne vient pas pour ça, pas pour le chem sex, sa drogue ici, c’est le risque encouru, l’incertitude quand tu te tords de désir devant le premier homme, la première bite, les premières couilles.

Là, cette vie, sa vie, sa presque vraie vie, F l’expérimente dans un grand cri meurtri qui est aussi un grand cri de liberté. F. aime le goût du sperme qui, il ne le dit pas, je le devine, ne délivre tout son arôme que dans ces rues de Berlin centre, chaotiques et étrangement stériles. Elles sentent le cul, jamais la pisse. F. ne peut jouir de ce plaisir tout à fait que dans cet habit d’ombre brillante, que fardé comme une proie, il dit, F., ça comme une proie avec d’autres mots. Ses mots à lui. Les mots de celui qui lit la presse. De F. l’hypersensible qui lit la presse. F. qui dort la gorge tordue d’angoisse, rue de Rome, les jours où il dort seul, où son amante dit je veux de la solitude où il ne peut aller à Berlin. Je pense, alors, à ses poignets marqués par les coups légers du cutter, des coups qui ne sont pas faits pour tuer, cette façon, désormais, de soi-même, pratiquer l'inutile saignée.
F., lorsqu’il raconte ces épisodes les raconte avec une sorte d’effroi, moins impressionné a posteriori par son courage d’alors que par la nature même de son désir qu’il juge, soudain, abominable. Comme si avait reflué d’un coup, Neuilly-sur-SeinePWC le monde affreux, cette vie déposée en lui par effraction ce Neuilly-Sur-Seine colon, 1500m2 terrassant, cette maison bourgeoise et vertueuse crache à la figure de F et barre à F. l’accès serein à une partie de sa vie. Toujours ce sera la porte dérobée, l’escalier de service, l’échelle branlante, toujours ce sera soi-même son propre passager clandestin soi-même la douane. 

F. ne ressemble pas à ses trente ans, son visage imberbe, ses yeux très doux, un air de ressemblance terrible au Terence Stamp de Théorème. 
La fille avec laquelle, régulièrement, il couche, me disait que toujours, avant chaque geste même avant de prendre mes seins il demande s’il peut. Qu’au début, elle en était très troublée, qu’aujourd’hui, désormais, ces préventions la rassurent, comme si rien ne pouvait arriver d’autre que le plaisir. 


F., exemplifie parfaitement, trop bien, ce qu’on enfonce au fond de la gorge d’êtres pâles et vermeils, la honte. Une honte tenace, contradictoire et bouleversante. La honte de soi-même, d’être soi-même, de pouvoir, en toutes circonstances, dire fièrement, prétentieusement même, me voilà donc tel que je suis. F. exemplifie cette fracture, cette vie menée, non dédoublée, puisque ce serait beau, ça, soi-même exister deux-fois, une vie de surface une vie de profondeur, ce serait beau cette vie comme un rayon éclaté, là, il s’agit d’une vie fissurée, dont le centre, le JE, est une fêlure. Alors, comme F., parce que le désespoir, la nécessité intérieure, l’autre côté indompté de la fêlure, force son chemin, alors comme F. on se rue la tête contre les murs à risquer de se briser les os, d’attraper froid ou la mort. 

Le ravin se creuse de l’affreuse morale publique, l’envie forcenée, toujours, de vouloir lui complaire comme l’enfant martyr à ses parents bourreaux. F., ferme les yeux sur lui-même, le plus souvent, pour s’épargner sa vision, en pleine lumière, dans les lieux éblouissants il avance comme dans une nuit indéchiffrable. 

Alors il crie, au-secours à travers ses lèvres peintes de rouge et de sperme, dans une rue bruyante de Berlin, là où régnait jadis en maîtresse inflexible la Stasi. Désormais, la police secrète plus secrète que jamais, glissée muette dans sa propre ombre. 

Les êtres divisés ne peuvent le plus souvent jamais se rassembler et l’abîme s’ouvre pour atteindre un jour la taille exacte de la tombe. Une question de temps. 

 F., sûrement, finira tué, enfonçant un jour trop profondément la lame scarifiante. L’ultime saignée. On ne se sauve jamais du monde. 

5 février 2022

Lyrisme-Maniaqué

Evidemment tu étais fait pour le carnage et jouer l’enfant sage ah ça ne pouvait t’aller qu’un temps la maladie 

celle des autres le doigt levé parler sans interrompre ah ça décidément ce n’est vraiment pas de ta race

toi tu prolonges le carnage qui toi-même te prolonge tu

prends ta place parmi le murmure de la chaîne 

les dents qui claquent

les ongles rongés

anneau le plus doux de la chaîne la plus dure

Délaisse tes habits d’enfant de choeur sur le beau linge blanc répands toutes les larmes la bave épaisse des yeux 

Aucune blessure jamais ne te déchirera plus 

étroitement

que celle-ci

au printemps 2018

la montre gousset cassée d’un geste de rage

tu ne sais plus qui tu es le monde brutalement

se rétrécissait comme

une chambre capitonnée

une cellule

tu as cru devenir fou quand le monde

comme la bouche de l’agonisante

se pinça

te broya

 

alors aujourd’hui

raille gausse toi crache injurie ta façon de dire moi je

ressemble si parfaitement à la haine on te croirait sorti

d’un livre d’Histoire d’une bataille Sanglante

beau miroir au reflet terrifiant la page 217 du manuel Hachette

 

Je venais pour le massacre quoi que mes bras impuissants tendus ne massacrent à peine que moi-même

Peu importe

La violence qui monte

monte 

je me suis tu

or

taire n’est pas tarir. 

2 février 2022

Lisbonne

à nouveau je crie je pleure au secours au secours ma haine au secours 

l’horreur revenez moi affluez débordez que je sois votre première victime

mon premier bourreau revenez revenez vous mon horreur mon blasphème vous traîtres trahis revenez vrais amours ma haine vrais amours mon moi-même les seuls miroirs fidèles ô surfaces menteuses revenez je dis revenez

revenez moi perdu hagard revenez moi égaré dans l’herbe grasse dans le pré ou la paille molle moi me traînant satisfait repu d'un faux printemps et la bise ne coupait pas par la fenêtre on voyait dessinée dans la brume la mort alors revenez sauveurs mes sauveuses revenez mes miennes abysses oh revenez

je te dis

ouvre la fenêtre le vent cou

pera

rbera

le vent

le souffle

quoi l’haleine fétide

que ça empeste cette pièce

trop bien aérée trop

neuve trop claire

je n’en peux plus cette odeur de propre

la lessive et l’après-shampoing

je veux sentir à nouveau la rage me tordre

le cou

qui me dit laissant sa marque

sur ma peau

voilà

c’est bien toi

Jonathan

te voilà

marqué comme l’esclave

ou la bête d’un bouvier scélérat

un voleur de bétail

de première classe

te voilà la corde au cou

libre comme jamais repais toi

je te le dis repais toi du repas rapace

rapiné étendu giton 

dans le lit où le sperme parfumé

ressemble au magnolia séché

 

29 janvier 2022

Tues.

jolis insectes dignes des voltiges 

brusquement effacés

les ailes troublées par la flamme insensée

ah, enfant de la tragédie ou de la foudre péri du feu et des surfaces

ma vie pour rien jetée dans un enfer mon propre coeur l’abîme

dedans, je traquais dehors les monstres profonds je croyais

tous abîmes extérieurs ces

pédiluves, le coeur passé à la javel

dans ces lieux inabyssaux

l’abîme, je le porte

Madame catacombe, c’est moi c’est moi

ce coeur rompu moi la poitrine creusée

les yeux plein de larmes je ressemble à ces voyageurs anciens

sûrs de trouver au-delà des mers, dans les continents neufs et sanglants

des mines de sel ou d’argent

Moi une tache lentement que le ciel gomme

petit à petit 

tendrement autant

la pluie tombe

le ciel tombe

la mer tombe

je me vois marcher moi avancer moi dans la vague

la vague me heurtant moi l’écume 

moi le sel gerçant l’océan immense

de ce qui semble un instant la plainte

du lutteur vaincu sur le fil

qui ne se résignait pas pourtant à taper

trois fois le sol mou

en signe d’abandon

ce grand cri dernier 

le manque d’oxygène l’épaule démise

un cri mourant un cri vainqueur

 

alors j’aborde l’excès avec excès je me rêve funambule au rebord des volcans

où je croyais vivre toute ma vie où je ne peux que mourir

alors je cherche dans l’abus la force de moi disparaître me traîner 

à genoux sur le ventre dans le silence

cette obscurité 

l’obscurité

après l’obscurité

moi qui suis

le noir plus noir que le quelque chose

noir

l’obscurité court-circuitée

le noir lui-même écarquillé devenu plus noir

sans fantômes sans rien sans enfer

22 janvier 2022

Antique, le Paris Neuf.

Quitter Paris, 9ème arrondissement, constitue l'une de mes angoisses les pires. Il m'est arrivé souvent, moins depuis que le COVID a ratatiné la ville, de me pencher à ma grande fenêtre pour regarder ma petite rue et tenter d'absorber chaque petite goutte de cette rue. Le garage Renault en face de chez moi où j'entends parfois le pompiste disputer avec les automobilistes qui, ne comprenant pas comment payer, tentent parfois de se barrer sans l'avoir fait. Le tailleur turc, dont le fils vient de se marier, qui rapetisse les vestes trop larges, coud des ourlets aux pantalons trop longs, répare les déchirures qui courent le long des coutures. Le restaurant au numéro 23 aux pierres apparentes et à la cave voutée. Tous mes souvenirs, parmi les plus essentiels. Les retours de soirée du Bus Palladium, titubant le long des 350 mètres qui me séparent des lumières hallucinées, des rêves renversés. Les deux chambres de l'appartement, la respiration douce de l'amoureuse, la chaleur la plus humaine. 
Je redoute de quitter cet appartement qui souvent tombe en morceaux, le plan de travail rongé d'humidité, les murs vieillis avant l'heure des fuites multiples de voisins morts ou peu précautionneux
Je pense, avec détresse même, à ces nouvelles rues qu'un jour j'habiterai, loin, trop loin du 9ème arrondissement, je les imagine vides et tristes, grises même en pleine lumière. Ma lumière, c'est la place Gustave Toudouze, le café cher, bio et surtout dégueulasse du Père Tanguy. Tout me manquera, la librairie Vendredi où j'ai trouvé un peu de ma vie et où, comme un livre abîmé, en laisserai beaucoup la quittant.
Plus précieux que le 9ème arrondissement seulement, mon amoureuse qui guérira de ce deuil, caressant les boucles tombantes tristes de mes cheveux quand je penserai aux matins de Paris, l'hôtel quatre étoiles tout au bout de notre rue. La limite au-delà de quoi c'est la nuit du reste du monde.

17 décembre 2021

Désirer comme une femme

La première fois a ressemblé aux suivantes. Les suivantes à la première. Je ne sais à quel moment le fil des pareils-aux-mêmes, s’interrompit, à quel instant je pus au plaisir prendre ma part. Celle qui m’était due. Le désir je le savais, pas par coeur certes, on ne le sait jamais en entier, ni aujourd’hui ni plus tard, le désir je le sentais boule tiède dans le ventre, petit animal doux et ronronnant, sensible aux images, aux regards. Le désir parfois violent, carnassier prêt à tout rompre, le désir hurlant, à l’intérieur de moi semblable une foule en insatisfaite, affamée et avide de sang, de dents enfoncées dans une chair tendre comme du pain frais. Le désir solitaire me clouait insatisfaite, hors d’une totalité que je pressentais, qui, de justesse, m’échappait, me faisait étrangère. Je ne parvenais pas, piégée en haute mer, sans vent, sans courant.

 

Le désir fonctionnait parfaitement bien. C’était au niveau du plaisir que ça coinçait.
On aurait dit que la peau ne suivait pas le mouvement muet, que l’influx nerveux ne parvenait pas jusqu’aux profondeurs, comme si le désir s’engageait dans toutes mes impasses intimes, qu’aux embranchements décisifs un éboulis de pierre coupait la route en deux. Le plaisir ne venait pas. Orgasme enfoui trop profondément, dans des couches géologiques sans nom, minéral fragile, tremblant, invisible. 

 

Je demeurais insensible à la main follement désirée dont la matière, au contact de ma peau, changeait. Devenant métal dur, froid après avoir semblé argile mou, tiède.

Brusque, impatiente, douloureuse. 

 

Moi, je ne savais quoi faire de ce désir, ces impasses, ce courant électrique, alors je reprenais les paroles, les mêmes depuis le début, comme une comptine ânonnée de toute ma chaleur tourmentée. Je me disais qu’en répétant toujours la leçon quelque chose finirait bien par vibrer, une juste récompense me parvenir, alors je disais, je répétais, je m’exclamais puis je me suis tue sans croire au silence. Je me suis tue. Aphone. 

 

Je ne dirai pas que c’était désagréable, je dirai que ça rendait le temps long comme l’attente dans un train arrêté en pleine voie. On signale un problème électrique pour expliquer la paralysie momentanée. Je revenais à ce problème électrique, le signal ne se traduisait pas, aucune intervention intérieure ne semblait pouvoir ressouder les fils dénudés. Tous mes efforts semblaient vains.  

 

Je restais assoiffée, le corps impertinent, rageur ou vengeur. Pourtant, je jouais le jeu, j’écoutais les désirs des garçons puis, sans que rien ne s’en trouvât changé, des hommes. Toujours la paume d’argile devenait la pierre rude, insatisfaisante, puissante d’aucun feu. Les poils, les leurs, les miens, un buisson d’orties frôlé d’un peu trop près. 

Le désir intact. Le petit animal grandissait, atteignait une envergure mythologique.  Je me souviens :

Le garçon que j’aimais dormait d’un sommeil pur et je me tordais, agitée d’un désir qui me paraissait coupable. Dans l’immobilité son corps retrouvait lentement la couleur tendre du sable chaud, je sentais dans les creux de son dos comme de minuscules tanières, des abris microscopiques qui sentent bon la forêt, la mousse, le refuge et la cabane maladroite. Le désir montait, intact, comme une musique intérieure, une fanfare festive, assourdissante. Ca ne clochait pas ici. Puis s’écrasait, anéanti sur une plage vide, n’abandonnant aucune trace sur les galets ronds et polis. La marée montait, puissante, sans jamais dépasser la falaise immense de la côte. Le plaisir devait se trouver de l’autre côté du mur infranchissable. J’attendais le déluge. 

11 décembre 2021

KOTS

Tu ne vas pas reculant mêler
la sueur à la sueur le sang avec le
sang
au long dîner de ton toi épuisé
Comme chaque fois tu tiens
entre tes mains toute ta vie
cette mémoire de rien du tout
cette vie la tienne autant qu’au receleur
le bracelet dérobé
Tu ne vas pas reculer
Tu déposes, brume brûlante
ton espoir ta croyance
ton dieu supérieur et tes idoles
paniquées
tu alignes près du ring
toutes tes superstitions
le pendentif d’os cannibale
la tête minuscule d’un sorcier
vaudou terrassé par sa propre magie
le miroir dont on dit qu’il renferme l’image
immortelle
de Nicolas Flamel
le Saint-Suaire acheté
à l’ombre du grand temple
auprès d’une jeune juive aux cheveux
teints orangés tant dorés que tu les pris
pour la moisson et la mort
une croix toute tordue
d’un martyr égyptien qui refusa
d’embarquer avec les Dieux
Tu te signes tu ne recules pas
à la montée des eaux tu ne crains pas
le dégel du continent arctique
le tonnerre des neiges fondues
dévalant à vive allure prédateur
blanc insatiable
Toi, séisme le poing pied
la main elle passe tu la devines
la main passe lentement lente la main
qui passe t’effleure la main qui passe
t’effleurant cette main dure sévère
lente à mourir cette main comme
les cheveux roux d’une vieille juive
un jour à Jérusalem qui vendait aux
naïfs l’ombre la cendre du Christ
il fallait regarder les mains
de la vieille juive
rouges les mains rouges les cheveux
du sang du sauveur
la main touche
quel espace ouvert là
soudain
quel abîme
sépare en deux le doux le dur.
Tu entends au loin des voix inhumaines
comme le chant aphone des anges déchus
le froid soudain t’entre dans la peau semblable
à dix mille clous te perçant les membres
te voilà serrant les dents la main revient
tu distingues dessus l’ombre du sauveur
tu mords la main tu bois le sang de la main
tu entends de l’autre côté l’hurlement vivant
de celui qui tient sa main
la mâchoire mâche la main maintenant
dans une étrange mare de baisers et de brisures
ta main à toi se lève ta main à toi affamée
d’espace parcourt le vide à une vitesse inouïe
quand dans l’air accourent tu ne les comptes pas
d’autres mains sèches ailes dures polies par l’effort
par la mort
on te parle
comme si tu ne pouvais plus
entendre
comme si tu ne pouvais plus
sentir
tu demandes

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